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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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La légende du Puits de Paris qui parle

Posté par francesca7 le 13 janvier 2016

 
 
rue du puits qui parleParmi les puits miraculeux que possédait Paris, et notamment la plupart des anciennes églises de la capitale, l’histoire retient le Puits-qui-parle de la rue éponyme renommée au XIXe siècle rue Amyot. Si l’une des quatre versions a été popularisée par Victor Hugo pour expliquer la propriété singulière de ce puits dont le nom est plus qu’explicite, une autre est moins connue, s’appuyant sur des faits remontant au IXe siècle et mettant en scène deux soeurs dont l’une était promise à un chevalier de renom cependant que l’autre connut un sort funeste…

Dans l’église de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, on voyait jadis un puits situé au fond du sanctuaire et nommé puits de saint Germain, parce qu’il était placé auprès du tombeau de ce saint. Ses eaux avaient la réputation de guérir miraculeusement plusieurs maladies. Abbon, dans son poème sur le siège de Paris par les Normands, rapporte plusieurs traits qui attestent la vertu merveilleuse de l’eau de ce puits.

Dans l’église de Saint-Marcel, il y avait aussi un puits près duquel était la pierre du tombeau de ce vénérable évêque. Suivant un antique usage dont parle saint Grégoire de Tours (VIesiècle), on raclait cette pierre, et la poudre ainsi obtenue, infusée dans un verre d’eau du puits, dévotement avalée après avoir entendu une messe, passait pour un puissant spécifique contre plusieurs maladies. On cite l’exemple d’un chanoine de Beauvais qui, se croyant empoisonné, trouva dans la raclure de cette pierre un antidote souverain.

Il y avait aussi des puits particuliers réputés pour la bonté de leurs eaux. Le Puits Censier, le Puits de l’Ermite, le Bon Puits, le Puits du Diable que l’on croit ainsi nommé à cause d’une tête de diable gravée sur sa margelle ; le Puits d’Amour, aux environs des Halles, où les servantes et les ménagères allaient puiser de l’eau et se laissaient conter fleurette par les varlets. Il y avait aux Halles, appartenant à un nommé Lori, un puits acheté par la municipalité ; on y bâtit un gibet qui tira son nom du puits de Lori, d’où l’on a fait Pilori, nom qui fut adopté ensuite par toute la France pour désigner les lieux patibulaires ou les poteaux auxquels la justice attachait les condamnés.

On voyait au haut de la montagne Sainte-Geneviève une rue nommée la rue du Puits-qui-parle, et dont l’origine a tourmenté la cervelle de plus d’un chroniqueur tant il était difficile de faire sortir la vérité de ce puits-là. On cite à ce sujet quatre légendes différentes.

Selon les uns, c’était tout simplement un écho bien réussi, qui redisait parfaitement les paroles ; et, comme tout paraissait mystérieux au populaire peu éclairé et que la science n’était pas encore capable de l’expliquer, on en fit un événement qui attira la foule et passa à l’état de tradition. Tout le monde disait : « Allons voir le puits qui parle » ; d’où le nom.

Selon d’autres, et notamment Victor Hugo, il y avait sur la montagne Sainte-Geneviève une espèce de Job qui chanta pendant trente ans les sept psaumes de la pénitence, sur un fumier, au fond d’une citerne, recommençant quand il avait fini, psalmodiant plus haut la nuit,magna voce per umbras.

Une troisième légende nous raconte qu’un mari trop peu débonnaire, fatigué des criailleries de sa femme, la jeta dans ce puits et s’en retourna tranquillement au logis, la croyant morte, et lui, débarrassé. La peur le fit revenir le lendemain, pour s’assurer si le cadavre était au fond et ne trahirait pas son crime. Mais à peine penché sur la margelle, il entendit une voix terrible arrivant du fond du puits et triplée par l’écho, qui lui cria trois fois : « Assassin ! assassin ! assassin ! » Réfugiée dans une des cavités latérales, la victime attendait patiemment que la providence vînt à son secours. Foudroyé par cette voix vengeresse qui sort du gouffre pour le dénoncer, le coupable tombe à la renverse, les voisins accourent, les archers paraissent, on délivre la femme qui le dénonce ; bref, il est pendu. Ce fait rendit le puits célèbre, et tout le monde raconta l’histoire du Puits-qui-Parle.

Enfin une quatrième version plus ancienne et qui paraît la véritable, raconte longuement un événement encore plus tragique. C’était vers la fin du IXe siècle. La gloire de Charlemagne, après avoir jeté l’éclat du soleil, allait en déclinant comme un beau jour qui finit. La prédiction du grand empereur s’était accomplie. Un jour qu’il était sur le bord de la mer et qu’il voyait les grandes barques des Normands approcher des côtes, il s’était mis à pleurer en disant à son fidèle Alcuin : « S’ils osent déjà, moi vivant, venir jusqu’ici, que sera-ce quand je ne serai plus ! »

En effet, ces redoutables pirates, montés sur leurs drakkars, avaient, en remontant le cours de la Seine, longé la grande île qui renfermait Paris. Après un siège mémorable dans lequel les Parisiens se conduisirent en héros tandis que leur roi se conduisait en lâche — Charles le Gros, en 888 —, une paix honteuse, par lui conclue, les éloigna gorgés d’or et de butin, et laissant les campagnes dévastées ; mais la menace de ces terribles brigands pesait toujours sur la ville, Sur les hauteurs de la montagne Sainte-Geneviève, alors presque sauvage, s’élevait un vieux couvent de Bénédictines, aux murs duquel était adossé le modeste castel du comte d’Argile. Un puits, entouré de grands chênes, derniers vestiges d’une vaste forêt, était mitoyen, et fournissait aux deux maisons l’eau nécessaire aux usages journaliers.

Le vieux comte, couvert de blessures glorieuses faites par l’épée des Normands, habitait cette résidence avec ses deux filles, Irmensule et Odette. On chassait la monotonie de cette solitude en recevant belle et noble compagnie. Parmi les hôtes accoutumés du manoir se trouvait un jeune gentilhomme aux belles manières, grand ami du comte, qu’il avait sauvé de la mort sur le champ de bataille ; c’était le chevalier Raoul de Flavy. Le comte nourrissait l’espoir de payer sa dette de reconnaissance en lui donnant la main de sa fille aînée, Irmensule.

Mais les pères proposent et l’amour dispose. Le cœur du chevalier, froid auprès d’Irmensule, battait à tout rompre sous le doux sourire de la gente Odette. Déjà des gages d’affection s’étaient échangés mutuellement, déjà l’on s’était juré un amour éternel, déjà même on avait échangé en secret l’anneau des fiançailles, quand le comte s’aperçut qu’Irmensule était délaissée, et que, du train qu’y allait le trop galant gentilhomme, il faudrait, un jour ou l’autre, rompre avec lui ; car jamais, au grand jamais, il n’aurait consenti à violer les lois de la véritable hiérarchie en mariant la cadette avant l’aînée. C’eût été bouleverser toutes les prérogatives des familles seigneuriales, et le vieux comte était trop entiché de ces nobles préjugés pour les oublier un seul instant, même en faveur de celui qui lui avait sauvé la vie.

Un matin, le chevalier ne trouva plus la gente Odette : la colombe avait quitté le castel ; le comte lui apprit qu’une de ses tantes de Bretagne, d’un grand âge et de beaucoup d’infirmités avait réclamé la compagnie de sa nièce, qui devait rester quelque temps auprès d’elle. Les mois se succédèrent. Raoul soupirait et Odette ne revenait pas. Mais, comme dit le bon La Fontaine : « Sur les ailes du temps la tristesse s’envole » ; et le chevalier félon oublia la dame de ses pensées.

Or, il advint qu’un jour d’été, par une chaleur suffocante, le comte, sa fille, le chevalier et les commensaux habituels du manoir s’étaient retirés sous les épais massifs des chênes, qui, avec la fraîcheur qu’exhalait la bouche du puits, rendaient le poids du jour plus supportable. Raoul de Flavy, vaincu par les raisons de son ami et les œillades enivrantes d’Irmensule restée sans rivale, était assis avec la future châtelaine sur un banc de gazon adossé au mur du couvent et proche du puits.

La nuit était venue, et de larges gouttes d’eau, précurseurs infaillibles d’un terrible orage, mouchetaient les allées du jardin. C’est alors que, cherchant un refuge, le chevalier prit la main d’Irmensule effrayée, qu’il pressa plus amoureusement que de coutume, et la conduisit vers la margelle du puits, afin que le petit clocheton construit au-dessus de l’orifice pût abriter sa tête. Mais à peine y étaient-ils arrivés, qu’un affreux éclat de la foudre, accompagné de grêle et d’éclairs, ébranla la montagne Sainte-Geneviève, et qu’une voix sortie du puits, triste et lamentable, prononça cet affreux anathème : « Hommes pervers, soyez maudits ! maudits ! maudits ! »

A ces mots, qui semblaient s’adresser à lui, Raoul pâlit, et, emportant dans ses bras la jeune fille à moitié morte d’effroi, il quitta ce lieu lugubre et arriva ruisselant au château, où il raconta la terrible malédiction sortie du puits. La sinistre nouvelle circula par la ville, et le lendemain matin on entoura le puits. Le plus courageux y descendit, et n’y vit qu’une eau calme et limpide, dormant du sommeil de l’innocence, et de vieilles pierres enveloppées de mousse. On en conclut que c’était le diable qui était venu s’y loger pour tourmenter les nonnes et le châtelain. C’était alors l’affaire des chanoines, et le clergé de Sainte-Geneviève vint, bannières déployées, suivi de nobles et vilains, exorciser cette nouvelle retraite de Satan.

On psalmodia des psaumes, on jeta des seaux d’eau bénite dans le puits, et pour compléter la cérémonie, le chanoine s’avança vers l’orifice. Mais à peine eut-il étendu la main pour faire le signe de la croix, qu’une voix s’en échappa, vibrante et terrible, et répéta : « Hommes pervers, nobles et moines, soyez tous maudits ! maudits ! maudits ! » La panique fut générale. Chacun s’enfuit en poussant des cris ; on jeta les bannières pour se sauver plus vite, les chapes furent déchirées ; en un clin d’oeil le jardin du manoir fut désert.

