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Une conception Historique de la Côte d’or

Posté par francesca7 le 21 avril 2016

 

Par sa position géographique, la richesse et l’étendue de son territoire, l’importance de ses villes, le département de la Côte-d’Or est celui dans lequel se caractérise le plus la physionomie historique de l’ancienne Bourgogne. Avant la conquête romaine et l’invasion des Burgondes, qui ont laissé leur nom à la province où ils s’installèrent, cette contrée, comprise dans la Gaule celtiques était habitée par les Lingons, tribu vaillante, fort ancienne, et qui se partageait avec les Séquanais et les Éduens toute la région orientale de la France actuelle.

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La religion, les mœurs des Lingons étaient celles des autres peuples de la Gaule ; ils croyaient à l’unité de Dieu et à l’immortalité de l’âme ; ils avaient une espèce de royauté élective et responsable, dont le pouvoir civil, judiciaire et militaire, était, en beaucoup de cas subordonné à l’autorité religieuse du grand prêtre, chef des druides. L’esprit belliqueux et entreprenant de ces populations les avait souvent entraînées dans de lointaines expéditions. Longtemps ils furent conquérants avant d’être conquis à leur tour. 590 ans avant l’ère chrétienne, Sigovèse avait établi des colonies dans la Bohème et la Bavière, et Bellovèse avait fondé plusieurs villes dans le nord et l’est de l’Italie. Brennus avait pris Rome. Deux autres chefs gaulois, Léonoius et Lutarius, avaient pénétré jusqu’à Delphes, en Asie, et y avaient constitué la tétrarchie des Galates. Les Linons avaient figuré dans toutes ces entreprises, et on leur attribuait spécialement la fondation des villes d’Imola et de Budrio.

Lorsque l’invasion des Helvètes les menaces d `Arioviste, chef des Suèves, et la rivalité entre les Êduens et les Arvernes eurent amené sur les bords de la Saône les Romains déjà maîtres de la Gaule Narbonnaise, les Lingons furent un des premiers peuples auxquels ils offrirent leur amitié. Le respect qu’ils professèrent dans les premiers temps pour les coutumes et l’indépendance de leurs nouveaux alliés établit entre les deux nations l’union la plus cordiale et la plus sympathique. Des volontaires lingons se joignirent aux Éduens, qui voulurent accompagner César dans sa descente en Grande-Bretagne. Dans la guerre même de l’indépendance, guerre dont Vercingétorix fut le héros et la victime, les Lingons restèrent fidèles à la foi promise, malgré l’exemple que leur donnaient les Éduens, ces vieux alliés de Rome, qui se repentaient, mais trop tard, d’avoir été les premiers à accepter le patronage de tels voisins.

GauloisLes Lingons s’attachèrent plus étroitement à la fortune du conquérant des Gaules, qui sut avec tant d’habileté recruter ses légions parmi ceux qu’il venait de vaincre. Ils combattirent pour lui à Pharsale ; et si les trésors de la Gaule, si Vercingétorix enchaîné, figurèrent dans le cortège du triomphateur, on vit aussi plus d’un Gaulois quitter ses braies pour revêtir la toge du sénateur. C’est par les séductions de la paix que César voulait achever l’oeuvre de ses victoires. Les provinces gauloises furent administrées sous son règne avec la plus grande douceur. On n’enleva aux populations ni leurs terres ni leurs droits municipaux. Les grands furent dédommagés, par des titres et par des honneurs nouveaux, des dignités qu’ils avaient perdues. L’agriculture fut exercée dans les mêmes conditions qu’en Italie ; la navigation était libre sur le Rhône, la Saône, la Loire, même sur l’Océan.

Aussi les luttes du second triumvirat n’eurent-elles aucun retentissement dans la Gaule épuisée et assoupie. Auguste continua la politique de César. il fit plusieurs voyages et de longs séjours dans la Gaule, défendit ses frontières contre les Germains, y appela de nombreuses colonies, embellit les villes, en fonda de nouvelles, couvrit le pays de larges et magnifiques routes, imposa, enfin, sa domination avec tant d’habileté qu’à sa mort les vaincus avaient adopté les mœurs, les habillements, la religion et les lois des vainqueurs. La tyrannie, les exactions de Tibère et de Néron suscitèrent les révoltes promptement comprimées de Sacrovir et de Vindex. Le vieux sang gaulois était appauvri et vicié ; pour le rajeunir, il fallait d’autres éléments que l’influence d’une civilisation corruptrice et le contact des races abâtardies de la Rome des Césars.

Le seul épisode qui mérite d’arrêter les regards dans cette longue période de servitude et d’abjection est l’audacieuse tentative de Sabinus et le dévouement héroïque d’Éponine, son épouse. L’incendie du Capitole, qui avait marqué la mort de Vitellius, était représenté par quelques vieux druides comme un présage de ruine pour la puissance romaine. Les Lingons prirent les armes et choisirent pour chef Sabinus, leur compatriote, qu’on prétendait issu de Jules César. Ceux de Trèves se joignirent à eux ; mais les Séquanais et les Autunois, dont Sabinus avait autrefois pris d’assaut la capitale, marchèrent contre les révoltés et les défirent. Les Lingons se réconcilièrent avec Domitien en lui envoyant un secours de 70 000 hommes contre les barbares qui menaçaient les frontières romaines.

C’est vers cette époque, au moment même où l’oeuvre de dissolution semble accomplie, que commencent à apparaître les premiers symptômes de régénération. On fait remonter à la fin du ne siècle les premières prédications de l’Évangile en Bourgogne. La tradition la plus probable et la plus répandue donne à cette province pour premiers apôtres les disciples de saint Polycarpe, évêque de Smyrne, qui, après avoir pénétré dans la Gaule par le Vivarais, et ayant trouvé l’Église de Lyon déjà florissante, grâce aux prédications de Pothin et d’Irénée, s’avancèrent jusqu’à Autun, et de là se partagèrent la gloire et les périls de la conversion du pays Autun eut pour martyr un des premiers néophytes, le jeune Symphorien. Andoche et Thyrse, ses maîtres dans la foi, périrent à Saulieu, et Bénigne, leur compagnon, à Dijon, vers 178, sous le règne de Marc Aurèle. Le sang des victimes fut une semence féconde de chrétiens, et lorsque, en 311, Constantin donna la paix à l’Église, chaque ville, après avoir eu son martyr, avait enfin son pasteur.

Pendant que ces germes de salut se développaient, pendant que cette force inconnue grandissait dans l’ombre, rien ne saurait donner une idée de l’horrible confusion au milieu de laquelle agonisait le vieil empire romain séditions des légions nommant chacune leur empereur, guerres civiles, déchirement des provinces, pestes, famines, exactions. Le vieux monde se précipitait dans le christianisme comme dans un, refuge ; mais ce monde était trop usé, trop fini, trop bien mort pour apporter à la foi nouvelle la force d’expansion nécessaire à la reconstitution d’une autre société ; c’est alors qu’arrivent les barbares.

Alains, Vandales, Suèves, Gépides franchissent le Rhin, descendent des Alpes, pénètrent jusqu’en Espagne, jusqu’en Afrique, sans que la Saône ou le Rhône les arrêtent, sans laisser d’autres traces de leur passage que des monceaux de ruines. Derrière eux s’avance lentement une lourde armée de géants ; c’étaient les Burgondes. Pline en fait la principale tribu des Vandales ; Procope et Zosime les disent également Germains d’origine et de nation vandale. Voici le tableau qu’en a tracé le savant et consciencieux historien de la Bourgogne, Courtépée :

FORET COTE D'OR« Ces peuples, nés au milieu des forêts, étaient ennemis de la contrainte ; la liberté faisait tout leur bonheur, la chasse leur occupation, les troupeaux et les esclaves leurs richesses. Sans patrie et sans demeure fixe, ils ne redoutaient que la servitude. Ils n’avaient aucun art agréable ; mais ils pratiquaient l’hospitalité et toutes les vertus des peuples sauvages. Ils n’avaient pour arme que la framée, espèce de lance ou de halle- barde, la fronde, l’épieu, la hache, qui servaient également pour attaquer, pour se défendre et pour bâtir leurs maisons. Ils marchaient toujours armés, usage qu’ils conservèrent après leur conquête.

« On dit qu’ils portaient la figure d’un chat sur leurs boucliers, emblème de la liberté qu’ils voulaient conserver partout. Ils avaient des chefs, mais ils n’avaient point de maîtres. Ces chefs, qui prenaient le titre de hendin, furent d’abord électifs. Leur autorité n’avait d’autre terme que celui du bonheur de la nation. Ils n’étaient pas seulement comptables de leurs fautes personnelles, ils l’étaient aussi des caprices de la fortune ou des fléaux de la nature. On les déposait lorsqu’ils avaient perdu une bataille ou mal réussi dans leurs entreprises, ou dans un temps de stérilité. Leurs prêtres étaient traités bien plus favorablement. Le pontife, nommé sinist, était perpétuel ; son pouvoir surpassait celui du hendin, et s’étendait au droit de punir les coupables : le respect des peuples le mettait lui-même à l’abri de toute révolution. »

Tel était le peuple qui devait conquérir une partie si importante de la Gaule. Des bords de la Vistule et de l’Oder il arriva, vers 275, sur les bords du Rhin, fit plusieurs tentatives infructueuses pour le franchir, et s’établit sur la rive droite, où il demeura jusqu’en 407. C’est pendant les dernières années de ce séjour que la religion du Christ pénétra chez les Burgondes ; ils avaient entendu parler d’un Dieu puissant dont le culte s’était nouvellement établi dans les Gaules. Ils envoyèrent des députés aux évêques voisins pour se faire instruire ; et ceux-ci, ayant été baptisés, rapportèrent la foi à leurs compatriotes.

Quoiqu’on ignore la date précise de leur conversion, elle est généralement attribuée aux prédications de saint Sévère, évêque de Trèves en 401. Quelques années après, Stilicon, général des armées romaines, Vandale d’origine, devenu tuteur d’Honorius, fit alliance avec les Alains, les Suèves, les Vandales, et les appela dans les Gaules pour l’aider à placer sur le trône impérial son propre fils Euchérius. Les Burgondes franchirent alors le Rhin à la suite des autres barbares ; ils se rendirent maîtres, presque sans obstacle, des pays situées entre le haut Rhin, le Rhône et là Saône Impuissant à leur résister, le patrice Constance, général d’Honorius, fit avec eux un traité solennel, qui leur assurait à titre d’hôtes et de confédérés la possession de presque tout le territoire dont ils s’étaient emparés.

Ils élurent alors un roi ; leur choix tomba sur Gondicaire, le même sans doute qui était hendin lors du passage du Rhin en 407, et qu’on peut regarder comme le fondateur de la première monarchie bourguignonne. Trois nations différentes vivaient donc alors sur le même sol – les Gaulois, les Romains et ces nouveaux conquérants, les Burgondes. C’est de la fusion de ces éléments divers que se forma la race régénérée.

Gondicaire justifia par sa conduite habile le choix de ses compatriotes. Sa capitale et sa résidence fut d’abord Genève, qui était alors au centre de ses États ; plus tard, ayant soumis toute la province lyonnaise, il transféra à Vienne, en Dauphiné, le siège de la monarchie, se rendit maître d’Autun et de toute la Séquanaise, porta ses armes jusque dans la Belgique et le pays de Metz, et ne fut arrêté dans ses conquêtes que par le patrice Aétius, qui, justement alarmé des envahissements de ses anciens alliés, leur déclara la guerre et les défit dans une sanglante bataille, en 435.

Vainqueurs et vaincus se réunirent bientôt contre un ennemi qui les menaçait tous ; les Huns se montraient de nouveau sur le Rhin ; Gondicaire avait été tué avec vingt mille des siens en s’opposant à leur passage ; Gondioc, son fils et son successeur, associa ses efforts à ceux d’Aétius pour combattre Attila, et partagea la gloire de la fameuse journée des plaines catalauniques. Fidèle aux traditions paternelles, il utilisa habilement les années de paix qui suivirent celte rude secousse.

C’est de ce règne que date la répartition territoriale et cette législation bourguignonne si profondément enracinée dans les moeurs du pays que, dans plusieurs de ses parties, elle a continué à régir la province jusqu’à la Révolution. de 1789. Gondioc se rit nommer patrice par les Romains, et obtint du souverain pontife le titre de fils. Il réunit à sa couronne le pays des Lingons, celui des Éduens, le Nivernais, le reste de la Lyonnaise et une partie de la Narbonnaise, de sorte que son empire avait au midi la Méditerranée pour limite. Il mourut à Vienne vers 470, laissant quatre fils qui se partagèrent ses vastes États.

BOURGOGNE COMTELa Bourgogne et la Comté échurent à Gondebaud, patrice et maître de la milice dès 473, arbitre des destinées à de l’empire qu’il fit donner à Glycérius, et, en 476, souverain indépendant lors de la ruine de la puissance romaine sous Augustule. Le bien qu’on pouvait attendre de la position ainsi simplifiée fut considérablement atténué par les dissensions qui éclatèrent entre Gondebaud et ses frères. Celui-ci, après avoir triomphé de toutes les agressions, ensanglante ses victoires par des violences que la barbarie du temps peut expliquer, mais que ne saurait justifier l’histoire.

Les représailles, au reste, ne se firent pas attendre. Clotilde, seconde fille de Chilpéric, un des frères de Gondebaud, qui avait eu en partage Genève, la Savoie et une partie de la Provence, après avoir échappé au’ massacre de sa famille vaincue et dépossédée, était devenue la femme de Clovis, chef des Francs. Cette princesse poursuivit avec une persévérance infatigable l’œuvre de vengeance qu’elle semblait s’être imposée, usant de toute l’influence qu’elle exerçait sur son époux pour l’armer contre son oncle, suscitant les scrupules du clergé de Bourgogne contre l’arianisme qu’avait embrassé Gondebaud, éveillant toutes les convoitises, envenimant toutes les haines contre celui dont elle s’était promis la perte. Gondebaud déjoua toutes les intrigues, repoussa toutes les attaques et lassa pour un temps cette implacable hostilité.

L’histoire de son règne peut se diviser en deux parties : la période belliqueuse, toute remplie des luttes dont nous venons d’énoncer l’origine et les résultats ; la période pacifique, consacrée à l’organisation administrative et judiciaire du royaume de Bourgogne. C’est dans cette dernière surtout qu’il faut chercher les titres de Gondebaud aux souvenirs de l’histoire ; il compléta, dans un esprit remarquable de justice et d’humanité, l’oeuvre commencée par son père ; il réunit ses ordonnances modifiées et les édits nombreux qu’il rendit lui-même dans une espèce de code devenu célèbre sous le nom de Loi Gombette. Ce règne, pendant lequel l’agriculture fut puissamment encouragée, les ruines des villes relevées, d’innombrables établissements ecclésiastiques fondés, marque l’apogée de la monarchie de Gondicaire.

Gondebaud mourut à Genève en 516 ; il eut encore deux successeurs, Sigismond et Gondemar ; mais l’inaction de l’un et la faiblesse de l’autre rendirent la tâche facile à la vengeance inassouvie de Clotilde et à l’ardeur conquérante des Francs. En 534, Clotaire et Childebert rassemblèrent leurs forces et envahirent la Bourgogne ; une seule bataille leur livra le pays. Gondemar alla s’enfermer dans Autun, où il tenta de résister aux fils de Clotilde ; mais ce dernier effort fut si peu vigoureux, si peu retentissant, qu’en enregistrant sa défaite, l’histoire reste muette sur les destinées du vaincu. En lui, s’éteignit la race de Gondicaire ; avec lui finit le royaume de Bourgogne, qui avait duré 120 ans.

Les princes francs se partagèrent les dépouilles de Gondemari Théodebert, roi de Metz, eut Besançon, Langres, Châlon, Genève et Viviers et Childebert, roi de Paris, et Clotaire, roi de Soissons, eurent le reste jusqu’au moment où ce dernier réunit sous son sceptre les États de ses frères. Un nouveau partage, qui eut lieu à sa mort en 562, constitua un second royaume de Bourgogne au bénéfice de son second fils, Gontran, possesseur en outre d’Orléans et du territoire de Sens.

Rien de plus lugubre à la fois et de plus confus que les annales de cette dynastie mérovingienne des rois de Bourgogne. La seule figure de Gontran repose le regard épouvanté de toutes les horreurs qui signalent la longue et sanglante rivalité de Frédégonde et de Brunehaut. Le peuple l’aimait, disent les chroniques du temps ; quand il approchait d’une ville, les habitants allaient au-devant de lui avec des bannières en criant : Noël ! Après sa mort,’ il fut mis au nombre des saints ; et, cependant, on rapporte que la dernière de ses trois femmes, la belle Austrégide, lui ayant demandé comme grâce en mourant de faire périr ses deux médecins, parce qu’ils n’avaient pas eu l’habileté de la guérir, il eut la faiblesse d’accomplir ce vœu barbare ; ajoutons que c’est le premier prince qui se soit fait entourer de gardes.

Childebert, sans changer son titre de roi d’Austrasie, hérita de la plus grande partie de la haute Bourgogne, qu’il conserva seulement trois ans et quelques mois. Thierry, son second fils, est le deuxième prince mérovingien qui soit désigné sous le nom de roi de Bourgogne et d’Orléans ; il se laisse diriger par Brunehaut, son aïeule ; l’histoire de son règne n’est qu’un tissu de trahisons, de massacres et d’atrocités de tout genre. Il meurt subitement à Metz d’un flux de sang, à l’âge de vingt-six ans, après en avoir régné dix-huit, et précédant. de quelques mois seulement dans le tombeau sa terrible aïeule, dont fait justice à son tour Clotaire II, fils de Frédégonde.

palais-La première apparition des maires du palais à la cour de Bourgogne se rattache au règne de Thierry ; et ce sont les intrigues de Varnachaire II, revêtu de cette dignité, qui livrent Brunehaut à Clotaire et facilitent à ce prince, par la défaite des fils de Thierry, la réunion de la Bourgogne à la France. Les deux royaumes sont régis par le même sceptre et suivent les mêmes destinées jusqu’à la fin du IXe siècle, époque de la constitution des grands établissements féodaux sous les successeurs de Charlemagne.

Charles le Chauve avait trouvé dans la fidélité de la noblesse bourguignonne un précieux appui contre les attaques de Louis le Germanique ; mais toutes les leçons de l’expérience étaient perdues pour ce prince incapable. Son fils, Louis le Bègue, ne comprit pas davantage la nécessité. de réunir en faisceau les forces éparses de la monarchie défaillante. Sous son règne, la confusion et l’anarchie augmentèrent encore, le morcellement du territoire ne rencontra plus d’obstacle. Trois nouveaux royaumes furent formés avec les débris de l’ancien royaume de Bourgogne : celui de Provence ou de Bourgogne cisjurane, par Boson, élu roi au concile de Mantaille, en 879 ; celui de Bourgogne transjurane, par Rodolphe, couronné à Saint-Maurice, en Valais, en 888 ; et celui d’Arles, composé des deux premiers, en 930. Quant à la Bourgogne proprement dite, elle resta sous le gouvernement des ducs héréditaires, dont nous avons ici principalement à nous occuper.

L’origine des premiers ducs de Bourgogne était illustre, et ce qui vaut mieux encore, nous retrouvons là, comme à la souche de presque toutes les grandes dynasties féodales, un de ces hommes auxquels il n’a manqué qu’un autre théâtre pour que l’histoire les mette au rang de ses héros. Richard le Justicier, comte d’Autun, était fils de Beuves, comte d’Ardenne, frère de Boson, roi de Provence, et sa soeur Richilde avait épousé Charles le Chauve en 870.

Sans vouloir nier ce que ces hautes alliances durent ajouter à son crédit, on peut dire qu’il fut surtout le fils de ses œuvres. Sincèrement et loyalement dévoué au roi son bienfaiteur, il le défendit contre les entreprises de sa propre famille. Il battit, en 880, les troupes de son frère Boson près de la Saône, mit garnison dans Mâcon au nom des rois Louis et Carloman, et donna le gouvernement de cette ville à Bernard, dit Plantevelue, tige des comtes héréditaires de Mâcon. Après s’être emparé de Lyon, il assiégea Vienne, dont il chassa Boson, et emmena prisonnière à Autun sa femme Hermangarde avec ses enfants, en 882. Il secourut Charles le Simple contre Eudes, comte de Paris, défit une première fois, en 888, dans les plaines de Saint-Florentin, les Normands, qui avaient pénétré dans la Bourgogne et dévasté Bèze ; remporta de nouvelles victoires sur eux, avec l’aide des, Auxerrois conduits par leur évêque Géran, gagna, contre le fameux chef Rollon, une bataille décisive auprès de Chartres, et fit lever le siège de cette ville en 911.

Étant à l’agonie, et les évêques l’exhortant à demander pardon à Dieu d’avoir versé tant de sang humain : Quand j’ai fait mourir un brigand, répondit-il, j’ai sauvé la vie aux honnêtes gens, la mort d’un seul ayant empêché ses complices de faire plus de mal. Il mourut à Auxerre en 921, laissant de sa femme Adélaïde soeur de Rodolphe Ier roi de la Bourgogne transjurane, trois fils : Raoul, son successeur, qui devint ensuite roi de France, Hugues le Noir et Boson.

Les ducs bénéficiaires de Bourgogne furent au nombre de sept, et régnèrent, de 880 à 1032, dans, l’ordre suivant : après Richard, Raoul le Noble, qui fut roi pendant la captivité de Charles le Simple à Péronne ; il eut pour successeur son beau-frère, Gilbert de Vergy, qui maria sa fille aînée à Othon, fils de Hugues le Grand ; Hugues le Noir, second fils de Richard, occupa pendant quelque temps le duché à la mort de Gilbert, plutôt comme usurpateur que comme héritier ; il en fut dépossédé par Louis d’Outre-mer au profit de Hugues le Blanc ou le Grand, cinquième duc.

On connaît la haute fortune de cette maison : pendant que Hugues Capet mettait la couronne de France sur sa tête, ses deux frères, Othon et Henri, possédaient successivement le duché de Bourgogne. La mort du septième et dernier duc Henri fut le signal de violentes contestations, de luttes sanglantes et d’une nouvelle répartition territoriale. Il avait laissé un fils adoptif, Othe-Guillaume, qui, soutenu par une partie des populations et les sympathies de la noblesse, prétendait à la succession de Henri ; le roi Robert, neveu paternel du duc, revendiquait de son côté l’héritage comme étant son plus proche parent ; la guerre éclata ; enfin, après treize ans d’une lutte indécise et ruineuse, l’intervention de l’évêque d’Auxerre amena un arrangement en vertu duquel le duché de Bourgogne était restitué à Robert, tandis que Othe conservait viagèrement le comté de Dijon.

Par une singulière coïncidence, à peu près à la même époque où le duché bénéficiaire prenait fin par sa réunion au domaine de la couronne, le second royaume de Bourgogne s’éteignait, après cent cinquante ans de durée, dans la personne d’Eudes, comte de Troyes, tué dans sa lutte contre Conrad II. Des débris de ce royaume furent formés les comtés de Provence, de Savoie, de Viennois, de Bourgogne ou Franche-Comté ; le reste fut réuni par Conrad à l’Empire. Ce comté de Bourgogne fut donné aux descendants de Othe en échange du comté de Dijon, et Lambert, évêque de Langres, ayant remis au roi Robert tous les droits qu’il possédait sur cette ville, ce prince en fit, au préjudice d’Autun, la capitale du duché qu’il donna à son fils Henri.

Le règne de Robert forme donc une des époques les plus importantes de l’histoire de Bourgogne : démembrement et fin du second royaume de Bourgogne ; formation d’un comté et transformation du duché bénéficiaire fondé par Richard le Justicier en un duché héréditaire qui va devenir l’apanage des princes du sang royal. Tels sont les faits essentiels qui se rapportent à cette date.

220px-Henry1Henri Ier, fils aîné de Robert, nommé duc de Bourgogne en 1015, et devenu roi de France en 1031, céda son duché à son frère Robert, tige d’une dynastie de douze ducs, qui possédèrent la province de 1032 à 1361. Les termes de la charte d’octroi portent que le duché est donné pour en jouir en pleine propriété et passer à ses héritiers. Robert Ier, premier duc de la première race royale, usa assez tyranniquement de sa souveraineté ; son règne fut tout rempli de violents démêlés avec les Auxerrois ; il mourut à FIeurey-sur-Ouche, en 1075, après un règne de quarante-trois. ans, d’un accident tragique et honteux que l’histoire n’explique pas.

