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    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Histoire de l’art. L’Art médiéval par E.Faure

Posté par francesca7 le 22 juin 2013

L’Inde par

Élie Faure

Extrait de de : Histoire de l’art. L’Art médiéval

G. Crès & cie, 1921 (II, pp. 1-46).

 

Histoire de l’art. L’Art médiéval par E.Faure dans LITTERATURE FRANCAISE inde

Pour les Indiens, toute la nature est divine, et, au-dessous du grand Indra, tous les dieux sont de puissance égale et peuvent menacer ou détrôner les autres dieux, dieux concrets, dieux abstraits, le soleil, la jungle, le tigre, l’éléphant, les forces qui créent et celles qui détruisent, la guerre, l’amour, la mort. Aux Indes, tout a été dieu, tout est dieu ou sera dieu. Les dieux changent, ils évoluent, ils naissent et meurent, ils laissent ou non des enfants, ils nouent et dénouent leur étreinte dans l’imagination des hommes et sur la paroi des rochers. Ce qui ne meurt pas, aux Indes, c’est la foi, l’immense foi frénétique et confuse aux mille noms, qui change sans cesse de forme, mais est toujours la puissance démesurée qui pousse les masses à agir. Aux Indes, il arrivait ceci. Chassés par une invasion, une famine, une migration de fauves, des milliers d’êtres humains se portaient au Nord ou au Sud. Là, au bord de la mer, au seuil d’une montagne, ils rencontraient une muraille de granit. Alors, ils entraient tous dans le granit, ils vivaient, ils aimaient, ils travaillaient, ils mouraient, ils naissaient dans l’ombre, et, trois ou quatre siècles après ressortaient à des lieues plus loin, ayant traversé la montagne. Derrière eux, ils laissaient le roc évidé, des galeries creusées dans tous les sens, des parois sculptées, ciselées, des piliers naturels ou factices fouillés à jour, dix mille figures horribles ou charmantes, des dieux sans nombre, sans noms, des hommes, des femmes, des bêtes, une marée animale remuant dans les ténèbres. Parfois, pour abriter une petite pierre noire, comme ils ne rencontraient pas de clairière sur leur chemin, ils creusaient un abîme au centre du massif.

C’est dans ces temples monolithes, sur leurs parois sombres ou sur leur façade embrasée que se déploie, dans toute sa puissance épouvantable, le vrai génie indien. Ici se fait entendre tel qu’il est le langage confus de multitudes confuses. L’ homme, ici, consent sans combat à sa force et à son néant. Il n’exige pas de la forme l’affirmation d’un idéal déterminé. Il n’y enferme aucun système. Il la tire brute de l’informe, telle que l’informe la veut. Il utilise les enfoncements d’ombre et les accidents du rocher. Ce sont eux qui font la sculpture. S’il reste de la place, on ajoute des bras au monstre, on lui coupe les jambes si l’espace est insuffisant. Un pan de mur démesuré rappelle-t-il la masse sommaire et monstrueuse roulant par troupes moutonnantes sur les bords des fleuves, à la lisière des forêts, on le taille par grands plans purs pour en tirer un éléphant. Au hasard des creux, des saillies, les seins se gonflent, les croupes se tendent et se meuvent, l’accouplement humain ou bestial, le combat, la prière, la violence et la douceur naissent de la matière qui paraît elle-même enivrée sourdement. Les plantes sauvages pourront faire éclater les formes, les blocs pourront crouler, l’action du soleil et de l’eau pourra ronger la pierre. Les éléments ne mêleront pas mieux que le sculpteur toutes ces vies à la confusion de la terre. Parfois, aux Indes, on retrouve au milieu des bois d’énormes champignons de pierre luisant sous l’ombre verte comme des plantes vénéneuses. Parfois, tout seuls, deséléphants épais, aussi moussus, aussi rugueux que s’ils étaient vivants, mêlés à l’enchevêtrement des lianes, dans les herbes jusqu’au ventre, submergés de fleurs et de feuilles et qui ne seront pas plus absorbés dans l’ivresse de la forêt quand leurs débris seront retournés à la terre.

Tout le génie indien est dans ce besoin toujours inassouvi de remuer la matière, dans son acceptation des éléments qu’elle lui offre et son indifférence à la destinée des formes qu’il en a tirées. Il ne faut pas chercher dans l’art qui nous le livre l’expression peut-être imposée mais réelle de sa métaphysique comme chez l’Égyptien, la libre expression comme chez le Grec de sa philosophie sociale, mais l’expression obscure et trouble, anonyme et profonde, et par là démesurément forte, de son panthéisme intuitif. L’homme n’est plus au centre de la vie. Il n’est plus cette fleur du monde entier qui s’est employée lentement à le former et le mûrir. Il est mêlé à toutes choses, au même plan que toutes choses, il est une parcelle d’infini ni plus ni moins importante que les autres parcelles d’infini. La terre passe dans les arbres, les arbres dans les fruits, les fruits dans l’homme ou l’animal, l’homme et l’animal dans la terre, la circulation de la vie entraîne et brasse un univers confus où des formes surgissent une seconde pour s’engloutir et reparaître, déborder les unes sur les autres, palpiter et se pénétrer dans un balancement de flot. L’homme ignore s’il n’était pas hier l’outil avec lequel il fait surgir de la matière la forme qu’il sera peut-être demain. Tout n’est qu’apparences, et sous la diversité des apparences, Brahma, l’esprit du monde, est un. L’homme, sans doute, a l’intuition mystique du transformisme universel. À force de transmigrations, à force de passer d’une apparence à une autre apparence et d’élever en lui, par la souffrance et le combat, le niveau mouvant de la vie, sans doute sera-t-il un jour assez pur pour s’anéantir en Brahma. Mais, perdu comme il l’est dans l’océan des formes et des énergies confondues, sait-il s’il est forme encore, s’il est esprit ? Est-ce cela un être qui pense, un être seulement vivant, une plante, un être taillé dans la pierre ? La germination et la pourriture s’engendrent sans arrêt. Tout bouge sourdement, la matière épandue bat ainsi qu’une poitrine. La sagesse n’est-elle pas de s’y enfoncer jusqu’au crâne pour goûter, dans la possession de la force qui la soulève, l’ivresse de l’inconscient ?

Élie Faure

faure-254x300 dans LITTERATURE FRANCAISEElie Faure (1873 – 1937) est un Périgourdin (un pétrocorien) ou presque, né en 1873 (le 4 avril) à Sainte-Foy-la Grande, à proximité de ces lieux où l’homme a imprimé ses premiers pas dans l’art sur les parois des grottes. Une région à la croisée des chemins : ceux de Compostelle, des multiples invasions : Vikings, celtiques, mauresques, anglaises. Une région sertie entre terre et mer, une région où mûrit et coule le vin, une région qui vît naître Montaigne, La Boëtie, Brantôme, une région à la fois mobile et immobile, une région sans frontières précises qui arbore ces quatre couleurs (vert, blanc, pourpre et noir) et sa multitude de châteaux sans plus de commentaires. Je pourrais continuer ainsi à aligner mille « une région qui »….Je terminerai seulement cette énumération par celle-ci; L’Aquitaine, le Bordelais et la Dordogne recouvrent une région qui possède un pouvoir magnétique certain et force le regard. Et c’est ce regard là qui fut aiguisé, poli, cultivé en la personne d’Elie Faure: et c’est son regard qu’il nous transmît dans ses écrits. Lisant, nous voyons, devenant à notre tour des êtres voyants.

A quinze ans, le jeune Elie Faure, neveu du savant et penseur révolutionnaire Elisée Reclus, monte à Paris où ses frères sont déjà installés et s’inscrit au Lycée Henri IV. 

Les temples de l’art que sont les musées s’ouvrent à lui et lui à eux. Il se rend au Louvre, découvre Vélasquez avec effroi, ne se lasse pas de Delacroix et Courbet qui le touchent profondément. S’en étonne, s’en offusque adopte, rejette et se forme à leur « contact » dont il fait un besoin et laisse « l’art monter en lui ». 

Il découvre Bergson qui sera un temps son professeur de philosophie à Henri IV et dont il avoue qu’il « n’en aura rien resté en moi » (le redécouvrant et le comprenant dix ans plus tard), et s’oriente vers la médecine tout en se tournant vers l’écriture.

Ainsi, âgé de 20 ans il se trouve à « charcuter » les cadavres s’étonnant de voir « ses bras rougis plonger, tels le cou d’un vautour, dans les flancs déchiquetés d’un particulier mort depuis plusieurs mois ». Il devient l’anesthésiste attitré de son frère (« grand manitou des hôpitaux de Paris ») et se spécialise enfin dans l’embaumement, figurant ainsi parmi les deux ou trois embaumeurs les plus talentueux de Paris.

Perçu comme un médecin « curieux d’art », son oeuvre sera donc celle d’un amateur : de celui qui vibre et s’anime au contact des arts, des divers mouvements humains traduits dans la littérature, son histoire, son art. L’action et l’implication ne l’effraient pas, prenant partie dans l’affaire Dreyfus, s’engageant dans la guerre dont il tirera un récit cru et nu : « La sainte face » (extrait : « j’ai dormi, malgré le canon…dont je sens le bruit dans mon sommeil, comme s’il était au centre de moi-même et que les parois de mon être fussent l’acier de l’engin »).

http://nathalie.diaz.pagesperso-orange.fr/html/eliefaure.htm

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Le Journal d’Anne Frank

Posté par francesca7 le 13 juin 2013

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Dotée d’ambitions littéraires, la jeune fille réécrira presque entièrement son journal avant que la famille Frank ne soit déportée.

Dès qu’elle le voit dans la vitrine d’un magasin d’Amsterdam, Anne Frank tombe amoureuse de ce petit carnet rouge et blanc destiné à recueillir des autographes. Le 12 juin 1942, son père Otto le lui offre pour son treizième anniversaire. Elle commence immédiatement à décrire sa vie quotidienne à son amie imaginaire Kitty. Durant un peu plus de deux ans, la petite fille tient son journal sur le carnet, puis sur des feuilles. Mais ce n’est pas exactement ce récit qui sera publié après la guerre par son père, car quelques mois avant la découverte de sa cachette, Anne réécrira entièrement son journal.

Le 6 juillet 1942, trois semaines après avoir entamé son journal, Anne s’installe dans la cachette fabriquée chez Miep Gies, secrétaire d’Otto, avec ses deux parents et sa grande soeur Margot, qui tient elle aussi son journal, lequel ne sera jamais retrouvé. Une semaine plus tard, la famille Van Pels et le jeune Peter, 16 ans, les rejoignent, puis un ami dentiste, en novembre. Anne passe de longues heures, chaque jour, à écrire tout ce qui passe dans sa tête d’enfant. Elle évoque son petit flirt avec Peter, ses parents, avec lesquels elle n’est pas toujours tendre.

Bientôt, le joli carnet rouge et blanc est rempli, Anne poursuit donc sa rédaction sur des feuilles volantes. Au fil des mois, ses notes s’accumulent. En mai 1944, Anne entend sur Radio Londres (la version hollandaise) un appel aux témoignages de la population pour une publication après guerre. La jeune fille, qui rêve d’être écrivain, décide alors de réécrire son journal pour lui donner une forme plus littéraire, plus présentable. Elle censure les passages trop personnels, où elle évoque, par exemple, sa sexualité, et améliore le style. Elle se consacre plusieurs semaines à ce travail de réécriture, tout en continuant à tenir son journal quotidien.

Le Journal d'Anne Frank dans LITTERATURE FRANCAISE anne-frank

« Incroyablement captivant »

Mais elle ne peut le mener à bout, car le 4 août 1944, la cache est découverte par les Allemands. Anne est embarquée avec le reste de sa famille, elle doit abandonner les deux versions de son journal derrière elle. Par miracle, parce que l’officier qui a procédé à l’arrestation est autrichien comme elle, la propriétaire de la maison Miep Gies est relâchée. Elle revient donc chez elle, trouve les journaux d’Anne Frank, qu’elle fourre, sans même les lire, dans un tiroir en espérant pouvoir les lui restituer à son retour. 

Vain espoir. Seul son père Otto survit aux camps. C’est donc à lui que Miep remet le joli carnet et toutes les autres notes d’Anne. Otto en est profondément bouleversé. En août 1945, il écrit à sa mère, qui a survécu elle aussi : « Par un grand hasard, Miep a réussi à sauver un album de photos et le journal d’Anne. Je n’ai pas eu le courage de le lire. » Au bout d’un mois, il ose enfin ouvrir le carnet. Il lit à dose homéopathique, deux ou trois pages par jour. Plus lui aurait été impossible. Il écrit de nouveau de sa mère : « Je ne peux pas lâcher le journal d’Anne. Il est si incroyablement captivant, je n’abandonnerai jamais le contrôle du journal parce qu’il contient trop de choses que personne ne devrait pouvoir lire. Mais je ferai une sélection. »

Parfois émouvant, souvent douloureux

Otto, à qui Anne ne se confiait guère, découvre la vraie personnalité de sa fille. C’est une extraordinaire révélation. C’est parfois émouvant, c’est souvent douloureux. « Je n’avais aucune idée de la profondeur de ses pensées et de ses sentiments. » Il lit les deux versions : celle rédigée au jour le jour et la version littéraire. Après consultation de ses proches, il décide d’offrir au monde le récit de sa fille. Mais quelle version en donner ? La version primitive est incomplète, les feuillets correspondant à l’année 1943 manquent pour la plupart, tandis que la version réécrite est moins spontanée, plus littéraire et s’interrompt trois mois avant l’arrestation.

Otto choisit de réaliser un mix des deux. Il part de la version littéraire qu’il agrémente de nombreux extraits tirés de l’originale (sauf pour l’année 1943). Par exemple, il réintroduit le passage évoquant la brève idylle de sa fille avec le jeune Peter. Mais il en supprime d’autres, comme celui où sa fille critique violemment ses parents. Anne est souvent sévère avec sa mère. Mais, globalement, le père d’Anne Frank n’est pas le censeur que l’on présente. Au contraire, il rajoute à la version littéraire des passages non repris par sa fille. Plusieurs éditeurs refusent le texte. Finalement, les éditions Contact publient le journal d’Anne Frank le 25 juin 1947, en allemand (Otto a traduit le néerlandais d’Anne). Le titre original est L’annexe. Lettres du journal du 14 juin 1942 au 1er août 1944″. Les éditions Contact le tirent à 1 500 exemplaires.

En 65 ans, 25 millions d’exemplaires du Journal d’Anne Frank ont été vendus, ce qui en fait l’un des dix livres les plus vendus au monde. Aujourd’hui, le carnet rouge et blanc profite d’un juste repos au musée d’Amsterdam.    

sourcehttp://www.lepoint.fr/

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La billebaude, Henri Vincenot

Posté par francesca7 le 19 mai 2013

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 La billebaude, Henri Vincenot dans Bourgogne papillon-2

La billebaude est le deuxième roman du recueil consacré à l’oeuvre d’Henri Vincenot. Comme dans le Pape des escargots, l’action se déroule en Bourgogne, plus précisément dans l’Auxois, cette région vallonnée située en Côte d’Or.