Les échevins firent entourer d’un mur ce lieu sinistre, et le soir les passants entendirent encore pendant quelque temps des cris et des lamentations. Ils pressaient le pas et se signaient en recommandant leur âme à Dieu. Puis, un jour, on n’entendit plus rien. Le comte quitta cette résidence et rentra dans Paris avec sa fille ; le chevalier resta plongé dans une noire mélancolie.

Au bout d’un an, le calme revint dans les esprits, et les noces du chevalier Raoul de Flavy et de noble demoiselle Irmensule d’Argile se célébrèrent à Saint-Germain-l’Auxerrois, nouvelle paroisse du comte. Le fait, passé à l’état de légende, fut transmis de bouche en bouche ; tout le monde y vit l’œuvre du diable. L’abbesse et le comte seuls connurent le secret de cette voix sinistre.

Odette n’était pas en Bretagne ; son père, pour sauver les lois de la hiérarchie seigneuriale, avait confié sa fille à la mère abbesse des bénédictines, dans l’espoir que le calme glacial du cloître éteindrait le feu qui la dévorait, et qu’il aurait le temps de marier Irmensule. Mais il arriva que la réclusion avait exaspéré la jeune fille ; ses imprécations furent telles que l’abbesse, dans la crainte d’être compromise, la mit dans un cachot, affreuse oubliette qui touchait aux parois du puits. La pauvre Odette, qui ne vivait que d’amour, de fleurs et de soleil, n’y souffrit pas longtemps. Ses soupirs, ses cris, ses malédictions, s’échappant par une fissure du puits cachée par une touffe de lierre, avaient produit tout le remue-ménage que nous venons de raconter.

Quand, plus tard, on fit des réparations au couvent, on trouva la crevasse, mais les coupables se gardèrent bien de raconter le drame qui s’était passé dans cette froide cellule, et tout le monde crut que c’était le diable qui avait parlé. Les guerres et les révolutions rasèrent la montagne Sainte-Geneviève ; le couvent et le château disparurent, mais le puits resta. Le bon populaire de Paris allait le voir, en contant des récits diaboliques ; puis, peu à peu, des maisons se construisirent à droite et à gauche avec les pierres mêmes du couvent détruit, et ainsi se forma la rue du Puits-qui-Parle, devenue rue Amyot par arrêté préfectoral, le 27 février 1867.

(D’après « Légendes du vieux Paris », paru en 1867).france-pittoresque.com

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Et les contes de Perrault

Posté par francesca7 le 9 janvier 2016

Charles_Perrault_le_Petit_Poucet

Le Petit Poucet de Perrault

Agni, le dieu-feu, avant de briller sur l’autel, est caché ou perdu dans l’obscurité que suppose l’absence du sacrifice, si l’on n’a que lui en vue et qu’on le considère (c’est très souvent le cas dans les hymnes) comme la lumière, le jour, le soleil, ou le ciel par excellence. Il y est petit, pareil à un fœtus, disent et redisent les textes, il ne sera grand qu’une fois allumé et qu’il se dressera devant le sacrificateur sous la forme d’une flamme brillante. Il est sage ou savarit (vidvan), par emploi régressif en quelque sorte de l’épithète à laquelle il a droit quand il brille, quand il est éclairé et qu’il fait entendre sa voix omnisciente. Les libations qui le contiennent en puissance et auxquelles il est identifié si souvent sont au nombre de sept – elles sont sœurs (ou frères quand on les personnifie au masculin). La forêt où le Petit Poucet se perd avec ses frères et la maison de l’Ogre où il trouve un abri pendant la nuit sont deux figures différentes d’un même objet, l’obscurité du non-sacrifice.

Le Petit Poucet tue l’ogre  comme Agni tue le Raksas.

Celui-ci et celui-là s’emparent alors des richesses de leur victime, qui ne sont autres que les eaux abondantes et nourricières des libations auxquelles ils doivent la vigueur et l’éclat. Le Petit Poucet d’après les versions recueillies par Gaston Paris Ici, au lieu de conduire ses frères, Poucet dirige, soit des bœufs, soit des chevaux, soit un chariot, soit une charrue. Rien de plus fréquent dans le Rig-Véda que les vaches (ou bœufs)-libations, ou les chevaux, ou les chars, figures des flammes du sacrifice, qui traînent ou portent les libations sous la conduite d’Agni. D’ailleurs comme il s’agit du petit Agni, d’Agni-fœtus, il est encore invisible et caché, tantôt à l’intérieur des vaches-libations, tantôt dans le ventre du loup, tantôt enfin dans l’oreille du cheval ou du bœuf. Il y fait entendre sa voix qui représente ses crépitements et qui est généralement le signal de sa délivrance : on ne l’entend qu’au moment où il va échapper à l’obstacle et sortir de l’obscurité. Pour se rendre compte de la circonstance d’après laquelle le Petit Poucet serait le guide des sept bœufs de la Grande-Ourse, il suffit de se rappeler qu’en pareil cas, comme dans beaucoup d’autres du même genre, la mythologie indo-européenne s’est transformée en astronomie, où plutôt celle-ci a emprunté à celle-là sa nomenclature primitive.

imagesLes sept bœufs de la Grande-Ourse ont passé du ciel du sacrifice au ciel réel, à la faveur surtout du double sens (ours et chose lumineuse) du mot sanscrit Riksa. Ainsi, nos contes de fées ne sont ni une sorte de proles sine matre creata (progéniture engendrée sans mère), comme certains folkloristes ont voulu le croire, ni d’éternels vagabonds dont le pèlerinage a commencé on ne sait où. On pourrait encore montrer que, parmi les contes considérés à la fois comme « ethniques » et peu anciens, un grand nombre ne doivent cette apparence qu’à la mise en oeuvre, avec quelques détails nouveaux inspirés par le lieu de l’époque où la refonte s’est produite, de vieux thèmes légendaires, dont la véritable origine remonte aux hymnes liturgiques du genre de ceux que les Védas nous ont conservés. Et ceci explique comment tel conte de l’Inde peut avoir son correspondant en Occident (exemple : la légende de Purûravas et d’Urvaçi auprès de la fable de Psyché et celle de Mélusine) sans qu’il y ait eu influence directe d’une version sur l’autre. L’hypothèse, justifiée par tant de faits de la communauté d’origine à une très haute époque et sous une forme extrêmement rudimentaire, explique les ressemblances de tel récit du Pancatantra avec tel fabliau développé par les jongleurs, sans qu’il soit besoin d’admettre d’intermédiaires quelconques.

 Extrait de Revue de philologie française et provençale : recueil trimestriel consacré à l’étude des langues, dialectes et patois de France, 1893.

 

 

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Les 12 Jours de Noël

Posté par francesca7 le 4 janvier 2016

 

Les 12 jours de Noël sont une période festive et bien mystérieuse qui commence dès le lendemain de Noël, le 26 Décembre et s’achève le 6 Janvier, jour de l’Epiphanie. L’Epiphanie (« manifestation » ou « apparition » en grec) est une fête d’origine païenne. Après les festivités liées au solstice d’hiver (Saturnales…), le 6 Janvier marquait l’accroissement de la durée du jour et donc la réapparition et la renaissance de la lumière. Le jour de l’Epiphanie on célébrait donc la fin du cycle de Noël de 12 jours. L’Epiphanie a ensuite été christianisée (fête religieuse célébrant la présentation de l’Enfant Jésus aux Rois Mages). 

 Les-Douze-Jours-De-Noel-

Durant ces 12 jours, situés après le solstice d’hiver, la lumière diurne cesse de décroître et l’on attend alors le retour de la clareté. Durant ces 12 jours de nuit immobile, ces 12 jours et 12 nuits bien ténébreux, on tente alors de percer les mystères de l’avenir à travers des petits détails ou des actions symboliques parfois « magiques ». On protège les habitations grace à des feux purificateurs, on observe la nature et les animaux, l’humidité, la brume, la lune, et l’on tire de ces observations divers présages pour les récoltes et le climat de l’année à venir.

Ainsi, durant ce cycle de 12 jours, chaque jour correspond à un mois de l’année. En France, selon d’anciennes traditions populaires, chacun de ces jours annonce les conditions météorologiques du mois auquel il est associé (nous avons d’ailleurs en France une multitude de dictons à ce sujet). Et qui n’a pas dans son entourage proche un « ancien » capable de prédire la météo ou les récoltes des mois à venir seulement en regardant le ciel ?! On s’en amuse souvent, et pourtant… la plupart du temps, l’avenir leur donne raison ! Voici ce que dit cette tradition populaire :

 

Regarde comment sont menées
Depuis Noël douze journées
Car suivant ces douze jours
Les douze mois auront leur cours

 

Selon les régions, ce cycle change d’appellation, voir même de durée. En Provence, on parle de « Calendo » (époque calende qui s’étend en fait jusqu’à la Chandeleur), dans le Périgord elle débute dès la Sainte Catherine (25 Novembre), dans le Berry on les nomme « éprouves », en Lorraine il s’agit des « 12 petits mois », dans d’autres régions se sont les « ajets » et au Québec se sont les « journaux ». 

A noter que dans la grande majorité des régions du monde où l’on célèbre les 12 jours de Noël, les festivités débutent (souvent plusieurs semaines avant) par des défilés de lampions, des visites de groupes d’enfants déguisés chantant et dansant, allant de maison en maison afin de récolter quelques friandises : Halloween le 31 Octobre dans les pays anglo-saxons, la St Martin le 11 Novembre en Allemagne, Sink Tuck le 25 Novembre dans le Grand Nord Canadien, défilés de belsnickels et de mummers pour Noël au Québec , festivités et défilés de la Sainte Lucie le 13 Décembre en Scandinavie, etc… 

Une comptine est associé à ces 12 jours festifs. Ce chant populaire énumère tout une liste de cadeaux absolument incroyables et improbables reçus pendant cette période de 12 jours, à raison d’un cadeau par jour. Ce chant a été publié pour la première fois en Angleterre en 1780, on ignore toutefois l’origine exacte de le comptine (elle serait peut-être d’origine française). La première version musicale a été enregistrée en 1842 en Angleterre par James O. Halliwell. 