Son petit-fils, Hugues Ier, s’appliqua, par la sagesse et la douceur de son administration, à faire oublier les violences de son aïeul ; il prêta volontairement serment de maintenir les droits et privilèges de la province, et commit à six barons l’autorité de réprimer, même par les armes, les empiétements de ses successeurs. Après avoir remis son duché à Eudes Ier, son frère, il se retira, en 1078, à Cluny, sous la discipline de saint Hugues, son grand-oncle. Le plus éloquent éloge des vertus de ce prince est dans les phrases suivantes d’une lettre que le pape Grégoire VII écrivait à l’abbé de Cluny, pour lui reprocher d’avoir encouragé la résolution de Hugues : « Vous avez enlevé le duc à la Bourgogne, et par là vous ôtez à cent mille chrétiens leur unique protecteur. Si vous ne vouliez pas exécuter mes ordres qui vous le défendaient, au moins eussiez-vous dû être sensible et céder aux gémissements des pauvres, aux larmes des veuves et aux cris des orphelins. »

Les ravages d’une peste horrible, qu’on appela le feu sacré, et la fondation de l’ordre des chartreux par saint Bruno sont les événements les plus importants qui se rattachent à ce règne. Eudes se croisa et alla mourir à Tarse, en Cilicie, en 1102. Hugues II, son fils, mérita le surnom de Pacifique. Il fut l’ami de saint Bernard et s’occupa beaucoup de pieuses fondations.

L’aîné de ses fils et son successeur, Eudes II, hérita de ses vertus. Quoiqu’il se soit décidé deux fois à faire la guerre, d’abord pour consacrer ses droits de suzeraineté sur Saint-Germain d’Auxerre, Saint-Florentin et le comté de Troyes, que lui contestait Thibaut, son beau-père, et ensuite pour aller délivrer des Sarrasins son cousin Alphonse de Portugal, il prouva qu’il estimait les bienfaits de la paix à. leur juste valeur en refusant de céder au grand entraÎnement qui poussait vers la terre sainte les rois, princes et seigneurs de son temps. Il préféra le bonheur de ses sujets à une gloire incertaine, s’appliqua à faire régner l’union et la prospérité autour de lui, et paya sa dette à la religion en fondant de nouveaux monastères, en dotant ceux qui existaient déjà, en achevant les constructions commencées, et notamment la cathédrale d’Autun.

Hugues III, son fils, dont le règne commença en 1168, sut moins bien résister à la contagion des exemples ; il guerroya contre les grands vassaux ses voisins, prit la croix en 1178. Rejeté en France par une violente tempête, il revint bâtir la Sainte-Chapelle de Dijon, en accomplissement d’un vœu qu’il avait fait au moment du danger. En 1190, il repartit avec Philippe-Auguste et assista à la prise de Saint-Jean-d’Acre, puis mourut à Tyr en 1192. Avant de quitter la Bourgogne, il avait constitué la commune de Dijon.

Hugues Ill semble revivre dans son fils Eudes III. Aventures lointaines, exploits guerriers, affranchissement des communes caractérisent ce règne comme le précédent. La participation à l’expédition qui plaça Baudouin sur le trône de Constantinople, la croisade contre les Albigeois avec Simon de Montfort, la glorieuse journée de Bouvines en sont les dates les plus éclatantes. Le règne de Hugues IV fut heureusement préparé par l’habile régence de sa mère, Alix de Vergy. Dès qu’il fut majeur, le prince confirma la commune de Dijon ; figura comme un des douze pairs au sacre de Louis IX, ajouta à ses domaines le comté d’Auxonne et fit reconnaître sa suzeraineté sur celui de Mâcon.

Hugues fut un des plus fidèles compagnons de saint Louis ; il partagea ses périls et sa captivité dans la première croisade. Le roi, de son côté, visita plusieurs fois la Bourgogne ; il y laissa de profonds souvenirs de sa sainteté et de sa justice. Hugues, après avoir refusé au pape Innocent IV fugitif un asile dans ses États, eut la faiblesse d’y accueillir, en qualité de. grand inquisiteur, un cordelier, Robert, fanatique et apostat, qui traînait avec lui une femme perdue ; ce ne fut qu’après de nombreuses exécutions et beaucoup de sang répandu que les impostures de ce misérable furent dévoilées. Cet épisode est une tache regrettable dans l’histoire de Hugues IV.

Robert II, troisième fils de Hugues, ne dut la tranquille possession du duché qu’à Philippe le Hardi, qui l’en déclara seul et légitime héritier, contre les prétentions de ses beaux-frères. Jamais liens plus étroits ne rattachèrent la maison de Bourgogne à celle de France. Robert avait épousé Agnès, fille de saint Louis, et il eut pour gendre Philippe de Valois, marié à Jeanne, sa Bonifatius_viii_papstfille, en 1315. L’intimité de ces alliances donnèrent à Robert une grande influence dans la direction des affaires de l’État. Après le mas sacre de s Vêpres siciliennes, il fat chargé d’aller secourir Charles de Naples. Philippe le Bel le nomma grand chambrier de France, gouverneur du Lyonnais, gardien du comté de Bourgogne, et, mission plus délicate, son principal intermédiaire dans ses démêlés avec Boniface VIII.

Quoique chargé de si graves intérêts, Robert ne négligea pas ceux de son duché ; un remaniement des monnaies et d’importants accroissements de territoire classent son règne parmi les plus glorieux de sa dynastie. Il eut neuf enfants, dont plusieurs moururent avant lui ; Hugues V, l’aîné des survivants, eut pour régente, pendant sa minorité, sa mère, Agnès. A peine majeur, il mourut, ne laissant de son règne si court que le souvenir de sa brillante réception comme chevalier, et comme date sanglante, la condamnation des templiers.

Eudes IV, son frère, prit aussitôt possession du duché. Agnès obtint qu’il transigeât avec les prétentions de Louis, son dernier frère, en lui abandonnant le château de Douesme avec une rente de 4 000 livres. A la mort de Louis le Hutin, Eudes, à défaut d’héritier mâle, voulut faire valoir les droits de Jeanne, sa nièce, fille du roi défunt. L’application de la loi salique, réclamée par Philippe le Long, régent du royaume, rendait vaines ses réclamations ; pour le dédommager, Philippe lui donna en mariage, avec 100 000 livres de dot, sa fille aînée, héritière par sa mère des comtés de Bourgogne et d’Artois. L’accord se rétablit, et la confiance royale valut dans la suite à Eudes une influence qu’il justifia par sa sagesse et sa capacité. Il mourut dans cette désastreuse année de laquelle un versificateur du temps a dit :

En trois cent quarante-neuf, « De cent ne demeuroient que neuf. »

Son fils aîné était mort trois ans auparavant d’une chute de cheval au siège d’Aiguillon, laissant pour héritier unique son fils, Philippe de Rouvres, âgé de cinq ans. La tutelle fut confiée d’abord à Jeanne de Boulogne, mère du jeune duc, et ensuite au roi Jean, qui épousa la noble veuve. Jean vint à Dijon, en 1350, et il jura publiquement, dans l’église de Saint-Bénigne, de conserver et maintenir les franchises, immunités et privilèges de la province.

Cette période est tout entière remplie par les calamités entraînaient pour la France les envahissements des Anglais ; la Bourgogne n’était pas plus épargnée Châtillon avait été brûlé, Tonnerre pillé, Flavigny était devenu la place d’armes de l’ennemi ; tout le pays étant ou envahi ou menacé, les trois ordres -des deux Bourgognes s’assemblèrent à Beaune, et on vota 200 000 moutons d’or, c’est-à-dire plus de 2 000 000 de livres, somme énorme pour le temps, comme rançon de la province. Ce fut au milieu de ces calamités que Philippe, ayant atteint l’âge fixé pour sa majorité (quinze ans), prit, en 1360, le gouvernement du duché. A peine venait-il de contracter avec Marguerite de Flandre l’union arrêtée depuis longtemps et de ramener son épouse dans son château de Rouvres, près de Dijon, qu’un accident, une chute, mit fin à ses jours, en 1361. Beaucoup d’espérances reposaient sur cette jeune tête ; son coeur semblait animé des plus nobles sentiments : « Il vécut peu, a dit un historien du temps, et fut longtemps regretté ».

Il fut le douzième et dernier duc de-la première race royale, qui avait régné trois cent vingt-neuf ans. Dès que le roi Jean apprit sa mort, il prit possession de ses États, non comme roi de France, mais comme plus proche parent du duc : Ratione proximitatis, non coronae nostrae, hommage éclatant rendu à l’indépendance de la Bourgogne comme État. Après le traité de Brétigny, il se rendit à Dijon, et là, solennellement et officiellement, il unit et incorpora, le duché à la couronne.

Cette annexion, but d’une ambition à courte vue, ne devait point encore être définitive, la pensée de constituer l’unité française était alors encore loin des meilleurs esprits ; le roi Jean, qui avait une prédilection marquée pour Philippe, son quatrième fils, lequel d’ailleurs l’avait vaillamment défendu à la bataille de Poitiers en 1356, et avait partagé sa captivité en Angleterre, lui donna le duché de Bourgogne à titre d’apanage, réversible à la couronne faute d’hoirs mâles, l’institua premier pair de France, dignité dont s’étaient prévalus dans plusieurs occasions les ducs d’Aquitaine et de Normandie.

Philippe, surnommé le Hardi, inaugura donc, en 1363, la seconde dynastie royale des ducs de Bourgogne. Après avoir, selon l’usage, prêté serment de respecter les privilèges provinciaux, il prit possession de ses vastes domaines. Les temps étaient critiques, mais l’occasion de se poser en libérateur n’en était que plus favorable pour quiconque parviendrait à calmer l’orage et à éloigner le péril. Philippe, aidé de Du Guesclin, débuta par purger le pays des bandes indisciplinées de routiers, écorcheurs et malandrins, qui le dévastaient ; il dompta ensuite la terrible Jacquerie, et, déjà renommé par ses exploits militaires, il consolida et agrandit sa puissance par son mariage avec Marguerite de Flandre.

Cette alliance ajoutait à ses États les comtés de Bourgogne, d’Artois, de Flandre, de Rethel, de Nevers, et en faisait un des souverains les plus redoutables de l’Europe. Le roi de France eut recours à lui contre les attaques des Anglais et du roi de Navarre, Charles le Mauvais. Philippe sut arrêter et contenir l’ennemi ; il triompha de, la patriotique révolte des Gantois, commandés par l’héroïque Artevelde. Il reçut, à Dijon, le roi Charles VI avec une magnificence qui devint traditionnelle à la cour de Bourgogne. Il acquit le Charolais, en 1390, au prix de soixante mille écus d’or. Il envoya son fils aîné, Jean, comte de Nevers, avec une armée au secours de Sigismond, roi de Hongrie, menacé par les musulmans. Pendant la maladie de Charles VI, il avait été choisi par les états généraux, en 1392, pour gouverner le royaume Cette préférence, en excitant la jalousie de la maison d’Orléans, devint la source d’une haine irréconciliable qu’en mourant il légua, héritage funeste, à son fils Jean sans Peur. Ce prince succéda à son père en 1406 ; il avait épousé, en 1385, Marguerite de Bavière, dont la dot grossissait ses États de trois comtés : le Hainaut, la Hollande et la Zélande. Ses premiers actes furent ceux d’un prince habile, mais peu scrupuleux.

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Après avoir remis un peu d’ordre dans les finances, compromises par les prodigalités de son père, il donna satisfaction à la haine qui couvait dans son cœur. Le 23 novembre 1407, Louis d’Orléans, en sortant de l’hôtel Barbette, à Paris, où il avait soupé avec la reine Isabeau de Bavière, tombait, rue Vieille-du-Temple, sous les coups d’un gentilhomme normand, Raoul d’Octonville, écuyer du duc Jean.

La justice étant impuissante en face d’un si grand criminel, la guerre éclata entre Armagnac et Bourgogne ; le fils du duc d’Orléans avait épousé la fille du comte d’Armagnac, et celui-ci se posa en vengeur du duc d’Orléans La durée de cette triste guerre ne fut interrompue que par les périls extrêmes de la France et la désastreuse campagne qui aboutit à la journée d’Azincourt.

Ce jour-là les deux familles rivales combattirent encore sous le même drapeau ; mais la haine étouffa bientôt ce qui restait de patriotisme et de loyauté. Jean, par un traité secret signé en 1416, s’allia aux Anglais, et l’abandon de Rouen fut le gage de sa trahison. Une sédition payée (celle de Périnet-Leclerc, 1418) et un massacre lui ouvrirent même les portes de Paris, où il entra en triomphateur, salué par les acclamations du peuple égaré, qui criait sur son passage : Noël ! vive le duc de Bourgogne, qui abolit les impôts !

Mais ce triomphe fut de courte durée ; le crime appelait la vengeance ; elle fut digne du coupable, digne des mœurs du temps. Un projet de paix et de réconciliation générale fut proposé, une entrevue avec le dauphin fut convenue, et le rendez-vous fixé, pour le 10 septembre 1419, sur le pont de Montereau. L’entourage intime de Jean avait été gagné ; il partit donc sans défiance ; mais quand il se fut avancé sur le pont, escorté de dix chevaliers seulement, les complices du duc d’Orléans, Tanneguy du Châtel et le sire de Barbazan à leur tête, se précipitèrent sur les Bourguignons et percèrent Jean de leurs coups. Les assassins voulaient jeter son corps dans la Seine, mais le curé de Montereau obtint qu’il lui fût remis ; il le garda jusqu’à minuit, le fit alors porter dans un moulin voisin et le lendemain à l’hôpital, où on l’ensevelit dans la bière des pauvres.

La mort de Jean sans Peur mit Philippe, dit le Bon, en possession de ses États à l’âge de vingt-trois an§. Il était à Gand lorsqu’il apprit la fin tragique de son père. Brûlant du désir de le venger, il convoqua à Arras une assemblée de grands seigneurs,. à laquelle il invita le roi d’Angleterre, qui était à Rouen. C’est là que fut préparé, pour être conclu à Troyes en 1420, le monstrueux traité qui, de complicité avec Isabeau, épouse et mère dénaturée, déshéritait, au profit de l’étranger, le dauphin Charles VII, du vivant de son père en démence.

Les événements de cette période sont trop connus et d’un intérêt trop général pour que nous entrions ici dans leur récit détaillé. Philippe, qui par la fin de son règne racheta les fautes du commencement, fut alors le complice de tout ce qui se trama et s’exécuta contre la France. Son excuse est dans le souvenir encore récent du meurtre de son père ; mais on ne petit même pas lui faire un mérite de son repentir, car son retour à la. cause française fut déterminé surtout par les outrages dont les Anglais l’abreuvèrent dès qu’ils crurent ne plu s avoir besoin de lui.

C’est en 1434, et par l’intervention de Charles, duc de Bourbon, que furent posés les préliminaires d’une réconciliation trop tardive et cimentée définitivement par le traité d’Arras, le 21 septembre de l’année suivante. L’insolence des termes prouve à quel point la royauté de France était humble et faible devant ce vassal que dédaignaient les Anglais. Charles désavoue le meurtre de Jean, et Philippe, après l’énoncé des dédommagements qui lui sont accordés, s’exprime ainsi : A ces conditions, pour révérence de Dieu et pour la compassion du pauvre peuple, duc par la grâce de Dieu, je reconnais le roi Charles de France pour mon souverain. Hâtons-nous d’ajouter que jamais parole donnée ne fut mieux tenue, et qu’à dater de cette époque la conduite de Philippe fut aussi irréprochable qu’elle avait été jusque-là criminelle.

La prospérité de ses peuples, le développement des bienfaits de la paix devint son unique préoccupation. L’union des deux maisons de France et de Bourgogne fut resserrée par le mariage du comte de Charolais, héritier de Philippe, avec Catherine de France, fille de Charles VII. Lorsque Louis XI, dauphin, quitta la cour de son père, Philippe lui refusa un asile en Bourgogne, où ses intrigues pouvaient être un danger pour la couronne et lui offrit à Geneppe, dans ses terres de Flandre, une hospitalité digne de son rang. Lors de la sédition qu’occasionna, parmi les chefs de l’armée, la désorganisation de l’ancien système militaire, il intervint entre les rois et les rebelles, et obtint d’eux qu’ils renonçassent à leurs projets de guerre civile.

Quoique l’insubordination de ses sujets flamands le tînt le plus souvent éloigné de la Bourgogne, il y entretint toujours une administration éclairée et paternelle. Son règne fut l’apogée des prospérités de la province. « Il mit ses pays, dit Saint-Julien de Baleure, en si haute paix et heureuse tranquillité qu’il n’y avoit si petite maison bourgeoise en ses villes où on ne bût en vaisselle d’argent ». Ce témoignage naïf est un plus éclatant hommage à sa mémoire que toutes les splendeurs de sa cour et les magnificences de l’ordre de la Toison d’or, dont on sait qu’il fut le fondateur. Il mourut à Bruges d’une esquinancie, en 1467, à l’âge de soixante et onze ans ; son corps fut transporté plus tard aux Chartreux de Dijon. Peu de princes furent aussi profondément et aussi justement regrettés.

Charles le Téméraire, quoique son règne n’ait commencé qu’en 1467, suivait depuis plusieurs années une ligne de conduite indépendante et souvent même opposée aux intentions pacifiques de son père. Sa participation à la ligue du Bien public, ses violents démêlés avec Louis XI étaient certainement peu dans les vues de Philippe, déjà vieux et ami de la paix.

Aux qualités héréditaires de sa race, courage, franchise, générosité, Charles joignait des défauts qui lui étaient personnels et qui rendaient bien périlleuse la lutte engagée avec Louis, le plus habile politique de son temps. Charles était arrogant, présomptueux, plein de fougue et d’obstination, incapable de pressentir les pièges qui lui étaient tendus, plus incapable encore de tourner une difficulté ou de recourir à l’adresse pour sortir d’un mauvais pas. Il épuisa toute son énergie, toutes les ressources de sa puissance à lutter contre les embarras que lui suscitait le roi de France sans paraître soupçonner de quelle main parlaient les coups qui lui étaient portés.

Les révoltes de Gand et de Liège, victorieusement, mais trop cruellement réprimées, lui aliénaient les populations et ne lui laissaient pas la libre disposition de ses forces. Il eut en son pouvoir, à Péronne, son rival, convaincu de complicité avec les Liégeois rebelles, et au bout de trois jours il lui rendit sa liberté, se contentant d’une promesse de neutralité qu’il fut le seul à prendre au sérieux. Il s’empara des comtés de Ferrette et de Brisgau, sans se soucier de la rupture avec la Suisse, qui en était la conséquence inévitable ; l’hostilité de ce voisinage l’entraîna dans une guerre dont il n’entrevit pas un seul instant la portée. Battu à Granson, il lui fallut à tout prix une revanche, et la journée de Morat changea en désastre ce qui pouvait n’être qu’un échec. L’importance qu’il avait toujours donnée aux prestiges de l’apparat, aux formes extérieures de la puissance, devait rendre mortel l’affront que ses armes avaient reçu ; il le comprit bien, et on le vit périr de mélancolie et de chagrin plus encore que de sa dernière défaite sous les murs de Nancy.

Il avait été mortellement frappé le 5 janvier 1477 ; son corps, à demi engagé dans un étang glacé, ne fut reconnu que deux jours après à la longueur de ses ongles et à une cicatrice résultant d’une blessure qu’il avait reçue à la bataille de Montlhéry, en 1465. Avec lui finit le duché héréditaire de Bourgogne, dont les possesseurs avaient cinq duchés à hauts fleurons, quinze comtés d’ancienne érection et un nombre infini d’autres seigneuries, marchaient immédiatement après les rois, comme premiers ducs de la chrétienté, et recevaient des princes étrangers le titre de grands-ducs d’Occident.

220px-Louis-XICharles laissait pour unique héritière une fille, la princesse Marie. Louis XI s’en fit d’abord donner la tutelle ; puis, à force de séductions et de promesses, il obtint du parlement de Dijon la réunion du duché à la couronne de France. Une alliance du dauphin avec Marie aurait légitimé cette usurpation. Louis ne voulut pas y consentir ; c’est la faute la plus capitale qu’on puisse reprocher à sa politique ; d’ailleurs ce mariage eût été trop disproportionné, le jeune dauphin ayant à peine huit ans et Marie de Bourgogne étant dans sa vingt et unième année. L’archiduc Maximilien, étant devenu l’époux de la fille de Charles le Téméraire, revendiqua les droits de sa femme et- remit en question l’unité française, qu’il eût été si facile de constituer.

Mais ce qui échappa à la perspicacité des politiques, l’instinct public le comprit et la force des choses l’amena ; le lien qui venait de rattacher la Bourgogne à la France, quelque irrégulier qu’il fût, ne devait plus être rompu. Malgré les alternatives d’une longue lutte, malgré le péril qu’entretenait pour les frontières de la province le voisinage de la Comté demeurée en la possession de l’étranger, malgré l’espèce de consécration que donnait aux droits de Maximilien sa domination sur les Flandres, la Bourgogne demeura française, et ses destinées restent dès lors indissolublement unies à celles de la patrie commune. Le titre de duc de Bourgogne reste attaché à l’héritier direct de la couronne, et chaque jour, malgré la fidélité des souvenirs aux traditions de l’histoire provinciale, la similitude de langage, l’affinité des mœurs, la communauté des intérêts. rend plus complète la fusion des deux États.

La lutte de François Ier et de Charles-Quint, les guerres religieuses et les troubles de la Fronde sont les épisodes les plus marquants qui se rattachent à la période française des annales bourguignonne s. Les populations furent admirables de dévouement et d’héroïsme pendant la première de ces crises, luttant à la fois contre les Espagnols, l’Autriche et les Comtois, donnant par souscriptions volontaires des sommes considérables, outre celles votées par les états pour la rançon de l’illustre prisonnier de Pavie, et refusant d’accéder à la condition du traité de Madrid, qui cédait la Bourgogne à Charles-Quint, représentant à ce sujet qu’ayant par les droits de la couronne et par leur choix des maîtres nécessaires, il ne dépendait pas de la volonté du monarque de les céder ainsi. La noblesse ajouta que si le roi l’abandonnait, elfe prendrait le parti extrême de se défendre et de s’affranchir de toutes sortes de domination, et qu’elle répandrait pour ce dessein jusqu’à la dernière goutte de son sang.

La fierté de ces sentiments, puisés dans les glorieux souvenirs du passé, arrêta longtemps les progrès du protestantisme ; la Bourgogne voulait être la dernière à souffrir sur son sol une nouvelle religion, puisqu’elle avait été chrétienne avant tous les Français, qui ne l’étaient devenus que par le mariage de leur princesse Clotilde avec le fondateur de la monarchie française. Les fléaux que déchaîna le fanatisme sur tant d’autres provinces furent évités jusqu’à la déplorable organisation des ligues catholiques, et, grâce à l’intervention du digne président Jeannin, le plus grand nombre des villes de Bourgogne ne fut pas ensanglanté par les massacres de la Saint-Barthélemy. Cependant l’obstination de Mayenne prolongea jusqu’en 1595 les calamités de la guerre civile, à laquelle mit fin seulement la victoire remportée par Henri IV sur les Espagnols à Fontaine-Française. Le 6 juin de cette année, ce monarque fit son entrée à Dijon ; il assista à l’élection du maire, jura de respecter les privilèges de la ville, et se contenta de changer quelques magistrats municipaux et de faire fermer le collège des jésuites.

Les dernières épreuves que la Bourgogne eut à traverser furent, sous Louis XIII, une révolte des vignerons, qui se réunissaient au refrain, Lanturlu, d’une vieille chanson, ce qui fit désigner cette révolte, qui, d’ailleurs, fut bientôt apaisée, sous le nom de Révolte des Lanturlus. Puis vint l’invasion des Impériaux amenée par les révoltes de la noblesse contre Richelieu et le. siège mémorable de Saint-Jean-de-Losne, les agitations de la Fronde, auxquelles l’influence des Condé dans la province donna une certaine importance, mais auxquelles manqua, presque partout l’appui des populations.

Dans les époques plus récentes, la Bourgogne prit sa part de tous les événements heureux on funestes dont la France fut le théâtre. La Révolution de 1789 y fut accueillie comme’ une ère réparatrice, qui devait faire disparaître les tristes abus financiers des derniers règnes, et assurer à chacun les libertés que l’on réclamait depuis longtemps. Les gardes nationales s’y organisèrent avec une rapidité merveilleuse, et, oubliant les vieilles rivalités qui les divisaient sous l’ancien régime, elles s’unirent à celles de la Franche-Comté et demandèrent à marcher ensemble les. premières contre l’ennemi.

Le département de la Côte-d’Or fournit donc un large contingent aux phalanges républicaines qui, après avoir refoulé l’ennemi, promenèrent le drapeau national dans toutes les capitales de l’Europe ; et lorsque, moins heureux, les soldats de Napoléon jar expièrent par les désastres de 1814 et 1815 les triomphes passés, nulle part ils ne trouvèrent un plus vaillant appui et de plus patriotiques sympathies que dans les populations de la Bourgogne. Depuis que les luttes de l’industrie et des arts ont remplacé dans la vie des peuples modernes les vicissitudes des champs de bataille, la Côte-d’Or, grâce au génie de ses habitants et aux richesses de son sol, a su conquérir une importance et une prospérité qui lui permettent de ne rien regretter des gloires et des grandeurs de l’ancienne Bourgogne.