 

vincenot dans LITTERATURE FRANCAISE

Dans les Hauts de Bourgogne circule un personnage étrange, surnommé La Gazette. On le dit fils de curé et de prostituée, sorcier, rebouteux et  » trouveur d’eau « . Lui prétend être un grand Initié et le pape des escargots. La Gazette va être mêlé incidemment au destin de Gilbert, un jeune paysan qui se révèle exceptionnellement doué pour la sculpture. Ensemble et à l’écart du monde moderne, le jeune homme et le vieux vont vivre les aventures singulières réservées aux inspirés et aux poètes. Mais un jour, Gilbert est  » découvert  » par ces aigrefins de la ville dont le métier est de vivre du talent des autres. Il part pour Paris… Saura-t-il échapper aux magies de la capitale et retrouvera-t-il son ami La Gazette qui le considère comme son fils spirituel. Dans cette histoire truculente, contée admirablement par Henri Vincenot, la Bourgogne et ses monuments spirituels reçoivent un éclairage nouveau qui nous les montre à la fois dans leur grandeur mythique et dans leur beauté populaire et quotidienne.

Henri Vincenot nous livre une histoire fortement inspirée de son expérience de jeunesse dans un village comme la France en comptait beaucoup à cette époque. La vie y est rythmée par les tâches quotidiennes de la maison et par les travaux des champs en fonction des saisons. Mais la vie du narrateur tourne surtout autour de la chasse. Il y est initié par son grand-père maternel, le Tremblot, pour qui la région n’a pas de secret. Il connaît très bien le parcours des animaux et apprend à son petit-fils l’art d’identifier les traces laissées par le gibier dans les bois. Le savoir-faire de cet homme est reconnu par tous. Le titre du roman fait référence au type de chasse prôné par le Tremblot. La chasse à la billebaude est la chasse au hasard, au gré du parcours des animaux, par opposition à la chasse à courre où l’animal est traqué sans relâche.

Le grand drame du narrateur est d’être doué pour les études. Après des résultats brillants au certificat d’études, il poursuit sa scolarité au collège Saint-Joseph de Dijon. C’est pour lui un premier déracinement qui le coupe de la vie à la campagne. Le second intervient lors de son admission aux HEC qui lui impose de vivre à Paris. Ce qui ne lui permettra que rarement un retour au village pour profiter de ce mode de vie qu’il a dû quitter à regret. Les retours réguliers dans son village de l’Auxois seront pour lui de grands moments de joie.

Henri Vincenot est un conteur formidable. Il avoue d’ailleurs parfois forcer le trait, inspiré en ceci par son grand-père, lui-même grand raconteur d’histoires. Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver dans la Billebaude un quelque chose du Marcel Pagnol de la gloire de mon père, à la fois dans l’amour pour sa région et pour l’histoire du passage de l’enfance à l’âge adulte et toute la découverte du monde qui l’entoure. Les compagnons du Tour de France y tiennent une place importante, comme dans le pape des escargots. La figure emblématique qu’est son grand-père tient un rôle central, un peu comme l’était la Gazette dans le pape des escargots. Il va lui ouvrir la porte de du compagnonnage, cet univers aux codes ancestraux, en commençant par la bourrellerie, le travail du cuir. C’est d’ailleurs ce monde de traditions bien ancrées qui se heurte à une France qui se modernise, comme on le lira avec la mécanisation des campagnes et l’exode rural. Le récit se déroule sur fonds de crise des années 30 et de scandale financier (affaire Hauna-Stavisky). Henri Vincenot s’érige en défenseur du mode de vie de ses grands-parents et arrière grands-parents, sages parmi les sages, et condamne le progrès à tout crin et l’exploitation de la nature. Ce côté donneur de leçon à la jeune génération pourra ennuyer certains lecteurs, de même que la répétition de certaines expressions, comme celle qui consiste à décrire sa région comme le toit de l’Europe occidentale, le lieu où l’eau des rivières rejoint tantôt la Méditerranée tantôt l’Atlantique. Mais ces quelques points négatifs n’ont en rien entamé mon plaisir de lire la billebaude. Le récit est très coloré, grâce au patois bourguignon, tout du moins celui de l’Auxois. Vous saurez ce qu’est un peux, des gaudes (et être gaudé) et vous n’aimerez pas être beurdaulé ni mâchuré.

Bref, la billebaude est une bouffée d’air frais.

Du même auteur : le pape des escargots et les étoiles de Compostelle

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ARTHUR RIMBAUD par Mallarmé

Posté par francesca7 le 5 mai 2013

 

 

Stéphane Mallarmé

Arthur Rimbaud : Divagations/Éditions

Chap Book, 15 mai 1896 (pp. 8-17).

 ARTHUR RIMBAUD par Mallarmé dans LITTERATURE FRANCAISE 220px-Rimbaud_Voyelles_caricature

 

À Monsieur Harrison Rhodes.

J’imagine qu’une de ces soirées du Mardi, trop rares, où vous me fîtes l’honneur d’ouïr, chez moi, quelques amis converser, le nom soudainement d’Arthur Rimbaud se soit bercé à la fumée de plusieurs cigarettes, installant, pour votre curiosité, du vague.

Quel, le personnage, questionnez vous : du moins, avec des livres Une Soirée en Enfer, Illuminations et ses Poèmes, naguères publiés en l’ensemble, exerce-t-il sur les évènements poétiques récents une influence si particulière que, cette allusion à lui faite, par exemple, on se taise, énigmatiquement et réfléchisse, comme si beaucoup de silence, à la fois, et de rêverie s’imposait ou d’admiration inachevée.

Doutez, mon cher hôte, que les principaux innovateurs, maintenant, voire un seul, à l’exception, peut-être, mystérieusement, du magnifique ainé, qui leva l’archet, Verlaine, aient à quelque profondeur et par un trait direct, subi Arthur Rimbaud. Ni la liberté allouée au vers ou, mieux, jaillie telle par miracle, ne se réclamera de qui fut, à part le balbutiement de tous derniers poèmes ou quand il cessa, un strict observateur du jeu ancien. Estimez son plus magique effet produit par opposition d’un monde antérieur au Parnasse, même au Romantisme, au très classique, avec le désordre somptueux d’une passion on ne saurait dire rien que spirituellement exotique. Éclat, lui, d’un météore, apparu sans motif autre que sa présence ; issu seul et s’éteignant. Tout, certes, aurait existé, depuis, sans ce passant considérable, comme aucune circonstance littéraire vraiment n’y prépara : le cas personnel demeure, avec force.

Mes Souvenirs : plutôt ma pensée, souvent, à ce Quelqu’un, voici : comme peut faire une causerie, en votre honneur immédiate.  PORTRAIT OF ARTHUR RIMBAUD

BY F. VALLOTTON

 

Je ne l’ai pas connu, mais je l’ai vu, une fois, dans un des repas littéraires, en hâte, groupés à l’issue de la Guerre — le Dîner des Vilains Bonshommes,certes, par antiphrase, en raison du portrait, qu’au convive dédie Verlaine. “L’homme était grand, bien bâti, presque athlétique, un visage parfaitement ovale d’ange en exil, avec des cheveux châtain-clair mal en ordre et des yeux d’un bleu pâle inquiétant.” Avec je ne sais quoi fièrement poussé, ou mauvaisement, de fille du peuple, j’ajoute, de son état blanchisseuse, à cause de vastes mains, par les transitions du chaud au froid rougies d’engelures. Lesquelles eussent indiqué des métiers plus terribles, appartenant à un garçon. J’appris qu’elles avaient autographié de beaux vers, non publiés : la bouche, au pli boudeur et narquois n’en récita aucun.

Comme je descendais des Fleuves impassibles

Je ne me sentis plus guidé par les hâleurs :

Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles

Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

et

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres,

L’eau verte pénétra ma coque de sapin

Et des taches de vins bleus et de vomissures

Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

et

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies

Baisers montants aux yeux des mers avec lenteur,

La circulation des sèves inouïes,

Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs.

et

Parfois martyr lassé des pôles et des zônes

La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes

Et je restais ainsi qu’une femme à genoux. 

et

J’ai vu des archipels sidéraux ! Et des îles

Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :

Est-ce en mes nuits sans fond que tu dors et t’exiles

Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

et tout ! qu’il faudrait dérouler comme primitivement s’étire un éveil génial, en ce chef-d’œuvre, car Le Bateau Ivre était fait, à l’époque, déjà : tout ce qui, à peu de là, parerait les mémoires et qui en surgira tant qu’on dira des vers, se taisait parmi le Nouveau-venu ainsi que Les Assis, Les Chercheuses de Poux, Premières Communiantes, du même temps ou celui d’une puberté perverse et superbe. Notre curiosité, entre familiers, sauvés des maux publics, omit un peu cet éphèbe au sujet de qui courait, cependant, que c’était, à 17 ans son quatrième voyage, en 1872, effectué, ici, comme les précédents, à pied : non, le premier ayant eu lieu, de l’endroit natal, Charleville dans les Ardennes, vers Paris, fastueusement, par la vente de tous les prix de la classe, celle de rhétorique, à cet effet, par le collégien. Rappels de là-bas, or hésitation entre la famille, une mère d’origine campagnarde, dont était séparé le père, officier en retraite, et des camarades les frères Cros, Forain futur, le caricaturiste Gill, d’abord et toujours et irrésistiblement Verlaine. Un va-et-vient résultait ; au risque de coucher, en partant sur les bateaux à charbon du canal ; en revenant, de tomber dans un avant poste de fédérés ou combattants de la Commune. Le grand gars, adroitement, se fit passer pour un franc-tireur du parti, en détresse et inspira le bon mouvement d’une collecte à son bénéfice. Menus-faits, quelconques et, du reste, propres à un ravagé violemment par la littérature, le pire désarroi, après les lentes heures studieuses aux bibliothèques, aux bancs, cette fois maître d’une expression certaine prematurée, intense, l’excitant à des sujets inouïs, — en quête aussitôt de “sensations neuves” insistait-il “pas connues” et il se flattait de les rencontrer en le bazar d’illusion des cités, vite vulgaire ; mais, qui livre au de mon adolescent, un soir, comme éclair nuptial, quelque vision grandiose et fictive continuée, en suite, par la seule ivrognerie.

L’anecdote, à bon marché, ne manque pas, le fil contradictoirement, mille fois, rompu d’une existence telle, en laissa choir dans les journaux : à quoi bon faire, centième, miroiter ces détails jusqu’à les enfiler en sauvages verroteries et composer le collier du roi nègre, que ce fut la plaisanterie plus tard de représenter dans quelque peuplade inconnue, le poête.

Vous ne me demandez pas autre chose que suivre, comme je les perçois et pour y infuser le plus de belle probabilité les grandes lignes d’un destin significatif ; lequel doit garder dans ses écarts d’apparence, le rythme, étant d’un poëte et quelque étrange simplicité. Toute fois en remerciant de m’aider, par votre question à évoquer pour moi-même, la première fois dans l’ensemble, cette personnalité qui vous séduit, mon cher ami, je veux comme exception remémorer une historiette qu’avec des sourires me contait délicieusement Théodore de Banville. La bonté de ce Maître était secourable. On le vint trouver. À l’intention d’un des nôtres ; et précisait-on en quelque jargon, de permettre qu’il fit du grand art. Banville opina que pour ce résultat, d’abord, le talent devenant secondaire, une chambre importait, où gîter, la loua dans les combles de sa maison rue de Bucy ; une table, l’encre et les plumes comme accessoires, du papier, un lit blanc aussi pour les moments où l’on ne rêve debout, ni sur la chaise. Le jeune homme errant y fut installé : mais quelle, la stupéfaction du donateur méthodique, à l’heure où la cour interne unit, par leur l’arôme, les dîners, d’entendre des cris poussés à chaque étage, et, aussitôt, de considérer, nu, dans le cadre de mansarde là-haut, quelqu’un agitant éperdument et lançant par dessus les tuiles du toît, peut-être pour qu’ils disparussent avec les derniers rayons du soleil, des lambeaux de vêtements : et comme il s’inquiétait, près du dieu, de cette tenue enfin mythologique, “C’est,” répondit Arthur Rimbaud à l’auteur des Exilés, qui dut convenir de la justesse impliquée, certainement, par cette observation et accuser sa propre imprévoyance “que je ne puis fréquenter une chambre si propre, virginale, avec mes vieux habits criblés de poux.” Le hôte ne se trouva correct qu’après avoir adressé des effets à lui de rechange et une invitation à partager le repas du soir, car “l’habillement, outre le logis ne suffit pas, si l’on veut produire des poèmes remarquables, il importe également de manger.”

Le prestige de Paris usé vite ; aussi, Verlaine entre de naissantes contrariétés de ménage et quelque appréhension de poursuite comme fonctionnaire humble de la Commune, certes decidérent Rimbaud à visiter Londres. Ce couple y mena une orgiaque misère, humant la libre fumée de charbon, ivre de réciprocité. Une lettre de France bientôt pardonnait, appelant l’un des transfuges, pourvu qu’il abandonnât son compagnon. La jeune épouse, au rendez-vous, attendait une réconciliation avec mère et belle-mère. Je crois au récit supérieurement tracé par M. Paterne Berrichon  et indique selon lui une scène, poignante au monde, attendu qu’elle compta pour héros, l’un blessé comme l’autre délirant, deux poëtes dans leur farouche mal. Prié par les trois femmes ensemble, Verlaine renonçait à l’ami, mais le vit à la porte de la chambre d’hôtel fortuitement, vola dans ses bras le suivre et n’écouta l’objurgation par celui-ci, refroidi, de n’en rien faire “jurant que leur liaison devait être à jamais rompue” — “même sans le sou” quoique à Bruxelles en vue seulement d’un subside pécuniaire pour regagner le pays “il partirait.” Le geste repoussait Verlaine qui tira, égaré, d’un pistolet, sur l’indifférent et tomba, en larmes au devant. Il était dit que les choses ne resteraient pas, j’allais énoncer, en famille. Rimbaud revenait, pansé, de l’hospice et dans la rue, obstiné à partir, reçut une nouvelle balle, publique maintenant ; que son si fidèle expia, deux ans, dans la prison de Mons. Solitaire, après cette circonstance tragique, on peut dire que rien ne permet de le déchiffrer, en sa crise définitive, certes, intéressante puisqu’il cesse toute littérature : camarade ni écrit. Des faits ? il devait selon 1875, et qu’importe ; puis gagna l’Allemagne, avec des situations pédagogiques, et un don pour les langues, qu’il collectionnait, ayant abjuré toute exaltation dans la sienne propre ; atteignit l’Italie, en chemin-de-fer jusqu’au Saint-Gothard, en suite à pied, franchissant les Alpes : séjourne quelques mois, pousse aux Cyclades et, malade d’une insolation, se trouve rapatrié officiellement. Pas sans que l’effleurât une avant-brise du Levant.

Voici la date mystérieuse, pourtant naturelle, Si l’on convient que celui, qui rejette des rêves, par sa faute ou la leur, et s’opère, vivant, de la poèsie, ultérieurement, ne sait trouver que loin, très loin, un état nouveau. L’oubli comprend l’espace du désert ou de la mer. Ainsi les fuites tropicales moins, peut-être, quant au merveilleux et au décor : puisque c’est en soldat racolé, 1876, sur le marché Hollandais, pour Sumatra, déserteur dès quelques semaines, rembarque au coût de sa prime, par un vaisseau anglais, avant de se faire, audacieusement, marchand d’hommes, à son tour, y amassant un pécule perdu en Danemark et en Suède, d’où rapatriement ; — en chef des Carrières de Marbre, dans l’île de Chypre, 1879, après une pointe vers l’Égypte, à Alexandrie et — on verra, le reste des jours, en traitant. L’adieu total à l’Europe, aux climat et usages insupportables, également est ce voyage au Arar, près de l’Abyssinnie (théâtre d’ évènements militaires actuels) où, comme les sables, s’étend le silence rélativement à tout geste extérieur de l’exilé. Il trafiqua, sur la côte et l’autre bord, à Aden, le rencontra-on toutefois à ce point extrême ! féeriquement d’objets précieux encore, comme quelqu’un dont les mains ont caressé jadis les pages ; ivoire, poudre d’or, ou encens. Sensible à la qualité rare de sa pacotille, peut-être pas, comme entachée d’orientalisme Mille et Une Nuits ou de couleur locale : mais aux paysages bus avec la soif de vastitude et d’indépendance ! et si, l’instinct des vers par quelqu’un renoncé, tout devient inférieur en s’en passant, même vivre, au moins que ce soit brutalement, sauvagement, la civilisation ne survivant, chez l’individu, à un signe suprême.