Une théorie avance que cette comptine serait une allégorie, chaque cadeau offert désignant une enseignement religieux particulier. Cette chansonnette aurait servi à contourner l’interdiction de la pratique religieuse imposée aux catholiques anglais durant la seconde moitié du XVIème siècle et jusqu’au début du XIXème. On aurait ainsi appris la cathéchisme aux enfants. A noter toutefois que cette théorie n’est fondée sur aucune preuve éloquente. Voici les symboles avancés :

« Mon grand amour » devait être entendu comme étant l’enfant Jésus.

1er jour – La perdrix dans un poirier représenterait Jésus sur la Croix. Le poirier serait le symbole d’Adam qui croqua le fruit défendu

2ème jour – Les deux colombes seraient une référence à l’Ancien et au Nouveau Testament.

3ème jour – Les trois poules gloussant seraient la foi, l’espoir, l’amour.

4ème jour – Les quatre oiseaux chantant seraient les quatre auteurs de l’évangile: Matthieu, Luc, Marc, Jean.

5ème jour – Les cinq anneaux d’or représenteraient les cinq premiers livres de l’Ancien Testament : Genèse, Exode, Lévitique, Livre des Nombres, Deutéronome. 

6ème jour – Les six oies pondant seraient les six jours de la création (lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi, le dimanche étant réservé au repos de Dieu). 

7ème jour – Les sept cygnes nageant se réfèreraient aux sept dons de l’Esprit Saint : sagesse, intelligence, conseil, force, connaissance, crainte de l’Éternel et enfin piété. Mais ils pourraient également symboliser les sept péchés capitaux (orgueil, avarice, envie, colère, gourmandise, luxure, paresse).

8ème jour – Les huit fermières trayant rappelleraient les huit béatitudes du sermon de Jésus sur la montagne.

9ème jour – Les neuf dames dansant représenteraient les neuf fruits de l’Esprit Saint : amour, joie, paix, longanimité, bienveillance, bonté, fidélité, douceur, tempérance.

10ème jour – Les dix messieurs sautant symboliseraient les 10 commandements. 

11ème jour – Les onze joueurs de flûte seraient les onze apôtres de Jésus.

12ème jour – Les douze joueurs de tambour représenteraient les douze croyances du Crédo des Apôtres. 

Le Oxford Dictionary of Nursery Rhymes suggère quant à lui que ces cadeaux représenterait une liste de différents plats ou activités correspondant chacun à un mois de l’année. 

Pour conclure, je dirais que globalement il apparaît bien difficile de faire ressortir de cette comptine une ou des significations probantes (si ce n’est tout simplemement qu’elle est utile pour apprendre aux jeunes enfants à compter et à faire fonctionner leur mémoire tout en s’amusant), le plus intéressant étant probablement de la chanter et de la transmettre aux générations futures, de faire survivre notre patrimoine culturel pour ne pas qu’il ne s’éteigne. 

Le principe est simple et répétitif, il suffit de chanter une nouvelle strophe en reprenant ensuite toutes celles qui ont été dites auparavant. Voici la comptine, bon courage !!!

69

Le premier jour de Noël, mon grand amour m’a donné une perdrix dans un poirier.

Le deuxième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le troisième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le quatrième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le cinquième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le sixième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le septième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné sept cygnes nageant,
six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le huitième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné huit fermières trayant,
sept cygnes nageant,
six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le neuvième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné neuf dames dansant,
huit fermières trayant,
sept cygnes nageant,
six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le dixième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné dix messieurs sautant,
neuf dames dansant,
huit fermières trayant,
sept cygnes nageant,
six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le onzième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné onze joueurs de flûte,
dix messieurs sautant,
neuf dames dansant,
huit fermières trayant,
sept cygnes nageant,
six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

Le douzième jour de Noël,
mon grand amour m’a donné douze joueurs de tambour,
onze joueurs de flûte,
dix messieurs sautant,
neuf dames dansant,
huit fermières trayant,
sept cygnes nageant,
six oies pondant,
cinq anneaux d’or,
quatre oiseaux chantant,
trois poules gloussant,
deux tourterelles
et une perdrix dans un poirier.

 

Pour finir, voici la comptine en version orchestrale, interprétée par la talentueuse et délicieuse Natalie Cole, accompagnée par le London Symphony Orchestra. Un orchestre et une chanteuse brillante, ça change la vie !

 Image de prévisualisation YouTube

Pour compléter la comptine, je vous suggère d’aller jeter un oeil sur le site dltk-holidays qui propose 12 coloriages, correspondant chacun à un des 12 jours de la chanson. A voir également, le site québécois la montagne secrète où vous pourrez feuilleter le livret du CD de chants de Noël édité par leur soin, ou même commander l’album (quelques extraits audios à écouter en ligne). Sur le site meteo.org vous trouverez en outre une multitude de dictons liés au cycle des 12 jours de Noël.

 

Article mis en ligne  le 27 décembre 2012 par le site http://noel-joyeux.blogspot.fr/

 

Publié dans HUMEUR DES ANCETRES, LEGENDES-SUPERSTITIONS, POESIE FRANCAISE | Pas de Commentaire »

L’origine des contes de fées

Posté par francesca7 le 2 janvier 2016

 

eau et femmesLa plupart des contes de Perrault et de Grimm reposent, par leurs traits les plus importants, sur une conception du monde où les fées, les magiciens et les ogres jouent un rôle prépondérant et caractéristique. Il y a là comme une religion sui generis, tout à la fois fantastique et athée, en ce sens qu’elle semble ignorer le nom des dieux, une religion systématique dans sa bizarrerie et signalée par une physionomie trop particulière pour qu’on puisse en faire le domaine banal de n’importe qui.

À bien y regarder, on s’aperçoit bien vite avec le célèbre médiéviste et philologue romaniste du XIXe siècle Gaston Paris que nos contes de fées, ceux qui ont circulé de tout temps en Europe, ou bien encore, ce qui revient au même, les récits que les mères-grands de nos villages racontent depuis des siècles aux bambins qu’elles élèvent, sont d’origine indo-européenne, c’est-à-dire qu’ils appartiennent au groupe ethnique dont les principaux rameaux sont devenus les Hindous, les Perses, les Grecs, les Latins, les Slaves, les Germains et les Celtes, et qu’ils remontent à une période antérieure à la cause quelconque qui a brisé l’unité primitive de ces peuples. Les contes dits populaires, et qui le sont devenus en ce sens qu’ils se conservent surtout parmi les vieilles femmes de nos campagnes, n’avaient rien de populaire à l’origine.

En pareille matière, les grand-mères n’inventent rien et la perpétuité de ces contes sous des formes à peu près invariables, en est le sûr indice. Ajoutons que toute tradition ancienne, qui n’est que tradition pure, a eu, même sous ses aspects les plus humbles, la religion pour point de départ, elle seule ayant eu l’autorité doctrinale suffisante pour donner le branle aux enseignements, quels qu’ils soient, que des générations d’illettrés se sont depuis lors indéfiniment transmises ; dans tel village où ce qu’on appelle le folklore sera resté vivant, personne n’aura gardé le souvenir traditionnel de l’histoire de ce même village s’il s’agit seulement de remonter à soixante ou quatre-vingts ans.

 En fait, les contes du genre de  ceux de Grimm et de Perrault  sont des restes de la religion (ou de la mythologie, ce qui est tout un) indo-européenne. Chez les peuples en question, aux époques qui ont précédé de plus ou moins loin et suivi de près leur séparation, toute la liturgie était dans le sacrifice, c’est-à-dire dans l’entretien au sein de chaque famille d’un feu perpétuel considéré comme sacré et qu’on alimentait avec des essences inflammables (huile, beurre, alcool ou résine). À ce feu étaient adressés des hymnes dans lesquels on célébrait en langage métaphorique l’union des liquides sacrés et des flammes qu’ils nourrissaient, l’éclat de ces flammes, leurs crépitements, leur développement, non sans adresser des objurgations à toutes les circonstances qui pouvaient retarder ces effets de la cérémonie.

Dans la phraséologie des hymnes, en vue d’en amplifier et d’en animer les détails, on personnifiait d’ailleurs les différents phénomènes que présentait l’allumage du feu sacré. Les flammes assimilées à des êtres vivants servirent de base à l’idée des dieux (les brillants), leurs crépitements devinrent les voix divines considérées comme omniscientes et prophétiques à mesure que la notion des dieux acquit des caractères merveilleux et mystiques, leur expansion fut comparée à des édifices resplendissants, à des parures magnifiques, à des objets de métal précieux.

Quant aux obstacles imaginaires qu’on s’amusait à regarder comme retardant la manifestation des splendeurs et des enchantements du sacrifice, on les symbolisa sous la forme d’êtres malfaisants localisés dans les parties basses et obscures de l’autel, au sein des liqueurs sacrées que le feu n’avait pas encore atteintes ; ce ténébreux séjour fut le prototype des enfers, comme ses habitants fictifs furent ceux des démons.

Les hymnes liturgiques, avec tous les développements dus à la rhétorique qui leur était propre, devinrent naturellement la base et la matière même de la tradition religieuse sous toutes ses formes ; c’est d’eux que sortit toute l’efflorescence mythologique de l’Inde, de la Grèce et de toutes les contrées que peuplèrent les Indo-Européens. Mais le privilège des choses religieuses est de pénétrer partout. La mythologie des hymnes ne fut pas seulement l’objet des brillantes variations auxquelles la soumirent les poètes qui, comme Homère et Hésiode en Grèce, tirèrent leurs chants des anciens documents sacrés. Grâce aux incantateurs de bas étage, aux prêtres de condition inférieure qui devinrent les sorciers, les formules liturgiques avec leur cortège habituel de tours proverbiaux, d’expressions énigmatiques ou paradoxales, de récits pleins d’invraisemblances, descendirent dans le peuple dont elles constituèrent tous les souvenirs traditionnels et l’équivalent de la littérature des classes instruites. C’est ainsi que les hymnes amorcèrent les contes de fées, cette monnaie de la mythologie, et dont la ressemblance avec elle s’explique si bien par la communauté des sources originelles.