Pendant la néfaste guerre de 1870-71, le département de la Côte-d’Or eut d’autant plus à souffrir de l’invasion allemande que Dijon fut successivement pris pour centre d’opérations et par les Français et par les Allemands. À la nouvelle que le passage des Vosges avait été forcé par l’ennemi et que la ligne de défense de Vesoul à Lure venait d’être abandonnée par le général Cambriels qui s’était retiré à Besançon, la résistance s’organisa à Dijon sous la direction du docteur Lavalle, membre du conseil général, tandis que Garibaldi, autorisé par le gouvernement de la défense nationale, formait un corps d’armée composé de quatre brigades dont il confiait le commandement à Bossack, Marie, Menotti et Ricciotti. Le général de Werder, commandant du 4e corps allemand, marchait sur Dijon et, le 27 octobre 1870, repoussait, à Talmay, les troupes françaises commandées par Lavalle, qui ne se composaient guère que de quelques bataillons de mobiles et de gardes nationaux.

Pendant ce temps, Garibaldi se portait sur la droite du côté de Poutailler pour essayer de rejoindre les troupes du général Cambriels. L’ennemi, ayant passé la Saône à Gray, se porta sur Dijon ; les troupes qui s’opposaient à sa marche furent repoussées à la bifurcation des routes de Gray à Dijon et à Auxonne. À la suite d’un nouveau combat livré à Saint-Apollinaire le 30 octobre, les Allemands entrèrent à Dijon. Garibaldi qui avait en vain essayé d’accourir à la défense de la ville, ce qu’il ne put faire, parce que le pont de Pontailler avait été rompu, voulut du moins protéger les autres grandes villes de la Côte-d’Or ; il fit occuper Saint-Jean-de-Losne et Seurre et lui-même revint à Dôle. Le 2 novembre l’ennemi, maître de Dijon, marchait sur Beaune et Chagny. Les troupes de Garibaldi gardèrent les rives de l’Oignon et de la Saône ; le 5 novembre, elles repoussèrent l’ennemi près de Saint-Jean-de-Losne.

GeneralA la suite de cet échec, les Allemands revinrent à Dijon pour s’y reformer et firent de cette ville le centre de leurs opérations dans l’Est. Ils reprirent bientôt l’offensive et repoussèrent d’abord, le 30 novembre, les troupes de Garibaldi ; mais le 3 décembre, celui-ci, appuyé parle général Cremer, les battit complètement à Arnay-le-Duc et à Bligny-sur-Ouche, les rejetant presque sous les murs de Dijon. Cette double victoire, qui empêchait l’ennemi de dépasser Chagny, sauva le reste du département et peut-être même Lyon. Le général de Werder revint une fois encore à Dijon pour reposer ses troupes et les reformer ; mais les événements avaient marché Au nord-est ; il dut envoyer ses troupes sous les murs de Belfort qui se défendait avec acharnement, et il ne laissa à Dijon que le général Glumer avec deux bataillons et à Semur une brigade badoise. Ces troupes furent elles-mêmes bientôt rappelées et, le 6 janvier 1871, Garibaldi rentrait à Dijon, y organisait de nouveau la défense ; il était temps, car une armée de 70 000 AIlemands s’avançait pour empêcher Bourbaki de se porter à la défense de Belfort.

Trois corps de cette armée furent successivement attaqués et battus dans les journées des 21, 22 et 23 janvier, par le général Pélissier et Garibaldi, d’abord à Fontaine et à Talant, puis à Plombières, à Daix, à Hauteville et au Val-de-Suzon. D’habiles dispositions permettaient d’espérer des succès plus décisifs lorsque, le 29 janvier, on apprit la capitulation de Paris et la notification de l’armistice. Par une fatalité encore mal expliquée, les départements de la Côte-d’Or, du Doubs et du Jura n’étaient pas compris dans cet armistice ; l’armée de l’Est était refoulée vers la Suisse, la continuation de la lutte devenait impossible, il fallut se résigner à abandonner Dijon qui ne fut évacué par l’ennemi qu’après la signature des préliminaires de paix. Quant à Garibaldi, qui le 28 janvier était parvenu à réunir à Dijon près de 50 000 hommes et 90 canons, il avait agi si habilement et avec tant de promptitude qu’il put opérer sa retraite sans rien perdre de son matériel. L’invasion allemande avait coûté au département de la Côte-d’Or 14 464 427 fr. 29.

Source : (Région Bourgogne)

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Quand les cristaux font des amateurs en France

Posté par francesca7 le 24 janvier 2016

 

L’intérêt du public pour la minéralogie ne se dément pas. La profusion des expositions et bourses aux minéraux en témoigne. Des bourses de village à celles de dimension internationale comme Ste Marie-aux-Mines, plus de 250 bourses de ce type se sont déroulées en France en 2005. C’est, avec les prêts aux musés, une bonne occasion d’observer les spécimens des collections privées. Alors que de grosses pièces de plusieurs milliers d’euros enflamment la presse et l’imaginaire populaire, les prix dans les bourses tournent très souvent autour de quelques dizaines d’euros. » Il n’y a pas de tradition d’élitisme dans les collections naturalistes en France. Ce sont plus des collections d’instituteurs, explique en amateur érudit F. Delporte. En terme monétaires, les minéraux sont bien moins important que les champignons ou les myrtilles ! Un quartz des Alpes c’est entre 3 et 30 € ! » On peut distinguer deux types de collectionneurs que ces pièces intéressent. Le collectionneur « global » est intéressé avant tout par l’espèce minérale, ou le cristal en lui-même. Peu soucieux de l’origine, il n’hésitera pas à acquérir des pièces de l’étranger. Mais de plus en plus de collectionneurs s’intéressent à la provenance des minéraux. « Certains se rendent compte du manque de sens de disposer de pièces du Brésil, du Mexique, etc. Alors qu’avec une collection de cristaux de tel massif, ils connaissent la montagne, les endroits, ils savent par qui ça a été trouvé… ça leur parle plus » témoigne un cristallier.

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Collecte de minéraux : vide ou trop plein réglementaire ?

Si les cristaux exposés font consensus et sont admirés de tous, l’activité de collecte prête elle à polémique. Ces dernières années l’incompréhension va croissante entre le monde judiciaire et celui de la minéralogie. Frédéric Delporte est l’un des experts les plus au point sur les aspects juridiques et sociaux de la minéralogie. Pour lui, « les textes ont été conçus pour des exploitations industrielles [de minerais]. C’est tellement évident à l’époque qu’aucun tonnage minimum n’est prévu. Il n’y a rien d’adapté à la collecte de minéraux ! » . En effet, « Le volume exploité, et la valeur des découvertes restent minimes par rapport aux exploitations industrielles que sont les carrières et les mines, qui nécessitent des autorisations officielles très difficiles et coûteuses à obtenir ». Ce « trop plein juridique », comme l’appel M. Delporte, ne laisse aucune place ni au « glanage des amateurs », ni à « l’artisanat des « pros » pour qui un régime de « micro-concession » paraît indispensable. Et les paradoxes se multiplient. Alors que les habitants de l’Oisans prospectaient les cristaux en vertu d’un « droit ancestral […] confirmé formellement au XVIème siècle », les cristalliers d’aujourd’hui sont assimilés par la presse locale à des trafiquants.

Extrait de l’article à lire ICI : http://www.geopolis.fr/joomla/index.php/dernieres-actualites/103-cueilleurs-de-cristaux.html

La France est extrêmement riche en gisements sources de spécimens de minéraux. Certains de ces gisements ont produit des spécimens remarquables, parfois même les meilleurs connus pour une espèce minérale donnée. Un « tour de France » par quelques gîtes célèbres est ici proposé, mais ils ne sont qu’une illustration limitée des nombreux gisements français.

 

A Paris même, bien que la géologie du sous-sol soit très peu propice à la formation de minéraux intéressants, des spécimens de calcite ont été trouvés. Ces spécimens ont surtout un caractère anecdotique eu égard au lieu de découverte. On peut citer comme site le Trou des Halles où des découvertes ont eu lieu à la fin des années 1970. La calcite jaune miel de quelques millimètres couvrait des surfaces de plusieurs dizaines de centimètres carrés. Elle était associée à de petits cristaux de célestite bleue, de quartz et de fluorite. On peut citer d’autres sites comme le chantier Opéra Bastille, les abattoirs de Vaugirard, les travaux « Eole » du quartier Saint-Lazare, les travaux du RER de la rive gauche de la Seine, etc. Des découvertes similaires ont été faites dans des carrières souterraines dans les environs de Paris, plus particulièrement en Val-d’Oise. A la fin du XVIIIème siècle/début XIXème siècle, les cristaux de gypse des carrières de Montmartre étaient réputés dans le monde entier.

 

Dans les Ardennes, un petit gisement de fluorite a été exploité artisanalement de manière épisodique du début du XXème siècle aux années 1960/1970. Les spécimens de fluorite sont ici avant tout intéressants dans une optique de systématique régionale ou de l’espèce, ils présentent des faciès variés et inhabituels, avec des couleurs telles que le violet/mauve profond ou le vert.

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Dans le nord de la France, entre Boulogne-sur-Mer et Calais, le cap Blanc-Nez produit sporadiquement des cristaux de marcasite. Ceux-ci ont cristallisé dans le calcaire, généralement cénomanien et turonien, en adoptant une forme particulière. En effet, la plupart des cristaux sont groupés en macle de la « sperkise », ce qui rend ces spécimens si curieux. Ce gisement a produit de remarquables spécimens qui peuvent être classés dans les meilleurs qu’a donné l’espèce, un des spécimens les plus remarquables se trouve dans la collection de la faculté de Jussieu (Université Pierre et Marie Curie). Il a d’ailleurs servi à illustrer un des quatre timbres édités en 1987 sur les minéraux.

 

La côte du pays de Caux est riche en nodules de silex, certains présentent en leur sein de superbes concrétions de calcédoine. Dans le Calvados, à Soumont-Saint-Quentin, un gisement de fer a été exploité. De bons spécimens de calcite ont été extraits, associés à la pyrite mais aussi et surtout de remarquables spécimens de barite bleu, parfois gemme, et des spécimens de galène, totalement inattendus étant donné le cadre géologique de la région, surtout sédimentaire.

Vers Laval, en Mayenne, la Mine de la Lucette a produit au début du siècle de bons spécimens de stibine, et surtout des spécimens d’or, associés au quartz ou à la stibine.

 

Au sud de Rennes, les mines de Pontpéan ont produit entre autres des spécimens de galène.

A La Villeder, au nord de Vannes, un important gisement a été exploité pour l’étain dès sa découverte en 1834. Des indices laissent à penser que des exploitations plus anciennes aient pu avoir lieu. Cent quarante tonnes d’étain métal ont été extraites. Le gisement a fourni de beaux et nombreux spécimens de cassitérite, très appréciés et réputés dès la fin du XIXème siècle. La cassitérite est en plus associée au quartz, parfois « fumé » voire « morion », mais aussi et surtout à l’apatite et au béryl.

 

En Bretagne, dans le Finistère, les mines de Huelgoat-[Poullaouen]] ont produit des spécimens à la fin du dix-huitième siècle faisant dès lors leur réputation. De bons spécimens de galène y ont été découverts, de même que des spécimens de pyromorphite verte ou brune, parfois pseudomorphosés en galène. Ces pseudomorphoses sont appelées « sexangulite ». Ce type de cristallisation est des plus remarquables. Il est décrit dans la « Minéralogie » d’Haüy publiée en 1801. L’anglésite et la cérusite y ont été trouvées, mais aussi et surtout la bromargyrite, la chlorargyrite et la plumbogummite, dont ce gisement est la localité type, suite à sa découverte par Romé de l’Isle en 1779 (« Lettre Minéralogique ») et sa réétude par Gillet de Laumont en 1786 (Journal de Physique). Damour, en 1840, démontre que la plumbogummite est un phosphate, en l’occurrence de plomb et d’aluminium.

 MINERAUX

En Indre, deux gisements sur la même commune, celle de Chaillac, produisent d’excellents spécimens. Le gisement du Rossignol est exploité en galerie souterraine, le filon est identifié sur près de 1 000 mètres de longueur, et 250 mètres de profondeur. Il a produit de bonnes fluorites, jaunes, violacées, parfois rosées, plus ou moins saupoudrées de pyrite. La mine a surtout produit de très agréables spécimens de pyromorphite « vert-herbe » sur barite, et de très bonnes cérusites, souvent maclées. Le Muséum à Paris a acheté dernièrement un très gros cristal maclé de cérusite de Chaillac de près de 7cm de diamètre.

Non loin, la mine à ciel ouvert des Redoutières produit des spécimens de barite bleuâtre, recouverts d’oxyde de fer d’une sympathique nuance de marron-rouge. La mine produit aussi de bons spécimens de goethite, avec des cristaux très allongés, groupés en « touffes », généralement gemmes.

 

Dans les monts d’Ambazac, une petite centaine d’exploitations dans des pegmatites ont permis d’extraire des feldspaths au XIXème siècle, et ce parfois jusqu’à la seconde guerre mondiale, afin d’approvisionner les fabriques de porcelaine de Limoges. Ces exploitations étaient généralement artisanales et individuelles. De rares et esthétiques minéraux y ont été découverts. Il est possible de citer notamment le béryl, avec des cristaux jusqu’à 30 cm. Un cristal de 65 kg est même découvert à Vedrenne où, lors de la reprise de 1934 par M. Merguillier, 1 800 kg de béryl ont été extraits. Certains cristaux de béryl, dans les monts d’Ambazac, sont de la variété héliodore (jaune), comme à Venachat. Il a été également trouvé de l’apatite, de la triplite, de la vivianite, de la dufrénite, de la columbite (notamment à La Vilate, près de Chanteloube), du grenat, etc.

Ces petites exploitations, d’ampleur limitée, ont quasiment disparu, certaines ne sont malheureusement plus localisables. Il aurait été intéressant pour la connaissance de la minéralogie de la France qu’un inventaire exhaustif de ces gisements et de leur minéralisation soit réalisé, par la reprise artisanale des exploitations dans une perspective de production de spécimens minéralogiques. Les beaux spécimens de scorodite vert-bleu de Vaulry, trouvés vers 1840 sont à rappeler. D’autres gisements moins intéressants de ce minéral sont à Puy-les-Vignes et à Cieux.

 

Dans les Hautes-Pyrénées, plus particulièrement dans le massif du Néouvielle, de bons spécimens d’axinite ont été trouvés, associés à la préhnite, au quartz, à l’épidote, à la calcite, et même, exceptionnellement, à des cristaux de galène. L’axinite dans les Pyrénées est signalée par le minéralogiste Lacroix dans sa « Minéralogie de la France » dès 1893. Il témoigne de découvertes faites en 1793 par Picot de Lapeyrouse et Dolomieu au pic d’Eres lids. Ces découvertes entraînent l’exploitation des gisements, et déjà la commercialisation de spécimens, ce qui en permet la diffusion, l’étude et la préservation dans diverses collections.

La vallée d’Aure, également dans les Hautes Pyrénées, a été le siège d’exploitation pour le manganèse, plus particulièrement aux mines de Vielle-Aure (Coustou), du Louron et d’Azet. L’exploitation de ces gisements a démarré dès le milieu du XIXème siècle, pour se poursuivre jusqu’aux années 1930. Une espèce a été découverte pour le première fois au Pla de Labasse, près des granges de Nabias par une équipe Suisse dans les années 1990, poursuivant les travaux d’Alain Ragu. Elle fut appelée nabiasite, c’est un vanadate de baryum et de manganèse. A la mine de Coustou, sur la commune de Vielle-Aure, de magnifiques spécimens de rhodocrosite ont été découverts. Les cristaux sont petits (2/3 cm maximum) eu égard aux cristaux de gisements étrangers mais c’est le seul gisement en France à produire des spécimens agréables de ce minéral.

 

Un gisement français majeur est celui de la mine d’Irazein, en Ariège, qui a produit des « monstres » mondiaux. La mine fut en activité de 1865/1870 à 1922. Une seule découverte de spécimens est à noter, en 1906, celle d’énormes cristaux de tétraédrite. Les circonstances de la découverte sont mal connues. Seuls quelques rares cristaux sont là pour témoigner : cristal de 25 cm d’arête, gravé de la date 1906 et du nom de son premier propriétaire et/ou découvreur, cristal de 15 cm dans la collection de l’université Pierre et Marie Curie (Jussieu), cristal de 13 cm au Muséum à Paris. Ces spécimens sont recouverts d’un voile d’altération, constitué entre autres d’azurite et de malachite. Les spécimens connus du gisement se comptent sur les doigts de la main, mais ils permettent au site d’être mondialement connu car nulle part ailleurs des cristaux aussi grands n’ont été découverts.

Également en Ariège, la mine de Trimouns est l’une des plus importantes exploitations de talc au monde. Sa production est d’environ 400 000 tonnes. Cette mine produit de rares minéraux, tels que la bastnäsite (cristal jusqu’à plus de 2 cm), la parisite (un peu plus d’un cm), la synchisite, la monazite, l’allanite, la dissakisite, le xénotime, l’hingganite (cristaux jusqu’à 8 mm), l’iimoriite et la trimounsite (jusqu’à 3 cm), découverte à Trimouns pour la première fois. Un nouveau minéral a été découvert à Trimouns récemment, la gatélite. Ce minéral a été nommé en l’honneur de P. Gatel, président-fondateur de l’Association Française de Microminéralogie (A.F.M.). Cette association a grandement contribué à la connaissance de la minéralogie de la France, notamment par ses nombreuses études et publications. Plusieurs espèces nouvelles ont, en effet, été découvertes grâce à la passion et au dynamisme des membres de l’A.F.M.

Le Tarn se distingue par ses nombreux gisements de fluorite, certains sont la source de spécimens exceptionnels de ce minéral. A noter les mines de Montroc, du Burc, de Peyrebrune, du Moulinal. D’autres minéraux très intéressants accompagnent la fluorite dans ces gisements, comme le quartz, la sidérite, la sphalérite, la bournonite ou la galène. Vers Castres, la mine de Saint-Salvy a produit de remarquables spécimens de pyromorphite verte, en « touffes » de très fines aiguilles « vert-herbe ».

La France a eu de nombreuses exploitations pour l’uranium à partir des années 1950. De très nombreuses découvertes minéralogiques ont pu être faites. Notons plus particulièrement en Aveyron, l’indice de Margabal, exploré de 1957 à 1960, qui a produit à l’époque, mais surtout ces dernières années lors de travaux faits par des collectionneurs, d’incroyables spécimens. Un des meilleurs spécimens a été acheté par le Muséum à Paris, c’est une stalactite de torbernite de près de 50 cm !!! Toujours en Aveyron, d’excellents gisements de fluorite sont à signaler, tels que Valzerge et Le Kaymar (réputé, aussi, pour ses quartz babéliens).

 

En Lozère, la Mine de Sainte_Lucie, exploitée depuis la fin du XIXème jusqu’aux années 1940, pour le plomb, fut retravaillée vers la fin des années 1980 pour les spécimens minéralogiques. Le gisement était connu pour un minéral peu commun, la stolzite, un tungstate de plomb. Il fut découvert alors les meilleurs spécimens connus de l’espèce, aussi bien en taille, jusqu’à 7 cm, qu’en esthétique. Les cristaux de stolzite sont parfois associés à des cristaux de cérusite, plus rarement à la pyromorphite ou à la galène. Diverses équipes de prospecteurs courageux ont prospecté cette mine. Elles ont pu ainsi enrichir la connaissance de la minéralogie de la France et contribuer à la protection du patrimoine minéralogique. Suite à ces découvertes, de nombreuses publications ont pu être faites.

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Dans le Gard, la mine des Malines, à Saint-Laurent-le-Minier couvre une surface de 3 km par 2,5 km, et les travaux représentent environ 300 km de galerie. La mine ferma en 1994, après avoir produit presque un million de tonnes de métaux, dont du zinc, du plomb, et 250 tonnes d’argent. Le gisement est réputé pour ses spécimens de barite blanche sur lit de sphalérite brune ou rouge, associées à la bournonite grise. La bournonite de Saint-Laurent peut atteindre d’importantes dimensions, les cristaux de plus ou moins 5 cm sont un classique apprécié pour le site, certains cristaux allant jusqu’à 10 cm, ce qui pour l’espèce est proche du record. Les Malines ont produit aussi de curieux spécimens de galène réticulaire.

En Corrèze, près d’Ussel, la Mine des Farges fut exploitée de 1972 à 1984. Dès le début de l’exploitation, mais surtout dans les années 1976-1979, de fantastiques spécimens de pyromorphite ont été découverts, notamment dans de variées et vives nuances de vert, très appréciées. Une véritable ruée à la pyromorphite se déclencha, et les spécimens des Farges furent diffusés dans le monde entier. Tous les collectionneurs connaissent le nom de ce lieu dit plus que perdu, et tous les musées de minéralogie se doivent d’en avoir des spécimens, tant leur qualité est exceptionnelle. De récentes découvertes en Chine et aux USA remettent en cause la suprématie des Farges en tant que meilleure source de pyromorphite. Les Farges ont donné également de sympathiques spécimens de wulfénite orange vif sur pyromorphite verte.

 

Dans le massif du Forez, Puy-de-Dôme, les pegmatites de Beauchaud sont un des hauts lieux de la minéralogie de la France. Les béryls (bleutés, jusqu’à 7 cm), tourmalines (jusqu’à 12,5 cm !) et grenats (maximum 1,7 cm de diamètre) qui ont été découverts sont des plus remarquables. Certains spécimens de grenat sur tourmaline sont époustouflants ! Le gisement n’a été que très superficiellement exploré, la possibilité de fouille de plus grande dimension apporterait beaucoup à la connaissance de la minéralogie de la France.

Toujours dans le Puy-de-Dôme, les mines de Pontgibaud et plus particulièrement la mine du Pranal, ont produit de bons spécimens de galène, de bournonite et surtout de remarquables spécimens de tétraédrite riche en argent, variété freibergite.

 

En Saône-et-Loire encore, le gisement de manganèse de Romanèche est célèbre pour deux minéraux qui y ont été découverts, la romanèchite et l’arsénosidérite. Les meilleurs spécimens de ces espèces y ont été trouvés vers le milieu du XIXème siècle. L’arsénosidérite le fut en 1841 par Tony Lacroix, grand-père d’Alfred Lacroix, le célèbre professeur de minéralogie du Muséum de Paris. L’espèce fut décrite et nommée par Dufrenoy.

 

En haute-vallée du Var (Alpes-Maritimes), dans les gorges de Daluis, les anciennes mines du dôme de Barrot ont produit une exceptionnelle minéralogie. En effet, pas moins de six espèces nouvelles depuis moins de 10 ans ont été identifiées. De plus, de très beaux spécimens de cuivre natif y ont été découverts, notamment lors de l’activité minière de la fin du XIXème siècle, plus particulièrement aux indices de Roua.

 

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, à Saint Pons, d’importantes lentilles de sidérite contenues dans des marnes callovo-oxfordiennes contiennent une minéralisation sulfurée. Vers la fin des années 1980, de fabuleuses découvertes de rares sulfosels de plomb et de cuivre ont été faites. Les meilleurs spécimens connus de chalcostibite sont découverts, de même que de très bons spécimens de zinkénite et dadsonite, Gîte de Saint-Pons étant la cinquième référence mondiale pour l’espèce. Plus classique, la paragénèse comprend également de la bournonite, de la boulangérite et de la tétraédrite.

 

L’Oisans, en Isère, est depuis la fin du XVIIIème siècle un paradis pour les minéralogistes. De nombreux gisements s’y trouvent et produisent des spécimens remarquables. Citons la mine d’or de La Gardette, exploitée dès 1781, qui n’a jamais produit beaucoup d’or mais qui, par contre, a produit de fantastiques spécimens de quartz, parmi les meilleurs au monde. Les cristaux de quartz sont parfois maclés à 84°33, en macle dite de La Gardette. Cette macle a été décrite pour la première fois à partir de spécimens de cette mine par Weiss en 1829, puis réétudiée par Des Cloizeaux vers la fin du XIXème siècle. Cette mine a produit également de gros cristaux de chalcopyrite, de la brannérite, de l’aïkinite, de la sidérite, des spécimens d’or, etc.

Le quartz est recherché depuis des siècles dans le massif du Mont-Blanc, des documents l’attestent dès le dix-septième siècle. A cette époque les cristaux sont recherchés pour être vendus aux tailleries, notamment de Paris, Genève et Milan. Les hommes exploitant les cristaux de quartz pour en faire le commerce sont appelés « cristalliers ». L’intérêt pour les spécimens de collection n’apparaîtra qu’à la fin du dix-huitième siècle. De nos jours encore, d’intrépides cristalliers parcourent le massif du Mont-Blanc à la recherche de spécimens. La pratique de l’alpinisme est de rigueur. Cette collecte permet de sauver de très nombreux spécimens, qui sinon seraient détruits par l’érosion, notamment le gel, la glace et les éboulements. Le massif produit de fantastiques cristaux de quartz fumé et incolore, parfois avec une cristallisation particulière appelée gwindel, et d’inouïs cristaux de fluorite rose, les meilleurs connus. De très nombreuses autres espèces ont été découvertes. Diverses publications existent à ce sujet, dont un remarquable hors-série de la revue « Le Règne Minéral ».