Une nouvelle inopinée, en 1892, circula par les journaux : que celui, qui avait été et demeure, pour nous, un poête, voyageur, malade, à Marseille, revenu avec une fortune et opéré, arthritique, après le débarquement, venait d’y mourir. Sa bière prix le chemin de Charleville, accueillie dans ce refuge, jadis, de toutes agitations, par la pièté d’une sœur.

Je sais à tout le moins la gratuité de se substituer, aisément, à une conscience : laquelle dût, à l’occasion, parler haut, pour son compte, dans les solitudes. Ordonner, en fragments intelligibles et probables, pour la traduire, la vie d’autrui, est, tout juste, impertinent : il ne me reste qu’à pousser à ses limites ce genre de méfait. Seulement je me renseigne — Une fois, entre des migrations, vers 1875, le compatriote de Rimbaud et son camarade au collège, M. Delahaye, à une réminiscence de qui ceci puise, discrètement l’interrogea sur ses vieilles visées, en quelques mots, que j’entends, comme — “et ! bièn, la littérature ?” l’autre fit la sourde oreille, enfin répliqua avec simplicité que “non, il n’en faisait plus,” sans accentuer le regret ni l’orgueil. “Verlaine” ? à propos duquel la causerie le pressa : rien, sinon qu’il évitait, plutôt comme déplaisante, la mémoire de procédés, à son avis, excessifs.

L’imagination de plusieurs, dans la presse participant au sens, habituel chez la foule, des trésors à l’abandon ou fabuleux, s’enflamma de la merveille que des poèmes restassent, inédits, peut-être, composés là-bas. Leur largeur d’inspiration et l’accent vierge ! on y songe comme à quelque chose qui eût pu être ; avec raison, parce qu’il ne faut jamais négliger, en idée, aucune des possibilités qui volent autour d’une figure, elles appartiennent à l’original, même contre la vraisemblance, y plaçant un fond légendaire momentané, avant que cela se dissipe tout-à-fait. J’estime, néanmoins, que prolonger l’espoir d’une œuvre de maturité nuit, ici, à l’interprétation exacte d’une aventure unique dans l’histoire de l’esprit. Celle d’un enfant trop précocement touché et impétueusement par l’aile littéraire, qui avant le temps presque d’exister, épuisa d’orageuses et magistrales fatalités : sans recours à du futur.

Une supposition, autrement forte, comme intérêt, que d’un manuscrit démenté par le regard perspicace sur cette destinée, hante, relative à l’état du vagabond s’il avait, de retour, après le laisser volontaire des splendeurs des la jeunesse, appris leur épanouissement, parmi la génération, en fruits féeriques non moins et plus en rapport avec le goût jadis, ou de gloire, que ceux quittés aux oasis : les aurait-il reniés au cueillis ? Le Sort, avertissement à l’homme de son rôle accompli, sans doute afin qu’il ne vacille pas en trop de perplexité,trancha ce pied qui venait se poser sur le sol natal étranger : ou, tout-de-suite et par surcroit, la fin arrivant, établit, entre le moribond et diverses voix qui, souvent, l’appelèrent notamment une du grand Verlaine, le mutisme que sont un mur ou le rideau d’hôpital. Interdiction que, pour aspirer la surprise de sa renommée et sitôt l’écarter ou, à l’opposé, s’en défendre et jeter un regard d’envie sur ce passé grandi pendant l’absence. Lui se retournât à la signification, neuve, proférée en le parler natal, des quelques syllabes Arthur Rimbaud : l’épreuve, alternative, gardait la même dureté et mieux la valut-il, effectivement, omise. Cependant, on doit, approfondissant d’hypothèse pour la doter de la beauté éventuelle, cette carrière hautaine, après tout, et sans compromission, présumer que l’intéressé en eût accueilli, avec une fiere incurie, cet aboutissement en célébrité comme concernant, certes, quelqu’un qui avait été lui, mais ne l’était plus, d’aucune façon : à moins que ce fantôme impersonnel ne poussât la désinvolture jusqu’à réclamer traversant Paris, pour les joindre à l’argent rapporté, simplement, des droits d’auteur.

Stéphane Mallarmé.

mallarme-217x300 dans LITTERATURE FRANCAISEÉtienne Mallarmé, dit Stéphane Mallarmé, né à Paris le 18 mars 1842 et mort à Valvins (commune de Vulaines-sur-Seine, Seine-et-Marne) le 9 septembre 1898, est un poète français.

Admirateur de Théophile Gautier, Charles Baudelaire et Théodore de Banville, Stéphane Mallarmé fait paraître en revue quelques poèmes en 1862. Professeur d’anglais par nécessité, il est nommé en septembre 1863 au lycée de Tournon-sur-Rhône en Ardèche et passe par Besançon ou Avignon, avant d’arriver à Paris en 1871. Il fréquente alors des littérateurs comme Paul Verlaine, Émile Zola ou Auguste de Villiers de L’Isle-Adam et des artistes comme Édouard Manet qui a peint son portrait en 1876.

S’il rencontre des difficultés dans son métier de professeur (il est chahuté par ses élèves), il mène une vie familiale paisible, avec cependant des difficultés financières et des deuils. Il poursuit l’écriture de poèmes très élaborés et reçoit ses amis créateurs lors des Mardis de la rue de Rome ou dans sa maison de campagne, à Valvins, près de Fontainebleau où il meurt le 9 septembre 1898 à 56 ans.

Attiré par l’esthétique de l’art pour l’art, il collabore au Parnasse contemporain dès 1866, cherchant à dépasser son sentiment d’impuissance lié à un état dépressif, il est dès lors en quête d’une beauté pure que seul peut créer l’art : « le monde est fait pour aboutir à un beau livre », affirme-t-il. Il entreprend des œuvres ambitieuses qu’il retravaillera longtemps comme Hérodiade (1864-1887) ou L’Après-midi d’un faune (1865-1876, mis en musique par Debussy en 1892-94). Admirateur d’Edgar Poe il traduit Le Corbeau, publié en 1875 illustré par Édouard Manet, et écrit le Tombeau d’Edgar Poe en 1876 (« Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,… ») avant de traduire en prose d’autres poèmes.

En 1887, il fait paraître une édition de ses Poésies qui montrent sa recherche stylistique comme dans le sonnet en yx : Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx ou le sonnet en octosyllabesUne dentelle s’abolit (Une dentelle s’abolit // Dans le doute du Jeu suprême //A n’entrouvrir comme un blasphème //Qu’absence éternelle de lit.) L’aboutissement de cette ambition du poème absolu apparaît dans le poème graphique de 1897 Un coup de dés jamais n’abolira le hasard. Cette recherche d’une expression tendue vers l’épure lui vaut cependant dès l’époque le reproche d’hermétisme qui reste attaché à l’art mallarméen.

La renommée de Stéphane Mallarmé se consolide encore à partir de 1884 quand Verlaine publie l’article qui l’insère dans sa série des Poètes maudits, et, porteur de modernité et proche des avant-gardes en art comme en littérature, il est reconnu comme un maître par les jeunes générations poétiques, d’Henri de Régnier et des symbolistes à Paul Valéry. Ainsi, auteur d’une œuvre poétique ambitieuse, Stéphane Mallarmé a été l’initiateur, dans la seconde moitié du 19e siècle, d’un renouveau de la poésie dont l’influence se mesure encore auprès de poètes contemporains comme Yves Bonnefoy.

 

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L’âme complexe de Maupassant

Posté par francesca7 le 5 mai 2013

Guy de Maupassant : âme complexe, sensible,
méfiante et dénuée d’illusions…

(D’après « Le Gaulois », paru en 1912)

 L'âme complexe de Maupassant dans LITTERATURE FRANCAISE maupassant

Je le vois encore, le pauvre et grand disparu, debout auprès d’une fenêtre ouverte vers quoi montait le tumulte du boulevard, la joie d’une fin de jour lumineuse et tiède, je me rappelle jusque dans les moindres détails sa silhouette et son visage. Il allait alors vers la trentaine. Il débordait de vie saine et intense. Il paraissait bâti pour renouveler les travaux d’Hercule. Il sentait la force. Un sang généreux affluait à ses joues, colorait sa nuque, empourprait ses lèvres sensuelles.

Vous n’auriez jamais cru que ce Normand robuste avait végété comme employé de troisième classe dans un ministère, affronté, à l’âge où l’on a le plus besoin de dépenser sa vigueur, de chercher au hasard sa route, de courir les aventures, l’amertume de subir les sautes d’humeur de quelque rond-de-cuir bilieux et hostile, de rester cloué devant des paperasses fastidieuses du matin au soir, avait pris sur le repos et sur le plaisir des nuits le temps qu’il lui était impossible de consacrer ailleurs aux Lettres.

De taille moyenne, la tête ronde et forte plantée sur un cou ramassé et musclé de taureau, il avait l’apparence et la carrure d’un sous-officier qui arrive d’une école de gymnastique, et aussi d’un gentilhomme campagnard qui fait valoir soi-même son petit domaine, fréquente les foires de village, ne diffère qu’à peine par un reste ineffaçable de race des fermiers avec lesquels il est sans cesse en contact.

Les rides précoces qui ravinaient son front bas me surprirent, ainsi que ses mains de vieil homme dont la peau était toute plissée, toute dégradée, toute bleuie de grosses veines. Ses cheveux châtains ondoyaient, courts et drus, au-dessus des tempes.

Ses yeux faisaient penser à des vasques où l’eau dort sur un amas de feuilles mortes. Ils brillaient profonds et veloutés. Ils changeaient continuellement d’expression, tantôt attentifs, aux aguets, sondeurs, tantôt d’une indifférence voulue, voilés de brume, perdus on ne savait où, tantôt ironiques, gouailleurs, amusés, tantôt d’une douceur pénétrante et câline, tantôt dilatés, illuminés, durcis par une flamme de désir, tantôt presque douloureux, à demi-éteints, saturés d’ennui et de lassitude. Ils révélaient une âme complexe, voluptueuse, sensible, méfiante, timide, dénuée d’illusions, réfractaire aux transports excessifs et aux complications sentimentales, qui se connaît trop bien, qui se replie sur elle-même, qui redoute de se livrer, de s’encombrer de vaines tendresses, qui demeure toujours et partout en défense.

Sa voix avait des inflexions lentes et graves, s’assourdissait par instants comme oppressée et meurtrie, traînait sur les syllabes finales, teintée d’un accent de terroir et un peu zézayante. Un rire saccadé, artificiel, inoubliable scandait certaines de ses phrases.

C’était à l’époque qui fut la meilleure de sa vie brève et tourmentée. La fortune commençait à lui sourire. Il avait loué sur le chemin de halage, à Sartrouville, une petite maison blanche qu’entouraient des tilleuls. A dix pas de la grille fleurie de vigne vierge, parmi les nénuphars, les joncs souples, les aigrettes rosés des salicaires, trois yoles longues et fines se balançaient, amarrées aux chaînes d’un lavoir. D’un côté se déroulait et miroitait la Seine, avec ses processions de chalands, ses essors de voiles blanches, ses reflets multiformes, ses nuances de vieille soie, apparaissaient masquées par les arbres et les charmilles, les villas de Maisons-Laffitte, de l’autre, les coteaux de La Frette couverts de lilas, la forêt de Saint-Germain.

Le torse et les bras nus, nous partions sans but, descendant ou remontant le courant, glissant, durant des heures, au bruit cadencé des avirons, de même qu’un argyronète. O la-féerie splendide des aubes nacrées où le soleil semble une rosé jaune qui se déplie au loin, pétale par pétale, où les feuilles paraissent translucides, vous donnent l’impression qu’elles ¡:vous regardent ! O l’émouvante extase des soirs magnifiques où la nuit tombe comme à regret pailletée d’étoiles vagues, où sur les berges obscures les crapauds préludent, clochettes de cristal aux tintements mélancoliques, où dans la houle des arbres chantent, à la fois, concert éperdu, des milliers de rossignols ! O les belles choses que Maupassant me disait alors avec de la ferveur et de l’angoisse sur l’enchantement et sur le mystère de l’Eau, le regard de vertige qu’il avait en s’exaltant !

La yole dérivait comme une épave, les longs avirons collés à ses flancs, les minutes s’écoulaient telles qu’en un songe et soudain, il se ressaisissait et s’exclamait, irrité d’avoir rêvé tout haut, de s’être abandonné, exagérant à dessein cette brusque fausse note : « Crois-tu que nous sommes assez romance ? »

Des camarades s’invitaient de ci de là, amenaient leurs petites amies de cœur ou d’occasion. Et dans le salon meublé tant bien que mal de fauteuils de jardin, de divans aux ressorts usés, aux coussins rapiécés et où les accessoires peinturlurés naguère par l’aquarelliste Leloir pour une pièce bouffonne d’atelier décoraient les murs, l’on remuait des souvenirs d’insoucieuse bohème, d’exubérante gaieté, de passionnettes éphémères, de fabuleuses gageures, de farces énormes.

Celui-ci racontait les dimanches bruyants et allègres d’Argenteuil, les parties bouffonnes dans des canots loués au garage, les nuits folles où la bande s’entassait pêle-mêle dans une chambre de guinguette, tirait au sort les deux lits dont se composait le mobilier.

D’autres se remémoraient Bezons, la mère Poulain et le logis hasardeux qu’elle louait vingt francs par mois, le lancement de la yole qui avait été baptisée au Champagne par Mouche, une ingénue de Montmartre, des trottins jolies, des élèves du Conservatoire qui leur avaient joué au pied levé la comédie de l’amour et la Société des Crépitiens, qui avait emprunté son nom à Crepitus, le petit dieu malséant auquel Flaubert fait réciter un couplet emphatique dans la Tentation de saint Antoine.

Les paupières à demi closes, le coude appuyé à la table où s’étalaient de grandes feuilles de papier noircies d’une large et ferme écriture et surchargées par places de ratures, de corrections, Maupassant les écoutait, songeait, s’efforçait de rester à leur diapason, d’égaler leur entrain.

Qu’il se sentait déjà changé et assagi ! Qu’ils lui paraissaient déjà lointains les jours où, gai luron, faune narquois et querelleur échappé de la forêt natale, il menait le jeu, il se délectait à mystifier et à persécuter les faibles, les sots et les fâcheux, il augmentait son répertoire de facéties nouvelles, de méchants tours, il s’ingéniait à imiter Henri Monnier, il avait adopté ce nom bourgeois d’aspect rassurant et débonnaire : Joseph Prunier !