Cette esquisse succincte des rapports du folklore indo-européen avec les monuments primitifs de la religion de nos pères rendra facile maintenant l’identification des principales figures typiques des contes qui s’y rattachent avec leurs antécédents liturgiques, c’est-à-dire avec les éléments et les phénomènes du sacrifice que les hymnes ont commencé à personnifier. Les fées (fat-va, celle qui parle, qui révèle ; cf. fatum, le destin considéré comme la révélation de l’avenir, -fans dans infans, celui qui ne parle pas, fa-ri, parler, etc.) qui résident auprès des fontaines sont les sœurs des nymphes, fatidiques comme elles, et qui, comme elles aussi, sont les habitantes des eaux. Les unes et les autres symbolisent les liqueurs du sacrifice et les crépitements prophétiques qu’elles font entendre quand elles se transforment en flammes sacrées.

Le magicien (dont le radical est apparenté à celui de stratagème et de ce qui instrumente, machine, édifie, construit) est, dans les contes qui nous occupent, l’équivalent ou le substitut du déva (ou dieu) des hymnes védiques. À l’instar des dévas, les magiciens développent, à l’aide de leur baguette d’or (figure du feu sacré), toutes les merveilles qu’il leur plaît d’évoquer. Dans la mythologie grecque, le prototype par excellence du magicien des traditions populaires est Héphaistos (dieu du feu, des forges et des volcans), l’artisan sans pareil qui fabrique toutes les choses admirables ou merveilleuses dont les dieux ont besoin. Le même rôle est rempli dans les hymnes védiques soit par Tvastar (le fabricant), soit par le déva Varuna. Du reste, c’est comme magiciens suprêmes que, dans l’une et l’autre mythologie, les dieux sont considérés comme les créateurs du ciel et de la terre, images primitives du sacrifice dont ils sont les inventeurs.

Les ogres (latin Orcus, l’enfer personnifié ; cf. Hadès qui, dans la mythologie grecque, désigne à la fois l’enfer et le dieu des enfers) correspondent traits pour traits aux Raksas ou Raksasas des Védas (la racine est peut-être la même), les reteneurs ou les empêcheurs (du sacrifice). Ogres et Raksasas (dans la mythologie postérieure de l’Inde) sont des êtres horribles, aux formes monstrueuses, qui se nour rissent de chair humaine, voyagent la huit (dans l’obscurité des sacrifices non allumés), et que le hé- ros qui personnifie le feu sacré triomphant des obstacles, est prédestiné à tuer au moment de sa radieuse expansion sur l’autel.

Le rapprochement de tous les détails des contes de fées qui coïncident avec les données de la mythologie des nations d’origine indo-européenne, prise à leur source dans les hymnes védiques, demanderait un volume. Ceux que nous venons d’indiquer sont assez caractéristiques, à mon avis, pour dispenser d’une comparaison plus étendue ; ils suffisent du moins pour permettre/ de localiser avec certitude dans le domaine indo-européen l’ensemble de ces contes, surtout si au parallèle général qui précède nous ajoutons l’examen analytique, d’après la même méthode, d’un conte particulier choisi parmi les plus répandus de la série dont il s’agit, soit le Petit Poucet. Ce récit célèbre nous est connu par deux versions principales assez différentes l’une de l’autre, dont la première est celle de Perrault, tandis que la seconde, dont les variantes sont innombrables, a été l’objet d’un remarquable travail de Gaston Paris, qui a paru d’abord dans les Mémoires de la Société de linguistique de Paris.

Extrait de Revue de philologie française et provençale : recueil trimestriel consacré à l’étude des langues, dialectes et patois de France, 1893.

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Analyse des sentiments humains au travers des contes de Fées

Posté par francesca7 le 30 décembre 2015

 
Les Fées !

Lorsqu’on prononce ces mots merveilleux devant les petits enfants, ils évoquent les belles dames des contes. La marraine de Cendrillon à la baguette magique, celle de Peau d’âne, celles qui se penchèrent sur le berceau de la Belle-au-bois-dormant, d’autres encore, belles et bonnes, parfois laides et méchantes. Tour d’horizon de celles, nombreuses et insaisissables, qui hantèrent l’Angoumois et la Saintonge…

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Les contes dont les fées sont l’objet constituent une concrétisation vraie dans l’analyse des éternels sentiments humains. En un mot, c’est en soi l’expression imagée de l’action du Bien et du Mal. Le célèbre folkloriste Paul-Yves Sébillot écrit : « Les théologiens du Moyen Age admettaient l’existence des fées, et beaucoup de gens, jusqu’à la fin du XIXe siècle, affirmaient en avoir vues. » Il prétend qu’elles étaient la survivance des druidesses. L’écrivain Jacques Collin de Plancy mort en 1881, est plus catégorique dans son Dictionnaire infernal : « Nos fées ou fades (fatidicae) sont assurément les druidesses de nos pères ».

Quelle que soit leur origine ces créations légendaires semblent liées au folklore préhistorique et mégalithique. Chez nous, comme en d’autres lieux, elles gardent des trésors enfouis dans des cavernes ou sous des mégalithes. « Les fées sont au nombre de trois comme les mères, les parques, etc. ; on les dépeint souvent comme ces dernières, tenant le fuseau et la quenouille, d’où leur est venu le nom de filandières, parmi le peuple de Saintonge ; elles sont vieilles comme elles, et jettent aussi des sorts ; on leur donne le nom de bonnes, mais on le donnait également aux Euménides ; ne serait-ce pas dans le même sens, et, peut-être pour les désarmer et se les rendre favorables, ainsi que l’on flatte les tyrans et les mauvais princes », écrit l’archéologue Jean Chaudruc de Crazannes (1782-1862) dans ses Antiquités de la ville de Saintes et du département de la Charente-Inférieure.

Elles sortent surtout la nuit et s’évanouissent, souvent, aux premières lueurs de l’aube. Parfois elles recherchent, telle la Mélusine, l’amour des hommes. Des fonts qu’elles hantèrent portent les noms de Dames, de Demoiselles, de Vierges ou de Saintes. Leurs eaux ont des pouvoirs bénéfiques. Elles continuent à être l’objet d’un culte. Mais elles, les « Bonnes-Dames », ne quittent plus leurs demeures souterraines. L’âme paysanne garde innés le respect et la crainte des premiers âges de l’humanité envers ses divinités, mais l’influence du christianisme qui condamne comme sataniques toutes les manifestations des anciens cultes les fait considérer, parfois, comme maléfiques d’où la confusion des fées avec les sorcières, ou même, avec de simples revenants et les noms méprisants donnés à quelques-unes d’entre elles.

Au sein du Bulletin de la Société de mythologie française, Aurore Lamontellerie écrit en 1957 : « Après la christianisation les divinités païennes ont côtoyé dans l’âme populaire la Vierge-mère et les Saintes. On les a appelées Dames, Fées ou Fades, ce dernier terme en usage en Saintonge qui fut pays de langue d’oc. Nos fées et nos saintes, filles ennemies d’une même mère, selon le mot de Jullian, sont comme elle créatrices, protectrices des vivants et des morts, liées aux pierres, aux astres, à l’eau, aux éminences, à la végétation. Tous caractères reçus des religions anciennes ». Rappelons que l’épigraphiste et historien Camille Jullian, créateur de la chaire des Antiquités nationales au Collège de France, écrivait aussi, dans son Histoire de la Gaule : « Les Gaulois confiaient plus volontiers leur vie de chaque jour à des déesses qu’à des dieux, à des fées qu’à des lutins ». Rien d’étonnant que leur croyance se soit maintenue dans l’imagination populaire.

En Saintonge, nous apprend encore Chaudruc de Crazannes, « les bonnes gens de village les ont vues souvent filant leur quenouille et vêtues de robes d’une éclatante blancheur, particulièrement sur les bords de la Charente, près des grottes de La Roche-Courbon, de Saint-Savinien, des Arciveaux, etc. » Et, nous ajouterons : à Bagnolet, au pays de Cognac, où une méchante fée mécontente des bateliers qui refusaient de lui payer tribut détacha de la falaise située au confluent du Solençon et de la Charente le « Gros Roc » qu’elle se proposait de jeter à la rivière en un endroit où il aurait bloqué la navigation ; mais une bonne fée sauva les bateliers de la ruine. Avec ses ciseaux d’or elle trancha les galons du tablier dans lequel allait être transporté le rocher qui tomba sur le sol là où on le voit aujourd’hui. Furieuse la méchante fée se précipita dans la rivière où elle se noya.

A Saint-Simeux dans l’île d’Alliège où les femmes allaient demander leur délivrance aux fées, avant de la demander à Notre-Dame d’Alliège. A Chebrac où dans les coteaux boisés on trouve la « grotte des Fées ». Dans les prés de Villognon au « creux des Fades ». A Fontenille où non loin des lieux dits « La croix de la Dame » et « Les croix des Dames » l’on trouve « Le roc des Fades » et « Les Perrottes », deux beaux dolmens celtiques au sujet desquels on contait de curieuses légendes dans lesquelles les fées jouaient un grand rôle. Dans les prairies d’Aunac et de Bayers à la « grotte du Cluzeau » dite aussi « Trou des fadets » où se réfugiaient les fées malignes qui venaient rendre visite aux lavandières attardées l’hiver aux nombreuses fontaines qui coulent des coteaux, rapporte Favraud lors du Congrès préhistorique de France en 1912.