 

En Alsace, les mines de Sainte-Marie-aux-Mines sont depuis longtemps réputées pour les nombreuses espèces de minéraux qui s’y trouvent. Le célèbre Monnet écrivait, suite à sa visite de la vallée Ste-Marie, en 1757 : « au nom des mines de Ste Marie, ceux qui ont quelques connaissances dans l’histoire de l’exploitation des mines, reconnaîtront une des plus renommées, des plus anciennes et des plus considérables du monde et qui les surpasse peut-être toutes par la variété et la quantité prodigieuse de mines et minéraux qu’elle a fournie. Si quelqu’un en doutait, il n’a qu’à consulter les catalogues des cabinets minéralogiques des princes. Il se convaincra que presque les plus beaux morceaux de toutes les espèces qui composent les collections sortent de cette exploitation. En effet, si l’on excepte l’or et l’étain, il n’y a point d’espèces de métal, mines et minéraux que les filons de Sainte-Marie n’aient fournis…».

Monnet nous dit également : « en 1770, on trouva une grande quantité de terre molle, ou ce que les mineurs appellent gur d’argile ou letten, dans laquelle on découvre environ 60 marcs d’argent vierge, sous forme de filets entortillés les uns autour des autres et formant des paquets, ou de petites branches fort fines. On n’eut que la peine d’emporter par le lavage cette terre et d’en séparer l’argent, qu’on vendit presque entièrement aux amateurs d’histoire naturelle…».
Mühlenbeck rapporte que l’on découvrit dans la mine « Glückauf » en 1772 « de l’argent natif arborescent d’une telle beauté qu’on ne le fondit point, mais qu’on le vendit tel quel ».

 

De nombreuses espèces ont été découvertes pour la première fois au monde en vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, dont une bonne partie ces dernières décennies, notamment à la mine Gabe-Gottes, niveau -40 (www.gabe-gottes.com). Notons la dervillite, la ferrarisite, la fluckite, la mcnearite, la phaunouxite, la rauenthalite, la sainfeldite, la villyallenite et la weilite. Le filon Saint-Jacques dans la vallée de Sainte-Marie est réputé pour la lautite, dont il constitue l’un des meilleurs gisements connus au monde. Différentes mines de la vallée sont célèbres pour les minéraux de néoformation, notamment des arséniates calciques et calcomagnésiens tels que la pharmacolite et la picropharmacolite, ou encore la monohydrocalcite.

 D’autres sites seraient à développer pour les Vosges, comme la mine Saint-Nicolas à Steinbach, près de Mulhouse, où l’association « Potasse » réalise un colossal travail de mise en valeur du site (www.kalitroc.com), ou encore Framont-Grandfontaine pour ses scheelites et phénacites, Maxomchamps pour ses fluorites, etc.

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En conclusion, un état de l’étude de la minéralogie de la France peut être donné par Henri-Jean Schubnel, Professeur au muséum à Paris, et Pierre-jacques Chiappero, maître de conférence au muséum à Paris : « A partir des années 1980, l’activité de minéralogie descriptive a diminué jusqu’à disparition quasi complète en France. Depuis lors, très peu de scientifiques ou universitaires en France s’intéressent à la minéralogie descriptive, de sorte que les nombreux amateurs existants se tournent de plus en plus vers l’étranger. Les résultats sont particulièrement impressionnants. De 1985 à 1995, environ 1/4 des 84 espèces nouvelles découvertes pour la première fois en France ont été décrites par des chercheurs étrangers consécutivement à des envois faits par des amateurs. Ce chiffre peut être expliqué en partie par l’existence d’une technologie permettant de décrire des minéraux de plus en plus petits. Mais il est aussi lié à la maturité intellectuelle de la communauté des minéralogistes amateurs qui avec le développement des bourses et la facilité des échanges internationaux a acquis une grande expérience visuelle, apte à reconnaître bien souvent le caractère si ce n’est nouveau tout au moins intéressant des minéraux qu’elle recueille. Par leur grand nombre, ces amateurs multiplient les observations et donc les chances de rencontrer de nouvelles espèces, ce que les résultats prouvent depuis de nombreuses années ».

 

Ces vingt dernières années, le nombre de publications sur la minéralogie de la France écrites par des non professionnels, seuls ou en collaboration avec des professionnels, est particulièrement important : articles dans des revues spécialisées, édition d’ouvrages particuliers, etc. La minéralogie de la France et en France a ainsi bénéficié d’un phénoménal renouveau, et d’un dynamisme extrêmement soutenu.

Passage Extrait d’un forum…

Livres pour aller plus loin :

Roger Canac, « L’or des cristalliers », éditions Denöel – 1980, « Des cristaux et de hommes », édition Glénat – 1997
Pascal Entremont, « Chasseur de pierres », éditions Robert Laffont – 1992
Walter Schumann, « Collectionner minéraux, roches et fossiles » – éditions Bordas 1993
Revues spécialisées : « Le Règne Minéral », « Le Cristallier Suisse », « Minéraux et Fossiles »
Site web : www.geopolis-fr.com  et www.geologie-info.com

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Le boudin blanc a toute une Histoire

Posté par francesca7 le 7 janvier 2016

 

L’histoire du boudin blanc est plus récente puisqu’il n’apparaît sous sa forme actuelle qu’au XVIIe siècle. Il semble pourtant remonter au Moyen Âge où l’on avait l’habitude de manger avant le repas de Noël une bouillie faite de lait, de mie de pain, de graisse, de fécule, et parfois de morceaux de jambon ou de volaille bouillis. Mais ce n’est qu’au siècle des Lumières qu’un cuisinier, resté anonyme, eut l’idée de servir cette préparation en la rendant plus consistante, dans du boyau de porc afin qu’elle soit digne d’être servie à des tables nobles lors du repas de Noël C’est la Baronne de Staffe, dans son ouvrage La maîtresse de maison, qu’elle fit paraître en 1892, qui révèle ce fait.

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Le boudin blanc est fait à base de viande blanche. Il est généralement préparé selon les proportions 70 % de maigre et 30 % de gras. La fabrication de la mêlée consiste à mettre ensemble tous les ingrédients dans une machine appelée une cutter afin de les malaxer pour faire une préparation homogène. La viande, préalablement assaisonnée (sel, poivres et échalotes), passe en premier puis on ajoute les œufs. Le tout est malaxé et haché jusqu’à obtenir un grain assez fin. C’est alors qu’est incorporé le lait. C’est la fin du malaxage. Pour les boudins blancs truffés ou forestiers, la garniture est ajoutée à ce moment-là. La mêlée est prête à être embossée dans le boyau. Elle se pratique dans un poussoir qui va torsionner automatiquement les boudins. La dernière étape est la cuisson dans de l’eau non salée, chauffée à 90 °C pendant une vingtaine de minutes. Le refroidissement se fait immédiatement en plongeant les boudins dans une bassine d’eau froide afin qu’ils restent bien blancs. Jadis, les boudins sortis de leur bain de refroidissement devaient longuement égoutter sur des clayettes en bois. Actuellement ils sont accrochés sur des chariots métalliques, évaporés puis mis pendant quinze minutes dans des réfrigérateurs dont la température varie entre -3 °C et -10 °C. Qu’il soit nature, truffé ou aux champignons, le boudin doit toujours être réchauffé à la poêle, jusqu’à ce que la peau commence à dorer et à croustiller.

Seul le boudin blanc havrais est disponible toute l’année. Le plus souvent consommé à Noël, il est vendu cuit ou mi-cuit. Préparation de charcuterie faite d’un hachis très fin, mis dans des boyaux, composé de viande blanche additionnée de gras de porc ou de veau, parfois de poisson, de crème, de lait, d’œufs, de farine (ou de mie de pain) et d’épices, et parfois de truffe. L’origine du boudin blanc remonte au Moyen Âge.

 Image illustrative de l'article Boudin (cuisine)

Le boudin blanc de Rethel bénéficie d’une IGP. Il est composé de viande de porc uniquement, de lait et d’œufs frais et d’aromates.

Le boudin blanc havrais, spécialité Normande, très ancienne, est composé de gras de porc, sans aucune viande maigre, de lait, d’œufs entiers, de mie de pain, de fécule et de farine de riz.

Le boudin blanc est une tradition française attachée au soir de Noël, dont l’ancêtre remonterait au Moyen Âge : dans de nombreuses régions, les femmes préparaient alors dans l’âtre une bouillie chaude faite de lait, de mie de pain, de graisse, de fécule et parfois de morceaux de jambon ou de volaille (une recette qui rappelle quelque peu celle de la soupe au lait ou panade). D’après la confrérie des compagnons du boudin blanc d’Essay, celle-ci était servie au retour de la messe de minuit pour réchauffer toute la famille. Mais ce n’est qu’au XVIIe siècle que le boudin blanc apparut sous son format actuel, plus riche en produits carnés et enfermé dans un boyau de porc. D’après la baronne Staffe, auteur de l’ouvrage La maîtresse de maison [et l’art de recevoir chez soi], le boyau permit de rendre le boudin blanc plus présentable pour être servi à la table des maisons bourgeoises !

Une préparation charcutière à base de lait 

Aujourd’hui, on le définit comme une préparation charcutière cuite composée de viande blanche (volaille, veau, porc, gibier), de matière grasse (gras de porc ou de veau, crème, beurre) et d’un mélange liant (panade, lait, œuf, parfois amidon). On parfume cette base selon les recettes avec des légumes (oignons, carottes, poireaux…), des aromates (thym, laurier, persil, clou de girofle…), de l’alcool, des champignons, des truffes et parfois du foie gras. Le tout est réuni en un hachis très fin et emballé dans des boyaux de porc, puis portionné en boudins de 12 à 15 cm. La cuisson à l’eau bouillante est suivie d’un refroidissement rapide en eau froide pour que le boudin reste bien blanc. On le déguste poêlé, cuit au four ou grillé. Pour éviter qu’il n’éclate à la cuisson, il est aussi possible de le pocher quelques minutes dans de l’eau bouillante, de le débarrasser du boyau puis de le couper en rondelles à poêler.

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Les variétés régionales

Le boudin blanc fait l’objet de nombreuses variations, parmi lesquelles on peut citer :

  • Le boudin blanc de Rethel (Ardennes). Il bénéficie d’une Indication Géographique Protégée (IGP). Onctueux et savoureux, il est composé uniquement de viande de porc, de lait, d’œufs et d’aromates variés, sans amidon. À ne pas louper au mois d’avril : la foire annuelle au boudin blanc de Rethel.
  • Le boudin blanc havrais (Normandie). Riche en gras et en amidon, de couleur jaune clair, il aurait été inventé par des moines désireux de déguster, le vendredi, un produit ayant la forme d’une saucisse mais dénué de viande ! Il ne contient pas de viande maigre.
  • Le melsat ou boudin blanc de pays (Sud-Ouest). Composé de poitrine de porc et de panade d’œufs (pain + œufs) en proportions égales, il est aromatisé aux herbes et embossé dans un boyau de bœuf. La bougnette de Castres est similaire, à la différence qu’elle est emballée dans de la crépine de porc.
  • Le boudin blanc catalan (Pyrénées-Orientales). Il est riche en œufs et très relevé d’herbes.
  • Le coudenou (Tarn). Composé de couennes et de panade aux œufs, il se distingue par une texture à la fois onctueuse et légèrement croquante, avec une saveur bien relevée.
  • Enfin, des versions plus luxueuses ravissent les gourmets à l’occasion des fêtes de fin d’année : boudin blanc truffé (dans toute la France), boudin blanc au foie gras à la toulousaine (Sud-Ouest) ou encore boudin blanc à la Richelieu composé de volaille et de truffes (toute la France).

À dénicher en grande surface et chez les bouchez-charcutiers !

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L’Histoire du Jambon en France

Posté par francesca7 le 18 décembre 2015

 

Issu de la partie noble du porc, le jambon est consommé et apprécié depuis la nuit des temps.
Ainsi, le premier à avoir décrit une recette de jambon sec fumé est Caton l’Ancien (IIIe Avant J.C), qui devient de fait, le père historique du jambon. Nos ancêtres les Gaulois pratiquaient la conservation du jambon en frottant la viande de sel, d’herbes et de vinaigre avant de la sécher et de la fumer. Leurs ennemis, les Romains en avaient fait un mets de choix en ne le proposant qu’à la table des empereurs. Au Moyen-âge, période de grosse consommation de viande de porc, le jambon était associé aux célébrations de la Semaine Sainte. De nos jours, le jambon sec est le « chouchou » des tables françaises.

Jambon_cru_

Le jambon fut pendant longtemps un mets royal ou réservé aux occasions spéciales. Très estimé sous l’Empire romain, il figurait sur les tables des empereurs. Au Moyen Âge, où l’on était grand consommateur de porc, le jambon était associé aux fêtes de la Semaine sainte (où il est interdit de manger de la viande). À cette époque, on transportait le jambon à l’aide de fourches.

En France, la Champagne (le jambon de Reims et le jambon sec des Ardennes), la Corse (le prisuttu, notamment celui produit en Castagniccia), le Massif central (Ardèche, Lozère, Cantal, Aveyron, Puy-de-Dôme), le Béarn, le Jura, la Savoie, la Vendée, Paris (jambon de Paris) produisent les jambons parmi les plus réputés. L’ensemble de ces différentes catégories sont définies et règlementées par le Code des usages de la charcuterie édité par l’IFIP. Contrairement aux idées reçues, le jambon dit « jambon de Bayonne » n’est pas originaire de Bayonne (Pays basque) mais du Béarn (Pau). Fabriqué à partir de porcs des vallées d’Ossau et d’Aspe, ce jambon était historiquement salé à Salies-de-Béarn puis exporté depuis le port de Bayonne vers d’autres régions françaises ou à l’étranger, via l’Adour (d’où l’appellation jambon de Bayonne). Aujourd’hui, l’essentiel du jambon de Bayonne est fabriqué dans le Béarn.

La fabrication des jambons secs requiert un véritable savoir-faire et beaucoup de patience.
Avant ou après désossage, ils sont frottés plusieurs fois au sel sec, à l’ancienne, séchés à l’air le plus naturellement possible, parfois fumés et soumis à une maturation de durée variable. Un jambon sec se fabrique en minimum 130 jours et un jambon sec supérieur ou traditionnel se fabrique en minimum 210 jours. Le label rouge garantit la qualité des porcs, la composition du mélange de salage et la durée de séchage.

Image illustrative de l'article Jambon sec des ArdennesLe porc, et en particulier le porc noir, n’a été introduit dans le Pays basque que dans les années 1960 pour faire face à une grave crise agricole. Selon l’Institut national de l’origine et de la qualité, un seul jambon en France bénéficie de l’appellation d’origine contrôlée depuis le 2 avril 2012 : c’est le « Jambon sec de Corse » ou « Jambon sec de Corse – Prisuttu ». D’autres bénéficient d’une indication géographique protégée (le jambon de Bayonne, le jambon de l’Ardèche, le jambon sec des Ardennes et le jambon de Vendée) et il y a onze labels rouges créés pour défendre et développer les jambons de qualité et de terroir : jambon, jambon cru de pays, jambon cuit de porc fermier, jambon cuit supérieur, jambon cuit supérieur entier et pré-tranché, jambon persillé, différents jambons secs et jambons cuits supérieurs.

Les quantités de sel ajoutées (salaison) ainsi que le temps de salage sont variables et dépendent des traditions locales. Le séchage apportera la touche finale et caractéristique de qualité du jambon cru : minimum dix huit à vingt-quatre mois pour les serrano, quatorze mois minimum mais souvent beaucoup plus, pour le jambon de Parme. Le jambon de Paris est un jambon désossé et cuit de forme. Le jambon de qualité supérieure est produit à partir de cuisses fraîches non congelées, sans ajout de polyphosphates. Il existe aussi de nombreuses sortes de jambons fumés, tels que le jambon de la Forêt-Noire, par exemple (jambon cru dont la tradition de fumage est typique de cette région).

Les jambons artisanaux et certains jambons industriels se distinguent notamment par la présence de polyphosphates. Après le pétrissage du jambon dans la saumure (mélange d’eau et de sel) de façon à faire pénétrer cette dernière, certains jambons sont cuits. La cuisson va faire fondre le jambon et lui donner son goût. Selon un charcutier en chef interrogé par Le Nouvel Observateur en 2008, les industriels « mettent des additifs comme les polyphosphates, qui retiennent toute la saumure à l’intérieur de la viande pendant la cuisson. », ce qui permet de vendre un jambon de poids plus élevé. Heureusement, ce n’est pas le cas de tous les fabricants. Certains artisans charcutiers s’efforcent d’utiliser les méthodes traditionnelles et acceptent qu’un jambon ait un rendement inférieur : un jambon cuit ou un jambon à l’os peut perdre plus de 30% de son poids d’origine après cuisson.

Si le jambon est entier, demi ou quart, il doit être conservé dans un endroit frais et sec, comme le bac à légumes du réfrigérateur.
Après chaque découpe, un papier d’aluminium, un film étirable ou un linge doit être placé sur l’entame, afin d’éviter tout dessèchement.
Si le jambon est vendu tranché à la coupe ou tranché préemballé, il convient de le conserver au réfrigérateur entre 0 et +8°C.
Lorsque le jambon est acheté à la coupe, il sera meilleur au cours des 2 à 3 jours qui suivent l’achat.
S’il est acheté préemballé, il convient de respecter les dates limites de consommation  indiquées sur l’emballage et de le consommer rapidement après ouverture.

Consommation

L’Histoire du Jambon en France dans HISTOIRE DES REGIONSIl existe mille et une façons de consommer le jambon cru : en cuisine « traiteur », le jambon vient agrémenter des mini sandwichs, des mini brochettes avec du melon, des pains surprise…
Servi sous forme de « chips » ou « d’éclats » séchés, à l’apéritif, le jambon cru se déguste seul accompagné de cornichons, de petits oignons, de beurre doux avec du pain au levain.
Salades d’entrée, omelettes, soupes au chou sont autant de plats où le jambon cru se révèle.
En cuisine chaude, on le retrouve dans la pipérade basquaise, les chipirons farcis, les pommes de terre sautées à la landaise.
Le jambon cru vient accompagner la célèbre raclette sans oublier le plat vendéen qu’est le jambon cru aux mogettes.

Patrick Duler. L’éventail de ce qu’on peut en tirer est infini. » Ce jambon est comme son créateur. Il a du caractère. Riche en qualités, subtil et rare parce qu’il est sans concessions. Au coeur du Quercy blanc, entre Montcuq et Cahors, Patrick fabrique des produits 100 % naturels depuis trente ans. Son jambon est le seul en Europe à refuser salpêtre et sels nitrités (ce que tolère l’appellation bio AB), polyphosphates et conservateurs. « Un défi irréalisable », lui a-t-on souvent asséné.

« Pourtant, nos ancêtres s’en passaient bien, rétorque-t-il. Après enquête, j’ai découvert que c’était effectivement impossible avec des porcs industriels. » Lui ne travaille qu’avec des méthodes ancestrales. Au commencement, Patrick s’est installé comme « cuisinier paysan » au domaine de Saint-Géry, une ruine et des champs dont il a hérité. La bâtisse retapée, avec sa femme, Pascale, ils y tiennent une ferme-auberge de 70 hectares avec cinq chambres. Le soir, ils servent à leurs hôtes une cuisine « sauvage » qui tire profit de tous les produits de leur exploitation, de l’ortie à la truffe, du jambon à la farine de blé pour le pain maison, de l’huile de tournesol aux légumes du potager. Tout pousse naturellement. Pendant dix ans, le couple élève ses propres cochons. Aujourd’hui, ils font appel à des fournisseurs bio avant de transformer chez eux les animaux. « Il s’agit de porcs noirs gascons », explique Patrick. Cette race, trop éprise de liberté pour se plier à l’élevage intensif, ne peut vivre qu’en plein air. Elle aurait disparu si quelques fondus ne s’étaient obstinés à faire du bon et du sain. « Ils se nourrissent seuls, de prunes, pommes, glands… qu’ils trouvent dans les prairies ou les bois où ils sont lâchés », poursuit-il.

Lire l’article en son entier ICI : http://www.parismatch.com/Vivre/Gastronomie/Le-meilleur-jambon-du-monde-est-francais-805724

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L’ardoise en Ardennes

Posté par francesca7 le 10 novembre 2015

 

Ardoise en ArdennesCe savoir-faire du travail de l’ardoise s’offre ici à la vue de tous et a modelé le paysage local. Fontaines, marches d’escaliers, dalles de pavage, perrons, façades, pignons, toitures, cheminées, lucarnes, mais aussi dalles funéraires ou plaques décoratives, ici tout témoigne de la richesse du sol et du savoir-faire ancestral. Châteaux, églises, maisons, ou places, partout où le regard se porte se révèle l’histoire de la région à travers les ardoises.

Le massif ardennais est composé de roches schisteuses qui, lors de plissements de l’ère primaire, ont subi des transformations qui lui ont conféré ses qualités et particularités : dureté, imperméabilité, compacité et plans de clivage parallèles. Affleurant le sol, la roche s’est ainsi offerte à l’homme, qui l’a utilisée dès la Préhistoire et a su profiter des richesses de son sol en développant son savoir-faire au point de l’exporter à l’étranger dès le Moyen Âge, par voie fluviale.

Les ardoises ardennaises, loin du noir de celle de l’écolier, sont grises ou argentées et avec des nuances de vert, de bleuté ou de violet. Lorsqu’elles se parent de teintes gris-violet, elles sont alors appelées « violines ».

Autrefois, l’ardoise était posée au clou en cuivre sur les planches jointives d’une charpente, mais à partir du XIXe siècle, le crochet sur liteaux se répand. Cependant, le clou reste actuel pour des ouvrages complexes demandant une souplesse d’utilisation ou une finesse des détails, comme les dômes, tourelles ou lucarnes ainsi que pour le patrimoine ancien, parfois protégé au titre de monument historique tel que les châteaux, les églises ou les fermes fortifiées.

L’extraction se faisait dans des mines par une galerie principale équipée d’une voie ferrée et creusée en pente suivant l’inclinaison de la veine rocheuse. Des galeries secondaires menaient aux chambres d’exploitations où étaient extraites les roches. Les mineurs, à l’aide d’explosifs de machines à couper, de détonateurs et de perforateurs, détachaient les blocs du toit, qui étaient débités par les mineurs débiteurs à l’aide de poudre, de pics, de scies à mains, burins, masses ou tenailles, de façon à ce qu’ils puissent être transportés par wagonnets. Appelée bourlotte, la distribution des blocs aux ouvriers de surface se faisait par tirage au sort.

Une fois dans les ateliers de fendage, suivaient les opérations de sciage, quernage et fendage par les scieurs et fendeurs qui à l’aide de scies circulaires ou de scies à main, de burins appelés poignées, de maillets et de ciseaux, fendaient les blocs de schiste appelés spartons, pour les transformer en ardoise de couvertures épaisses de quelques millimètres. Les fendeurs et apprentis prenaient en charge le découpage, qui se faisait à l’aide de moules et donnait à l’ardoise, sa forme définitive.

 

L’ardoise ardennaise n’est plus exploitée aujourd’hui, mais le savoir-faire est toujours vivant. Importée d’Angers, d’Espagne, du Pays de Galles ou du Canada, l’ardoise est toujours utilisée et les couvreurs de la région travaillent encore ce matériau aux reflets lumineux, afin de préserver un patrimoine architectural d’une grande richesse ou simplement lors de constructions neuves, par envie esthétique, ou par souci de conserver une homogénéité dans le paysage.

Description de cette image, également commentée ci-aprèsSitué à 12 km de Charleville-Mézières, Elan est un petit village de Champagne-Ardenne de 77 habitants en 2012, qui détient un riche patrimoine : Notre-Dame d’Elan, le témoin de l’ancienne abbaye cistercienne. En effet, l’abbaye d’Elan a été fondée en 1148 par le moine Roger, d’origine anglaise qui lui donna le nom d’Estland, « terre de l’est ». Entourés de forêt de hêtres et de sources, les Cisterciens défrichent, bâtissent et créent moulin à grains, forges et canaux. Aux alentours, ils exploitent des carrières, plantent des vignes, creusent des étangs. Mais au XVIe siècle, les abbés sont désignés par les rois et prélèvent alors la moitié des revenus des abbayes. La situation devient donc critique. En 1710, la majeure partie de l’abbaye est délaissée à une riche famille. La chapelle Saint-Roger est alors édifiée. En 1791, les derniers moines quittent le site et les bâtiments sont mis en vente et divisés entre plusieurs familles.

En 1840, l’église abbatiale est préservée afin d’en faire l’église paroissiale qu’on connait aujourd’hui. En juin 2012, après de nombreux mois de restauration, dont celle de la toiture complète en ardoise, un nouveau coq, est installé tout en haut du clocher.