Que tout cela pourtant l’avait amusé, les épreuves burlesques d’initiation à ces Crépitiens dont il avait établi, article par article, le code, les ahurissements et les déconvenues d’un pauvre diable d’expéditeur au ministère de la marine, facile à berner, apte à servir de tête de Turc et qui avait failli en perdre la raison, les parades de force, les courses d’écluse en écluse jusqu’à ce qu’il fût à demi-mort de fatigue, les randonnées téméraires que, pour économiser le prix d’un billet de troisième, il faisait le samedi, en pleines ténèbres, de la porte d’Asnières au barrage de Bezons, à travers les terrains vagues, par des chemins incertains, tout seul, s’exposant à quelque attaque de rôdeurs, savourant dans sa plénitude la sensation âpre et aiguë de frôler et de défier le péril, de sentir jusqu’au fond de l’être la piqûre de la peur, et préparant d’avance le récit dramatique qu’il ferait à l’arrivée ! Ah ! jeunesse, jeunesse !

Dans ce coin paisible de banlieue, Maupassant écrivait lentement, soigneusement son premier roman : Une Vie, où il accrochait, disait-il, tous ses portraits et tous ses paysages de famille et qui porte pour épigraphe ces simples mots :L’Humble Vérité. Et soit, lorsque ayant abordé dans une de ces îles où les saules entrelacent leurs branches, forment des alcôves vertes, nous fumions couchés sur l’herbe épaisse et fraîche, soit à l’auberge de Sartrouville lorsque la servante apportait à la fin d’un dîner plantureux la bouteille de vieux calvados, il m’entretenait avec un secret orgueil de son enfance, de ses parents.

Il était né par un soir resplendissant d’août près de Dieppe, au château de Miromesnil, une demeure seigneuriale qui datait de la Régence et dont la façade majestueuse, décorée de pots à feu et de balustres, faisait face à la mer grise et verte, se détachait sur une ceinture de hêtres et d’ormes vénérables, allongeait son ombre au milieu d’un tapis vert à la française. Le grand-père de Guy n’aimait au monde que la table, la chasse et les tendrons, se laissait vivre égoïste, prodigue et fastueux, eût répondu volontiers aux mercuriales apeurées des siens par la phrase célèbre : « Après moi le déluge ! »

Une nuit d’hiver, ayant entendu des loups hurler sous les cinglées de la bise et de la neige, il avait sauté hors de son lit, s’était précipité dans le parc coiffé de son madras, vêtu n’importe comment et le fusil à la main. Et à cause de cette imprudence, le vieil hobereau n’avait pas réussi à dépasser, comme il y comptait bien, la quatre-vingtaine.

Mme Laure de Maupassant était née Le Poittevin, d’une excellente famille de bourgeoisie. Sensible, instruite plus que le commun des jeunes filles, faite pour des labeurs calmes, pour de tendres intimités, affectueuse, intelligente, elle avait eu le tort de céder à l’ambition de s’anoblir, s’était laissé séduire par un beau nom sonore et batailleur, par la prestance et les façons d’un homme qui ne voyait en cette affaire qu’une dot à mettre en comptes courants et qui avait hérité sans en perdre en route les tares ancestrales.

Le résultai avait été navrant, la déception et la rupture presque immédiates. Mère douloureuse et admirable, elle avait repris, sans avoir d’ailleurs à lutter pour y parvenir, ses deux fils et les avait élevés à son image.

Guy l’adorait éperdument, n’en parlait qu’avec une émotion profonde et une ferveur respectueuse, admirait son esprit si droit, si affranchi, si limpide. Il lui demandait sans cesse des conseils. Il lui soumettait tout ce qu’il écrivait. Il s’inquiétait follement dès que, minée par une inguérissable neurasthénie, elle éprouvait quelque trouble cardiaque, quelque défaillance. Seule elle a eu en gage et possédé, vraiment et entièrement, ce cœur insaisissable.

Et je suis certain que, sans oser se l’avouer à lui-même, ce fils passionné souffrait cruellement de partager avec un autre l’affection de cette créature d’élite, de s’imaginer qu’elle n’établissait peut-être aucune différence entre lui, son portrait vivant, la chair de sa chair, le reflet de son cerveau, et son cadet, cette tête brûlée d’Hervé qui se contentait d’avoir de l’allure et du chic et ne put arriver à rien.

Et je me suis rappelé tout cela en apprenant que le conseil municipal de Sartrouville a décidé pieusement de donner à une des rues du village le nom glorieux de celui qui fut mon ami le meilleur.

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Le Chat noir d’Edgar Allan Poe

Posté par francesca7 le 31 mars 2013

 

Edgar Allan Poe

Nouvelles Histoires extraordinaires

Traduction par Charles Baudelaire.
A. Quantin, 1884 (pp. 13-25).

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Relativement à la très étrange et pourtant très familière histoire que je vais coucher par écrit, je n’attends ni ne sollicite la créance. Vraiment, je serais fou de m’y attendre dans un cas où mes sens eux-mêmes rejettent leur propre témoignage. Cependant, je ne suis pas fou, — et très certainement je ne rêve pas. Mais demain je meurs, et aujourd’hui je voudrais décharger mon âme. Mon dessein immédiat est de placer devant le monde, clairement, succinctement et sans commentaires, une série de simples événements domestiques. Dans leurs conséquences, ces événements m’ont terrifié, — m’ont torturé, — m’ont anéanti. — Cependant, je n’essaierai pas de les élucider. Pour moi, ils ne m’ont guère présenté que de l’horreur : — à beaucoup de personnes ils paraîtront moins terribles que baroques. Plus tard peut-être, il se trouvera une intelligence qui réduira mon fantôme à l’état de lieu commun, — quelque intelligence plus calme, plus logique et beaucoup moins excitable que la mienne, qui ne trouvera dans les circonstances que je raconte avec terreur qu’une succession ordinaire de causes et d’effets très naturels.

Dès mon enfance, j’étais noté pour la docilité et l’humanité de mon caractère. Ma tendresse de cœur était même si remarquable qu’elle avait fait de moi le jouet de mes camarades. J’étais particulièrement fou des animaux, et mes parents m’avaient permis de posséder une grande variété de favoris. Je passais presque tout mon temps avec eux, et je n’étais jamais si heureux que quand je les nourrissais et les caressais. Cette particularité de mon caractère s’accrut avec ma croissance, et, quand je devins homme, j’en fis une de mes principales sources de plaisirs. Pour ceux qui ont voué une affection à un chien fidèle et sagace, je n’ai pas besoin d’expliquer la nature ou l’intensité des jouissances qu’on peut en tirer. Il y a dans l’amour désintéressé d’une bête, dans ce sacrifice d’elle-même, quelque chose qui va directement au cœur de celui qui a eu fréquemment l’occasion de vérifier la chétive amitié et la fidélité de gaze de l’homme naturel.

Je me mariai de bonne heure, et je fus heureux de trouver dans ma femme une disposition sympathique à la mienne. Observant mon goût pour ces favoris domestiques, elle ne perdit aucune occasion de me procurer ceux de l’espèce la plus agréable. Nous eûmes des oiseaux, un poisson doré, un beau chien, des lapins, un petit singe et un chat.

Ce dernier était un animal remarquablement fort et beau, entièrement noir, et d’une sagacité merveilleuse. En parlant de son intelligence, ma femme, qui au fond n’était pas peu pénétrée de superstition, faisait de fréquentes allusions à l’ancienne croyance populaire qui regardait tous les chats noirs comme des sorcières déguisées. Ce n’est pas qu’elle fût toujours sérieuse sur ce point, — et si je mentionne la chose, c’est simplement parce que cela me revient, en ce moment même, à la mémoire. Pluton — c’était le nom du chat — était mon préféré, mon camarade. Moi seul, je le nourrissais, et il me suivait dans la maison partout où j’allais. Ce n’était même pas sans peine que je parvenais à l’empêcher de me suivre dans les rues.

Notre amitié subsista ainsi plusieurs années, durant lesquelles l’ensemble de mon caractère et de mon tempérament, — par l’opération du démon Intempérance, je rougis de le confesser, — subit une altération radicalement mauvaise. Je devins de jour en jour plus morne, plus irritable, plus insoucieux des sentiments des autres. Je me permis d’employer un langage brutal à l’égard de ma femme. À la longue, je lui infligeai même des violences personnelles. Mes pauvres favoris, naturellement, durent ressentir le changement de mon caractère. Non seulement je les négligeais, mais je les maltraitais. Quant à Pluton, toutefois, j’avais encore pour lui une considération suffisante qui m’empêchait de le malmener, tandis que je n’éprouvais aucun scrupule à maltraiter les lapins, le singe et même le chien, quand, par hasard ou par amitié, ils se jetaient dans mon chemin. Mais mon mal m’envahissait de plus en plus, — car quel mal est comparable à l’alcool ? — et à la longue Pluton lui-même, qui maintenant se faisait vieux et qui naturellement devenait quelque peu maussade, — Pluton lui-même commença à connaître les effets de mon méchant caractère.

Une nuit, comme je rentrais au logis très ivre, au sortir d’un de mes repaires habituels des faubourgs, je m’imaginai que le chat évitait ma présence. Je le saisis ; — mais lui, effrayé de ma violence, il me fit à la main une légère blessure avec les dents. Une fureur de démon s’empara soudainement de moi. Je ne me connus plus, mon âme originelle sembla tout d’un coup s’envoler de mon corps, et une méchanceté hyperdiabolique, saturée de gin, pénétra chaque fibre de mon être. Je tirai de la poche de mon gilet un canif, je l’ouvris ; je saisis la pauvre bête par la gorge, et, délibérément, je fis sauter un de ses yeux de son orbite ! Je rougis, je brûle, je frissonne en écrivant cette damnable atrocité !

Quand la raison me revint avec le matin, — quand j’eus cuvé les vapeurs de ma débauche nocturne, — j’éprouvai un sentiment moitié d’horreur, moitié de remords, pour le crime dont je m’étais rendu coupable ; mais c’était tout au plus un faible et équivoque sentiment, et l’âme n’en subit pas les atteintes. Je me replongeai dans les excès, et bientôt je noyai dans le vin tout le souvenir de mon action.

Cependant le chat guérit lentement. L’orbite de l’œil perdu présentait, il est vrai, un aspect effrayant, mais il n’en parut plus souffrir désormais. Il allait et venait dans la maison selon son habitude ; mais, comme je devais m’y attendre, il fuyait avec une extrême terreur à mon approche. Il me restait assez de mon ancien cœur pour me sentir d’abord affligé de cette évidente antipathie de la part d’une créature qui jadis m’avait tant aimé. Mais ce sentiment fit bientôt place à l’irritation. Et alors apparut, comme pour ma chute finale et irrévocable, l’esprit de perversité. De cet esprit la philosophie ne tient aucun compte. Cependant, aussi sûr que mon âme existe, je crois que la perversité est une des primitives impulsions du cœur humain, — une des indivisibles premières facultés ou sentiments qui donnent la direction au caractère de l’homme. Qui ne s’est pas surpris cent fois commettant une action sotte ou vile, par la seule raison qu’il savait devoir ne pas la commettre ? N’avons-nous pas une perpétuelle inclination, malgré l’excellence de notre jugement, à violer ce qui est la Loi, simplement parce que nous comprenons que c’est la Loi ?Cet esprit de perversité, dis-je, vint causer ma déroute finale. C’est ce désir ardent, insondable de l’âme de se torturer elle-même, — de violenter sa propre nature, — de faire le mal pour l’amour du mal seul, — qui me poussait à continuer, et finalement à consommer le supplice que j’avais infligé à la bête inoffensive. Un matin, de sang-froid, je glissai un nœud coulant autour de son cou, et je le pendis à la branche d’un arbre ; — je le pendis avec des larmes plein mes yeux, — avec le plus amer remords dans le cœur ; — je le pendis,parce que je savais qu’il m’avait aimé, et parce que je sentais qu’il ne m’avait donné aucun sujet de colère ; — je le pendis, parce que je savais qu’en faisant ainsi je commettais un péché, — un péché mortel qui compromettait mon âme immortelle, au point de la placer, — si une telle chose était possible, — même au delà de la miséricorde infinie du Dieu très miséricordieux et très terrible.

Dans la nuit qui suivit le jour où fut commise cette action cruelle, je fus tiré de mon sommeil par le cri : « Au feu ! » Les rideaux de mon lit étaient en flammes. Toute la maison flambait. Ce ne fut pas sans une grande difficulté que nous échappâmes à l’incendie, — ma femme, un domestique, et moi. La destruction fut complète. Toute ma fortune fut engloutie, et je m’abandonnai dès lors au désespoir.

Je ne cherche pas à établir une liaison de cause à effet entre l’atrocité et le désastre, je suis au-dessus de cette faiblesse. Mais je rends compte d’une chaîne de faits, — et je ne veux pas négliger un seul anneau. Le jour qui suivit l’incendie, je visitai les ruines. Les murailles étaient tombées, une seule exceptée ; et cette seule exception se trouva être une cloison intérieure, peu épaisse, située à peu près au milieu de la maison, et contre laquelle s’appuyait le chevet de mon lit. La maçonnerie avait ici, en grande partie, résisté à l’action du feu, — fait que j’attribuai à ce qu’elle avait été récemment remise à neuf. Autour de ce mur, une foule épaisse était rassemblée, et plusieurs personnes paraissaient en examiner une portion particulière avec une minutieuse et vive attention. Les mots « analogues ! étrange ! singulier ! » et autres expressions, excitèrent ma curiosité. Je m’approchai, et je vis, semblable à un bas-relief sculpté sur la surface blanche, la figure d’un gigantesque chat. L’image était rendue avec une exactitude vraiment merveilleuse. Il y avait une corde autour du cou de l’animal.

Tout d’abord, en voyant cette apparition, — car je ne pouvais guère considérer cela que comme une apparition, — mon étonnement et ma terreur furent extrêmes. Mais, enfin, la réflexion vint à mon aide. Le chat, je m’en souvenais, avait été pendu dans un jardin adjacent à la maison. Aux cris d’alarme, ce jardin avait été immédiatement envahi par la foule, et l’animal avait dû être détaché de l’arbre par quelqu’un, et jeté dans ma chambre à travers une fenêtre ouverte. Cela avait été fait, sans doute, dans le but de m’arracher au sommeil. La chute des autres murailles avait comprimé la victime de ma cruauté dans la substance du plâtre fraîchement étendu ; la chaux de ce mur, combinée avec les flammes et l’ammoniaque du cadavre, avait ainsi opéré l’image telle que je la voyais.

Quoique je satisfisse ainsi lestement ma raison, sinon tout à fait ma conscience, relativement au fait surprenant que je viens de raconter, il n’en fit pas moins sur mon imagination une impression profonde. Pendant plusieurs mois je ne pus me débarrasser du fantôme du chat ; et durant cette période un demi-sentiment revint dans mon âme, qui paraissait être, mais qui n’était pas le remords. J’allais jusqu’à déplorer la perte de l’animal, et à chercher autour de moi, dans les bouges méprisables que maintenant je fréquentais habituellement, un autre favori de la même espèce et d’une figure à peu près semblable pour le suppléer.

Une nuit, comme j’étais assis à moitié stupéfié, dans un repaire plus qu’infâme, mon attention fut soudainement attirée vers un objet noir, reposant sur le haut d’un des immenses tonneaux de gin ou de rhum qui composaient le principal ameublement de la salle. Depuis quelques minutes, je regardais fixement le haut de ce tonneau, et ce qui me surprenait maintenant, c’était de n’avoir pas encore aperçu l’objet situé dessus. Je m’en approchai, et je le touchai avec ma main. C’était un chat noir, — un très gros chat, — au moins aussi gros que Pluton, lui ressemblant absolument, excepté en un point. Pluton n’avait pas un poil blanc sur tout le corps ; celui-ci portait une éclaboussure large et blanche, mais d’une forme indécise, qui couvrait presque toute la région de la poitrine.