Ces habitants surnaturels ne sont que d’anciens génies topiques dépossédés du culte qu’on leur rendait naguère, affirme Auguste-François Lièvre dans Restes du culte des divinités topiques dans la Charente en 1882. On les retrouve plus en amont à Ambernac, dans la vallée de la Tardoire, à Montbron, à Vilhonneur à la « grotte des fadets », dans la vallée du Né, au « gouffre de la combe des Demoiselles » dans celle du Bandiat. Les fées erraient à Saint-Cybardeaux près des ruines romaines du bois des Bouchauds surnommées « Le château des Fées ».

Elles hantaient la forêt de Braconne où elles habitaient le « Trou Dufaix » (Dus Fées), véritable caverne souterraine comprenant plusieurs chambres et d’où, le matin, on voyait fumer un petit orifice ; c’étaient les fées qui faisaient du feu. Elles, les Dames mystérieuses, on les apercevait rarement. Pourtant elles sortaient par les nuits claires, se répandaient sous les grands chênes, dans leur robe de rayons de lune. Elles dansaient des rondes, des farandoles, mais n’aimaient pas être vues. Elles étaient belles, avaient de longs cheveux, portaient des diadèmes de perles. Mais si elles se fussent aperçues que vous les eussiez vues elles vous auraient entraînés avec elles et plus jamais vous n’auriez revu la lumière.

Elles fréquentaient les bois de Quatre-Vaux, de Bel-Air, les forêts de Ruffec, d’Horte, celle de la Boixe où les dolmens les « Pierres des Fades » les abritaient. Non loin de Pougné, près de Nanteuil-en-Vallée, les fées des environs se réunissaient à « La grotte des Fades » pour préparer leurs poisons. Leur supérieure avait une longue baguette d’ivoire, avec laquelle elle commandait à l’Argent-Or (un ruisseau local), ou de se répandre sur les prés, ou de tarir immédiatement. À 500 mètres de Pougné, sur la route de Nanteuil-en-Vallée, se trouve une autre « Grotte des Fades », où les Fées donnaient leurs festins, rapporte encore Favraud.

À Saint-Gourson, près du village de Puyrifaud, sur le flanc d’un petit coteau appelé l’Essart, incliné du Nord au Sud, se trouvent quelques blocs calcaires, qui laissent entre eux d’étroites ouvertures, connues sous le nom de « Trou des Fades ». Suivant les légendes locales, les Fades en gardent l’entrée et retiennent à de merveilleuses profondeurs un peuple de sauvages, condamnés à forger sans relâche des métaux éternellement résistants, et à ne quitter des ateliers ténébreux qu’une seule fois chaque année, par une nuit sombre de l’hiver, au bruit des mugissements du vent et de la pluie.

Si certains dolmens, menhirs et tumulus étaient demeures de fées, il ne faut pas oublier les fontaines. Il faudrait, écrit le Dr Bachelier en 1959 dans le Bulletin de la Société de mythologie française, citer les légendes qui entourent les fontaines pour en comprendre la signification profonde : « Vierges trouvées, Vierges fécondes ou Vierges de la délivrance, très souvent confondues, Vierges récalcitrantes. Tous les thèmes qui nous rappellent l’antique sacralisation des sources s’y retrouvent. Bien avant le christianisme la Vierge-mère immaculée était vénérée près des fontaines où se miraient les fées et ce sont encore les fées que l’on vénère souvent sous le nom de la Vierge-mère. »

Fées des fontaines ou Vierges, c’est tout un. A quelques kilomètres de Sers, à deux mètres de la chapelle de l’ancien ermitage connu sous le vocable de Notre-Dame, une fontaine sourd. Elle a la propriété de procurer du lait aux nourrices stériles et de guérir les enfants malades. On s’y rend pour obtenir de la pluie, affirme Favraud en 1898 dans Fontaines religieuses. A Birac, au pied de l’église consacrée à Notre-Dame des Combes, naît aussi une fontaine « La font des Putes » dont l’eau guérissait les plaies. Celle de la « Fontaine de la Vierge » à Laplaud, Aubeterre, guérissait des crampes et celle de « La font des Demoiselles » à Montigné, conjurait le mauvais oeil. Celle de « la Font des Dames » à Roussines guérissait de la migraine et celle de la font du même nom, à Touzac, l’épilepsie. Celle de « la Fontaine des Fées » à Saint-Yrieix guérissait le mal caduc et celle de « la Font des Demoiselles » d’Aussac, le goître, rapporte L. Bertrand dans le Bulletin de la Charente en 1947.

Lièvre avait déjà signalé quelques-unes de ces fontaines avec « la Font de la Dame » dans Rouzède, « la Font des Dames » dans Torsac, « la Font Put » dans Loubert, « la Font Putée » dans Brie de Chalais et « la Font des Putes » dans Voulgézac, lesquelles, dit-il, sont vraisemblablement autant de sources vénérées que leurs génies féminins, maudits, ont continué à hanter au Moyen Age.

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De nombreux lieux-dits de la contrée semblent attester l’apparition de ces êtres mythologiques. Considérons-les cependant avec circonspection car le « moulin des Dames » et le « bois des Dames » à Angoulême auraient appartenu à des personnes bien vivantes quoique retirées du monde, les religieuses de Saint-Ausone. Cependant, un autre « bois des Dames », à Ronsenac, où existe un dolmen, semble propre à être retenu. Peut-être aussi ceux de Combiers, de Lamérac, de Cognac. Les « champs des Dames » à Aussac. Le « champ des Dames » à Sireuil.

Que faut-il penser du « jardin des Dames » de Cognac, de la « Rivière des Dames » à Sainte-Sévère, de la « combe des Dames » à Asnières, de celles situées à Chateaubernard, à Couture ? Des « coteaux des Dames » à Torsac, de « l’île des Dames » à Cognac ? Du « plantier des Dames » à Champniers, du « buisson des Dames » à Saint-Séverin, de « l’enclos des Dames » à Villebois-la-Valette, des « Prés des Dames » à Saint-Mary, de la « pointe des Dames » à Jurignac et de la « pointe des Demoiselles » à Condéon, du « champ des Demoiselles » à La Chèvrerie, à Réparsac, à Saint-Angeau, à Saint-Ciers ?

Le « champ de la vieille » à Saint-Amand-de-Bonnieure pourrait être, écrit Aurore Lamontellerie, celui où l’on vit apparaître une vieille méchante fée analogue à celle des puits dont on menaçait les enfants. On relève plus sûrement : « le creux des Fadets » à Moutonneau, la « croix des Fadets » à Mainxe, les « Pierres Fades » à Lessac, « La Faderie » au Bouchage. Des lieux-dits : bois Marie, rivière de Marie, chemin de Sainte-Marie, à Saint-Aulaye-la-Chapelle-Conzac, Longré, Souvigné, on ne sait que trop penser. Il y a aussi celui appelé « Les Vierges de la font » à Dirac.

Il est difficile de classer les Fées par ordre d’importance. Tant de choses échappent à notre esprit d’hommes et de femmes du XXe siècle qui se veulent et se croient affranchis de ces croyances. On ne connaît plus leurs noms. Si l’on connaît la puissante Mélusine, la fée Braconne citée par Henry Pannéel dans ses Contes et légendes des Charentes (1946) qui dut connaître une certaine notoriété : « C’était une très belle dame vêtue comme une reine ». Elle se présente en ces termes à un brave paysan des Bassats : « Je suis la fée Braconne, qui règne sur cette forêt ». Elle était bonne et désireuse de réparer le mal causé par les mauvais génies, hélas nombreux. La fée du coteau de Magnerit, sur le territoire d’Aunac, qui apparut vers 1641 par un jour de Noël froid mais sec et ensoleillé, aux deux enfants de Jean-François de Volluyres, seigneur de Mortagne, au « creux des Fades », sa demeure, qu’elle partageait avec de nombreuses autres fées, à l’intérieur orné de rideaux de nuages bleu argent et de mosaïques roses. Avec sa robe rouge pailletée d’or, à la main une baguette magique, plus belle que le jour et dont la vie se passait à réparer le mal que faisaient les méchants et à avertir les hommes des dangers qui les menaçaient.

Une autre bonne fée c’était celle que l’on surnomma « la fée aux monghettes » et dont l’histoire fut contée par Marcelle Nadaud. Toutes les autres sont restées anonymes. On nous dit que les unes étaient belles, majestueuses. Que d’autres, les Fadettes, n’étaient que de petits êtres légers. Ce pouvaient être aussi les épouses des Fadets. Toutes les fées ne furent pas belles. Certaines étaient même très laides si l’on en croit le récit intitulé « Les Fadets » que rapporte dans Vieilles choses d’Angoumois Mathilde Mir en 1947, professeur de lettres. Les fées avaient souvent des occupations d’humbles mortelles. Elles faisaient le ménage de leur demeure et leur cuisine.

Cependant tout ce que contient de poésie le coeur humain a embelli leur domaine. Il y eut les filandières et les tisseuses qui tissaient gaze et dentelles fines, les lavandières qui lavaient si blanc, celles qui guérissaient aux fontaines, celles qui bâtissaient. On retrouve ces dernières dans les légendes se rapportant à la construction des dolmens. Mais, comme aux berges des fontaines, elles sont devenues Vierges ou Saintes.

Le dolmen de « La Pierre Blanche » entre le bourg de Bessé, Tusson et Charmé, au delà des grands bois de Bessé, aurait, disaient les grands-mères, été édifié, il y a bien longtemps, par la bonne Vierge qui descendit du ciel cette grosse pierre sur la tête, les plus petites dans son tablier de mousseline et qui la déposa en ce lieu. Autrefois une chandelle y brûlait toute la nuit. Un veau d’or est caché dessous rapportait Jacques Duquerroy, cultivateur, qui le tenait de sa grand-mère, née en 1810. C’est encore la Sainte-Vierge qui apporta l’énorme table du dolmen de Saint-Fort-sur-le-Né, sur sa tête, portant en même temps les quatre piliers dans son tablier, mais elle en laissa tomber un dans la mare de Saint-Fort en traversant le Né. En conséquence il n’en reste plus que trois. C’est encore elle qui aurait élevé le dolmen qui se trouve près du Pont des Bons Enfants au point où le ruisseau de la Font-du-Pouzon se jette dans le Né. Apportant la table sur sa tête et les piliers dans son tablier, elle en laissa tomber un au bord du Né en traversant cette rivière. C’est sur cette table que la Vierge vient repasser sa coiffe.