Histoire et exploitation de l’Ardoise en Ardennes

 

Dès les époques magdaléniennes et néolithiques dans la région, les hommes ont su extraire l’ardoise qui affleurait à la surface du sol, pour l’utiliser comme support de leurs productions matérielles puis pour les constructions. Les Romains l’extractent et l’utilisent également comme pavage. Puis l’exploitation est abandonnée et doit attendre l’expansion monastique qui lui redonne un essor décisif.

À partir du XIIe siècle, les moines obtiennent des seigneurs l’autorisation d’extraire l’ardoise. L’activité économique s’organise. Puis les moines sont remplacés par des entreprises privées qui développent une véritable industrie permettant aux habitants de la région d’avoir du travail là où l’agriculture et les exploitations forestières devenaient insuffisantes. Les couches souterraines exploitées sont plus profondes et la roche extraite de meilleure qualité.

Au XVIIIe siècle les Encyclopédistes s’intéressent de près à l’étude des ardoisières de Rimogne et en font des relevés précis. Les exploitants se regroupent en sociétés. Le XIXe et le début du XXe sont marqués par une intense activité, mais celle-ci décline à partir des années 1930. Les charges s’alourdissent, les problèmes de la main d’œuvre, la concurrence étrangère, les nouveaux matériaux lui assènent son coup de grâce, et la dernière fosse ferme en 1971.

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Le paysage est aujourd’hui toujours empreint de cette époque industrielle et de ce savoir-faire, et même si beaucoup de sites liés à l’exploitation de l’ardoise ont été détruits, il reste tout de même certains témoins de l’implantation industrielle, des ensembles architecturaux, les couvertures et bardages des maisons, ainsi que les verdoux et bien entendu les nombreuses ouvertures des galeries des exploitations en sous-sol qui elles, bien qu’invisible, resteront à jamais marquées par le passage de l’homme.

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Portail Lexical [en ligne].
Disponible sur : <http://www.cnrtl.fr/portail/

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Histoire de la verrerie à Bayel

Posté par francesca7 le 8 novembre 2015

 

Bayel, cité du cristal, est un village situé sur la rive gauche de l’Aube en Champagne-Ardenne.

La prononciation de son nom a fortement évolué depuis les débuts du XXe siècle, car à l’époque le « l » final était muet, et un « e » remplaçait le « a ». On prononçait alors « Béyé ».

Verrerie 

C’est en 1300 que fut donnée la première autorisation du roi Philippe le Bel à Philippe de Casqueray pour établir une verrerie en Normandie. À l’époque, la verrerie était considérée comme un art noble. Le comte Thibaut de Champagne, célèbre pour avoir achevé l’Abbaye de Clairvaux, comprit le premier l’importance de permettre aux gentilshommes de s’installer dans sa province. Les verreries s’installaient aux abords de forêts afin de trouver le bois nécessaire aux fours. La région de Bayel était riche de toutes les matières premières requises pour la fabrication du verre (bois, fougères, sables, chaux, glaise) qui permettaient d’obtenir un verre d’une grande pureté. De très grands privilèges furent accordés aux verriers, et certaines ordonnances royales les assimilaient aux nobles.

En parallèle, depuis environ 1200, se développe la verrerie sur l’île de Murano à Venise, où l’art du verre atteint des sommets jamais inégalés.

En France, il faut attendre Colbert, premier ministre de Louis XIV pour voir apparaître la verrerie d’art. C’est à cette époque que Jean-Baptiste Mazzolay, verrier de Murano venu vivre à Paris et repéré par le roi, reçut l’autorisation d’ouvrir une verrerie en province. Il fonda alors en 1678 sa manufacture qui avait le privilège de fournir la cour des objets usuels jusqu’en 1727. La présence d’autres gentilshommes verriers aux alentours permit l’ouverture de la manufacture à Bayel et ils reçurent l’exclusivité de la production et de la vente entre Chaumont et Paris. Après une production florissante, la verrerie sombra petit à petit et en 1853, on ne contait plus qu’un seul maître-verrier à la manufacture. C’est alors qu’elle est rachetée par Alexis Marquot qui lui redonne vie, aidé par la construction du chemin de fer qui permettait de désenclaver le site.

À partir de 1955, Bayel devient progressivement une cristallerie, et délaisse définitivement le travail du verre au profit du cristal en 1966.

D’après les brochures du Musée du Cristal de Bayel :

  • De la manufacture royale en cristaux de Bayel à la cristallerie royale de champagne. Bayel : Musée du cristal de Bayel, [S.d],
  • Cristallerie royale de champagne de Bayel, guide de visite . Bayel : Musée du cristal de Bayel, [S.d]

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Le Cristal de Roche, un patrimoine méditerranéen

« Le cristal de roche, quartz pur, que les Grecs regardaient comme de la « glace » (krustallos), créée par les dieux, prend place parmi ces gemmes aux propriétés merveilleuses, qui, une fois taillées, évidées et polies, produisent des objets étonnants et fastueux. Les cours de l’Antiquité tardive les ont hautement appréciées, à la fois comme parures et comme talismans. À la veille des conquêtes islamiques du VIIe siècle, la Perse des rois sassanides était connue pour ses ouvrages en quartz : coupelles, gobelets, perles, sceaux, médaillons figuratifs en intaille, flacons gravés en nids-d’abeilles. Objets de belle facture, ils semblent avoir été réalisés sur la frange irakienne du royaume, si l’on en juge par l’abondance des cristaux sassanides découverts en Mésopotamie. Dès le Haut Moyen Âge, certains exemplaires iraniens préislamiques parviendront en Occident, comme la « Tasse de Salomon » et le « Vase d’Aliénor » déposés dans le trésor de Saint-Denis.

Après l’avènement de l’islam, les califes omeyyades et abbassides poursuivront les traditions iraniennes. Des écrivains arabes décrivent l’admiration d’un Bédouin devant la lampe en cristal (billawr), que le calife omeyyade al-Walîd avait fait placer dans la Grande Mosquée de Damas, au-dessus du mihrab des Compagnons du Prophète. Elle était si imposante que, plus tard, le calife abbasside al-Amîn, très amateur de cristaux, la fera transporter clandestinement à Bagdad. Au Xe siècle, l’encyclopédiste al-Birûnî, dans son livre sur les pierres précieuses, mentionne Basra comme étant un important foyer de lapidaires. Une lampe en forme de barque, ornée d’une tige d’acanthe, conservée à l’Ermitage, atteste ses liens avec l’art décoratif de Samarra et pourrait provenir d’un atelier irakien. Mais c’est en Égypte, pendant le règne des Fatimides (969-1171), et sans doute pour des raisons d’ordre ésotérique, que la taille du cristal de roche atteint une perfection inégalée et devient une véritable industrie, stimulée par les usages somptuaires des califes. Avec une habileté consommée, les lapidaires égyptiens ont donné naissance à une gamme d’objets divers et souvent de grand format. [...] Quelque deux cents oeuvres ont subsisté sur les milliers d’objets mentionnés par les chroniqueurs. L’Égypte, au tournant des Xe et XIe siècles est ainsi à la source de la plupart des objets en cristal de roche parvenus dans les trésors médiévaux de l’Occident. [...] »

R.G. Le cristal de roche [en ligne]. Quantara : patrimoine méditerranéen. Disponible sur : <http://www.qantara-med.org/qantara4/public/show_document.php?do_id=580> (consulté le 21/09/2012)

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La Grande Histoire de la Côte d’Or

Posté par francesca7 le 14 octobre 2014

Histoire du département de la Côte-d’Or

(Région Bourgogne)

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Par sa position géographique, la richesse et l’étendue de son territoire, l’importance de ses villes, le département de la Côte-d’Or est celui dans lequel se caractérise le plus la physionomie historique de l’ancienne Bourgogne. Avant la conquête romaine et l’invasion des Burgondes, qui ont laissé leur nom à la province où ils s’installèrent, cette contrée, comprise dans la Gaule celtiques était habitée par les Lingons, tribu vaillante, fort ancienne, et qui se partageait avec les Séquanais et les Éduens toute la région orientale de la France actuelle.

La religion, les mœurs des Lingons étaient celles des autres peuples de la Gaule ; ils croyaient à l’unité de Dieu et à l’immortalité de l’âme ; ils avaient une espèce de royauté élective et responsable, dont le pouvoir civil, judiciaire et militaire, était, en beaucoup de cas subordonné à l’autorité religieuse du grand prêtre, chef des druides. L’esprit belliqueux et entreprenant de ces populations les avait souvent entraînées dans de lointaines expéditions. Longtemps ils furent conquérants avant d’être conquis à leur tour. 590 ans avant l’ère chrétienne, Sigovèse avait établi des colonies dans la Bohème et la Bavière, et Bellovèse avait fondé plusieurs villes dans le nord et l’est de l’Italie. Brennus avait pris Rome. Deux autres chefs gaulois, Léonoius et Lutarius, avaient pénétré jusqu’à Delphes, en Asie, et y avaient constitué la tétrarchie des Galates. Les Linons avaient figuré dans toutes ces entreprises, et on leur attribuait spécialement la fondation des villes d’Imola et de Budrio.

Lorsque l’invasion des Helvètes les menaces d `Arioviste, chef des Suèves, et la rivalité entre les Êduens et les Arvernes eurent amené sur les bords de la Saône les Romains déjà maîtres de la Gaule Narbonnaise, les Lingons furent un des premiers peuples auxquels ils offrirent leur amitié. Le respect qu’ils professèrent dans les premiers temps pour les coutumes et l’indépendance de leurs nouveaux alliés établit entre les deux nations l’union la plus cordiale et la plus sympathique. Des volontaires lingons se joignirent aux Éduens, qui voulurent accompagner César dans sa descente en Grande-Bretagne. Dans la guerre même de l’indépendance, guerre dont Vercingétorix fut le héros et la victime, les Lingons restèrent fidèles à la foi promise, malgré l’exemple que leur donnaient les Éduens, ces vieux alliés de Rome, qui se repentaient, mais trop tard, d’avoir été les premiers à accepter le patronage de tels voisins.

Les Lingons s’attachèrent plus étroitement à la fortune du conquérant des Gaules, qui sut avec tant d’habileté recruter ses légions parmi ceux qu’il venait de vaincre. Ils combattirent pour lui à Pharsale ; et si les trésors de la Gaule, si Vercingétorix enchaîné, figurèrent dans le cortège du triomphateur, on vit aussi plus d’un Gaulois quitter ses braies pour revêtir la toge du sénateur. C’est par les séductions de la paix que César voulait achever l’oeuvre de ses victoires. Les provinces gauloises furent administrées sous son règne avec la plus grande douceur. On n’enleva aux populations ni leurs terres ni leurs droits municipaux. Les grands furent dédommagés, par des titres et par des honneurs nouveaux, des dignités qu’ils avaient perdues. L’agriculture fut exercée dans les mêmes conditions qu’en Italie ; la navigation était libre sur le Rhône, la Saône, la Loire, même sur l’Océan.

Aussi les luttes du second triumvirat n’eurent-elles aucun retentissement dans la Gaule épuisée et assoupie. Auguste continua la politique de César. il fit plusieurs voyages et de longs séjours dans la Gaule, défendit ses frontières contre les Germains, y appela de nombreuses colonies, embellit les villes, en fonda de nouvelles, couvrit le pays de larges et magnifiques routes, imposa, enfin, sa domination avec tant d’habileté qu’à sa mort les vaincus avaient adopté les mœurs, les habillements, la religion et les lois des vainqueurs. La tyrannie, les exactions de Tibère et de Néron suscitèrent les révoltes promptement comprimées de Sacrovir et de Vindex. Le vieux sang gaulois était appauvri et vicié ; pour le rajeunir, il fallait d’autres éléments que l’influence d’une civilisation corruptrice et le contact des races abâtardies de la Rome des Césars.

Le seul épisode qui mérite d’arrêter les regards dans cette longue période de servitude et d’abjection est l’audacieuse tentative de Sabinus et le dévouement héroïque d’Éponine, son épouse. L’incendie du Capitole, qui avait marqué la mort de Vitellius, était représenté par quelques vieux druides comme un présage de ruine pour la puissance romaine. Les Lingons prirent les armes et choisirent pour chef Sabinus, leur compatriote, qu’on prétendait issu de Jules César. Ceux de Trèves se joignirent à eux ; mais les Séquanais et les Autunois, dont Sabinus avait autrefois pris d’assaut la capitale, marchèrent contre les révoltés et les défirent. Les Lingons se réconcilièrent avec Domitien en lui envoyant un secours de 70 000 hommes contre les barbares qui menaçaient les frontières romaines.

C’est vers cette époque, au moment même où l’oeuvre de dissolution semble accomplie, que commencent à apparaître les premiers symptômes de régénération. On fait remonter à la fin du ne siècle les premières prédications de l’Évangile en Bourgogne. La tradition la plus probable et la plus répandue donne à cette province pour premiers apôtres les disciples de saint Polycarpe, évêque de Smyrne, qui, après avoir pénétré dans la Gaule par le Vivarais, et ayant trouvé l’Église de Lyon déjà florissante, grâce aux prédications de Pothin et d’Irénée, s’avancèrent jusqu’à Autun, et de là se partagèrent la gloire et les périls de la conversion du pays Autun eut pour martyr un des premiers néophytes, le jeune Symphorien. Andoche et Thyrse, ses maîtres dans la foi, périrent à Saulieu, et Bénigne, leur compagnon, à Dijon, vers 178, sous le règne de Marc Aurèle. Le sang des victimes fut une semence féconde de chrétiens, et lorsque, en 311, Constantin donna la paix à l’Église, chaque ville, après avoir eu son martyr, avait enfin son pasteur.

Pendant que ces germes de salut se développaient, pendant que cette force inconnue grandissait dans l’ombre, rien ne saurait donner une idée de l’horrible confusion au milieu de laquelle agonisait le vieil empire romain séditions des légions nommant chacune leur empereur, guerres civiles, déchirement des provinces, pestes, famines, exactions. Le vieux monde se précipitait dans le christianisme comme dans un, refuge ; mais ce monde était trop usé, trop fini, trop bien mort pour apporter à la foi nouvelle la force d’expansion nécessaire à la reconstitution d’une autre société ; c’est alors qu’arrivent les barbares.

Alains, Vandales, Suèves, Gépides franchissent le Rhin, descendent des Alpes, pénètrent jusqu’en Espagne, jusqu’en Afrique, sans que la Saône ou le Rhône les arrêtent, sans laisser d’autres traces de leur passage que des monceaux de ruines. Derrière eux s’avance lentement une lourde armée de géants ; c’étaient les Burgondes. Pline en fait la principale tribu des Vandales ; Procope et Zosime les disent également Germains d’origine et de nation vandale. Voici le tableau qu’en a tracé le savant et consciencieux historien de la Bourgogne, Courtépée :

images (5)« Ces peuples, nés au milieu des forêts, étaient ennemis de la contrainte ; la liberté faisait tout leur bonheur, la chasse leur occupation, les troupeaux et les esclaves leurs richesses. Sans patrie et sans demeure fixe, ils ne redoutaient que la servitude. Ils n’avaient aucun art agréable ; mais ils pratiquaient l’hospitalité et toutes les vertus des peuples sauvages. Ils n’avaient pour arme que la framée, espèce de lance ou de halle- barde, la fronde, l’épieu, la hache, qui servaient également pour attaquer, pour se défendre et pour bâtir leurs maisons. Ils marchaient toujours armés, usage qu’ils conservèrent après leur conquête.

« On dit qu’ils portaient la figure d’un chat sur leurs boucliers, emblème de la liberté qu’ils voulaient conserver partout. Ils avaient des chefs, mais ils n’avaient point de maîtres. Ces chefs, qui prenaient le titre de hendin, furent d’abord électifs. Leur autorité n’avait d’autre terme que celui du bonheur de la nation. Ils n’étaient pas seule ment comptables de leurs fautes personnelles, ils l’étaient aussi des caprices de la fortune ou des fléaux de la nature. On les déposait lorsqu’ils avaient perdu une bataille ou mal réussi dans leurs entreprises, ou dans un temps de stérilité. Leurs prêtres étaient traités bien plus favorablement. Le pontife, nommé sinist, était perpétuel ; son pouvoir surpassait celui du hendin, et s’étendait au droit de punir les coupables : le respect des peuples le mettait lui-même à l’abri de toute révolution. »

Tel était le peuple qui devait conquérir une partie si importante de la Gaule. Des bords de la Vistule et de l’Oder il arriva, vers 275, sur les bords du Rhin, fit plusieurs tentatives infructueuses pour le franchir, et s’établit sur la rive droite, où il demeura jusqu’en 407. C’est pendant les dernières années de ce séjour que la religion du Christ pénétra chez les Burgondes ; ils avaient entendu parler d’un Dieu puissant dont le culte s’était nouvellement établi dans les Gaules. Ils envoyèrent des députés aux évêques voisins pour se faire instruire ; et ceux-ci, ayant été baptisés, rapportèrent la foi à leurs compatriotes.

Quoiqu’on ignore la date précise de leur conversion, elle est généralement attribuée aux prédications de saint Sévère, évêque de Trèves en 401. Quelques années après, Stilicon, général des armées romaines, Vandale d’origine, devenu tuteur d’Honorius, fit alliance avec les Alains, les Suèves, les Vandales, et les appela dans les Gaules pour l’aider à placer sur le trône impérial son propre fils Euchérius. Les Burgondes franchirent alors le Rhin à la suite des autres barbares ; ils se rendirent maîtres, presque sans obstacle, des pays situées entre le haut Rhin, le Rhône et là Saône Impuissant à leur résister, le patrice Constance, général d’Honorius, fit avec eux un traité solennel, qui leur assurait à titre d’hôtes et deconfédérés la possession de presque tout le territoire dont ils s’étaient emparés.

Ils élurent alors un roi ; leur choix tomba sur Gondicaire, le même sans doute qui était hendin lors du passage du Rhin en 407, et qu’on peut regarder comme le fondateur de la première monarchie bourguignonne. Trois nations différentes vivaient donc alors sur le même sol – les Gaulois, les Romains et ces nouveaux conquérants, les Burgondes. C’est de la fusion de ces éléments divers que se forma la race régénérée.

Gondicaire justifia par sa conduite habile le choix de ses compatriotes. Sa capitale et sa résidence fut d’abord Genève, qui était alors au centre de ses États ; plus tard, ayant soumis toute la province lyonnaise, il transféra à Vienne, en Dauphiné, le siège de la monarchie, se rendit maître d’Autun et de toute la Séquanaise, porta ses armes jusque dans la Belgique et le pays de Metz, et ne fut arrêté dans ses conquêtes que par le patrice Aétius, qui, justement alarmé des envahissements de ses anciens alliés, leur déclara la guerre et les défit dans une sanglante bataille, en 435.

Vainqueurs et vaincus se réunirent bientôt contre un ennemi qui les menaçait tous ; les Huns se montraient de nouveau sur le Rhin ; Gondicaire avait été tué avec vingt mille des siens en s’opposant à leur passage ; Gondioc, son fils et son successeur, associa ses efforts à ceux d’Aétius pour combattre Attila, et partagea la gloire de la fameuse journée des plaines catalauniques. Fidèle aux traditions paternelles, il utilisa habilement les années de paix qui suivirent celte rude secousse.

C’est de ce règne que date la répartition territoriale et cette législation bourguignonne si profondément enracinée dans les moeurs du pays que, dans plusieurs de ses parties, elle a continué à régir la province jusqu’à la Révolution. de 1789. Gondioc se rit nommer patrice par les Romains, et obtint du souverain pontife le titre de fils. Il réunit à sa couronne le pays des Lingons, celui des Éduens, le Nivernais, le reste de la Lyonnaise et une partie de la Narbonnaise, de sorte que son empire avait au midi la Méditerranée pour limite. Il mourut à Vienne vers 470, laissant quatre fils qui se partagèrent ses vastes États.

La Bourgogne et la Comté échurent à Gondebaud, patrice et maître de la milice dès 473, arbitre des destinées à de l’empire qu’il fit donner à Glycérius, et, en 476, souverain indépendant lors de la ruine de la puissance romaine sous Augustule. Le bien qu’on pouvait attendre de la position ainsi simplifiée fut considérablement atténué par les dissensions qui éclatèrent entre Gondebaud et ses frères. Celui-ci, après avoir triomphé de toutes les agressions, ensanglante ses victoires par des violences que la barbarie du temps peut expliquer, mais que ne saurait justifier l’histoire.

Les représailles, au reste, ne se firent pas attendre. Clotilde, seconde fille de Chilpéric, un des frères de Gondebaud, qui avait eu en partage Genève, la Savoie et une partie de la Provence, après avoir échappé au’ massacre de sa famille vaincue et dépossédée, était devenue la femme de Clovis, chef des Francs. Cette princesse poursuivit avec une persévérance infatigable l’œuvre de vengeance qu’elle semblait s’être imposée, usant de toute l’influence qu’elle exerçait sur son époux pour l’armer contre son oncle, suscitant les scrupules du clergé de Bourgogne contre l’arianisme qu’avait embrassé Gondebaud, éveillant toutes les convoitises, envenimant toutes les haines contre celui dont elle s’était promis la perte. Gondebaud déjoua toutes les intrigues, repoussa toutes les attaques et lassa pour un temps cette implacable hostilité.

L’histoire de son règne peut se diviser en deux parties : la période belliqueuse, toute remplie des luttes dont nous venons d’énoncer l’origine et les résultats ; la période pacifique, consacrée à l’organisation administrative et judiciaire du royaume de Bourgogne. C’est dans cette dernière surtout qu’il faut chercher les titres de Gondebaud aux souvenirs de l’histoire ; il compléta, dans un esprit remarquable de justice et d’humanité, l’oeuvre commencée par son père ; il réunit ses ordonnances modifiées et les édits nombreux qu’il rendit lui-même dans une espèce de code devenu célèbre sous le nom de Loi Gombette. Ce règne, pendant lequel l’agriculture fut puissamment encouragée, les ruines des villes relevées, d’innombrables établissements ecclésiastiques fondés, marque l’apogée de la monarchie de Gondicaire.

Gondebaud mourut à Genève en 516 ; il eut encore deux successeurs, Sigismond et Gondemar ; mais l’inaction de l’un et la faiblesse de l’autre rendirent la tâche facile à la vengeance inassouvie de Clotilde et à l’ardeur conquérante des Francs. En 534, Clotaire et Childebert rassemblèrent leurs forces et envahirent la Bourgogne ; une seule bataille leur livra le pays. Gondemar alla s’enfermer dans Autun, où il tenta de résister aux fils de Clotilde ; mais ce dernier effort fut si peu vigoureux, si peu retentissant, qu’en enregistrant sa défaite, l’histoire reste muette sur les destinées du vaincu. En lui, s’éteignit la race de Gondicaire ; avec lui finit le royaume de Bourgogne, qui avait duré 120 ans.

Les princes francs se partagèrent les dépouilles de Gondemari Théodebert, roi de Metz, eut Besançon, Langres, Châlon, Genève et Viviers et Childebert, roi de Paris, et Clotaire, roi de Soissons, eurent le reste jusqu’au moment où ce dernier réunit sous son sceptre les États de ses frères. Un nouveau partage, qui eut lieu à sa mort en 562, constitua un second royaume de Bourgogne au bénéfice de son second fils, Gontran, possesseur en outre d’Orléans et du territoire de Sens.

Rien de plus lugubre à la fois et de plus confus que les annales de cette dynastie mérovingienne des rois de Bourgogne. La seule figure de Gontran repose le regard épouvanté de toutes les horreurs qui signalent la longue et sanglante rivalité de Frédégonde et de Brunehaut. Le peuple l’aimait, disent les chroniques du temps ; quand il approchait d’une ville, les habitants allaient au-devant de lui avec des bannières en criant : Noël ! Après sa mort,’ il fut mis au nombre des saints ; et, cependant, on rapporte que la dernière de ses trois femmes, la belle Austrégide, lui ayant demandé comme grâce en mourant de faire périr ses deux médecins, parce qu’ils n’avaient pas eu l’habileté de la guérir, il eut la faiblesse d’accomplir ce vœu barbare ; ajoutons que c’est le premier prince qui se soit fait entourer de gardes.

Childebert, sans changer son titre de roi d’Austrasie, hérita de la plus grande partie de la haute Bourgogne, qu’il conserva seulement trois ans et quelques mois. Thierry, son second fils, est le deuxième prince mérovingien qui soit désigné sous le nom de roi de Bourgogne et d’Orléans ; il se laisse diriger par Brunehaut, son aïeule ; l’histoire de son règne n’est qu’un tissu de trahisons, de massacres et d’atrocités de tout genre. Il meurt subitement à Metz d’un flux de sang, à l’âge de vingt-six ans, après en avoir régné dix-huit, et précédant. de quelques mois seulement dans le tombeau sa terrible aïeule, dont fait justice à son tour Clotaire II, fils de Frédégonde.