À peine l’eus-je touché, qu’il se leva subitement, ronronna fortement, se frotta contre ma main, et parut enchanté de mon attention. C’était donc là la vraie créature dont j’étais en quête. J’offris tout de suite au propriétaire de le lui acheter; mais cet homme ne le revendiqua pas, — ne le connaissait pas, — ne l’avait jamais vu auparavant.

Je continuai mes caresses, et quand je me préparai à retourner chez moi, l’animal se montra disposé à m’accompagner. Je lui permis de le faire ; me baissant de temps à autre, et le caressant en marchant. Quand il fut arrivé à la maison, il s’y trouva comme chez lui, et devint tout de suite le grand ami de ma femme.

Pour ma part, je sentis bientôt s’élever en moi une antipathie contre lui. C’était justement le contraire de ce que j’avais espéré ; mais, — je ne sais ni comment ni pourquoi cela eut lieu, — son évidente tendresse pour moi me dégoûtait presque et me fatiguait. Par de lents degrés, ces sentiments de dégoût et d’ennui s’élevèrent jusqu’à l’amertume de la haine. j’évitais la créature ; une certaine sensation de honte et le souvenir de mon premier acte de cruauté m’empêchèrent de la maltraiter. Pendant quelques semaines, je m’abstins de battre le chat ou de le malmener violemment ; mais graduellement, — insensiblement, — j’en vins à le considérer avec une indicible horreur, et à fuir silencieusement son odieuse présence, comme le souffle d’une peste.

Ce qui ajouta sans doute à ma haine contre l’animal fut la découverte que je fis le matin, après l’avoir amené à la maison, que, comme Pluton, lui aussi avait été privé d’un de ses yeux. Cette circonstance, toutefois, ne fit que le rendre plus cher à ma femme, qui, comme je l’ai déjà dit, possédait à un haut degré cette tendresse de sentiment qui jadis avait été mon trait caractéristique et la source fréquente de mes plaisirs les plus simples et les plus purs.

Néanmoins, l’affection du chat pour moi paraissait s’accroître en raison de mon aversion contre lui. Il suivait mes pas avec une opiniâtreté qu’il serait difficile de faire comprendre au lecteur. Chaque fois que je m’asseyais, il se blottissait sous ma chaise, ou il sautait sur mes genoux, me couvrant de ses affreuses caresses. Si je me levais pour marcher, il se fourrait dans mes jambes, et me jetait presque par terre, ou bien, enfonçant ses griffes longues et aiguës dans mes habits, grimpait de cette manière jusqu’à ma poitrine. Dans ces moments-là, quoique je désirasse le tuer d’un bon coup, j’en étais empêché, en partie par le souvenir de mon premier crime, mais principalement — je dois le confesser tout de suite — par une véritable terreur de la bête.

Cette terreur n’était pas positivement la terreur d’un mal physique, — et cependant je serais fort en peine de la définir autrement. Je suis presque honteux d’avouer, — oui, même dans cette cellule de malfaiteur, je suis presque honteux d’avouer que la terreur et l’horreur que m’inspirait l’animal avaient été accrues par une des plus parfaites chimères qu’il fût possible de concevoir. Ma femme avait appelé mon attention plus d’une fois sur le caractère de la tache blanche dont j’ai parlé, et qui constituait l’unique différence visible entre l’étrange bête et celle que j’avais tuée. Le lecteur se rappellera sans doute que cette marque, quoique grande, était primitivement indéfinie dans sa forme ; mais, lentement, par degrés, — par des degrés imperceptibles, et que ma raison s’efforça longtemps de considérer comme imaginaires, — elle avait à la longue pris une rigoureuse netteté de contours. Elle était maintenant l’image d’un objet que je frémis de nommer, — et c’était là surtout ce qui me faisait prendre le monstre en horreur et en dégoût, et m’aurait poussé à m’en délivrer,si je l’avais osé ; — c’était maintenant, dis-je, l’image d’une hideuse, — d’une sinistre chose, — l’image du gibet ! — oh ! lugubre et terrible machine ! machine d’horreur et de crime, — d’agonie et de mort ! 

Et maintenant, j’étais en vérité misérable au delà de la misère possible de l’humanité. Une bête brute, — dont j’avais avec mépris détruit le frère — une bête brute, engendrer pour moi, — pour moi, homme façonné à l’image du Dieu très haut, — une si grande et si intolérable infortune ! Hélas ! je ne connaissais plus la béatitude du repos, ni le jour ni la nuit ! Durant le jour, la créature ne me laissait pas seul un moment ; et pendant la nuit, à chaque instant, quand je sortais de mes rêves pleins d’une intraduisible angoisse, c’était pour sentir la tiède haleine de la chose sur mon visage, et son immense poids, — incarnation d’un cauchemar que j’étais impuissant à secouer, — éternellement posé sur mon cœur !

Sous la pression de pareils tourments, le peu de bon qui restait en moi succomba. De mauvaises pensées devinrent mes seules intimes, — les plus sombres et les plus mauvaises de toutes les pensées. La tristesse de mon humeur habituelle s’accrut jusqu’à la haine de toutes choses et de toute humanité ; cependant, ma femme, qui ne se plaignait jamais, hélas ! était mon souffre-douleur ordinaire, la plus patiente victime des soudaines, fréquentes et indomptables éruptions d’une furie à laquelle je m’abandonnai dès lors aveuglément.

Un jour, elle m’accompagna pour quelque besogne domestique dans la cave du vieux bâtiment où notre pauvreté nous contraignait d’habiter. Le chat me suivit sur les marches roides de l’escalier, et m’ayant presque culbuté la tête la première, m’exaspéra jusqu’à la folie. Levant une hache, et oubliant dans ma rage la peur puérile qui jusque-là avait retenu ma main, j’adressai à l’animal un coup qui eût été mortel, s’il avait porté comme je le voulais ; mais ce coup fut arrêté par la main de ma femme. Cette intervention m’aiguillonna jusqu’à une rage plus que démoniaque ; je débarrassai mon bras de son étreinte et lui enfonçai ma hache dans le crâne. Elle tomba morte sur la place, sans pousser un gémissement. 

Cet horrible meurtre accompli, je me mis immédiatement et très délibérément en mesure de cacher le corps. Je compris que je ne pouvais pas le faire disparaître de la maison, soit de jour, soit de nuit, sans courir le danger d’être observé par les voisins. Plusieurs projets traversèrent mon esprit. Un moment j’eus l’idée de couper le cadavre par petits morceaux, et de les détruire par le feu. Puis je résolus de creuser une fosse dans le sol de la cave. Puis je pensai à le jeter dans le puits de la cour, — puis à l’emballer dans une caisse comme marchandise, avec les formes usitées, et à charger un commissionnaire de le porter hors de la maison. Finalement, je m’arrêtai à un expédient que je considérai comme le meilleur de tous. Je me déterminai à le murer dans la cave, — comme les moines du moyen âge muraient, dit-on, leurs victimes.

La cave était fort bien disposée pour un pareil dessein. Les murs étaient construits négligemment, et avaient été récemment enduits dans toute leur étendue d’un gros plâtre que l’humidité de l’atmosphère avait empêché de durcir. De plus, dans l’un des murs, il y avait une saillie causée par une fausse cheminée, ou espèce d’âtre, qui avait été comblée et maçonnée dans le même genre que le reste de la cave. Je ne doutais pas qu’il ne me fût facile de déplacer les briques à cet endroit, d’y introduire le corps, et de murer le tout de la même manière, de sorte qu’aucun œil n’y pût rien découvrir de suspect.

Et je ne fus pas déçu dans mon calcul. À l’aide d’une pince, je délogeai très aisément les briques, et, ayant soigneusement appliqué le corps contre le mur intérieur, je le soutins dans cette position jusqu’à ce que j’eusse rétabli, sans trop de peine, toute la maçonnerie dans son état primitif. M’étant procuré du mortier, du sable et du poil avec toutes les précautions imaginables, je préparai un crépi qui ne pouvait pas être distingué de l’ancien, et j’en recouvris très soigneusement le nouveau briquetage. Quand j’eus fini, je vis avec satisfaction que tout était pour le mieux. Le mur ne présentait pas la plus légère trace de dérangement. J’enlevai tous les gravats avec le plus grand soin, j’épluchai pour ainsi dire le sol. Je regardai triomphalement autour de moi, et me dis à moi-même : Ici, au moins, ma peine n’aura pas été perdue !

Mon premier mouvement fut de chercher la bête qui avait été la cause d’un si grand malheur ; car, à la fin, j’avais résolu fermement de la mettre à mort. Si j’avais pu la rencontrer dans ce moment, sa destinée était claire ; mais il paraît que l’artificieux animal avait été alarmé par la violence de ma récente colère, et qu’il prenait soin de ne pas se montrer dans l’état actuel de mon humeur. Il est impossible de décrire ou d’imaginer la profonde, la béate sensation de soulagement que l’absence de la détestable créature détermina dans mon cœur. Elle ne se présenta pas de toute la nuit, — et ainsi ce fut la première bonne nuit, — depuis son introduction dans la maison, — que je dormis solidement et tranquillement ; oui, je dormis avec le poids de ce meurtre sur l’âme.

Le second et le troisième jour s’écoulèrent, et cependant mon bourreau ne vint pas. Une fois encore je respirai comme un homme libre. Le monstre, dans sa terreur, avait vidé les lieux pour toujours ! Je ne le verrais donc plus jamais ! Mon bonheur était suprême ! La criminalité de ma ténébreuse action ne m’inquiétait que fort peu. On avait bien fait une espèce d’enquête, mais elle s’était satisfaite à bon marché. Une perquisition avait même été ordonnée, — mais naturellement on ne pouvait rien découvrir. Je regardais ma félicité à venir comme assurée.

Le quatrième jour depuis l’assassinat, une troupe d’agents de police vint très inopinément à la maison, et procéda de nouveau à une rigoureuse investigation des lieux. Confiant, néanmoins, dans l’impénétrabilité de la cachette, je n’éprouvai aucun embarras. Les officiers me firent les accompagner dans leur recherche. Ils ne laissèrent pas un coin, pas un angle inexploré. À la fin, pour la troisième ou quatrième fois, ils descendirent dans la cave. Pas un muscle en moi ne tressaillit. Mon cœur battait paisiblement, comme celui d’un homme qui dort dans l’innocence. J’arpentais la cave d’un bout à l’autre ; je croisais mes bras sur ma poitrine, et me promenais çà et là avec aisance. La police était pleinement satisfaite et se préparait à décamper. La jubilation de mon cœur était trop forte pour être réprimée. Je brûlais de dire au moins un mot, rien qu’un mot, en manière de triomphe, et de rendre deux fois plus convaincue leur conviction de mon innocence.

« Gentlemen, — dis-je à la fin, — comme leur troupe remontait l’escalier, — je suis enchanté d’avoir apaisé vos soupçons. Je vous souhaite à tous une bonne santé et un peu plus de courtoisie. Soit dit en passant, gentlemen, voilà — voilà une maison singulièrement bien bâtie (dans mon désir enragé de dire quelque chose d’un air délibéré, je savais à peine ce que je débitais) ; — je puis dire que c’est une maison admirablement bien construite. Ces murs — est-ce que vous partez, gentlemen ? — ces murs sont solidement maçonnés. »

Et ici, par une bravade frénétique, je frappai fortement avec une canne que j’avais à la main juste sur la partie du briquetage derrière laquelle se tenait le cadavre de l’épouse de mon cœur.

Ah ! qu’au moins Dieu me protège et me délivre des griffes de l’Archidémon ! — À peine l’écho de mes coups était-il tombé dans le silence, qu’une voix me répondit du fond de la tombe ! — une plainte, d’abord voilée et entrecoupée, comme le sanglotement d’un enfant, puis, bientôt, s’enflant en un cri prolongé, sonore et continu, tout à fait anormal et antihumain, — un hurlement, — un glapissement, moitié horreur et moitié triomphe, — comme il en peut monter seulement de l’Enfer, — affreuse harmonie jaillissant à la fois de la gorge des damnés dans leurs tortures, et des démons exultant dans la damnation !

Vous dire mes pensées, ce serait folie. Je me sentis défaillir, et je chancelai contre le mur opposé. Pendant un moment, les officiers placés sur les marches restèrent immobiles, stupéfiés par la terreur. Un instant après, une douzaine de bras robustes s’acharnaient sur le mur. Il tomba tout d’une pièce. Le corps, déjà grandement délabré et souillé de sang grumelé, se tenait droit devant les yeux des spectateurs. Sur sa tête, avec la gueule rouge dilatée et l’œil unique flamboyant, était perchée la hideuse bête dont l’astuce m’avait induit à l’assassinat, et dont la voix révélatrice m’avait livré au bourreau. J’avais muré le monstre dans la tombe !

150px-cat_silhouette.svg_ dans LITTERATURE FRANCAISE

edgar_allan_poeEdgar Allan Poe (Boston, 19 janvier 1809 – Baltimore, 7 octobre 1849) est un poète, romancier, nouvelliste, critique littéraire, dramaturge et éditeur américain, ainsi que l’une des principales figures du romantisme américain. Connu surtout pour ses contes — genre dont la brièveté lui permet de mettre en valeur sa théorie de l’effet, suivant laquelle tous les éléments du texte doivent concourir à la réalisation d’un effet unique — il a donné à la nouvelle ses lettres de noblesse et est considéré comme l’inventeur du roman policier. Nombre de ses récits préfigurent les genres de la science-fiction et du fantastique.

Né à Boston, Edgar Allan Poe perd ses parents, David Poe Jr. et Elizabeth Arnold, dans sa petite enfance ; il est recueilli par John et Frances Allan de Richmond, en Virginie, où il passe l’essentiel de ses jeunes années, si l’on excepte un séjour en Angleterre et en Écosse, dans une aisance relative. Après un bref passage à l’Université de Virginie et des tentatives de carrière militaire, Poe quitte les Allan. Sa carrière littéraire débute humblement par la publication anonyme d’un recueil de poèmes intitulés Tamerlan et autres poèmes (1827), signés seulement « par un Bostonien ». Poe s’installe à Baltimore, où il vit auprès de sa famille paternelle et abandonne quelque peu la poésie pour la prose. En juillet 1835, il devient rédacteur-assistant au Southern Literary Messenger de Richmond, où il contribue à augmenter les abonnements et commence à développer son propre style de critique littéraire. La même année, à vingt-sept ans, il épouse sa cousine germaine Virginia Clemm, alors âgée de 13 ans.

Après l’échec de son roman Les Aventures d’Arthur Gordon Pym, Poe réalise son premier recueil d’histoires, les Contes du Grotesque et de l’Arabesque, en 1839. La même année, il devient rédacteur au Burton’s Gentleman’s Magazine, puis au Graham’s Magazine à Philadelphie. C’est à Philadelphie que nombre de ses œuvres parmi les plus connues ont été publiées. Dans cette ville, Poe a également projeté la création de son propre journal, The Penn (plus tard rebaptisé The Stylus), qui ne verra jamais le jour. En février 1844, il déménage à New York, où il travaille auBroadway Journal, un magazine dont il devient finalement l’unique propriétaire.

En janvier 1845, Poe publie Le Corbeau, qui connaît un succès immédiat. Mais, deux ans plus tard, son épouse Virginia meurt de la tuberculose le 30 janvier 1847. Poe envisage de se remarier, mais aucun projet ne se réalisera. Le 7 octobre 1849, Poe meurt à l’âge de 40 ans à Baltimore. Les causes de sa mort n’ont pas pu être déterminées et ont été attribuées diversement à l’alcool, à une drogue, au choléra, à la rage, à une maladie du cœur, à une congestion cérébrale, etc.