Parmi les fées on trouve encore celles qui exauçaient les souhaits, celles qui gardaient les trésors, celles aussi qui donnaient les maux et jetaient de mauvais sorts, celles qui les conjuraient. Au domaine de chez Vinaigre, en Ronsenac, on pouvait recueillir au XIXe siècle cette jolie légende :

A la venue du Christ, les Fées, dont le règne était fini, demandèrent une grâce au Seigneur avant de mourir. Dieu leur promit que leur dernier souhait serait accompli. « Nous désirons, dirent-elles, que nos dépouilles reposent sous des tombes de diamant ». Ainsi fut fait. Mais, comme la cupidité humaine alléchée par cette précieuse matière venait profaner ces sépultures, Dieu changea les tombes de diamant en pierre. Ce sont les menhirs et les dolmens.

Le temps a passé, les lourdes tables des dolmens sont grises et gris leurs piliers. Légende chrétienne, légende païenne on ne sait plus laquelle est la plus belle. Les fées ont toutes disparu. Partout on les cherche en vain. On ne les voit plus, seul leur souvenir persiste, tenace, aux abords de leurs demeures. Les pierres et les bois demeurent, les eaux reflètent toujours le ciel, mais les légendes, hélas, ne fleurissent plus. Qui rendra la vie à ces étranges apparitions, à ces créatures de rêve qui peuplaient nos clairières et nos combes profondes, qui dispensaient beauté, fortune, charme, magie, bien et mal, vie et mort ?

(D’après « Bulletin de la Société d’études folkloriques
du Centre-Ouest », paru en 1965)

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Ce que la Bataille Magique de Bretagne peut nous apprendre aujourd’hui : Sorciers et Mages de France

Posté par francesca7 le 27 décembre 2015

 

1 LutinContrairement aux attaques de Charlie Hebdo, cette fois, pour les attaques de Paris, je suis restée silencieuse (ou presque), incapable de dire, d’écrire quoi que ce soit qui me semble approprié, juste, ou sur lequel je ne changerais éventuellement pas d’avis par la suite. Je suis passée par toutes les émotions, et c’est normal quand l’actualité est encore chaude bouillante, quand on est dans le choc et la stupeur. J’ai vu différentes personnes en appeler aux armes ou à l’amour inconditionnel ; je ne me sentais ni de l’un, ni de l’autre. J’avais envie d’écrabouiller DAECH comme un écrase un moustique qui nous tourne depuis trop longtemps autour et qui finit par nous piquer alors que jusque là, on se défendait de tuer. J’avais envie de prier pour les victimes et leurs proches. J’avais besoin de trouver un moyen de mettre à l’abri mes proches, ceux qui sont dans la ré- gion parisienne et qui sont bien plus exposés que moi. Tous les jours depuis cette attaque, il ne s’est pas passé un matin sans que je me réveille en me demandant si aucune nouvelle attaque n’aurait été sur la route de ces proches qui se rendent à leur travail. On répète qu’il ne faut pas avoir peur, mais on sait tous qu’on a aussi besoin de faire ce pied de nez pour continuer à vivre en dépit des risques qu’on connaît désormais tous et qui planent, comme nous le rappellent chaque jour les informations de tous les médias, et qu’on ne peut pas éviter. Et je sais aussi qu’avec un peu de chance, avec du temps, on retournera tous à nos occupations habituelles et on laissera cette peur s’évaporer, sans oublier pour autant. Parce que c’est ça, la vie. Elle finit toujours par reprendre ses droits sur la peur et la mort.

Plongée dans mon propre silence et dans mon intériorité, j’ai été amenée à repenser aux raisons qui m’ont conduite à prendre la route de la magie et de la sorcellerie, et pas une autre. Alors que certains suivent avant tout une quête du pouvoir, pour moi, parmi ces raisons, il y a à la base | le refus de l’impuissance. A mon sens, c’est très différent. Je me suis rendue compte combien le poids de la transmission familiale était grande aussi, puisque dans ma famille, ça a toujours été aux femmes qu’incombait la protection spirituelle, quasi magique, de l’ensemble des membres de la famille. Je pense que les hommes ont aussi prié, bien entendu, mais les plus engagées ont toujours été les femmes, surtout côté maternel. J’ai grandi dans les jupes de ma grand mère qui ne cessait de parler de ses prières aux saints pour nous protéger tous, ma mère a suivi le même chemin. Elles ont été des guerrières spirituelles infatigables, malgré tous les revers de la vie. Ma grand mère n’est plus, mais ma mère continue. Et moi, je comprends aujourd’hui à quel point j’ai intériorisé cette «tradition».

Je me rappelle comment, à certains moments, ma mère et moi avons agi de concert, chacune avec ses «armes», et bien qu’elle soit catholique pratiquante, elle m’a alors toujours soutenue et même, m’a encouragée. Il y a de la solidarité inconditionnelle qui dépasse toutes les croyances dans ces moments de lutte pour protéger ce qui nous est le plus cher. La pleine lune approche, et nous avions déjà pré- vu de nous réunir pour un rituel en coven. Au programme, ce sera protection pour nos proches et pour nous-mêmes, mais aussi de la guérison. Cependant, ce sera réalisé séparément pour bien rester concentré sur chacune des intentions. Cette pleine lune, c’est un peu la pleine lune des mesures d’urgence, et dont les objectifs seront restreints pour la plupart à l’instinct égoïste de préservation des siens.

Oui, mais une fois les devoirs qu’on doit à nos familles et nos proches rendus, je sais que moi, je ne pourrai m’arrêter là. Ce matin, alors que je laissais mes pensées vagabonder, le souvenir d’un épisode de l’Histoire a d’un coup émergé. Soudain, je me suis rappelée de cet épisode quasi anecdotique de la seconde guerre mondiale et qui est resté connu sous le nom de «The Magical Battle of Britain». Alors que les nazis gagnaient inexorablement du terrain en Europe, et qu’ils bombardaient massivement Londres pour obliger l’Angleterre à capituler, tout le monde s’attendait à les voir vaincre et envahir la Grande-Bretagne. Or, comme on le sait tous (j’espère), ça ne s’est jamais produit.

Des raisons très diverses ont été avancées pour expliquer cela, notamment bien entendu les choix stratégiques d’Hitler. Certains avancèrent que peut-être, cet échec pouvait être aussi lié à une autre cause, beaucoup plus … occulte. En effet, en 1939, l’occultiste et magicienne Dion Fortune, à la tête de sa Fraternity of Inner Light, avait appelé divers occultistes anglais de son temps (il y eut notamment Aleister Crowley et Gerald Gardner qui participèrent, et bien d’autres moins cé- lèbres) à participer à un «combat» magique destiné à empêcher l’invasion de la Grande-Bretagne et à affaiblir les nazis. Immédiatement après la déclaration de guerre de l’Angleterre en 1939, Dion Fortune commença une série de lettres régulières aux membres de son ordre magique, la Fraternity of Inner Light, qui se retrouvaient dans l’incapacité de tenir des réunions à cause des restrictions de déplacements mises en place en ce temps de guerre.

Alors que les avions ennemis grondaient dans le ciel, elle organisa une série de visualisations pour planter « les germes d’idées dans l’esprit collectif de la population », des visions archétypales pour invoquer la protection angélique et pour rehausser la morale britannique alors qu’ils étaient sous le feu de l’ennemi. « La guerre devait être combattue et gagnée sur le plan physique avant qu’une manifestation physique puisse être donnée aux idéaux archétypaux », écrivit-elle. « Ce qui a été semé poussera et portera des fruits ». Alors que la guerre se poursuivait, cela fut consolidé avec d’autres travaux destinés au renouvellement des accords nationaux et internationaux. Pour la première fois, les portes de la Fraternité furent ouvertes à quiconque voulait se joindre et apprendre les méthodes de travail ésotérique par influence de l’esprit, auparavant gardées secrètes. Avec un optimisme inébranlable, elle guida la fraternité à travers les jours sombres du Blitz de Londres, continuant d’envoyer ses lettres hebdomadaires même lorsque les bombes s’abattirent sur le toit de sa propre maison.

Extrait de l’introduction de The magical Battle of Britain, à partir des lettres de Dion Fortune, éditées par Gareth Knight. Sans aller jusqu’à dire que l’échec des nazis serait dû à cette entreprise, bien entendu, on ne peut écarter la contribution de cette influence. L’article sobrement intitulé «The Magical Battle of Great Britain», providentiellement publié récemment et également republié par le site patheos.com, présente notamment les méthodes d’action employées :

Une méthode pour contrer leur folie Méditons sur les Présences angéliques, habillées de robes rouges et armées, patrouillant de long en large de notre pays. Visualisez la carte de la Grande-Bretagne, et voyez ces grandes Présences se mouvoir telle une vaste forme obscure le long des côtes, et de haut en bas, du nord vers le sud, et d’est en ouest, gardant et protégeant le territoire de sorte qu’aucune chose venant de l’étranger ne puisse avancer sans avoir été remarqué. Extrait de The Magical Battle of Britain de Dion Fortune Les actes magiques de Dion Fortune fonctionnaient sur la base de plusieurs théories solides :

- Elle croyait que des ritualistes entraînés pouvaient combiner leurs efforts pour influencer la Volonté collective du peuple anglais, et non pas un individu seul.

- Elle utilisait des esprits facilement reconnaissables et fondés sur sa culture, ainsi que des égrégores dont la signification serait comprise intuitivement par des milliers de personnes.

- Elle se tourna vers des esprits et des égrégores qui étaient déjà associés au but pour lesquelles ils avaient été appelés.

- Elle créa des actes de magie simples qui puissent être facilement imités et réalisés par un grand nombre d’individus dispersés dans de nombreux endroits.