La première apparition des maires du palais à la cour de Bourgogne se rattache au règne de Thierry ; et ce sont les intrigues de Varnachaire II, revêtu de cette dignité, qui livrent Brunehaut à Clotaire et facilitent à ce prince, par la défaite des fils de Thierry, la réunion de la Bourgogne à la France. Les deux royaumes sont régis par le même sceptre et suivent les mêmes destinées jusqu’à la fin du IXe siècle, époque de la constitution des grands établissements féodaux sous les successeurs de Charlemagne.

Image illustrative de l'article Parc national des Forêts de Champagne et BourgogneCharles le Chauve avait trouvé dans la fidélité de la noblesse bourguignonne un précieux appui contre les attaques de Louis le Germanique ; mais toutes les leçons de l’expérience étaient perdues pour ce prince incapable. Son fils, Louis le Bègue, ne comprit pas davantage la nécessité. de réunir en faisceau les forces éparses de la monarchie défaillante. Sous son règne, la confusion et l’anarchie augmentèrent encore, le morcellement du territoire ne rencontra plus d’obstacle. Trois nouveaux royaumes furent formés avec les débris de l’ancien royaume de Bourgogne : celui de Provence ou de Bourgogne cisjurane, par Boson, élu roi au concile de Mantaille, en 879 ; celui de Bourgogne transjurane, par Rodolphe, couronné à Saint-Maurice, en Valais, en 888 ; et celui d’Arles, composé des deux premiers, en 930. Quant à la Bourgogne proprement dite, elle resta sous le gouvernement des ducs héréditaires, dont nous avons ici principalement à nous occuper.

L’origine des premiers ducs de Bourgogne était illustre, et ce qui vaut mieux encore, nous retrouvons là, comme à la souche de presque toutes les grandes dynasties féodales, un de ces hommes auxquels il n’a manqué qu’un autre théâtre pour que l’histoire les mette au rang de ses héros. Richard le Justicier, comte d’Autun, était fils de Beuves, comte d’Ardenne, frère de Boson, roi de Provence, et sa soeur Richilde avait épousé Charles le Chauve en 870.

Sans vouloir nier ce que ces hautes alliances durent ajouter à son crédit, on peut dire qu’il fut surtout le fils de ses œuvres. Sincèrement et loyalement dévoué au roi son bienfaiteur, il le défendit contre les entreprises de sa propre famille. Il battit, en 880, les troupes de son frère Boson près de la Saône, mit garnison dans Mâcon au nom des rois Louis et Carloman, et donna le gouvernement de cette ville à Bernard, dit Plantevelue, tige des comtes héréditaires de Mâcon. Après s’être emparé de Lyon, il assiégea Vienne, dont il chassa Boson, et emmena prisonnière à Autun sa femme Hermangarde avec ses enfants, en 882. Il secourut Charles le Simple contre Eudes, comte de Paris, défit une première fois, en 888, dans les plaines de Saint-Florentin, les Normands, qui avaient pénétré dans la Bourgogne et dévasté Bèze ; remporta de nouvelles victoires sur eux, avec l’aide des, Auxerrois conduits par leur évêque Géran, gagna, contre le fameux chef Rollon, une bataille décisive auprès de Chartres, et fit lever le siège de cette ville en 911.

Étant à l’agonie, et les évêques l’exhortant à demander pardon à Dieu d’avoir versé tant de sang humain : Quand j’ai fait mourir un brigand, répondit-il, j’ai sauvé la vie aux honnêtes gens, la mort d’un seul ayant empêché ses complices de faire plus de mal. Il mourut à Auxerre en 921, laissant de sa femme Adélaïde soeur de Rodolphe Ier roi de la Bourgogne transjurane, trois fils : Raoul, son successeur, qui devint ensuite roi de France, Hugues le Noir et Boson.

Les ducs bénéficiaires de Bourgogne furent au nombre de sept, et régnèrent, de 880 à 1032, dans, l’ordre suivant : après Richard, Raoul le Noble, qui fut roi pendant la captivité de Charles le Simple à Péronne ; il eut pour successeur son beau-frère, Gilbert de Vergy, qui maria sa fille aînée à Othon, fils de Hugues le Grand ; Hugues le Noir, second fils de Richard, occupa pendant quelque temps le duché à la mort de Gilbert, plutôt comme usurpateur que comme héritier ; il en fut dépossédé par Louis d’Outre-mer au profit de Hugues le Blanc ou le Grand, cinquième duc.

On connaît la haute fortune de cette maison : pendant que Hugues Capet mettait la couronne de France sur sa tête, ses deux frères, Othon et Henri, possédaient successivement le duché de Bourgogne. La mort du septième et dernier duc Henri fut le signal de violentes contestations, de luttes sanglantes et d’une nouvelle répartition territoriale. Il avait laissé un fils adoptif, Othe-Guillaume, qui, soutenu par une partie des populations et les sympathies de la noblesse, prétendait à la succession de Henri ; le roi Robert, neveu paternel du duc, revendiquait de son côté l’héritage comme étant son plus proche parent ; la guerre éclata ; enfin, après treize ans d’une lutte indécise et ruineuse, l’intervention de l’évêque d’Auxerre amena un arrangement en vertu duquel le duché de Bourgogne était restitué à Robert, tandis que Othe conservait viagèrement le comté de Dijon.

Par une singulière coïncidence, à peu près à la même époque où le duché bénéficiaire prenait fin par sa réunion au domaine de la couronne, le second royaume de Bourgogne s’éteignait, après cent cinquante ans de durée, dans la personne d’Eudes, comte de Troyes, tué dans sa lutte contre Conrad II. Des débris de ce royaume furent formés les comtés de Provence, de Savoie, de Viennois, de Bourgogne ou Franche-Comté ; le reste fut réuni par Conrad à l’Empire. Ce comté de Bourgogne fut donné aux descendants de Othe en échange du comté de Dijon, et Lambert, évêque de Langres, ayant remis au roi Robert tous les droits qu’il possédait sur cette ville, ce prince en fit, au préjudice d’Autun, la capitale du duché qu’il donna à son fils Henri.

Le règne de Robert forme donc une des époques les plus importantes de l’histoire de Bourgogne : démembrement et fin du second royaume de Bourgogne ; formation d’un comté et transformation du duché bénéficiaire fondé par Richard le Justicier en un duché héréditaire qui va devenir l’apanage des princes du sang royal. Tels sont les faits essentiels qui se rapportent à cette date.

Henri Ier, fils aîné de Robert, nommé duc de Bourgogne en 1015, et devenu roi de France en 1031, céda son duché à son frère Robert, tige d’une dynastie de douze ducs, qui possédèrent la province de 1032 à 1361. Les termes de la charte d’octroi portent que le duché est donné pour en jouir en pleine propriété et passer à ses héritiers. Robert Ier, premier duc de la première race royale, usa assez tyranniquement de sa souveraineté ; son règne fut tout rempli de violents démêlés avec les Auxerrois ; il mourut à FIeurey-sur-Ouche, en 1075, après un règne de quarante-trois. ans, d’un accident tragique et honteux que l’histoire n’explique pas.

Son petit-fils, Hugues Ier, s’appliqua, par la sagesse et la douceur de son administration, à faire oublier les violences de son aïeul ; il prêta volontairement serment de maintenir les droits et privilèges de la province, et commit à six barons l’autorité de réprimer, même par les armes, les empiétements de ses successeurs. Après avoir remis son duché à Eudes Ier, son frère, il se retira, en 1078, à Cluny, sous la discipline de saint Hugues, son grand-oncle. Le plus éloquent éloge des vertus de ce prince est dans les phrases suivantes d’une lettre que le pape Grégoire VII écrivait à l’abbé de Cluny, pour lui reprocher d’avoir encouragé la résolution de Hugues : « Vous avez enlevé le duc à la Bourgogne, et par là vous ôtez à cent mille chrétiens leur unique protecteur. Si vous ne vouliez pas exécuter mes ordres qui vous le défendaient, au moins eussiez-vous dû être sensible et céder aux gémissements des pauvres, aux larmes des veuves et aux cris des orphelins. »

Les ravages d’une peste horrible, qu’on appela le feu sacré, et la fondation de l’ordre des chartreux par saint Bruno sont les événements les plus importants qui se rattachent à ce règne. Eudes se croisa et alla mourir à Tarse, en Cilicie, en 1102. Hugues II, son fils, mérita le surnom de Pacifique. Il fut l’ami de saint Bernard et s’occupa beaucoup de pieuses fondations.

L’aîné de ses fils et son successeur, Eudes II, hérita de ses vertus. Quoiqu’il se soit décidé deux fois à faire la guerre, d’abord pour consacrer ses droits de suzeraineté sur Saint-Germain d’Auxerre, Saint-Florentin et le comté de Troyes, que lui contestait Thibaut, son beau-père, et ensuite pour aller délivrer des Sarrasins son cousin Alphonse de Portugal, il prouva qu’il estimait les bienfaits de la paix à. leur juste valeur en refusant de céder au grand entraÎnement qui poussait vers la terre sainte les rois, princes et seigneurs de son temps. Il préféra le bonheur de ses sujets à une gloire incertaine, s’appliqua à faire régner l’union et la prospérité autour de lui, et paya sa dette à la religion en fondant de nouveaux monastères, en dotant ceux qui existaient déjà, en achevant les constructions commencées, et notamment la cathédrale d’Autun.

Hugues III, son fils, dont le règne commença en 1168, sut moins bien résister à la contagion des exemples ; il guerroya contre les grands vassaux ses voisins, prit la croix en 1178. Rejeté en France par une violente tempête, il revint bâtir la Sainte-Chapelle de Dijon, en accomplissement d’un vœu qu’il avait fait au moment du danger. En 1190, il repartit avec Philippe-Auguste et assista à la prise de Saint-Jean-d’Acre, puis mourut à Tyr en 1192. Avant de quitter la Bourgogne, il avait constitué la commune de Dijon.

Hugues Ill semble revivre dans son fils Eudes III. Aventures lointaines, exploits guerriers, affranchissement des communes caractérisent ce règne comme le précédent. La participation à l’expédition qui plaça Baudouin sur le trône de Constantinople, la croisade contre les Albigeois avec Simon de Montfort, la glorieuse journée de Bouvines en sont les dates les plus éclatantes. Le règne de Hugues IV fut heureusement préparé par l’habile régence de sa mère, Alix de Vergy. Dès qu’il fut majeur, le prince confirma la commune de Dijon ; figura comme un des douze pairs au sacre de Louis IX, ajouta à ses domaines le comté d’Auxonne et fit reconnaître sa suzeraineté sur celui de Mâcon.

Hugues fut un des plus fidèles compagnons de saint Louis ; il partagea ses périls et sa captivité dans la première croisade. Le roi, de son côté, visita plusieurs fois la Bourgogne ; il y laissa de profonds souvenirs de sa sainteté et de sa justice. Hugues, après avoir refusé au pape Innocent IV fugitif un asile dans ses États, eut la faiblesse d’y accueillir, en qualité de. grand inquisiteur, un cordelier, Robert, fanatique et apostat, qui traînait avec lui une femme perdue ; ce ne fut qu’après de nombreuses exécutions et beaucoup de sang répandu que les impostures de ce misérable furent dévoilées. Cet épisode est une tache regrettable dans l’histoire de Hugues IV.

Robert II, troisième fils de Hugues, ne dut la tranquille possession du duché qu’à Philippe le Hardi, qui l’en déclara seul et légitime héritier, contre les prétentions de ses beaux-frères. Jamais liens plus étroits ne rattachèrent la maison de Bourgogne à celle de France. Robert avait épousé Agnès, fille de saint Louis, et il eut pour gendre Philippe de Valois, marié à Jeanne, sa fille, en 1315. L’intimité de ces alliances donnèrent à Robert une grande influence dans la direction des affaires de l’État. Après le mas sacre de s Vêpres siciliennes, il fat chargé d’aller secourir Charles de Naples. Philippe le Bel le nomma grand chambrier de France, gouverneur du Lyonnais, gardien du comté de Bourgogne, et, mission plus délicate, son principal intermédiaire dans ses démêlés avec Boniface VIII.

Quoique chargé de si graves intérêts, Robert ne négligea pas ceux de son duché ; un remaniement des monnaies et d’importants accroissements de territoire classent son règne parmi les plus glorieux de sa dynastie. Il eut neuf enfants, dont plusieurs moururent avant lui ; Hugues V, l’aîné des survivants, eut pour régente, pendant sa minorité, sa mère, Agnès. A peine majeur, il mourut, ne laissant de son règne si court que le souvenir de sa brillante réception comme chevalier, et comme date sanglante, la condamnation des templiers.

EudesBourgogne.jpgEudes IV, son frère, prit aussitôt possession du duché. Agnès obtint qu’il transigeât avec les prétentions de Louis, son dernier frère, en lui abandonnant le château de Douesme avec une rente de 4 000 livres. A la mort de Louis le Hutin, Eudes, à défaut d’héritier mâle, voulut faire valoir les droits de Jeanne, sa nièce, fille du roi défunt. L’application de la loi salique, réclamée par Philippe le Long, régent du royaume, rendait vaines ses réclamations ; pour le dédommager, Philippe lui donna en mariage, avec 100 000 livres de dot, sa fille aînée, héritière par sa mère des comtés de Bourgogne et d’Artois. L’accord se rétablit, et la confiance royale valut dans la suite à Eudes une influence qu’il justifia par sa sagesse et sa capacité. Il mourut dans cette désastreuse année de laquelle un versificateur du temps a dit :

En trois cent quarante-neuf,
De cent ne demeuroient que neuf.

Son fils aîné était mort trois ans auparavant d’une chute de cheval au siège d’Aiguillon, laissant pour héritier unique son fils, Philippe de Rouvres, âgé de cinq ans. La tutelle fut confiée d’abord à Jeanne de Boulogne, mère du jeune duc, et ensuite au roi Jean, qui épousa la noble veuve. Jean vint à Dijon, en 1350, et il jura publiquement, dans l’église de Saint-Bénigne, de conserver et maintenir les franchises, immunités et privilèges de la province.

Cette période est tout entière remplie par les calamités entraînaient pour la France les envahissements des Anglais ; la Bourgogne n’était pas plus épargnée Châtillon avait été brûlé, Tonnerre pillé, Flavigny était devenu la place d’armes de l’ennemi ; tout le pays étant ou envahi ou menacé, les trois ordres -des deux Bourgognes s’assemblèrent à Beaune, et on vota 200 000 moutons d’or, c’est-à-dire plus de 2 000 000 de livres, somme énorme pour le temps, comme rançon de la province. Ce fut au milieu de ces calamités que Philippe, ayant atteint l’âge fixé pour sa majorité (quinze ans), prit, en 1360, le gouvernement du duché. A peine venait-il de contracter avec Marguerite de Flandre l’union arrêtée depuis longtemps et de ramener son épouse dans son château de Rouvres, près de Dijon, qu’un accident, une chute, mit fin à ses jours, en 1361. Beaucoup d’espérances reposaient sur cette jeune tête ; son coeur semblait animé des plus nobles sentiments : « Il vécut peu, a dit un historien du temps, et fut longtemps regretté ».

Il fut le douzième et dernier duc de-la première race royale, qui avait régné trois cent vingt-neuf ans. Dès que le roi Jean apprit sa mort, il prit possession de ses États, non comme roi de France, mais comme plus proche parent du duc : Ratione proximitatis, non coronae nostrae, hommage éclatant rendu à l’indépendance de la Bourgogne comme État. Après le traité de Brétigny, il se rendit à Dijon, et là, solennellement et officiellement, il unit et incorpora, le duché à la couronne.

Cette annexion, but d’une ambition à courte vue, ne devait point encore être définitive, la pensée de constituer l’unité française était alors encore loin des meilleurs esprits ; le roi Jean, qui avait une prédilection marquée pour Philippe, son quatrième fils, lequel d’ailleurs l’avait vaillamment défendu à la bataille de Poitiers en 1356, et avait partagé sa captivité en Angleterre, lui donna le duché de Bourgogne à titre d’apanage, réversible à la couronne faute d’hoirs mâles, l’institua premier pair de France, dignité dont s’étaient prévalus dans plusieurs occasions les ducs d’Aquitaine et de Normandie.

Philippe, surnommé le Hardi, inaugura donc, en 1363, la seconde dynastie royale des ducs de Bourgogne. Après avoir, selon l’usage, prêté serment de respecter les privilèges provinciaux, il prit possession de ses vastes domaines. Les temps étaient critiques, mais l’occasion de se poser en libérateur n’en était que plus favorable pour quiconque parviendrait à calmer l’orage et à éloigner le péril. Philippe, aidé de Du Guesclin, débuta par purger le pays des bandes indisciplinées de routiers, écorcheurs et malandrins, qui le dévastaient ; il dompta ensuite la terrible Jacquerie, et, déjà renommé par ses exploits militaires, il consolida et agrandit sa puissance par son mariage avec Marguerite de Flandre.

Cette alliance ajoutait à ses États les comtés de Bourgogne, d’Artois, de Flandre, de Rethel, de Nevers, et en faisait un des souverains les plus redoutables de l’Europe. Le roi de France eut recours à lui contre les attaques des Anglais et du roi de Navarre, Charles le Mauvais. Philippe sut arrêter et contenir l’ennemi ; il triompha de, la patriotique révolte des Gantois, commandés par l’héroïque Artevelde. Il reçut, à Dijon, le roi Charles VI avec une magnificence qui devint traditionnelle à la cour de Bourgogne. Il acquit le Charolais, en 1390, au prix de soixante mille écus d’or. Il envoya son fils aîné, Jean, comte de Nevers, avec une armée au secours de Sigismond, roi de Hongrie, menacé par les musulmans. Pendant la maladie de Charles VI, il avait été choisi par les états généraux, en 1392, pour gouverner le royaume Cette préférence, en excitant la jalousie de la maison d’Orléans, devint la source d’une haine irréconciliable qu’en mourant il légua, héritage funeste, à son fils Jean sans Peur. Ce prince succéda à son père en 1406 ; il avait épousé, en 1385, Marguerite de Bavière, dont la dot grossissait ses États de trois comtés : le Hainaut, la Hollande et la Zélande. Ses premiers actes furent ceux d’un prince habile, mais peu scrupuleux.

Après avoir remis un pou d’ordre dans les finances, compromises par les prodigalités de son père, il donna satisfaction à la haine qui couvait dans son cœur. Le 23 novembre 1407, Louis d’Orléans, en sortant de l’hôtel Barbette, à Paris, où il avait soupé avec la reine Isabeau de Bavière, tombait, rue Vieille-du-Temple, sous les coups d’un gentilhomme normand, Raoul d’Octonville, écuyer du duc Jean.

La justice étant impuissante en face d’un si grand criminel, la guerre éclata entre Armagnac et Bourgogne ; le fils du duc d’Orléans avait épousé la fille du comte d’Armagnac, et celui-ci se posa en vengeur du duc d’Orléans La durée de cette triste guerre ne fut interrompue que par les périls extrêmes de la France et la désastreuse campagne qui aboutit à la journée d’Azincourt.

Ce jour-là les deux familles rivales combattirent encore sous le même drapeau ; mais la haine étouffa bientôt ce qui restait de patriotisme et de loyauté. Jean, par un traité secret signé en 1416, s’allia aux Anglais, et l’abandon de Rouen fut le gage de sa trahison. Une sédition payée (celle de Périnet-Leclerc, 1418) et un massacre lui ouvrirent même les portes de Paris, où il entra en triomphateur, salué par les acclamations du peuple égaré, qui criait sur son passage : Noël ! vive le duc de Bourgogne, qui abolit les impôts !

Mais ce triomphe fut de courte durée ; le crime appelait la vengeance ; elle fut digne du coupable, digne des mœurs du temps. Un projet de paix et de réconciliation générale fut proposé, une entrevue avec le dauphin fut convenue, et le rendez-vous fixé, pour le 10 septembre 1419, sur le pont de Montereau. L’entourage intime de Jean avait été gagné ; il partit donc sans défiance ; mais quand il se fut avancé sur le pont, escorté de dix chevaliers seulement, les complices du duc d’Orléans, Tanneguy du Châtel et le sire de Barbazan à leur tête, se précipitèrent sur les Bourguignons et percèrent Jean de leurs coups. Les assassins voulaient jeter son corps dans la Seine, mais le curé de Montereau obtint qu’il lui fût remis ; il le garda jusqu’à minuit, le fit alors porter dans un moulin voisin et le lendemain à l’hôpital, où on l’ensevelit dans la bière des pauvres.

La mort de Jean sans Peur mit Philippe, dit le Bon, en possession de ses États à l’âge de vingt-trois an§. Il était à Gand lorsqu’il apprit la fin tragique de son père. Brûlant du désir de le venger, il convoqua à Arras une assemblée de grands seigneurs,. à laquelle il invita le roi d’Angleterre, qui était à Rouen. C’est là que fut préparé, pour être conclu à Troyes en 1420, le monstrueux traité qui, de complicité avec Isabeau, épouse et mère dénaturée, déshéritait, au profit de l’étranger, le dauphin Charles VII, du vivant de son père en démence.

Les événements de cette période sont trop connus et d’un intérêt trop général pour que nous entrions ici dans leur récit détaillé. Philippe, qui par la fin de son règne racheta les fautes du commencement, fut alors le complice de tout ce qui se trama et s’exécuta contre la France. Son excuse est dans le souvenir encore récent du meurtre de son père ; mais on ne petit même pas lui faire un mérite de son repentir, car son retour à la. cause française fut déterminé surtout par les outrages dont les Anglais l’abreuvèrent dès qu’ils crurent ne plu s avoir besoin de lui.

C’est en 1434, et par l’intervention de Charles, duc de Bourbon, que furent posés les préliminaires d’une réconciliation trop tardive et cimentée définitivement par le traité d’Arras, le 21 septembre de l’année suivante. L’insolence des termes prouve à quel point la royauté de France était humble et faible devant ce vassal que dédaignaient les Anglais. Charles désavoue le meurtre de Jean, et Philippe, après l’énoncé des dédommagements qui lui sont accordés, s’exprime ainsi : A ces conditions, pour révérence de Dieu et pour la compassion du pauvre peuple, duc par la grâce de Dieu, je reconnais le roi Charles de France pour mon souverain. Hâtons-nous d’ajouter que jamais parole donnée ne fut mieux tenue, et qu’à dater de cette époque la conduite de Philippe fut aussi irréprochable qu’elle avait été jusque-là criminelle.

La prospérité de ses peuples, le développement des bienfaits de la paix devint son unique préoccupation. L’union des deux maisons de France et de Bourgogne fut resserrée par le mariage du comte de Charolais, héritier de Philippe, avec Catherine de France, fille de Charles VII. Lorsque Louis XI, dauphin, quitta la cour de son père, Philippe lui refusa un asile en Bourgogne, où ses intrigues pouvaient être un danger pour la couronne et lui offrit à Geneppe, dans ses terres de Flandre, une hospitalité digne de son rang. Lors de la sédition qu’occasionna, parmi les chefs de l’armée, la désorganisation de l’ancien système militaire, il intervint entre les rois et les rebelles, et obtint d’eux qu’ils renonçassent à leurs projets de guerre civile.

Quoique l’insubordination de ses sujets flamands le tînt le plus souvent éloigné de la Bourgogne, il y entretint toujours une administration éclairée et paternelle. Son règne fut l’apogée des prospérités de la province. « Il mit ses pays, dit Saint-Julien de Baleure, en si haute paix et heureuse tranquillité qu’il n’y avoit si petite maison bourgeoise en ses villes où on ne bût en vaisselle d’argent ». Ce témoignage naïf est un plus éclatant hommage à sa mémoire que toutes les splendeurs de sa cour et les magnificences de l’ordre de la Toison d’or, dont on sait qu’il fut le fondateur. Il mourut à Bruges d’une esquinancie, en 1467, à l’âge de soixante et onze ans ; son corps fut transporté plus tard aux Chartreux de Dijon. Peu de princes furent aussi profondément et aussi justement regrettés.

Charles le Téméraire, quoique son règne n’ait commencé qu’en 1467, suivait depuis plusieurs années une ligne de conduite indépendante et souvent même opposée aux intentions pacifiques de son père. Sa participation à la ligue du Bien public, ses violents démêlés avec Louis XI étaient certainement peu dans les vues de Philippe, déjà vieux et ami de la paix.

Aux qualités héréditaires de sa race, courage, franchise, générosité, Charles joignait des défauts qui lui étaient personnels et qui rendaient bien périlleuse la lutte engagée avec Louis, le plus habile politique de son temps. Charles était arrogant, présomptueux, plein de fougue et d’obstination, incapable de pressentir les pièges qui lui étaient tendus, plus incapable encore de tourner une difficulté ou de recourir à l’adresse pour sortir d’un mauvais pas. Il épuisa toute son énergie, toutes les ressources de sa puissance à lutter contre les embarras que lui suscitait le roi de France sans paraître soupçonner de quelle main parlaient les coups qui lui étaient portés.