L’influence de Poe a été et demeure importante, aux États-Unis comme dans l’ensemble du monde, non seulement sur la littérature, mais également sur d’autres domaines artistiques tels le cinéma et la musique, ou encore dans des domaines scientifiques. Bien qu’auteur américain, il a d’abord été reconnu et défendu par des auteurs français, Baudelaire et Mallarmé en tête. La critique contemporaine le situe parmi les plus remarquables écrivains de la littérature américaine du 19e siècle.

 

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La Ballade de Mme de St George

Posté par francesca7 le 29 mars 2013

Voici la ballade de Mme de Saint-George :

La Ballade de Mme de St George dans EXPRESSION FRANCAISE epave

Le vent mugit au loin sous un ciel sans étoiles ;
La mer sur le galet précipite ses flots,
Et, comme des points noirs ou de mouvants îlots,
Paraissent des barques sans voiles.

Ces barques de pêcheur ont redoublé d’efforts
Et gagnent en courant le golfe qui les garde ;
Car, cette nuit, malheur au marin qui s’attarde :
L’Océan appartient aux morts.

La nuit de la Toussaint est une nuit fatale,
Et, quand l’heure viendra, du milieu des rescifs
S’élèveront en chœur des murmures plaintifs
Qui domineront la rafale.

D’où partent ces accords par la vague chassés ?
D’un vaisseau… Regardez ! sous le céleste dôme,
Seul, il se meut là-bas !… c’est le vaisseau-fantôme,
Le navire des Trépassés.

C’est un trois-mâts sinistre, immense sarcophage ;
Son pavillon est noir ainsi que ses agrès :
Tous ceux que dans l’année ont suivis nos regrets,
Forment son funèbre équipage ;

Et, debout à minuit, pour la dernière fois,
Ces trépassés d’hier, aux vivants qui les pleurent
Jettent des cris d’adieu, qui sur la plage meurent
Sans réveiller ni son, ni voix.

Ainsi, toute la nuit, vers le rivage vide
Ils prolongent leurs cris, ils tendent leurs bras blancs ;
Et, le matin venu, le vaisseau de ses flancs
Fait jaillir un éclair livide.

Puis, un coup de canon, comme un dernier sanglot,
Tonne dans les sabords et sur la mer expire…
Soudain tout disparaît : voix, lumière, navire
Rentrent à jamais sous le flot.

Chaque pécheur, aux pieds de Notre-Dame,
Cette nuit-là, pieux comme un reclus,
Dans son logis pense à quelque pauvre âme
Qu’il aimait bien et qu’il ne verra plus.

Mais aucun d’eux, tant l’effroi les pénètre,
Ne quitterait son toit ni son foyer :
Ils n’osent pas même ouvrir la fenêtre
De peur de voir le vaisseau flamboyer.

Et cependant, à la Toussaint dernière,
D’une cabane une porte s’ouvrit,
Et, vers le port, sans bruit et sans lumière,
Une ombre osa se glisser à minuit.

Même une barque à la grève amarrée,
Fut aussitôt détachée, et soudain
L’ombre y monta contre vent et marée,
Et sans frémir prit les rames en main.

Or, quand l’esquif, gagnant la haute plage,
A l’Océan imprima son sillage,
Un chant mystérieux, sourd comme le remords,
Vint de la pleine mer : c’était le chant des morts.

« Hier encor nous étions hommes,
« Demain vous serez des fantômes ;
« Mortels, tout n’est que vanité !
« Qu’est-ce donc que la vie humaine ?
« Nous avons, nous, l’éternité,
« Quand vous avez un jour à peine…
« Que nous serions heureux sous nos pâles linceuls,
« Si vous veniez à nous, si nous n’étions plus seuls ! »

L’esquif déjà s’éloignait de la rive ;
Mais quand cet hymne au loin eut retenti,
L’ombre hésita ; le canot qui dérive
Sembla faiblir ; son cours s’est ralenti

Mais tout à coup, du bout de la jetée,
Une autre barque à la mer s’élança ;
Et la première, un instant arrêtée,
Reprit courage et plus vite avança.

Qui brave ainsi les morts, la nuit, les lames ?
Quelques forbans, incrédules, moqueurs,
Hommes de fer ?… Non ; mais deux pauvres femmes
Qui n’ont suivi que l’élan de leurs cœurs.

L’une, naguère était heureuse épouse,
L’autre était mère… hélas ! rien ne défend
Nos chers trésors contre la mort jalouse ;
Le même coup frappa l’homme et l’enfant.

Aussi, la veuve et la mère éplorées,
Depuis ce jour, à toutes les marées,
Demandent le vaisseau que cette nuit attend,
Et qui va se montrer… Écoutez !… on l’entend :

« Hier encor nous étions hommes,
« Demain vous serez des fantômes ;
« Mortels, tout n’est que vanité !
« Qu’est-ce donc que la vie humaine ?
« Nous avons, nous, l’éternité,
« Quand vous avez un jour à peine…
« Que nous serions heureux sous nos pâles linceuls,
« Si vous veniez à nous, si nous n’étions plus seuls ! »

Des deux esquifs c’est celui de la veuve
Qui va devant ; l’autre ne vient qu’après.
Dieu les assiste à l’heure de l’épreuve !
Voici venir le vaisseau des regrets.

La veuve hésite et détourne la tête
Pour l’éviter et pour ne pas le voir ;
Mais c’est en vain , car l’ombre qu’il projette
Fait sur les flots danser son spectre noir.

L’épouse tremble, et la mère regarde :
Amour de mère est plus fort que la peur ;
Son œil furtif par instant se hasarde
Vers le navire errant dans la vapeur ;

Même elle voit des morts les formes frêles
Grimper aux mâts , se croiser sur le pont,
Et quand vers elle arrivent leurs voix grêles,
La mère croit que son fils lui répond ;

Et vers ce fils plus ardente elle vole :
C’est là son but, son espoir, son idole ;
Et comme un chant de joie, on la voit écouter
Ce chœur que les échos n’osent pas répéter :

« Hier encor nous étions hommes,
« Demain vous serez des fantômes ;
« Mortels, tout n’est que vanité !
« Qu’est-ce donc que la vie humaine ?
« Nous avons, nous, l’éternité,
« Quand vous avez un jour à peine…
« Que nous serions heureux sous nos pâles linceuls,
« Si vous veniez à nous, si nous n’étions plus seuls ! »

Le chœur se tait, et la veuve craintive
Penche son front sur son sein refroidi ;
Sa main s’arrête, et la rame inactive
N’obéit plus a son bras engourdi.

Les deux esquifs sont alors côte a côte,
Car le dernier fend les flots en vainqueur :
La mère parle à l’épouse a voix haute,
Et dans un cri lui jette tout son cœur.

La veuve sent bondir sa foi première,
Elle repart ; mais cet élan s’éteint ;
Elle aperçoit comme un œil sans paupière
Qui, du vaisseau, la regarde et l’atteint.

Elle pâlit, et se trouble, et frissonne ;
Jeunesse, amis, le bonheur, l’avenir,
Elle voit tout… tout ce qu’elle abandonne
Pour aller, belle, avec un mort s’unir.

La pauvre femme, en pensée adultère,
Pleure la vie, et l’amour et la terre ;
Tremblante, elle veut fuir le vaisseau de la mort ;
Mais le chant recommence, et plus près et plus fort :

« Hier encor nous étions hommes,
« Demain vous serez des fantômes ;
« Mortels, tout n’est que vanité !
« Qu’est-ce donc que la vie humaine ?
« Nous avons, nous, l’éternité,
« Quand vous avez un jour à peine…
« Que nous serions heureux sous nos pâles linceuls,
« Si vous veniez à nous, si nous n’étions plus seuls ! »

Ainsi l’épouse, éplorée, éperdue,
Essaie en vain de regagner le port ;
Son œil hagard mesure l’étendue,
Elle se sent sous l’aile de la mort ;

Car elle a vu grandir la silhouette
Du vaisseau noir sur le gouffre béant,
Et se dresser vers elle un grand squelette
Pour la saisir de son bras de géant.

Elle se croit à son heure dernière,
Tombe à genoux, palpitante d’émoi,
Ferme les yeux et fait une prière
En s’écriant : O mon Dieu ! sauvez-moi !

Dieu l’exauça. L’esquif toucha la terre ;
L’épouse y vole, et cherche un sûr abri.
Elle a beau fuir dans le port solitaire,
A son oreille arrive un faible cri,

Cri déchirant qui toujours se rapproche,
Adieu suprême, amer comme un reproche.
Et cette fois pourtant le vaisseau se taisait,
Et l’on n’entendait plus qu’une voix qui disait :

« Recevez-moi, pâles fantômes !
« Je quitte le séjour des hommes :
« Sur terre tout est vanité.
« Qu’est-ce donc que la vie humaine ?
« Quand vous avez l’éternité,
« Les mortels n’ont qu’un jour à peine…
« Sois heureux, mon enfant ! partageons ton linceul !
« Ta mère est près de toi, tu ne seras plus seul. »  

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La femme adultère

Posté par francesca7 le 22 mars 2013

La femme adultère

par

Hippolyte Lucas

~ * ~

 

                                    Allez en paix et ne péchez plus.

La femme adultère dans HUMEUR DES ANCETRES fille1ON disait un jour devant une femme spirituelle que tromper son mari commençait à devenir bien vieux au théâtre, et que les auteurs devraient renoncer à ce moyen.

« Que voulez-vous ? répondit-elle malicieusement, c’est une chose aussi ancienne que le monde, et qui durera autant que lui. Le théâtre est l’expression de la société. »

Beaucoup de femmes se persuadent, en effet, que l’adultère est un corollaire du mariage ; elles se figurent n’avoir pas eu une existence complète si elles ne se sont, pour ainsi dire, élevées à leurs yeux du rang d’épouses à celui de maîtresses, comme à un degré supérieur dans l’échelle des passions.

L’adultère ! nous venons d’écrire là un mot qui se prononce rarement, même en ce temps, où la chose est si commune, et que l’on tient même pour un mot de mauvaise compagnie ; mais qu’il nous soit permis de l’employer. Ce mot, le désespoir des gens du monde, doit faire le bonheur des étymologistes. Aucune expression ne porte mieux son idée. Adultère vient d’un verbe latin qui signifie altérer, et rien n’altère, en effet, davantage les choses et les sentiments.

L’adultère ! quelle école d’hypocrisie et de dol ! il fait des femmes autant de Machiavels au petit pied. Non contentes d’introduire dans leur famille une bande de jeunes Lacédémoniens, si nous pouvons nous exprimer de cette façon, lesquels, comme habitués au vol dès leur naissance, s’en viennent enlever une part d’héritage aux légitimes enfants, elles vivent dans un état de dissimulation qui corrompt les bons instincts du coeur, et dégrade les meilleures natures. La pudeur s’y perd en même temps que la probité ; le mensonge s’incarne dans leur chair et dans leurs os, et plus elles ont d’égards, plus elles ont de torts ordinairement envers leurs maris ; elles passent avec leurs consciences de misérables transactions. A quel degré de mauvaise foi la femme qui manque à ses serments d’épouse arrive presque à son insu ! Chez elle le sens moral s’abolit peu à peu.

Voyez-la d’abord redouter en public la vue de son amant : ses joues se couvrent de pourpre aussitôt qu’un nom trop cher est prononcé, surtout en présence de son maître légitime ; elle croit qu’on aperçoit sur ses lèvres la trace de coupables baisers ; elle tressaille à toute heure comme si elle était devant un juge ; elle marche en baissant les yeux. Mais bientôt son front désapprend à rougir, ses nerfs se calment, son pas s’affermit, ses yeux s’enhardissent : elle a plus d’assurance que la vertu la plus éprouvée. Elle attire alors son complice sous le toit conjugal, il prend place à sa table, à son foyer. Elle cimente effrontément, entre cet homme et celui qu’elle déshonore, une amitié perfide. Il n’est sorte de bassesses auxquelles l’un et l’autre ne soient prêts pour cela, car l’adultère avilit jusqu’à l’amant, qui devient l’humble serviteur d’un homme détesté par lui. Écoutez leurs projets. Ils s’étudient à renouer le bandeau sur les yeux de la victime dont ils se raillent en secret. Un jour on substituera des lettres respectueuses, lettres officielles, aux billets mystérieux et passionnés de l’amour ; une autre fois un dédain affecté étouffera les germes d’un soupçon, et la réconciliation sera obtenue par le mari lui-même, à quel prix, grand Dieu !

Allons plus loin.

Cette femme, si réservée jusqu’alors, qui paraissait la plus chaste des mères, que déconcertait la moindre expression équivoque, qui se faisait une loi d’une économie austère, cette divinité du toit domestique se métamorphosera en bacchante échevelée, pendant que son mari consumera en longs travaux ses jours et ses nuits pour qu’elle puisse mener une existence décente et s’entourer de toutes les délicatesses de la vie intérieure ; elle se livrera aux joies prodigues de la courtisane, elle dépensera en folles aventures quelquefois le pain de sa famille, sans avoir le sentiment de sa dépravation. Comparez-la à ces autres femmes plus honnêtes qu’elle au fond, à ces femmes sans nom qu’un spirituel écrivain vous a dépeintes, et qui se donnent à tous sans faire tort à personne, elle criera à l’infamie, elle qui en est venue à mépriser son mari en raison même des affronts qu’elle lui fait.

Entrons plus avant dans ce sujet.

L’adultère n’est pas moins fâcheux pour les enfants que pour le mari : voilà souvent la cause des préférences ou des antipathies cachées. Tantôt les enfants du mari sont sacrifiés à ceux de l’amant ; tantôt les êtres malheureux nés d’un attachement passager, rompu avant leur naissance, se trouvent considérés comme un funeste résultat ; heureux si, conçus dans des circonstances périlleuses, ils ne font pas naître la pensée d’un autre crime, et si le sein qui les porte ne devient pas leur tombeau ! On voit quelles sont les honteuses et coupables suites de l’adultère, et combien une femme a lieu de s’en garder, si peu qu’elle ait de réflexion ; mais beaucoup de femmes manquent de réflexion.

Donnons un trait de plus à ce sombre tableau.