– Elle faisait un Travail sur une cause qui préoccupait des milliers de personnes.

 «L’analyse que l’auteur de cet article fait non seulement de la contribution de Dion Fortune, mais aussi du système d’action magique dans le cadre d’une lutte défensive, est très juste. Réaliser des rituels collectifs n’est depuis lors pas rare, et des exemples tous récents peuvent être cités avec les initiatives de la Ligue Wiccane Eclectique pour la paix en Syrie puis pour les attaques de Paris. Mais compte tenu de la situation actuelle, il apparaît que les initiatives ne peuvent se limiter à des rituels ponctuels.

Tous ceux qui voudraient contribuer à la protection de la France (et de l’Europe) contre DAESH et le terrorisme pourraient s’inspirer des techniques de Dion Fortune. Les moins avancés peuvent contribuer par des prières et des intentions, mais les plus avancés pourraient, eux, suivre les pas de Dion Fortune, en fonction de leurs propres pratiques et systèmes spirituels. Je parle ici de protection de la France et de l’Europe, comme «niveau n°2» après la protection de sa famille et de ses proches. Cicéron (Des Lois, II) déjà avait noté que les êtres humains s’organisent de manière naturelle autour d’une vision multiscalaire de la «patrie» (je reprends ici sa propre expression), vision que Napoléon lui-même avait reprise et qui connut ses heures de gloire au XIXe siècle. Le premier niveau est la famille et les proches, le deuxième niveau est le pays dans lequel on vit (qui peut s’étendre facilement à l’Europe de nos jours).

eau et femmesUn troisième niveau a émergé avec la mise en relation du monde globalisé. Il n’est bien entendu pas question ici de faire l’apologie du nationalisme en dépit d’un légitime intérêt pour la «paix dans le monde», ou la reconnaissance que tout individu a le même droit de vivre et d’être protégé. Les victimes de Paris ne sont pas moins tragiques que celles du Liban ou d’ailleurs. Seulement, il s’agit simplement de reconnaître un principe simple de la magie, voulant que moins on est précis dans le but défini, et plus l’action sera diluée, et moins les chances de réussite seront grandes. De sorte qu’agir globalement pour «la paix dans le monde», ou «la paix partout où DAECH est une menace» manquerait purement et simplement de point central pour fixer son esprit, qui se perdrait dans l’immensité de ce que cela représente. Dion Fortune ne s’y est pas trompée en se concentrant sur son propre pays. Je me suis rendue compte ces derniers jours que quelque part, il y a comme un malaise à l’idée de vouloir «égoïstement» protéger les siens (famille, pays, Europe), comme si ce serait au détriment de l’esprit humaniste d’équité entre les peuples, voir que cela pourrait cacher des relents puants de nationalisme et d’extrémisme. On est tous tellement et légitimement révulsés par ces mouvements qu’on ose à peine penser qu’on puisse ou doive, pour un temps, se replier un peu pour se protéger, nous, avant les autres. A cela, je dirai qu’il est humain de chercher à protéger ce qui nous est proche, et que cela ne nous empêche en rien, à côté, de mener des actions magiques ou de simples prières dans des directions plus larges.

Seul le pragmatisme magique, et non pas une quelque idéologie nauséabonde, conduit à se restreindre à un espace donné et précis. Maintenant, ceci étant dit, il reste donc à faire. Je suis persuadée que nous sommes nombreux parmi les sorcières, sorciers, mages et magiciennes, en France, en Europe et dans le monde, à pouvoir et vouloir contribuer à cette lutte. Si nous tous, chacun où nous sommes (et pas uniquement en France), étions en mesure de dresser un rempart magique contre le terrorisme extérieur et intérieur, quels effets à terme cela pourrait-il avoir?

Si des sorciers et des mages de France, de Belgique, du Liban, du Moyen-Orient, d’Angleterre, d’Allemagne, d’Afrique, d’Amérique ou d’où que ce soit participaient, qui sait ce que cela pourrait changer? A ma petite échelle, moi, j’apporterai ma contribution. A notre échelle, je ne doute pas qu’en coven, on fera de même. Et vous ?

Retrouvez les articles de Hédéra sur son blog http://discoreloaded.canalblog.com

 

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Le monde des Fées, des Comtes de Bretagne

Posté par francesca7 le 26 décembre 2015

morgane3Morgane, de la lumière à l’ombre

Voilà un moment que je n’avais pas fait d’article sur la matière de Bretagne. Mais j’ai lu sur un autre blog un article consacré à Morgane, et j’ai eu envie de faire de même. Dans le blog en question, l’article était profondément tourné vers les croyances païennes de la rédactrice, et c’est pour ça que j’ai décidé de refaire des recherches. Car Morgane est un des personnages les plus mystérieux de la matière de Bretagne (à mes yeux, seule Viviane est encore plus difficile à déchiffrer) : son ascendance et sa descendance changent selon les récits et les époques, sa personnalité évolue… Seul point stable au fil des siècles : Morgane est une fille d’Avalon.

Comment est-elle passée d’une innocente sœur à la puissante magicienne œuvrant contre Arthur ?

La prêtresse d’Avalon

Car c’est bien là tout le problème avec Morgane : son rôle est un de ceux qui évoluent le plus au fil du temps et des narrateurs. Chez Geoffroy de Monmouth et son Histoire des Rois de Bretagne, elle est la sœur Anne, simplement mentionnée sans précision aucune. Dans sa Vie de Merlin, on parle d’une Morgane, prêtresse de la mystérieuse île d’Avalon, qui viendrait prendre soin d’Arthur mourant. Ce sont bien deux personnages distincts, et pourtant, dès Chrétien de Troyes, dans Yvain et le Chevalier au Lion, elles seront amalgamées pour n’être que Morgane, la demi-sœur d’Arthur, prêtresse d’Avalon. Cette prêtresse est un personnage positif, qui soigne et aide, savante et respectée. Elle aide les chevaliers en détresse, et surtout, à ce moment du cycle, elle reste encore la magicienne qui transporte Arthur mourant après sa défaite contre Mordred à Avalon, pour qu’il y soit, selon la légende, soigné avant de revenir soutenir les Bretons.

L’intrigante

 Le tournant vers la magicienne sombre telle qu’on la connaît aujourd’hui va se faire lorsque le personnage se précisera, principalement dans le Lancelot-Graal, un des plus grands cycles de la matière de Bretagne. Elle y est alors demi-sœur d’Arthur par leur mère, Ygerne, puisqu’elle est la fille du duc de Gorlois, le premier mari d’Ygerne. Lorsque celle-ci sera mariée à Uther et mère d’un deuxième enfant, Arthur, Morgane sera envoyée au couvent. Suivant les versions, c’est là qu’elle découvrirait la magie, dont elle continuera l’apprentissage avec Merlin. Elle sera mariée ensuite contre son gré à Urien, roi des terres du Nord (l’Ecosse ?), qu’elle trompera sans état d’âme. On lui prête des aventures avec de nombreux chevaliers, le plus célèbre d’entre eux étant Accolon. Elle complotera régulièrement contre Arthur, sa femme Guenièvre et ses Chevaliers de la Table Ronde, en cherchant notamment à exposer l’amour adultère entre la reine et Lancelot du Lac. Certaines versions prêtent même à Morgane une relation (très) brève avec ledit Lancelot. Elle est aussi régulièrement la mère de Mordred, celui qui amènera la perte d’Arthur et dont la haine envers le roi est le résultat de l’éducation de sa mère. Morgane, selon cette version, voulait en effet dé- truire Logres, le royaume d’Arthur, de manière bien plus efficace qu’avec Accolon. Certains racontent même que Mordred n’est autre que le fils incestueux de Morgane et d’Arthur, né au cours de rituels païens.

Une magicienne puissante

Cependant, qu’elle soit bonne ou mauvaise, on constate que Morgane reste toujours liée à la magie d’Avalon. Elle est la principale opposante à Guenièvre, qui représente elle les couleurs du christianisme. C’est la présence de Morgane, plus que de Viviane, qui assure la représentation des traditions païennes bretonnes dans le mythe arthurien. Son nom, Morgane la Fée (ou Lefey, en anglais, par assimilation du nom français), lui vient de cette présence permanente de la magie autour d’elle. Femme de la mystérieuse Avalon, est-elle toujours vraiment humaine ? Sa vie sur cette île quasiment introuvable, sa puissance magique, sa capacité à ensorceler les gens, ne sont-elles pas la preuve que Morgane, plus que la demi-sœur du roi, est devenue une créature magique, au même titre que les Dames fées qui peuplent les châteaux isolés et les forêts reculées dans les récits chevaleresques de la même époque ? Dès le 18è siècle, cette ambiguïté va prendre de l’importance, jusqu’à faire de Morgane le symbole d’un certain féminisme, revendiquant de façon romantique (au sens littéraire du terme) son indépendance et sa puissance, diabolisée par les uns pour cette raison, adorée (non, le mot n’est pas trop fort) par les autres.

Morgane aujourd’hui

 danse-de-morganeC’est pour cela qu’aujourd’hui, elle est souvent reprise par les mouvements néo-païens, comme inspiratrice ou comme modèle. Il est intéressant de remarquer que ce modèle n’est pas toujours sombre, et que ses adeptes ne se tournent pas forcément vers la version la plus connue de Morgane. D’autres, au contraire, tirent ce trait encore plus loin, en l’associant avec la Morrigan celtique, présente dans les panthéons irlandais et bretons, déesse de la passion (guerrière comme charnelle). Bref, à partir de cette trame littéraire que je viens de raconter, de nombreuses interprétations sont possibles.

J’aimerais juste mentionner deux de ces interprétations contemporaines : une qui respecte le mythe tardif de la fée mauvaise, et une autre qui nuance cette version.