Les révoltes de Gand et de Liège, victorieusement, mais trop cruellement réprimées, lui aliénaient les populations et ne lui laissaient pas la libre disposition de ses forces. Il eut en son pouvoir, à Péronne, son rival, convaincu de complicité avec les Liégeois rebelles, et au bout de trois jours il lui rendit sa liberté, se contentant d’une promesse de neutralité qu’il fut le seul à prendre au sérieux. Il s’empara des comtés de Ferrette et de Brisgau, sans se soucier de la rupture avec la Suisse, qui en était la conséquence inévitable ; l’hostilité de ce voisinage l’entraîna dans une guerre dont il n’entrevit pas un seul instant la portée. Battu à Granson, il lui fallut à tout prix une revanche, et la journée de Morat changea en désastre ce qui pouvait n’être qu’un échec. L’importance qu’il avait toujours donnée aux prestiges de l’apparat, aux formes extérieures de la puissance, devait rendre mortel l’affront que ses armes avaient reçu ; il le comprit bien, et on le vit périr de mélancolie et de chagrin plus encore que de sa dernière défaite sous les murs de Nancy.

Il avait été mortellement frappé le 5 janvier 1477 ; son corps, à demi engagé dans un étang glacé, ne fut reconnu que deux jours après à la longueur de ses ongles et à une cicatrice résultant d’une blessure qu’il avait reçue à la bataille de Montlhéry, en 1465. Avec lui finit le duché héréditaire de Bourgogne, dont les possesseurs avaient cinq duchés à hauts fleurons, quinze comtés d’ancienne érection et un nombre infini d’autres seigneuries, marchaient immédiatement après les rois, comme premiers ducs de la chrétienté, et recevaient des princes étrangers le titre de grands-ducs d’Occident.

Portrait de Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud en 1701.Charles laissait pour unique héritière une fille, la princesse Marie. Louis XI s’en fit d’abord donner la tutelle ; puis, à force de séductions et de promesses, il obtint du parlement de Dijon la réunion du duché à la couronne de France. Une alliance du dauphin avec Marie aurait légitimé cette usurpation. Louis ne voulut pas y consentir ; c’est la faute la plus capitale qu’on puisse reprocher à sa politique ; d’ailleurs ce mariage eût été trop disproportionné, le jeune dauphin ayant à peine huit ans et Marie de Bourgogne étant dans sa vingt et unième année. L’archiduc Maximilien, étant devenu l’époux de la fille de Charles le Téméraire, revendiqua les droits de sa femme et- remit en question l’unité française, qu’il eût été si facile de constituer.

Mais ce qui échappa à la perspicacité des politiques, l’instinct public le comprit et la force des choses l’amena ; le lien qui venait de rattacher la Bourgogne à la France, quelque irrégulier qu’il fût, ne devait plus être rompu. Malgré les alternatives d’une longue lutte, malgré le péril qu’entretenait pour les frontières de la province le voisinage de la Comté demeurée en la possession de l’étranger, malgré l’espèce de consécration que donnait aux droits de Maximilien sa domination sur les Flandres, la Bourgogne demeura française, et ses destinées restent dès lors indissolublement unies à celles de la patrie commune. Le titre de duc de Bourgogne reste attaché à l’héritier direct de la couronne, et chaque jour, malgré la fidélité des souvenirs aux traditions de l’histoire provinciale, la similitude de langage, l’affinité des mœurs, la communauté des intérêts. rend plus complète la fusion des deux États.

La lutte de François Ier et de Charles-Quint, les guerres religieuses et les troubles de la Fronde sont les épisodes les plus marquants qui se rattachent à la période française des annales bourguignonne s. Les populations furent admirables de dévouement et d’héroïsme pendant la première de ces crises, luttant à la fois contre les Espagnols, l’Autriche et les Comtois, donnant par souscriptions volontaires des sommes considérables, outre celles votées par les états pour la rançon de l’illustre prisonnier de Pavie, et refusant d’accéder à la condition du traité de Madrid, qui cédait la Bourgogne à Charles-Quint, représentant à ce sujet qu’ayant par les droits de la couronne et par leur choix des maîtres nécessaires, il ne dépendait pas de la volonté du monarque de les céder ainsi. La noblesse ajouta que si le roi l’abandonnait, elfe prendrait le parti extrême de se défendre et de s’affranchir de toutes sortes de domination, et qu’elle répandrait pour ce dessein jusqu’à la dernière goutte de son sang.

La fierté de ces sentiments, puisés dans les glorieux souvenirs du passé, arrêta longtemps les progrès du protestantisme ; la Bourgogne voulait être la dernière à souffrir sur son sol une nouvelle religion, puisqu’elle avait été chrétienne avant tous les Français, qui ne l’étaient devenus que par le mariage de leur princesse Clotilde avec le fondateur de la monarchie française. Les fléaux que déchaîna le fanatisme sur tant d’autres provinces furent évités jusqu’à la déplorable organisation des ligues catholiques, et, grâce à l’intervention du digne président Jeannin, le plus grand nombre des villes de Bourgogne ne fut pas ensanglanté par les massacres de la Saint-Barthélemy. Cependant l’obstination de Mayenne prolongea jusqu’en 1595 les calamités de la guerre civile, à laquelle mit fin seulement la victoire remportée par Henri IV sur les Espagnols à Fontaine-Française. Le 6 juin de cette année, ce monarque fit son entrée à Dijon ; il assista à l’élection du maire, jura de respecter les privilèges de la ville, et se contenta de changer quelques magistrats municipaux et de faire fermer le collège des jésuites.

Les dernières épreuves que la Bourgogne eut à traverser furent, sous Louis XIII, une révolte des vignerons, qui se réunissaient au refrain, Lanturlu, d’une vieille chanson, ce qui fit désigner cette révolte, qui, d’ailleurs, fut bientôt apaisée, sous le nom de Révolte des Lanturlus. Puis vint l’invasion des Impériaux amenée par les révoltes de la noblesse contre Richelieu et le. siège mémorable de Saint-Jean-de-Losne, les agitations de la Fronde, auxquelles l’influence des Condé dans la province donna une certaine importance, mais auxquelles manqua, presque partout l’appui des populations.

Dans les époques plus récentes, la Bourgogne prit sa part de tous les événements heureux on funestes dont la France fut le théâtre. La Révolution de 1789 y fut accueillie comme’ une ère réparatrice, qui devait faire disparaître les tristes abus financiers des derniers règnes, et assurer à chacun les libertés que l’on réclamait depuis longtemps. Les gardes nationales s’y organisèrent avec une rapidité merveilleuse, et, oubliant les vieilles rivalités qui les divisaient sous l’ancien régime, elles s’unirent à celles de la Franche-Comté et demandèrent à marcher ensemble les. premières contre l’ennemi.

Le département de la Côte-d’Or fournit donc un large contingent aux phalanges républicaines qui, après avoir refoulé l’ennemi, promenèrent le drapeau national dans toutes les capitales de l’Europe ; et lorsque, moins heureux, les soldats de Napoléon jar expièrent par les désastres de 1814 et 1815 les triomphes passés, nulle part ils ne trouvèrent un plus vaillant appui et de plus patriotiques sympathies que dans les populations de la Bourgogne. Depuis que les luttes de l’industrie et des arts ont remplacé dans la vie des peuples modernes les vicissitudes des champs de bataille, la Côte-d’Or, grâce au génie de ses habitants et aux richesses de son sol, a su conquérir une importance et une prospérité qui lui permettent de ne rien regretter des gloires et des grandeurs de l’ancienne Bourgogne.

Pendant la néfaste guerre de 1870-71, le département de la Côte-d’Or eut d’autant plus à souffrir de l’invasion allemande que Dijon fut successivement pris pour centre d’opérations et par les Français et par les Allemands. À la nouvelle que le passage des Vosges avait été forcé par l’ennemi et que la ligne de défense de Vesoul à Lure venait d’être abandonnée par le général Cambriels qui s’était retiré à Besançon, la résistance s’organisa à Dijon sous la direction du docteur Lavalle, membre du conseil général, tandis que Garibaldi, autorisé par le gouvernement de la défense nationale, formait un corps d’armée composé de quatre brigades dont il confiait le commandement à Bossack, Marie, Menotti et Ricciotti. Le général de Werder, commandant du 4e corps allemand, marchait sur Dijon et, le 27 octobre 1870, repoussait, à Talmay, les troupes françaises commandées par Lavalle, qui ne se composaient guère que de quelques bataillons de mobiles et de gardes nationaux.

Pendant ce temps, Garibaldi se portait sur la droite du côté de Poutailler pour essayer de rejoindre les troupes du général Cambriels. L’ennemi, ayant passé la Saône à Gray, se porta sur Dijon ; les troupes qui s’opposaient à sa marche furent repoussées à la bifurcation des routes de Gray à Dijon et à Auxonne. À la suite d’un nouveau combat livré à Saint-Apollinaire le 30 octobre, les Allemands entrèrent à Dijon. Garibaldi qui avait en vain essayé d’accourir à la défense de la ville, ce qu’il ne put faire, parce que le pont de Pontailler avait été rompu, voulut du moins protéger les autres grandes villes de la Côte-d’Or ; il fit occuper Saint-Jean-de-Losne et Seurre et lui-même revint à Dôle. Le 2 novembre l’ennemi, maître de Dijon, marchait sur Beaune et Chagny. Les troupes de Garibaldi gardèrent les rives de l’Oignon et de la Saône ; le 5 novembre, elles repoussèrent l’ennemi près de Saint-Jean-de-Losne.

A la suite de cet échec, les Allemands revinrent à Dijon pour s’y reformer et firent de cette ville le centre de leurs opérations dans l’Est. Ils reprirent bientôt l’offensive et repoussèrent d’abord, le 30 novembre, les troupes de Garibaldi ; mais le 3 décembre, celui-ci, appuyé parle général Cremer, les battit complètement à Arnay-le-Duc et à Bligny-sur-Ouche, les rejetant presque sous les murs de Dijon. Cette double victoire, qui empêchait l’ennemi de dépasser Chagny, sauva le reste du département et peut-être même Lyon. Le général de Werder revint une fois encore à Dijon pour reposer ses troupes et les reformer ; mais les événements avaient marché Au nord-est ; il dut envoyer ses troupes sous les murs de Belfort qui se défendait avec acharnement, et il ne laissa à Dijon que le général Glumer avec deux bataillons et à Semur une brigade badoise. Ces troupes furent elles-mêmes bientôt rappelées et, le 6 janvier 1871, Garibaldi rentrait à Dijon, y organisait de nouveau la défense ; il était temps, car une armée de 70 000 AIlemands s’avançait pour empêcher Bourbaki de se porter à la défense de Belfort.

Trois corps de cette armée furent successivement attaqués et battus dans les journées des 21, 22 et 23 janvier, par le général Pélissier et Garibaldi, d’abord à Fontaine et à Talant, puis à Plombières, à Daix, à Hauteville et au Val-de-Suzon. D’habiles dispositions permettaient d’espérer des succès plus décisifs lorsque, le 29 janvier, on apprit la capitulation de Paris et la notification de l’armistice. Par une fatalité encore mal expliquée, les départements de la Côte-d’Or, du Doubs et du Jura n’étaient pas compris dans cet armistice ; l’armée de l’Est était refoulée vers la Suisse, la continuation de la lutte devenait impossible, il fallut se résigner à abandonner Dijon qui ne fut évacué par l’ennemi qu’après la signature des préliminaires de paix. Quant à Garibaldi, qui le 28 janvier était parvenu à réunir à Dijon près de 50 000 hommes et 90 canons, il avait agi si habilement et avec tant de promptitude qu’il put opérer sa retraite sans rien perdre de son matériel. L’invasion allemande avait coûté au département de la Côte-d’Or 14 464 427 fr. 29.

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Contes et Légendes en sorcellerie

Posté par francesca7 le 10 janvier 2014

Sorcellerie en Basse-Semois

: Tchalette et compagnie

Légendes de Gaumes et Semois – Frédéric KIESEL

250px-The_Lancashire_Witches_10Avec ses villages pauvres, à l’écart des modestes voies de communications de l’époque, nichés dans les méandres rocheux de la rivière, égrenés le long de la frontière, la Basse-Semois a gardé longtemps des traditions et croyances venues d’un lointain passé. Cette région n’est pas la seule dans une situation comparable. Mais, pour les curieux de vieille psychologie rurale, elle eut le privilège d’être prospectée, à la période précédant la guerre de 1914-1918 par le docteur Th. Delogne (cité plusieurs fois dans les chapitres précédents). Enfant du pays, né à Oisy, gradué es lettres en plus de son diplôme de médecine, il correspondait avec des sociétés d’archéologie. Ayant exercé longtemps à Allé, ce médecin de campagne, familier des villages, en confiance avec une population dont il était issu, alliait la rigueur scientifique à une solide culture littéraire polyglotte, germanique notamment. Il pouvait ainsi recouper avec la Bible, le folklore flamand ou les recherches allemandes, de Grimm et autres, les témoignages de paysans âgés, informateurs particulièrement précieux, se souvenant d’événements ruraux autour de 1850.

Il ne faut donc pas, à la lecture, souvent terrifiante, de L’Ardenne méridionale belge, une page de son histoire et son folklore, suivis du Procès des sorcières de Sugny , prendre le secteur ardennais de la Semois pour une région tellement plus maléfique et infernale que d’autres. Fertile en croyances magiques, elle fut observée à cet égard avec une minutie et une intelligence qui ont fixé plus complètement qu’ailleurs la mémoire populaire.

La moisson du docteur Delogne – qui a aussi étudié la vie sociale et agricole ancienne – est particulièrement somptueuse en fait de sorcellerie. Dans les campagnes, cette croyance fut longtemps tenace. L’écrivain Marie Gevers m’a dit que, vers 1930, elle passait exprès des heures à cirer inutilement le plancher, à genoux, avec une jeune servante campinoise illettrée, pour mettre celle-ci en confiance et obtenir d’elle, mine de rien, des renseignements sur les sorciers et sorcières de Campine. Leur hiérarchie, me dit-elle, régnait jusqu’au cœur de la ville d’Anvers, ou siégeait le chef, l’évêque en quelque sorte, des sorciers de la province.

Il officiait encore dans les années 1950. À pareille époque, et durant tout l’entre-deux-guerres, le diocèse de Tournai, avec les zones minières et industrielles du Hainaut, était réputé comme donnant beaucoup de travail au prêtre exorciste de l’évêché. On parlait d’hommes giflés, blessés, seuls en rue, par un compère frappant ou piquant au couteau un pilier, dans la mine.

À Arlon autour de 1930, les bons petits écoliers de mon âge, au temps de la radio (TSF), des automobiles et du cinéma «parlant et sonore», étaient loin de jurer que, dans ses guenilles, avec son cerveau dérangé et ses cris agressifs, la «folle Louise» n’était pas une sorcière. Ne nous étonnons donc pas si, en 1850, à Rochehaut, Sugny ou Mogimont…

À Mogimont, justement, les récits abondaient sur deux sorcières redoutées, la Tchalette (femme de Charles) et sa fille, la Cisse (femme d’Alexis). Une de ses sœurs faisait aussi partie de la confrérie. Les pouvoirs de sorcellerie étaient souvent familiaux et héréditaires.

C’est pourtant la Tchalette qui est restée dans les locutions populaires. À un enfant rebelle ou grognon il suffisait de crier: «Tais-toi, Tchalette de Mogimont!», devant l’injure ou la menace. «Si tu continues, elle va venir»; le petit chenapan se tenait tranquille. Cette diablesse était d’ailleurs dangereuse pour les enfants. À ceux de Clément, de Mogimont, elle envoya des fourmis en masse dans leur lit. Les insectes ne piquaient pas, mais ils faisaient peur et empêchaient de dormir. Sans compter qu’ils dévoraient les tartes de la «fiett» (fête) et jusqu’au miel, pourtant suspendu à la maîtresse poutre.

Parfois un enfant dépérissait, rien que pour avoir eu son vêtement touché par la Tchalette. Certains en seraient morts, comme le gamin de Did., de Mogimont, dont elle avait palpé les bas. Il était pourtant possible de se défendre. Rencontrant la gentille fillette du Félix, de Rochehaut, la Tchalette – dont les éloges étaient dangereux - avait dit, mettant la main sur l’épaule de l’enfant:

Oh! comme elle est belle.

Cela suffit pour que la petite tombât malade. Elle serait sans doute morte si ses parents n’avaient eu recours aux exorcismes du curé de Louette-Saint-Pierre, prêtre connu comme expert en la matière.

Plus expéditif, L. de Hour, en pareille circonstance, sauva la vie de son enfant en allant menacer la Tchalette chez elle, en brandissant sa fourche.
Si tu ne lèves pas le sort, je t’embroche! Elle comprit qu’il en était capable, et lui dit: - Ne te fâche pas. Ton enfant est guéri. C’était vrai.

Les attouchements de la sorcière n’étaient pas seulement périlleux pour les enfants. Personne d’ailleurs n’osait mettre des vêtements qu’elle avait touchés. Pour les animaux aussi elle était une menace. Le père d’Alexis A. de Rochehaut revenait un samedi de Mogimont avec un agneau qu’il y avait acheté. Il rencontre la Tchalette qui lui dit: - Laisse voir s’il a des dents.

Le lendemain, revenant de la grand-messe, il trouve la bête périe sur la paille de l’étable où il l’avait mise. À l’instant, il comprend de qui venait le maléfice.

Une supercherie de la Tchalette est restée longtemps fameuse. Le meunier de Sugny avait eu la naïveté de lui acheter son cheval. Or chaque fois qu’elle en avait besoin pour les travaux de sa petite ferme, elle faisait revenir l’animal, qui ne rentrait à Sugny que fourbu, plus une quarantaine de kilomètres de trajet par Allé et Rochehaut. On l’y reconnaissait à sa robe blanche. Quand les villageois le voyaient passer, ils riaient, disant: «Tiens, voilà encore le cheval de la Tchalette!»

Il traversa ainsi, le lundi de la fête, Rochehaut plein de monde. Le meunier était devenu la fable de toute la région, même en dehors du trajet, comme à Oisy. Il finit par en avoir assez. Pre¬nant sa hache, il alla, très fâché, à Mogimont.
Si mon cheval revient encore chez toi, je viendrai aussi, avec ceci.

Et il fit luire le tranchant dans le soleil. La Tchalette comprit que ce n’était pas une menace «en l’air» et fit cesser le sortilège. Du jour au lendemain, on n’a plus vu galoper le cheval blanc sur la route de Mogimont.

Il était d’ailleurs utile de se défendre avec brutalité contre les sorts lancés par la Tchalette. Un de ses concitoyens gardait, une nuit, des bestiaux dans un pré quand sept chats vinrent danser une ronde autour de lui. Furieux, il lança des coups de fouets à ces méchantes bêtes aux yeux phosphorescents, mais elles évitaient la lanière avec une incroyable vivacité. Finalement, de colère, il prit son sabot et le lança à la tête de la plus enragée, semblant mener la sarabande. Les chats se dispersèrent comme une volée de moineaux. Le lendemain, la Tchalette avait la tête pansée, serrée dans un linge.

Elle aimait d’ailleurs les chats. Pour eux, elle était capable de faire le bien. Son vieux matou, étant devenu aveugle, elle lui passa plusieurs fois la main sur le dos en disant: «Mon pauvre Minou!»
Il a recouvré la vue.

Quant aux exorcismes, lorsqu’ils sont prononcés par un prêtre sage, bien au courant des mystères, et irréprochable, ils sont efficaces, mais pas toujours sans risques.

Ainsi, à Mogimont, le grand-père de B. était menacé par la misère: ses bœufs dépérissaient l’un après l’autre. Il n’était pas possible de voir de quoi ils étaient malades. Mais un chat noir ne quittait presque jamais leur mangeoire, et le grand-père ne parvenait pas à s’en emparer.

Il fit venir le curé, qui s’enferma dans l’écurie avec B. (qui raconta l’histoire) et le chat soupçonné d’être sorcier. Le rite de l’exorcisme eut un plein succès: le chat quitta la mangeoire et disparut par une étroite lézarde de la muraille. À ce moment, une main invisible asséna au curé deux formidables gifles. C’était le prix de la victoire. L’écurie ne connut plus jamais de maléfice.

Comme beaucoup de sorcières, la Tchalette aimait jouer des tours aux chasseurs. Elle voit le grand-père W. partant «au lièvre» et lui dit, d’une petite voix douce et tranquille:

Tu n’en tueras probablement pas beaucoup aujourd’hui. «Comme de fait», il voit passer sept lièvres, sans parvenir à tirer une seule balle. Il a beau changer sa pierre, renouveler la poudre dans le bassinet, le coup ne part jamais. Le septième lièvre s’arrête et demande bien poliment, sans inquiétude:
Y a-t-il longtemps que les autres sont passés ?
Alors, il comprend que la Tchalette a jeté un sort sur son fusil pour se moquer de lui. Détail classique dans un cas pareil: rentré chez lui, le chasseur constate que son arme n’est pas du tout enrayée, et fonctionne parfaitement.

Aux dépens du même grand-père, la Tchalette s’est livrée à une plaisanterie des sorcières avec les charretiers: «marrer» (bloquer par enchantement) leurs véhicules. Il allait aux «Spèches» avec une charrette tirée par ses six bœufs. Il rencontre la Tchalette, mais la regarde sans desserrer les dents car il est brouillé avec elle. Après un quart d’heure, un des bœufs reste cloué sur place. Les autres doivent le traîner comme s’il était en bois. Après une heure de coups de pieds, de coups de fouet, de jurons de toutes sortes, W. doit se résoudre à dételer le bœuf «marré» par la sorcière.

Contes et Légendes en sorcellerie dans LEGENDES-SUPERSTITIONSLa Tchalette était aussi en dispute avec Jean W. de Rochehaut. Elle n’eut même pas besoin de le «marrer» pour se rire de lui. Pour faire plus facilement rouler les troncs sur son véhicule, il avait enlevé la roue avant, laissant ainsi l’essieu sur le sol. Pour ne pas perdre la «hujette» (la cheville de fer) de la roue, il l’avait posée, bien en vue sur une pierre. Lorsqu’il veut remonter la roue, il ne trouve plus la «hujette» où il l’avait mise, cherche, s’énerve et sent que quelqu’un le regarde. C’est, à bonne distance, sur la côte d’en face, la Tchalette, avec un vilain sourire.
Je parie que c’est encore toi, sale garce, qui a fait le coup, lui crie-t-il.
Regarde sous la roue gauche arrière, répond-elle. La «hujette» y est. La cheville s’y trouvait, bien loin de la pierre. Jamais il ne l’aurait mise à un aussi mauvais endroit. Ce ne pouvait être qu’une passe, faite à distance, par la Tchalette.

Il n’était pas bon de plaisanter la Tchalette, si on menait un attelage. Pour la construction de la nouvelle école de Rochehaut, en 1840, le père D. charriait du gravier. Au bois de Menuchenet, il voit la Tchalette faisant une «rafouraye» (arrachant de l’herbe pour le fourrage de ses vaches).
Vous cueillez de la salade, ma tante ? dit-il pour se moquer d’elle. - Oui mon neveu, tu viendras en manger en repassant, lui répondit-elle.

Quand il revint par là avec son chargement de gravier, ses chevaux restèrent sur place comme si les clous de leurs fers s’étaient enfoncés dans le sol. Il eut beau leur lancer des coups de fouet, ils étaient bel et bien «marrés» par la Tchalette. Le père D. fut obligé de rentrer seul chez lui, laissant sa charrette sur place. Quand il vint la chercher le lendemain, tout était redevenu normal et les chevaux avançaient comme si de rien n’était. Depuis ce jour, le père D. s’est bien gardé d’encore plaisanter sa «tante», et de l’appeler.

Sur la Cisse, fille de la Tchalette, la chronique est moins fournie mais ne manque pas de saveur. Elle pratiquait volontiers, vieux tour des sorcières, la mendicité avec chantage larvé aux maléfices. On lui faisait l’aumône par peur. À Vivy, une fermière battait le beurre lorsque son mari refusa de donner quoi que ce soit à cette fainéante de Cisse.

Celle-ci, réaction toujours lourde de menaces, était partie en grommelant. Lorsque la fermière voulut laver le beurre, il était bleu. Pourtant la femme était soigneuse et l’écuelle bien propre. Plus elle le lavait, plus il devenait bleu. Une voisine, attirée par les cris de surprise de la fermière, conseilla de jeter le beurre au feu: -Si vous faites cela, la sorcière brûlera avec.

Comme la fermière, selon cet avis astucieux, prenait l’écuelle et se dirigeait vers l’âtre, le beurre devint, à l’instant, d’un beau jaune pâle immaculé.
La Tchalette de Mogimont n’était pas, loin de là, la seule sorcière à tourmenter les charretiers: la Marie M. d’Orchimont, y était aussi experte. Chacune avait son style. Ainsi la Marie d’Orchimont aimait jouer, pour lever son maléfice, la comédie de la voisine serviable. Ayant marré, en terrain plat l’attelage de bœufs de Rob., elle riait derrière une haie. Elle en sortit en disant:
Tu n’y connais rien, donne-moi ton fouet.