L’adultère engendre l’adultère. La femme une fois lancée dans cette route tortueuse ne peut plus s’arrêter. On croit n’être qu’une femme sensible en cédant à une première affection : cette affection brisée, et toujours elle se brise, on a besoin de la remplacer. Le vide du coeur ne se supporterait plus. D’ailleurs on cherche à s’étourdir sur une déception. L’amour-propre engage à oublier un amant infidèle, et surtout à lui prouver qu’on ne le regrette pas, et qu’un consolateur n’a pas manqué : on devient femme galante. Quand le remords n’entrave plus les pas, et le remords, comme une herbe gênante, est bien vite arraché du chemin de l’adultère, la pente est facile à descendre, les intrigues se multiplient, se découvrent ; il faut quitter sa famille, son pays, aller cacher sa honte dans quelque grande ville où l’on finit, faute d’appui naturel, par s’abaisser au rang de femme entretenue, à moins que le suicide ne l’emporte sur la prostitution. Nous posons en principe qu’il est, pour une femme, plus difficile de n’avoir eu qu’un amant que de n’en pas avoir eu du tout. Lorsqu’il s’échappe un grain du collier de sa vertu, les autres ne sont pas longs à défiler. Dans quels bras tombe-t-elle encore ! Le goût se perd en même temps que la pudeur. Où donc est la femme adultère qui n’a pas ses moments de vertige, et qui, comme la Titania de Shakespeare, n’entoure de ses bras caressants une tête d’âne aux oreilles velues.

fille2 dans LITTERATURE FRANCAISECependant le moraliste le plus sévère ne pourrait se dispenser de faire valoir les circonstances atténuantes servant parfois d’excuse à la femme soumise, il faut le dire, à de trop rudes épreuves pour sa faiblesse, et laissée au dépourvu. Ce serait injuste de ne pas présenter la défense de la partie adverse ; ce serait d’autant plus mal à celui qui écrit ces lignes, que sa plume ne s’est pas toujours montrée si rigoureuse en un pareil sujet. Dans un état social comme le nôtre, où les mariages consultent rarement les inclinations, où la fortune plus que l’amour procède à l’acte le plus important de la vie, il arrive inévitablement que le défaut de sympathie se remarque en un jour. On essaye de se résigner chrétiennement à son sort ; mais les reproches, les querelles, les ennuis, naissent de toutes parts. Alors paraît intolérable un intérieur où gronde un orage perpétuel. De la nécessité de supporter quelqu’un qui déplaît à l’espérance de trouver le repos sous l’abri d’une liaison étrangère toujours à proximité, il n’y a pas un grand écart pour la pensée ; et la vertu attaquée, minée en secret plus encore par la rudesse de l’époux que par les prévenances de l’amant, succombe après de longs combats. La faute en est souvent à l’inconséquence des parents, qui vendent en quelque sorte leur fille au premier venu, lorsque ce premier venu s’appelle un parti. La faute en est encore à l’imbécillité des maris.

Le mariage étant une des choses les plus importantes de la vie, il serait bon d’y regarder de près, et, par une bizarrerie incroyable, la plupart des hommes donnent plus de soins aux bagatelles les plus fugitives qu’à cette indissoluble convention, dans laquelle pourtant ils mettent leur honneur. Quelques personnes timorées ont pensé que les railleries jetées par la comédie à la tête des maris trompés attaquaient la société par sa base, en dégradant l’institution du mariage. Ces âmes honnêtes sont tombées dans une grande erreur. Il n’y a pas d’autre contre-poids à la cupidité qui préside si souvent au choix d’une femme. Ces sarcasmes mis dans le plateau de la balance l’emportent quelquefois sur le caprice et l’amour-propre, et empêchent un homme de compromettre dans une union mal assortie le bonheur d’une existence entière. La comédie est donc dans son droit, ainsi que le monde, en se moquant des disgrâces des époux, et les plaisanteries dont certains esprits délicats s’offensent n’en possèdent pas moins une très-haute valeur morale ; elles ne cesseront pas même d’amuser tant qu’il y aura des maris trompés en France, pays classique en ce genre, c’est-à-dire jamais.

On compte au répertoire du Théâtre-Français cinq cents pièces où les maris se trouvent plus avancés que le Sganarelle de Molière, ce Sganarelle qui ne se plaint que d’un mal imaginaire. Molière surtout a su allier une profonde philosophie à la liberté du théâtre. Lorsqu’on le lit avec attention, on comprend quelle haute idée il s’était faite du mariage, et jusqu’à quel point il le voulait basé sur la sympathie des caractères et sur les convenances sociales ; en deux mots, sur l’amour et sur la raison. Toutes ses plaisanteries ne tendent qu’à se moquer de ceux qui, comme Arnolphe ou Georges Dandin, s’exposent à de fâcheuses conséquences en bravant les plus simples lois du bon sens. Vouloir lier sa destinée entière à un être dont on contraint le penchant, n’est-ce pas mériter d’être puni ? sacrifier à des intérêts d’argent ou de vanité son repos domestique, n’est-ce pas appeler sur soi les sarcasmes des hommes ? Voilà ce qui ressort de toutes les comédies de Molière.

Le drame sentimental est cent fois plus pernicieux aux bonnes moeurs que ces franches saillies de Molière, qui ne tirent pas à conséquence : lorsqu’on colore le mal avec des semblants de passion, on le rend plus capable de séduire qu’en l’exposant dans sa nudité. Les transports romanesques, les rencontres fatales, les faiblesses involontaires ou repentantes, toutes les ressources du jargon passionné, ne font que donner au vice un prétexte de prendre des airs de vertu. Croit-on, pour ne citer qu’un exemple, que dans Misanthropie et Repentir, Madame de Meinau, sur les malheurs de laquelle l’on verse tant de larmes, offre un bien digne et bien sage modèle ? Ne pourrait-on pas inférer de cette pièce de Kotzebuë que, pour recouvrer une honorable position dans le monde, après avoir trahi son époux et abandonné ses enfants, une femme n’a besoin que de se repentir.

On peut diviser la classe des femmes parjures en trois catégories, selon que le coeur, l’esprit ou les sens, ont jeté ces dames hors du mariage. La première classe est celle que les romanciers ont adoptée, et qu’ils se sont plu à revêtir de toutes les séductions de leur talent. Ils ont décrit avec une extrême complaisance les luttes de la passion et du devoir ; ils ont enchâssé comme des diamants les larmes tombées des yeux de ces tendres coupables, sans trop s’inquiéter du danger de leurs peintures sentimentales. Il y a, en effet, un charme dans ces douleurs, et plus d’une faible épouse, en possession d’un honnête homme fort empressé de lui plaire, s’est mise à se créer de chimériques infortunes afin d’arriver au romanesque état de ces héroïnes ; elle s’est abandonnée à des caprices d’imagination, qui sont dégénérés à la longue et véritable catastrophe pour son époux. Un des effets les plus lugubres et les plus déplorables de la littérature moderne, et nous avons tous contribué à ce désordre, il faut en convenir, c’est qu’elle a peuplé la France d’une foule de femmes incomprises, que leurs maris arrivent à ne comprendre que trop. La femme dont nous venons de tracer le portrait, soit qu’un intérieur pénible, ou qu’un désenchantement imaginaire l’ait rendue infidèle, conserve une apparence de réserve et de candeur.

La seconde catégorie renferme la femme dont le manque de foi est inexcusable, la femme adultère par excellence. La trahison est pour elle une occupation d’esprit, un besoin de ruse, d’activité, de mouvement, un véritable plaisir. La créature décevante dont parle Figaro, et de qui l’instinct est de tromper, se montre ici dans tout son éclat. Recevoir des billets galants, en écrire, se ménager des rendez-vous, courir mille risques, compromettre jusqu’à sa vie, voilà un jeu pour son génie inventif. La vanité la guide la plupart du temps. Elle aime à ravir, par exemple, à une de ses amies (car ce sont ses amies qu’elle choisit de préférence pour victimes) les attentions d’un homme à la mode ; elle est tranquille sur le résultat de ses amours. Sa progéniture, quelle qu’elle soit, est traitée également : la même indifférence, la même négligence règne pour tous. Une nourrice élève ses enfants jusqu’au moment où le collége les reçoit. La sécheresse de l’esprit a remplacé les entraînements du coeur et les erreurs de l’imagination. Elle admet avec une facilité extraordinaire les paradoxes au moyen desquels on a essayé de justifier les atteintes portées au mariage ; elle s’en amuse avec ses amants. On lui accorderait plusieurs maris, comme à certaines femmes de l’Asie, que cela ne la satisferait pas. L’intrigue n’y serait plus, c’est l’intrigue qui lui plaît avant tout.

Comment déterminer d’une manière précise la variété qui comprend la troisième catégorie de notre division ? Il est encore de nos jours plus d’une Abisag, vierge charmante condamnée à la couche de quelque David énervé ; il est des Héloïses renfermées dans le sanctuaire conjugal, ainsi que dans un cloître austère, et forcées de revêtir leur corps jeune et ardent du cilice de la mortification. Combien enfin de belles fleurs, l’amour et le désir des jeunes gens, qu’on voit flotter sur la surface du mariage, ainsi que des nénuphars sur des eaux solitaires et tièdes ! Ces belles mariées, sans maris, vivront-elles toujours dans un veuvage auquel la loi actuelle les enchaîne impitoyablement ? Non, assurément. Elles trancheront le noeud gordien avec l’épée d’Alexandre ! A-t-on trop le droit de les blâmer ?

L’adultère est un canevas qui est le même partout, mais que chaque pays brode à sa façon. Nulle part il ne s’étale avec plus de liberté qu’à Paris : voilà sa patrie. Si l’adultère n’avait pas existé depuis la création, Paris l’aurait inventé. C’est là qu’il est à l’aise, qu’il se pavane, et qu’il relève sa tête, humblement baissée en province. Vous le voyez marcher bras dessus bras dessous avec le mariage, qui lui sert quelquefois de patron ; vous le coudoyez à chaque pas que vous faites sur les boulevards ; il vous couvre de flots de poussière au bois ; il s’accoude sur le velours de la meilleure loge de nos théâtres ; il affectionne surtout le drame moderne, créé en son honneur ; il sépare la femme du mari, auquel il envoie des lettres de faire part lors de la naissance de son enfant ; il ose demander à l’époux s’il veut en être le parrain : mais l’adultère ainsi audacieux et consenti, l’adultère officiel perd le prestige du mystère. Détournons les yeux de ces ignobles tolérances, de ces marchés scandaleux. L’adultère, le véritable adultère, digne de son nom, se maintient toujours dans des conditions de silence et de dissimulation. Il sait ce qu’il est : il a honte de lui.

De quelle façon, me dites-vous, se pratique l’adultère ? Contez-nous-le, si vous le savez. Peignez-nous l’adultère de bon ton, l’adultère bourgeois, l’adultère chez le peuple.

Vous le voulez ? Eh bien ! voyons :

Remarquez ce fiacre (un fiacre, notez cela) traversant quelque rue silencieuse et écartée ; il se dirige, avec des stores hermétiquement fermés, vers une maison discrète qui semble se cacher au milieu des autres. Le véhicule numéroté s’arrête devant une petite porte qui s’ouvre d’elle-même : au premier étage, derrière des persiennes entr’ouvertes, un blond jeune homme, aux cheveux bouclés, aux petites moustaches frisées, avance le cou imprudemment, et vous qui passez là par hasard, revenant de visiter une vieille parente, vous avez surpris un regard de femme parti du fiacre et adressé au joli garçon, dont la tête s’est retirée de la fenêtre avec précipitation. Un peu de curiosité fait que vous vous retournez : soudain, légère comme une sylphide, une gracieuse femme, coquettement habillée, s’élance de la voiture, en effleurant à peine le marchepied. Un voile d’un tissu serré enveloppe son chapeau. Elle a passé comme l’éclair, et la porte s’est refermée promptement sur elle. Bien qu’à deux pas, à peine avez-vous pu distinguer sa taille souple et son pied mignon que vous croyez avoir vu descendre d’un brillant équipage aux Bouffes et à l’Opéra. Vous êtes sûr que cette femme est des plus élégantes, et des mieux titrées. Elle a jeté dans l’air en passant des parfums comme la divinité de Virgile. Recueillant alors vos souvenirs, vous vous rappelez qu’un soir au théâtre vous avez observé des signes d’intelligence entre ce blond jeune homme qui vous est bien connu et l’une de nos femmes à la mode les plus adorées. Soyez discret, je vous en prie, c’est la grande dame adultère !…

Pour quoi donc, visiteur malencontreux, êtes-vous allé chez la femme de cet agent de change, de ce négociant, de ce banquier votre escompteur, à l’heure de la Bourse et des affaires ? Vous avez trouvé madame assise dans son boudoir, car les femmes d’agent de change, de négociant, de banquier, ont toujours des boudoirs : elle sort du bain ; elle a pour toilette un simple peignoir de mousseline claire retenu par une ceinture qui dessine sa taille, et laisse apercevoir, à travers la transparence du corsage, des chairs blanches et rosées. Son pied, un peu large, est enfermé dans une babouche turque. Ses cheveux, négligemment tournés, retombent en boucles sur son cou. Mollement inclinée sur un divan, elle tient un livre pris soudain à votre arrivée, et qui paraît l’occuper beaucoup. Ce livre est donc bien agréable ; est-ce un nouveau roman de George Sand ? D’où vient que la belle lectrice semble si contrariée de votre présence ? Vous jetez un coup d’oeil à la dérobée sur cette oeuvre attachante, c’est unTélémaque ou un Robinson Crusoé, laissé sur le divan par un fils, jeune collégien de beaucoup d’espérances. Voilà qui est étrange ! Si vous avez la maladresse de vous asseoir et d’engager une longue conversation sans vous apercevoir de la mauvaise humeur avec laquelle on vous répond, vous ne savez pas vivre, permettez-moi de vous le dire. A un coup de sonnette qui ne tardera pas, vous verrez la lèvre supérieure de votre interlocutrice s’avancer sur la lèvre inférieure, et son sourcil se froncer ; puis on introduira un grand beau brun, dont vous aviez déjà soupçonné les assiduités dans quelques soirées : c’est lui qui tourne la musique au piano. On recevra ce jeune homme comme un étranger, avec une froideur de glace. Si vous m’en croyez, partez au plus vite ; vous êtes de trop chez la bourgeoise adultère.

Voulez-vous connaître à présent les grandes causes qui ont provoqué l’infidélité de ces deux femmes ? C’est un noeud de ruban tombé dans un bal du sein de la baronne, et furtivement relevé par le jeune homme aux blonds cheveux, ce même noeud qu’on faisait entrevoir discrétement placé sur le coeur pendant que Rubini roucoulait mélodieusement Il mio tesoro…. C’est un succès colossal obtenu par le beau brun, premier clerc de notaire, aux soirées de la femme du banquier, avec les chansonnettes de mademoiselle Loïsa Puget ou de M. Amédée de Beauplan.

Reste la femme du peuple. Celle-là aime à cueillir avec un jeune ouvrier des bluets dans les blés, ou à s’égarer dans les bois de Romainville et de Meudon, le dimanche, tandis que son mari garde les enfants lassés. Mais l’adultère est avant tout un fils de l’oisiveté et de l’ennui ; il a moins de prise sur cette classe laborieuse, où le travail entretient l’honneur. Chez la femme du peuple, l’adultère a été souvent le fruit de la violence. La femme du peuple s’est vue longtemps en proie à la débauche des grands. Qu’on se rappelle les mystères du Parc-aux-Cerfs. Des historiens un peu aventureux ont cherché à démontrer, à ce propos, l’heureuse influence de l’adultère sur la civilisation moderne. Ces singuliers philosophes ont prétendu que l’adultère, comme un rat, a rongé les mailles de l’énorme filet  aristocratique par lequel le peuple était emprisonné, c’est-à-dire que les faiblesses des grandes dames, et les convoitises roturières des grands seigneurs, en mêlant un sang vulgaire au pur sang des ducs et des princes, ont porté un coup mortel à l’hérédité des priviléges, et détruit aux yeux des nations les illusions de la noblesse et de la royauté.

filleIl ne nous siérait pas d’agir ici la grave question du divorce, palliatif insuffisant lui-même à ce fléau qui dévore les familles comme une lèpre secrète, et contre lequel les lois n’ont pas de remède ! La loi ne répare le mal que quand il est fait. Il n’y a que l’exemple des bonnes moeurs et la résignation qui puissent avoir quelque efficacité. Cependant il est bon de rappeler que, dans tous les temps, la femme adultère a été rigoureusement punie, parce que le repos des sociétés est fondé sur le mariage. Les Hébreux la lapidaient avant que le Christ eût dit qu’il fallait être sans péché pour lui jeter la première pierre ; les Grecs et les Romains la condamnaient à la flétrissure publique, à la déportation. En France, on la privait autrefois de sa dot et de ses conventions matrimoniales, puis on la reléguait dans un monastère ; de plus, on la fouettait dans les rues : mais on renonça bientôt à cet infâme traitement, de peur, dit avec naïveté un écrivain, que cet affront n’empêchât les maris de reprendre leur femme, comme Ménélas reprit la sienne après qu’elle eut passé dix années en pérégrination. Maintenant le mari, dans certaines circonstances, a droit de vie et de mort sur sa femme ; il ne tient qu’à lui d’user de l’article 137 du code pénal, article ainsi conçu : « La femme convaincue d’adultère subira la peine de l’emprisonnement pendant trois mois au moins, et deux ans au plus. » Le mari peut toujours arrêter cette condamnation, car le crime d’adultère chez nous est considéré comme privé, quoiqu’il soit souvent excessivement public.

La loi française contre l’adultère a été faite évidemment par des maris trompés, s’il faut dire la vérité : tout y est contre les femmes et rien en leur faveur. L’épouse convaincue d’infidélité est punie d’un emprisonnement qui peut s’élever jusqu’à deux années. Le mari qui entretient une concubine, et encore faut-il qu’il l’ait fait entrer chez lui, n’est passible que d’une simple amende. Le Code accorde en quelque sorte au mari outragé le droit de venger de ses propres mains l’affront qu’on lui fait lorsqu’il en est témoin ; le code se tait à l’égard de la femme qui surprendrait dans le lit conjugal une maîtresse de son mari. En présence d’une pareille législation est-il donc étonnant que les femmes, qui, si elles ne règnent pas sur les codes, règnent sur l’opinion, compensent par un peu de ridicule l’inégalité des peines ? aussi rit-on généralement des maris malheureux.

L’adultère, du temps de Faber, était considéré comme une espièglerie de société. Notre société n’est pas moins espiègle que celle d’alors, et l’on pourrait se plaindre, comme les anciens auteurs, de ce que cet amusement est trop fréquent dans le royaume.

Aristote raconte avec naïveté que dans les eaux du Phase il croissait de son temps un petit arbuste dont un rameau, cueilli par l’époux et caché dans le lit conjugal, rendait la femme chaste. Excellent Aristote ! où donc est-il ton rameau ? Il s’en est allé avec ta Poétique ; car l’on ne conserve pas plus le coeur de sa femme avec ce procédé, qu’on ne fait de bonnes tragédies au moyen des tes maximes dramatiques. L’heureux choix, la sympathie, les soins constants, voilà les meilleures sauvegardes de l’honneur d’un mari.

Montaigne, ce profond esprit, qui a si bien résumé la sagesse antique, a écrit dans ses Essais quelques lignes belles, nobles et engageantes, dans lesquelles le mariage est bien dignement apprécié. Nous voulons terminer par ces lignes cette physiologie de la femme adultère, afin de faire excuser, en faveur du but où nous arrivons, les sinuosités du chemin que nous avons été obligé de parcourir avec quelque liberté. « C’est une douce société de vie, dit-il, que le mariage, plein de fiance et d’un nombre infini de bons et loyaux services et obligations mutuelles : à le bien façonner, il n’en est point de plus belle dans la société ; aucune femme qui en savoure le goût ne voudrait tenir lieu de simple maîtresse à son mari. »

Heureux ceux dont la vie peut prendre pour épigraphe la phrase de Montaigne, et pour lesquels le mariage est cette fidèle union qui consola nos premiers parents de la perte de l’immortalité.

 

SOURCE : Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 3 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 

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L’art de se connaître soi-même

Posté par francesca7 le 17 mars 2013

Jacques Abbadie

L’Art de se connaître soi-même

1715 (pp. 17-432). MONSEIGNEUR LE VICONTE DE SIDNEY,

Ministre & Secrétaire d’Etat de Leurs Majestés Britanniques, Connêtable du Château de Douvre, & Gouverneur des Cinq Ports, &c. Viceroy pour Leurs Majestés du Royaume d’Irlande.

MONSEIGNEUR,

Quoi que l’Art de se Connoître Soy-même soit digne de l’étude

L'art de se connaître soi-même dans LITTERATURE FRANCAISE art

EPISTRE

ET de l’application des hommes les plus illustres glorieusement occupés, ce n’est pas sans quelque scrupule que je prens la liberté, en vous offrant cet Ouvrage, de dérober au public quelqu’un de ces prétieux momens que vous lui consacrez dans les fonctions importantes de vôtre ministere.

On sait MONSEIGNEUR, quelle est vôtre application à servir vôtre Prince & vôtre patrie ; & les obligations que l’Angleterre a à vôtre zéle, et à vôtre fermeté sont encore trop fraiches dans la mémoire des hommes, pour en renouveler le souvenir.

DEDICATOIRE

On se souvient des services memorables que vos glorieux Ancestres ont rendu à l’Etat : mais on se souvient encore mieux de ceux, que vous lui avez vous même rendus dans la plus importante occasion qui sera jamais, & de quelle manière vous vous êtes dévoüé, par manière de dire, pour vôtre patrie, en exposant vôtre personne, & vôtre fortune au danger de la plus triste destinée, pour la secourir.

On n’ignore point quel rang vous tenez en toutes manières entre ces Heros de la Grande Bretagne, dont la sainte magnanimité n’a point voulu

EPISTRE

abandonner leur patrie à un éternel esclavage, à la fureur de la superstition & à ces effroyables calamitez, dont on trouvoit cent mille présages vivans en la personne des François refugiez, & de trop funestes experiences dans l’Irlande et dans l’Angleterre.

Dieu qui avoit marqué certaines bornes à l’affliction des gens de bien, & au triomphe des méchans, & qui préparoit toutes choses pour ce grand ouvrage, vous attacha de bonne heure d’affection & de zéle à ce glorieux liberateur, que la Providence avoit suscité pour la delivrance de cette Nation, & en

DEDICATOIRE

quelque sorte pour la consolation de toutes les autres, afin qu’une fidelité comme la vôtre répondit à une vocation comme la sienne, & que vous servissiez à ses desseins, comme il servoit lui-même aux desseins du Tout-puissant.

On sait MONSEIGNEUR, quelles preuves vous lui avez données aprés cela de vôtre zéle & de vôtre attachement ; & quelles marques vous avez receu de son affection & de sa confiance, & comment vous avez trouvé le moyen de séparer la faveur de l’envie, par la moderation & la sagesse avec laquelle vous la soutenez, & l’usage genereux que vous en faites.

Jugez MONSEIGNEUR, s’il ne me doit pas être bien doux, de pouvoir me flater la pensée d’avoir quelque part à l’honneur de vôtre bienveillance, & de vôtre protection, & si je ne dois pas conserver prétieusement la mémoire de tous les témoignages de vôtre bonté, qui peuvent me confirmer dans cet agreable sentiment.

Je prieray Dieu, MONSEIGNEUR, qu’il vous affermisse par une vie longue & une santé confirmée dans le poste important, où vous continüez de rendre à l’Etat des services si dignes de sa réconnoissance, & du souvenir de la postérité ; & que les grands succés dont Dieu couronne l’heureux regne de leurs Majestez & benit vôtre ministere, ayant aussi peu de bornes qu’en la passion pleine de respect & de zéle avec laquelle je suis,

MONSEIGNEUR,

Vôtre trés humble & trés

obéissant Serviteur.

Abbadie.

 jakob_abbadie dans LITTERATURE FRANCAISE

Jacques Abbadie, né en 1654 à Nay et mort le 25 septembre 1727 à Marylebone, est un pasteur et théologien protestant français.

Abbadie consacra les dernières années de sa vie, entre l’Angleterre et la Hollande, où étaient imprimés la plupart des ses ouvrages, à l’écriture, à la prédication et à l’accomplissement – pas trop assidu, car il était souvent absent de son décanat – des devoirs ordinaires de son bénéfice. Ainsi, s’étant rendu en Hollande en 1720 pour y voir sa Vérité dans les presses, il resta, après cela, plus de trois ans à Amsterdam, pendant la préparation du Triomphe et d’autres ouvrages, ne retournant en Irlande qu’en 1723. Ses revenus de doyen de Killaloe étaient si modestes qu’ils ne lui permettaient pas d’engager un secrétaire. Après que l’archevêque d’Armagh, Hugh Boulter, eut fait appel en vain au lord lieutenant d’Irlande, Lord Carteret, en son nom, il lui donna une lettre d’introduction pour l’évêque de Londres, le Dr Edmund Gibson, Abbadie quitta alors l’Irlande pour s’établir à Marylebone, où il s’occupait d’une nouvelle édition de ses Œuvres, dont l’annonce avait déjà paru, lorsqu’il s’éteignit dans son domicile dans sa soixante-treizième année.

art-deSon grand œuvre, qu’il avait commencé à l’âge de vingt-deux ans, intitulé Traité de la vérité de la religion chrétienne, dont les deux volumes parurent à Rotterdam en 1684 et furent continués, en 1689, par le Traité de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, produisit une profonde sensation : « Il y a fort longtemps, écrivait Bayle, qu’on n’a fait un livre où il y ait plus de force et plus d’étendue d’esprit, plus de grands raisonnements et plus d’éloquence. » Bussy mandait à la marquise de Sévigné : « Nous le lisons à présent et nous trouvons qu’il n’y a que ce livre à lire au monde. » Et elle lui répondait : « C’est le plus divin de tous les livres ; cette estime est générale. Je ne crois pas qu’un homme ait jamais parlé de la religion comme cet homme-là. » Élève de Jean La Placette, nourri de Pascal, un peu trop étranger à l’histoire comme tous les cartésiens, il a eu de la foi la conception intellectualiste de son temps, mais il insiste de préférence sur les raisons psychologiques et morales de ses convictions.

 

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Appel de l’Abbé Pierre

Posté par francesca7 le 17 mars 2013

Appel de l’Abbé Pierre

Abbé Pierre

prononcé le 1er février 1954
sur les antennes de Radio-Luxembourg

 Appel de l'Abbé Pierre dans FONDATEURS - PATRIMOINE abbe_pierre-24x30-1999

Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !

Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime »

La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques

Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris.

Merci !

Abbé Pierre

 

abbe dans LITTERATURE FRANCAISEHenri Grouès, dit l’abbé Pierre, né le 5 août 1912 à Lyon et mort le 22 janvier 2007 à Paris Ve, est un prêtre catholique français de l’Ordre des Frères mineurs capucins, résistant, puisdéputé, fondateur du Mouvement Emmaüs (organisation laïque de lutte contre l’exclusion) comprenant la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés et de nombreuses autres associations, fondations et entreprises de l’économie sociale, en France.

L’abbé Pierre acquiert sa notoriété à partir du très froid hiver de 1954, meurtrier pour les sans-abri.

Il lance le 1er février 1954 un appel mémorable sur les antennes de Radio-Luxembourg (future RTL), qui deviendra célèbre sous le nom d’Appel de l’abbé Pierre.

Le lendemain, la presse titra sur « l’insurrection de la bonté ». L’appel rapportera 500 millions de francs en dons (dont 2 millions par Charlie Chaplin qui dira à cette occasion : « Je ne les donne pas, je les rends. Ils appartiennent au vagabond que j’ai été et que j’ai incarné. »)16, une somme énorme pour l’époque et complètement inattendue, des appels et courriers qui submergèrent complètement le standard téléphonique de la radio, et des dons en nature d’un volume si immense qu’il fallut des semaines pour simplement les trier, les répartir et trouver des dépôts pour les stocker convenablement un peu partout en France.

Le combat de l’abbé Pierre a aussi permis l’adoption d’une loi interdisant l’expulsion de locataires pendant la période hivernale.

Les événements de l’hiver 54 ont donné lieu en 1989 à un film de Denis Amar avec Claudia Cardinale et Lambert Wilson : Hiver 54, l’abbé Pierre.

Il fonde en 1949 le Mouvement Emmaüs (en référence à Emmaüs, village de Palestine apparaissant dans un épisode du dernier chapitre de l’Évangile selon Luc). Ce mouvement est une organisation laïque de lutte contre l’exclusion, présente aujourd’hui dans 36 pays du Monde. Il commence ainsi dès l’été 1949 par fonder la communauté Emmaüs de Neuilly-Plaisance, au 38 avenue Paul Doumer, au départ auberge de jeunesse.

La rencontre avec George, désespéré qui a perdu toute raison de vivre, et à qui l’abbé Pierre demande « Viens m’aider à aider » marque cependant le véritable acte fondateur du Mouvement Emmaüs.

Les communautés Emmaüs se financent par la vente de matériels et d’objets de récupération et construisent des logements :

« Emmaüs, c’est un peu la brouette, les pelles et les pioches avant les bannières. Une espèce de carburant social à base de récupération d’hommes broyés. »

Le 29 mars 1952, il participe au jeu « Quitte ou double » sur Radio Luxembourg pour alimenter financièrement son combat, où il gagnera 512 000 francs de l’époque13 (ce qui correspond à près de 12 000 € actuels).

L’ensemble de la classe politique française ne tarit d’éloges et reconnaît le travail réalisé par l’abbé Pierre, notamment le président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre Dominique de Villepin, la candidate socialiste Ségolène Royal et le candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy.

De très nombreuses associations et fondations françaises ou internationales qui ont milité avec l’abbé Pierre dans des causes communes en faveur des plus démunis lui rendent le jour même un vibrant hommage par des communiqués officiels.


L’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing demande que soient célébrées « des obsèques nationales » en l’honneur de l’abbé Pierre. La présidence de la République se prononce le jour de sa mort pour savoir si un « hommage national » ou un « deuil national » (la plus haute distinction funéraire française) serait rendu. Conformément aux souhaits de la Fondation Abbé Pierre et la famille qui semble s’opposer à la seconde option, c’est la première option qui est choisie (réservée tout de même à des personnalités telles que Jean-Paul II et le Commandant Cousteau), plus conforme au testament de l’abbé qui préférait que tout l’argent serve plutôt à la collecte au profit des œuvres de sa Fondation, à laquelle il a donné tout au long de sa vie l’ensemble de ses droits ainsi que les dons personnels faits à son nom.

Une chapelle ardente est ouverte à tous, les mercredi 24 et jeudi 25 janvier 2007, toute la journée, à l’église du Val-de-Grâce à Paris, où son cercueil simplement surmonté de sa canne et son béret est exposé aux remerciements du public ; un hommage populaire à l’abbé Pierre est organisé par le Mouvement Emmaüs le jeudi 25 janvier au Palais omnisport de Paris-Bercy, de 19 à 23 heures. Par ailleurs, des livres d’or collectent les hommages populaires à Paris, Metz et dans plusieurs communautés Emmaüs du Sud de la France ; face aux demandes, d’autres communautés Emmaüs en France ou dans le monde recueillent aussi les hommages du public.

À Lyon, sa ville de naissance, une messe commémorative est dite par l’archevêque, le Cardinal Philippe Barbarin en la Primatiale Saint-Jean. Lors de cette messe, l’évangile est proclamé par un diacre, neveu de l’abbé Pierre.

L’abbé Pierre meurt le lundi 22 janvier 2007, tôt le matin (5 h 25 heure locale), à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris, des suites d’une infection du poumon droit consécutive à une bronchite. Il était âgé de 94 ans.

Il affirmait : « J’ai passé ma vie à prier Dieu pour mourir jeune », et ajoutait : « Vous voyez, c’est raté ! ». L’abbé Pierre faisait également régulièrement allusion à sa mort en évoquant son départ en « grandes vacances ».

 

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