Elle tourna autour du véhicule pour faire durer le plaisir, chipotant à une pièce puis à une autre, sans rien y faire. Finalement, elle donna un coup de fouet aux bœufs. À l’instant, ils s’ébranlèrent.

Pour marrer un charroi, certaines sorcières passaient leur main sur le cheval, le bœuf ou la roue – comme elles caressaient un enfant, avec une fausse bienveillance, pour le rendre malade.

Parfois l’équipage était ainsi bloqué sans qu’on ne sache qui avait jeté le mauvais sort. Si le charretier était colérique, cela pouvait être dangereux. Ainsi, X., dont l’attelage avait été marré à Vresse au milieu du bal de la «fiett», essuyait les quolibets de tout le village. Devinant un mauvais sort, vert de rage, il donne un grand coup de couteau dans le collier d’un de ses chevaux. À l’instant, un danseur tombe, le cœur perforé, crachant des flots de sang. Il était mort.

Il ne fallait pas toujours en venir à de telles extrémités. L. de Laviot ayant été marré avec son chariot en plein champ, avait heureusement près de lui sa femme, qui était pieuse. Elle courut à la maison prendre son chapelet. Elle leva ainsi l’enchantement.

Les équipages n’étaient pas seuls objets de ce maléfice. Des hommes étaient parfois immobilisés, par magie, huit à dix jours dans leur lit. Il est même arrivé à un paysan de Chairière, revenant du marché de Sedan où il avait acheté des articles alors de contrebande: du savon et du sel, d’être marré en chemin, par un homme qu’il connaissait bien. Celui-ci le dépouilla de tout ce qu’il avait sur lui.

Mais dans plusieurs traditions populaires, en Allemagne comme chez nous, le « marrage » des animaux de trait est beaucoup plus fréquent.

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comment Pétain s’est tiré une balle dans le pied

Posté par francesca7 le 13 décembre 2013

 

Procès de Riom :  Le 19 février 1942 s’ouvre cette affaire où Blum, Daladier et Gamelin comparaissent pour avoir « trahi les devoirs de leur charge ».

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L’accusation elle-même est approximative, mais Pétain souhaite se dédouaner de la débâcle française et pense que cette audience désignera les responsables de la déroute française. Pour parvenir à ses fins, Pétain annonce le 16 octobre 1941 la création d’un « conseil de justice politique » qui aura la « charge de donner son avis sur les questions que le président jugera utile d’évoquer devant lui ». À ce stade, le chef de l’État possède les instruments nécessaires pour organiser le jugement de n’importe quelle personnalité politique. C’est ainsi que le maréchal Pétain juge déterminant de punir les ministres qui, selon lui, ont causé la débâcle de la France. Pétain prétexte que les entreprises menées par le Front populaire entre 1936 et 1937 (semaine de 40 heures et nationalisation des usines d’armes, entre autres) ont affaibli la défense nationale, tandis qu’il est reproché à Daladier d’avoir déclaré la guerre à l’Allemagne nazie alors que la France n’était pas prête.

Au sujet du procès, l’imprudence, voire la naïveté, de Pétain réside dans le fait qu’il a permis à d’excellents orateurs comme Daladier et Blum de pouvoir se défendre. « Nous sommes dans la tradition de ce pays. (…) Nous n’avons pas interrompu la chaîne, nous ne l’avons pas brisée ; nous l’avons renouée et nous l’avons resserrée. (…) Et, par une ironie bien cruelle, c’est cette fidélité qui est devenue une trahison. » Les deux protagonistes ne manqueront pas d’arguments et, effectivement, ce procès tourne au ridicule et sert de tribune aux « accusés ». L’éloquence de Léon Blum associée à la ténacité et aux attaques incessantes d’Édouard Daladier, qui s’en prend directement à Pétain, met le régime de Vichy dans une situation extrêmement embarrassante.

Les 150 journalistes présents sont ébranlés par l’attitude de Daladier, dont la pertinence et l’intensité des propos transforment rapidement ce procès en un terrain glissant pour les collaborationnistes. La censure fut très présente tout au long du procès puisque Pétain imposa à la presse de ne pas diffuser la moindre information susceptible de remettre en question la politique menée par le régime de Vichy. Néanmoins, la presse internationale présente sur place donne une résonance particulière aux arguments des « accusés », qui, au final, deviendront les accusateurs. Les magistrats ont laissé Blum et Daladier critiquer ouvertement les agissements de Pétain et ce procès contre la République est devenu en fin de compte celui de Pétain.

Daladier et Blum, symbole de la résistance

L’excellente défense d’Édouard Daladier et de Léon Blum fut en définitive une incitation à ne pas s’accommoder de la présence de l’ennemi. La presse parisienne et collaborationniste ne mâcha pas ses mots : « Au lieu d’abattre les salauds, on leur a donné une tribune. » L’homme de Riom fait taire celui de Munich, ses entreprises demeurent nombreuses, mais on retiendra ses diverses initiatives vis-à-vis de l’Allemagne nazie passant d’une tentative de conciliation à une politique d’opposition se traduisant notamment par sa tentative de réarmement de la France, son refus de collaborer. Daladier, surnommé le « Taureau du Vaucluse », fut l’un des premiers à avoir cru en l’industrie américaine. C’est lui aussi qui critiqua publiquement le maréchal Pétain et qui apporta une crédibilité politique sur le territoire français pour exhorter la résistance.

Léon Blum, dans un tout autre style, se montra tout aussi convaincant et embarrassa également le régime de Vichy. Hitler souhaitait que ce procès témoigne de la responsabilité de la France dans cette guerre, alors que Pétain désirait mettre en lumière les responsabilités des responsables politiques face à cette « impréparation à la guerre », mais seulement à partir de 1935. Et c’est justement cette restriction dans le temps qui discrédite totalement le Maréchal et qu’utilise Léon Blum dans sa défense. En effet, Pétain fut nommé ministre de la Guerre dans le gouvernement Doumergue en 1934 et endossa donc la responsabilité de la défense nationale sur cette période. Sa vision archaïque de l’armée, sa foi inébranlable en la ligne Maginot et les Ardennes ainsi que son désintérêt à l’égard de l’aviation et des chars ne stimulèrent pas la production militaire française. Face à ce constat, Léon Blum n’eut aucune difficulté à retourner la faute sur Pétain, qui, à la suite de ses choix stratégiques, desservit grandement ses successeurs.

Le verdict

Le 16 octobre 1941, Pétain rend son verdict, une situation qui créa la polémique puisque le procès officiel ne commença qu’en février 1942 : les poursuites contre Paul Reynaud et Georges Mandel sont abandonnées, mais ils seront tout de même incarcérés arbitrairement au fort du Portalet, avant d’être enlevés par les Allemands. Ils ne seront jamais remis à la France, malgré les protestations officielles de Pétain pour qui cette affaire était du ressort de l’État français et non de l’occupant. Les cinq autres accusés, dont Blum et Daladier, sont inculpés et condamnés à la peine maximale, la détention à vie dans une enceinte fortifiée. En effet, avant même le début du procès de Riom, le maréchal Pétain avait annoncé à la radio qu’il condamnerait lui-même les coupables. « J’ai décidé d’user des pouvoirs que me donne l’acte unique constitutionnel pour juger les responsables de notre désastre. » Le Maréchal fait ici référence à l’article 4 de l’acte constitutionnel n° 7 lui autorisant le droit de « prononcer toute réparation civile, toutes amendes, et appliquer les peines suivantes à titre temporaire ou définitif : privation des droits politiques ; mise en résidence surveillée en France ou aux colonies ; internement administratif ; détention dans une enceinte fortifiée ».

Ce procès a été voulu par Pétain, indépendamment de l’Allemagne, mais la mascarade de Riom traverse le Rhin et parvient aux oreilles d’Hitler, qui met immédiatement la pression sur les décideurs français alors que Mussolini en rajoute. « Ce procès est une farce typique de la démocratie. » Le Duce souligne un aspect fondamental de ce procès puisqu’à travers ce dernier Daladier et consorts ont pu s’exprimer librement et sans détour. Le procès sera finalement abandonné en raison d’un « nécessaire supplément d’information », soit un motif tout aussi obscur que l’accusation. Le 21 mai 1943, le procès fut définitivement interrompu.

article de  LAURENT LEGRAND sur http://www.lepoint.fr

 

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superstitions liées aux rongeurs

Posté par francesca7 le 16 novembre 2013

 

Lutte contre les campagnols  

(D’après « Par ci, par là. Etudes normandes de mœurs et d’Histoire », paru en 1927)

 
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Chaque année, au début du XXe siècle, il se préparait un grand mouvement offensif pour le printemps. De nombreuses réunions régionales avaient lieu à Paris et une grande assemblée générale décide de l’ouverture des hostilités ; déjà des dépôts d’armes et de gaz asphyxiants étaient préparés, comme s’il s’agissait de révolutionner la Catalogne !…

Rassurez-vous, il s’agit simplement de déclarer la guerre… aux campagnols, ces rats des champs qui causent, tous les ans, des milliers de francs de dégâts, non seulement en France, mais dans le monde entier, dont ils ravagent toutes les richesses agricoles.

Il s’agit d’organiser contre ces dévastateurs, un front unique et il est bon de prendre ses précautions. C’est pourquoi les directeurs des Services agricoles de vingt-six départements étaient réunis un jour en un congrès général à Paris, où a été proclamée la « guerre sainte »… contre le petit rat des champs, grand destructeur de blés et de céréales.

Dans les départements qu’il hante, si l’on totalise les estimations des directeurs agricoles présents à la conférence, les ravages s’étendent au moins sur 600 000 ha. Dans ce trop vaste domaine, les années où les campagnols pullulent, soit parce que l’hiver fut doux ou la terre sèche, soit par suite d’une sorte de cycle qui les multiplie particulièrement tous les trois ans, des récoltes peuvent être anéanties.

Il n’est pas exagéré de dire, comme le répétait un parlementaire à la Chambre, « que ces ravageurs nous obligent à acheter du blé à l’étranger ». Il y a quelques années, en Normandie, en certains coins, les campagnols s’étaient multipliés au point de devenir un véritable fléau. Toute une partie du pays de Bray, depuis Buchy, Bellebcombre, jusqu’à Saint-Saëns et Clères, fut ravagée par les bandes de ces animaux nuisibles. Dans le Calvados, dans le canton de Douvres et dans toute la plaine de Caen, les terribles rongeurs, sur 3 400 hectares, ont causé plus de 2 millions de pertes en quelques jours.

Ces campagnols, un peu semblables aux souris, mais plus forts, plus trapus, un peu roux ou d’un blanc sale, avec des molaires terribles en dents de scie, coupant et détruisant tout, sont répartis en plusieurs espèces différentes et on les rencontre dans le monde entier. Il en est de montagnards, qui habitent les Alpes et les Pyrénées, jusqu’à 4 000 mètres au-dessus de la mer, à la limite des neiges perpétuelles. Dans les auberges des sommets, dans les chalets abandonnés, dans les abris ou dans certaines grottes habitée, ils détruisent les provisions de bouche qu’on ne peut mettre à l’abri de leur voracité. Il en est d’autres espèces qui se sont propagées en Asie, en Chine et jusque sur les pentes de l’Himalaya, où pullulent ces « bolcheviks » du monde animal. Il en est, dans l’Amérique du Nord, qui rongent intérieurement d’énormes arbres, quand ils ne dévorent pas l’écorce extérieure. Ils parviennent ainsi à les abattre. Mais parmi les campagnols de tous poils, le plus dangereux et le plus nuisible, est bien le campagnol des champs, celui que chantèrent Ésope, Horace et La Fontaine :

Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de roi.
Mais rien ne vient m’interrompre
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ! Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre !

un petit rongeur roux à l'entrée d'un terrierEt, en effet, le campagnol des champs mange tout à loisir, pullulant et se reproduisant avec une effrayante rapidité. Un seul couple, affirme-t-on, produit trois cents petits, et ces tout petits commencent à ronger dès l’âge de deux mois. Par les galeries souterraines et tortueuse où ils gîtent, ils gagnent les champs cultivés où ils dévorent tout, déracinent les plantes, coupent les tiges des céréales, dépouillent les épis de leurs grains et s’attaquent même aux semailles.

Dans leur terrier compliqué, par leurs galeries, s’étendant souvent très loin, ils transportent tout ce qu’ils ont dévasté, dans une place intérieure, véritable magasin de vivres et vont grignoter ces vivres de conserve dans une sorte de cagna de repos. Si les labours, à certaines époques, les forcent à s’exiler ou a s’éloigner, ils abandonnent la partie momentanément. Ils s’en vont plus loin, dans les terres en friche abandonnées, dans les vieilles prairies, d’où ils repartent pour de nouvelles conquêtes et de nouveaux ravages ! Leur plus belle campagne fut en 1801, où les campagnols envahirent la France du Nord, de l’Est à l’Ouest. Ils firent, dans quinze communes de Vendée, des dégâts qui s’élevèrent à 3 millions en quelques jours.

Que n’a-t-on pas essayé, du reste, contre les campagnols envahisseurs ? On a tout d’abord compté sur l’hiver, le général Hiver, quand il congèle leurs terriers, ou sur la neige, qui inonde leurs galeries et les noie ; on a compté pur les oiseaux de proie, sur les renards, les belettes, mais tout cela est inefficace. Il a fallu, de tout temps, avoir recours à des moyens de destruction artificiels. Pour des combattre, on a, en effet, des armes modernes ; M. de Buffon, intendant du Jardin du roi, chassait ainsi le campagnol : il prenait une lourde pierre plate et la posait inclinée sur une buchette verticale. Sous la pierre, il mettait une noix attachée à la buchette. Le campagnol venant grignoter la noix, faisait choir sur soi la pierre plate. Qu’on ne sourie pas de ce moyen ! Buffon affirme qu’il assommait ainsi 100 campagnols par jour sur 40 arpents de terre. Le procédé est encore en usage.

Mais on a trouvé mieux. L’empoisonnement par le blé arseniqué, par les pâtes phosphorées, par le pain baryté trempé dans du lait ou dissous dans du carbonate de baryte. On emploie la noix vomique et même des gaz asphyxiants, tantôt à l’acide sulfureux et tantôt la chloropicrine et l’aquinite très lourds, très toniques, mais coûtant très cher. Lors de la dernière invasion campagnolesque en Normandie, on usa surtout du virus de Danyz, fourni par les services de l’Institut Pasteur. Il communique une maladie contagieuse qui se répand vivement, les campagnols, gent vorace, dévorant leurs congénères. Le virus est contenu dans un bouillon de culture qui, mélangé avec de l’eau, imprègne des graines d’avoine aplatie, dont les campagnols sont très friands. Un des avantages de ce virus est qu’il n’affecte pas les animaux domestiques.

Actuellement, un autre savant de l’Institut Pasteur, Salimbeni, cultive dans son laboratoire un virus qui donne également aux rats des champs une épizootie contagieuse et mortelle. Elle les tue en trois jours. Un chroniqueur du Temps nous apprend que notre concitoyen, le savant Regnier, directeur de la Station entomologique de Rouen et du Museum de Rouen, s’est appliqué à la tâche délicate de préparer le virus en quantités industrielles. « Malgré la complexité de ce problème, dit-il, il semble qu’il soit parvenu à obtenir dans des bidons de deux litres une culture en liquide, à base d’eau et de son, suffisamment efficace. Notre station de Rouen a adopté pour ses essais, en grand, des caisses de 16 bidons, contenant chacun deux litres de virus et permettant de traiter 240 ha, chaque bidon valant pour 15 à 18 ha.

Ainsi préparé par un laboratoire officiel, qui ne recherche aucun bénéfice, son prix est dérisoire : 25 sous par hectare. Les agriculteurs prennent livraison de ce virus et le diluent dans de l’eau (17 litres d’eau pour 2 de virus. Ils ont, au préalable, aplati de l’avoine sur l’aire de leurs granges (150 kilos pour 2 litres de virus). Ils mélangent le tout à la pelle. Au bout d’une heure et, de préférence l’après-midi, ils s’en vont répandre cela dans les champs. Ils ont soin, chemin faisant, d’écarter les poules : non que l’avoine contaminée soit dangereuse pour elles, mais parce qu’elles en font leurs délices et qu’il faut qu’il en reste pour les campagnols. Ceux-ci viennent manger l’avoine au crépuscule et communiquent à leurs proches un mal qui répand la terreur ! »

 superstitions liées aux rongeurs dans FAUNE FRANCAISE 220px-Campagnol_roussatreCes invasions de rats campagnols et rongeurs, qui surgissaient tout à coup, au Moyen Age, soit dans les campagnes d’Italie ou encore dans les plaines de Sibérie, où ils ravageaient tout sur leur passage, étaient considérées, dans l’antiquité et dans le Moyen Age, comme de véritables calamités publiques. Les anciennes chroniques des abbayes les citent, en effet, souvent, comme des fléaux de Dieu ou des punitions célestes souvent immérités… Mille superstitions, populaires, traditionnelles ou religieuses, s’attachaient donc à ces apparitions soudaines de campagnols dévastateurs. On était tout d’abord persuadé - et Thiers en parle dans son Traité des superstitions - que certaines gens, mendiants et malandrins, avaient le pouvoir d’envoyer chez leurs ennemis des bandes de rongeurs dont on ne pouvait se défaire. Aussi se gardait-on de refuser l’aumône aux passants mal vêtus et aux quémandeurs courant la campagne, de peur qu’ils ne fassent arriver des rats. Dans le Bessin, dans le Cotentin, en Sologne, les sorciers envoyaient ces rongeurs en troupe. En Ille-et-Vilaine, comme dans la Mayenne, les sorciers pouvaient ou les attirer ou les éloigner comme ils voulaient, suivant leur pouvoir magique. Quand les rats étaient accourus ainsi dans les terres de la campagne par sorcellerie, les chats n’y touchaient plus et il était alors impossible de s’en débarrasser, tant que le sort n’avait pas été levé. N’allez pas contredire ces émigrations de rats !

Nombre de gens témoignent avoir assisté à ces randonnées de bêtes malfaisantes. Une paysanne de Basse-Normandie, écrit Lecœur dans ses Esquisses du Bocage, dit avoir vu un vieux mendiant marcher lentement par un chemin creux, suivi de tout un cortège de rats dont les premiers avaient le nez sur les talons de ses sabots. Dans le Bocage normand, le « meneur de rats », car il y avait des « meneurs de rats », comme des « meneurs de loups », recommandait à celui qu’il rencontrait de ne pas faire de mal à ces animaux, surtout aux derniers qui étaient souvent des rats boiteux, se transformant en horribles dragons ! Toujours dans le Bocage normand, pour expliquer la présence des campagnols envahisseurs, on racontait que les sorciers malfaisants pétrissaient l’argile en forme de rats ou de souris. Quand ils avaient soufflé dessus, en prononçant quelques paroles, l’argile s’animait et il en naissait des milliers de rongeurs, qui allaient où leur commandait le sorcier. Dans les Veilleryes argentinois, un manuscrit de Chrétien de Joué-du-Plein, toute cette histoire est racontée et l’auteur ajoute que les rats étant allés piller une ferme, il fut impossible de les détruire. On dut avoir recours à un autre sorcier pour s’en débarrasser.

Afin de se préserver contre l’invasion des rats, il n’y avait pas seulement l’influence magique des sorciers, « meneurs de rats », comme celle des meneurs de loups, il y avait aussi la protection de certains saints et saintes. Tout d’abord, au premier rang, dès le XVIe siècle, sainte Gertrude qui avait le privilège de chasser les souris et les rats et dont le nom est invoqué dans les conjurations ardennaises. On disait même que les rats avaient mangé son cœur. En Ardennes, en Champagne et même en Normandie, on invoquait saint Nicaise, patron d’une église de Rouen, primitivement située dans les prairies du faubourg Martainville. On inscrivait son nom sacré sur les fermes et les maisons, avec cette prière : S. Nicasi oui pro nobis. Fugite mures et glires. « Fuyez rats et mulots ».

En Bretagne, on croyait que saint Isidore faisait mourir les taupes. Grâce à ces interventions sacrées, on estimait, en ces temps de crédulité, que certains territoires étaient pour toujours préservés des incursions des animaux funestes aux biens de la terre. Il est, par exemple, raconté dans la vie de saint Grat, évêque d’Aoste, qu’il possédait une formule pour écarter les rats de toute la vallée et à trois mille pas à l’entour. Mais les deux saints protecteurs contre les invasions des campagnols étaient avant tout, comme nous l’avons dit, sainte Gertrude, de l’abbaye de Nivelles, qui est souvent représentée, avec sa crosse sur laquelle grimpent rats et mulots. Molanus raconte qu’il suffisait de puiser de l’eau dans le puits du monastère de Nivelles et d’en arroser les champs pour que les bandes de rongeurs disparaissent instantanément. L’autre saint ratophobe est un dominicain américain du couvent du Saint-Rosaire de Lima, qui recueillait les rats dans une corbeille, et ensuite les renvoyait loin de son église et de son couvent.

En dehors de ces interventions sacrées, il y avait aussi certaines coutumes, certains actes pour se préserver des ravages des rats. Il fallait, par exemple, le mardi de Noël bêcher son jardin, tête nue, entre le soleil levant et le soleil couchant. Avant de rentrer la première gerbe dans la grange, après avoir dit des prières, il fallait ajouter cette invocation : « Rats, rates et souriates, je vous conjure par le Dieu vivant de ne toucher grain et pailles que je mettrai pendant plus d’un an, non plus qu’aux étoiles du firmament ». Ailleurs, on plantait des piquets dans les champs et on frappait dessus pour effrayer les campagnols dans leurs galeries. Ailleurs, on jetait des conjurations écrites, au nom de saint Nicaise, enfermées dans des boulettes et semées dans les champs.

Aussi bien, il y a tout un folklore des campagnols et comme aussi toute une symbolique du rat du Moyen Age. Ce qu’on appelle le « Globe aux rats », c’est le globe du monde, couronné de la croix, sur lequel jouent des rats noirs et des rats blancs. On a cru longtemps qu’ils symbolisaient les jours et le temps qui ronge tout, le tempus edax. Il n’en est rien et, d’après la Légende dorée, ils représenteraient les Vices, qui détruisent le monde. Toujours est-il qu’on trouve des représentations figurées de ces rats dévastateurs, sur un contrefort du XVe siècle de la cathédrale du Mans ; à Saint-Germain-des-Prés, à Paris ; dans l’église de Champeaux ; dans l’église Saint-Siffren, de Carpentras ; sur les stalles de l’église de Gassicourt, près de Mantes. Sur une stalle de l’abbaye de la Sainte-Trinité de Vendôme est également figuré un homme, portant une hotte d’où s’échappent des rats, bas-relief qu’on peut dater du commencement de la Renaissance.

Qui ne connaît aussi les légendes se rattachant à ces invasions des rats et des campagnols ? Qui ne se rappelle cet archevêque de Mayence, Hatton, refusant de secourir son peuple contre une invasion de rongeurs, se réfugiant dans la tour escarpée de Bingen, sur le Rhin ? Les rats le poursuivent, rongent la porte et enfin le dévorent lui-même… Et la légende de Hans, le joueur de flûte ! Qui ne se souvient qu’en jouant de la flûte, il avait délivré toute la ville d’une troupe de rats, qui le suivait à la piste ? Mais les échevins n’ayant pas voulu lui donner le prix convenu, Hans, pour se venger, emmena tous les petits enfants de la ville – c’était, croyons-nous, Nuremberg – qu’on n’a jamais revus… Toujours est-il que le fait est constaté dans certaines chartes, qui portent la mention : Anno illos post diem quo amisimus infantulos nostros « Un an après que nous perdîmes nos petits enfants ». Savez-vous que l’on a porté cette légende bien connue au cinéma ?

Mais terminons cette longue causerie sur les faits et gestes des campagnols en Normandie. Il s’y déroulait, le premier dimanche de Carême, une sorte de procession nocturne, appelée les bourquelées, promenade à travers les champs. Maîtres, valets, servantes, enfants, agitaient sous les arbres des collines, ou torches et brandons de paille allumée, en chantant :

Taupes et mulots,
Sortez de mon clos,
Ou je vous casse les os !

C’est ce que Pluquet, dans ses Contes de Bayeux, appelle la « Conjuration du Bessin ». Dans le Berry. la complainte est plus sarcastique : « Saluez d’ici, saillez mulots, / Ou j’allons vous brûler les crocs. / Laissez pousser nos blés. / Courez cheux les curés. / Dans leurs caves, vous aurez / A boire autant qu’à manger ». Enfin, rapprochons-nous encore. Dans l’église paroissiale de Jumièges, on voyait un vieux tableau représentant le « Miracle des rats », par saint Valentin. Ne pouvant combattre une invasion de campagnols, les moines de Jumièges s’avisèrent de porter en procession les reliques de saint Valentin. Aussitôt, les terribles rongeurs se réunirent et se rendirent en foule vers un endroit dit « le Trou des Iles », au bord de la Seine, où tous se noyèrent.

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