La première est le personnage de Morgane dans la série anglaise Merlin, commencée en 2008 (c’est donc vraiment tout récent). Elle y est au début un personnage plutôt positif, quoiqu’un peu transparent, mais lorsqu’elle prendra de l’ampleur, elle ré- vèlera sa nature plutôt haineuse. Une autre série concernant le mythe arthurien sortira prochainement, s’appelant Camelot, mais j’ignore encore quel rôle aura Morgane (elle y est cependant pré- sente, jouée par la belle Eva Green). La deuxième est le roman de Marion Zimmer Bradley, les Dames du Lac. Ce récit est centré sur Morgane, et même s’il respecte tous les détails donnés dans le mythe arthurien, on peut y voir la volonté de rétablir une certaine noblesse à cette fée, en montrant qu’elle n’est pas si mauvaise, et qu’elle avait ses raisons d’agir, et que parfois, contrairement aux apparences, la situation échappait complètement à son contrôle. C’est cette version que j’aimerais retenir pour conclure cet article, car elle permet de nuancer le personnage de Morgane, sans lui retirer ses méfaits, mais en montrant aussi qu’elle a fait du bien, ce qui était son rôle, après tout, chez les premiers narrateurs.

Source : Magazine LUNE BLEUE

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Nous sommes Mythes et Légendes

Posté par francesca7 le 25 décembre 2015

 

2 ConteMythes et légendes exercent sur nous un empire ambivalent balançant sur un pendule interne allant de la fascination primale à un agacement devant leur complexité et leur hermétisme. Il est commun de penser les mythes comme une parure d’imaginaire ; voire comme des affabulations naïves support d’une allégorie infantile. La prise en compte des légendes et mythes accolés à des civilisations disparues est un moyen prisé pour comprendre et reconstituer les mœurs, institutions et coutumes d’anciennes peuplades par extrapolation des réalités cultuelle et culturelle accolées à leur mythologie. Dans un sens commun, les mythes et légendes constituent aussi un creuset rempli d’éléments anciens plus ou moins bien identifiés, transmis par une tradition perdue dans les limbes de l’oralité ; relatant les pérégrinations de Dieux et Déesses qui s’aiment, s’enfantent, se combattent, se haïssent et descendent aux enfers pour mieux en revenir.

Néanmoins, cette vision des mythes ne constitue que la surface émergée et profane de l’iceberg car, une fois entraperçu le fil de la pensée, terreau de leurs racines, les mythes déroulent en nous la pelote de notre psyché. Nouveaux compagnons étrangement familiers d’une exploration de notre intimité connectée à l’imaginaire souche de ces contes fabuleux qui parlent à l’enfant qui ne cessera de vivre en nous. Notre siècle déjà entamé par une décennie chaotique semble avoir oublié ses Mythes, ou plutôt, les a refoulés dans le monde flou des fables. Modelée par la prégnance de l’impérium technologique, notre époque demeure inféodée, tant à la science qu’aux certitudes affirmées par les religions révélées du Livre.

Les mots ont été modifiés, le sens s’est égaré dans deux millénaires de rejet de toute divinité « païenne ». Mais lever le voile reste toujours possible et c’est bien là notre propos. Avant toute autre avancée, notons que discourir du mythe ne peut se concevoir sans, en amont, tenter de le définir et le cerner au travers de nombreux auteurs qui lui ont consacré une importante partie de leur œuvre. Si une multiplicité de citations peut de prime abord paraître décousue et aussi déroutante qu’un patchwork à la forme bien peu gestaltienne, n’oublions pas que le mythe ne se donne qu’à ceux et celles qui savent le prendre. Mircea ELIADE nous en propose par exemple une définition éclairante lorsqu’il nous explique que le mythe est « une histoire sacrée ; il relate un événement fabuleux des « commencements »…

Le mythe raconte comment, grâce aux exploits des Êtres surnaturels, une réalité est venue à l’existence ». Nous laisserons ensuite la parole à Annick de SOUZENELLE avec à sa charge la mission de nous exposer en quoi les mythes, fondateurs de toute croyance païenne, sont mis à mal par notre ère emballée où les enfants ont tellement de choses à faire qu’il ne leur reste plus de temps et d’espace pour se faire. « Les mythes sont là, notre patrimoine sacré est immense, mais nous ne savons pas le déchiffrer, nous n’avons jamais vraiment vécu son langage, ou plus exactement nous avons rabaissé son langage au niveau de notre vécu banal au lieu de nous laisser porter par lui aux nouveaux plans de conscience auxquels il nous invite. Ce faisant, le ressentant infantile, nous l’avons éliminé de nos matériaux scientifiques.

Et nous en sommes au point où, la science s’imposant à nous comme seul juste et sécurisant cadre de référence, nous avons éliminé le langage du  mythe du cœur même  de notre vie. Dénutris, assoiffés, ou bien nous courons vers les pays encore capables de nous donner cette nourriture, ce langage, ou bien nous restons inanimés aux pieds de nos propres richesses, incapables de les reconnaître, offerts à toutes les maladies mentales qui ne sont que rachitisme spirituel. Jung peut jeter son cri d’alarme ! Il est, me semble t-il, de la plus grande urgence de redonner au conte, à la légende, au mythe, au rituel, leur place dans notre vie et de les laisser nous informer. C’est là le chemin de la Connaissance.»

L’auteure cite ici JUNG, sans doute en référence à l’intégralité de son œuvre dans laquelle mythologie et symbolisme se tricotent avec la psyché et les archétypes portés par l’inconscient collectif. Une position que ce dernier exprime clairement dans « Ma vie » lorsqu’il nous dit que « parmi les malades dits névrotiques d’aujourd’hui, bon nombre, à des époques plus anciennes, ne seraient pas devenus névrosés, c’est-à-dire n’auraient pas été dissociés en eux-mêmes, s’ils avaient vécu en des temps et dans un milieu où l’homme encore relié par le mythe au monde des ancêtres et par conséquent à la nature vécue et non pas seulement vue du dehors, la désunion avec eux-mêmes leur aurait été épargnée ». JUNG allant même jusqu’à totalement corroborer les affirmations précé- dentes lorsqu’il écrit qu’ « à mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé. L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente, avec ses phénomènes.

Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs  implications symboliques.

Nous sommes Mythes et Légendes dans LEGENDES-SUPERSTITIONS 220px-Reynard-the-fox

Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair de son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques. Les symboles de nos rêves tentent de compenser cette perte énorme. Ils nous révèlent notre nature originelle, ses instincts et sa manière particulière de penser. Malheureusement, ils expriment leur contenu dans le langage de la nature, qui est étrange et incompréhensible pour nous ». Vous l’aurez compris, nous sommes des créatures psychiques intrinsèquement progéniture et vecteurs de propagation du Mythe.

C’est, en effet, un besoin naturel  de raconter des histoires, de dire nos croyances en faisant sens de notre essence divine.

Joseph CAMPBELL décrit la mythologie comme ayant quatre fonctions de base:

• la fonction mystique c’est-à-dire l’expérience et la crainte de l’univers;

 • la fonction cosmologique visant à expliquer la forme et l’image de l’univers;

• la fonction sociologique substrat, soutien et validation d’un certain ordre social;

• la fonction psychologique (pédagogique), appui pour vivre sa vie en toute humanité

SOURCE  : Joseph CAMPBELL https://lunebleuezine.files.wordpress.com

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La Grotte des korrigans

Posté par francesca7 le 22 décembre 2015

 

Image illustrative de l'article Grotte des KorrigansLa grotte des korrigans est un lieu réel : elle fait partie de la vingtaine de grottes dissimulées dans les anfractuosités des rochers, sur la côte du Pouliguen, en Loire-Atlantique. Comportant deux entrées, l’une côté plage et l’autre côté océan, cette grotte n’est accessible qu’à marée basse. Selon les légendes locales, elle cacherait un passage secret jusqu’à la cité médiévale de Guérande. Les korrigans seraient les gardiens de la grotte. Ce conte figure dans un petit ouvrage, paru en 1975 aux éditions des Paludiers, à la Baule, intitulé «Le Bourg de Batz, tradition et actualité», dont l’auteur est Renée Guillemin. Cet éditeur n’existe plus, et l’ouvrage n’a pas été réédité. L’action de cette histoire, qui se situe en partie dans la Grotte des Korrigans sur le territoire du Pouliguen, a pour héros principal un paludier du Bourg-de-Batz, aujourd’hui Batz S/Mer, en Loire-Atlantique.

Ce soir-là, la tempête soufflait si fort et l’eau du ciel tombait avec une telle abondance qu’on aurait pu se croire à la veille d’un cataclysme. Chacun se terrait chez soi, attendant dans l’inquiétude la fin de la tourmente. Chez Pierre Cavalin, dix petits enfants se serraient autour de la table sur laquelle leur maman avait déposé un chaudron plein de bouillie de blé noir; le onzième, tout petit bébé, dormait dans son berceau au pied du lit de ses parents. L’appétit était grand, mais le menu était maigre.

Pierre Cavalin n’avait que peu d’œillets de marais salants et il n’était pas possible de servir sur la table familiale une belle poularde au sel, bien juteuse et dorée, comme cela se faisait chez les riches paludiers du bourg. Sa femme et lui en étaient bien tristes. Un maigre feu de branches mortes ramassées sur la grève éclairait la pièce et les quelques meubles rouges brillaient d’un éclat sombre. Cependant les enfants commençaient joyeusement leur repas, ne remarquant pas, avec l’insouciance de leur âge, que leurs parents s’en privaient. Les coups de boutoir du vent ébranlaient furieusement la grosse porte de bois noir que le paludier avait dû caler pour qu’elle ne s’ouvrît pas.

- Il me semble que l’on frappe à la porte, dit la femme.

- C’est le vent qui veut entrer chez nous… Entre deux rafales, on entendit pourtant quelques petits coups répétés contre l’huis.

- Est-ce possible, un chrétien dehors par ce temps ! Quand Pierre Cavalin ouvrit, le vent s’engouffra avec une telle puissance que la flamme du foyer vacilla. Délaissant leurs écuelles de terre brune, les enfants se précipitèrent autour de leur mère. Apparut alors, s’appuyant sur un bâton, une vieille femme vêtue de haillons, ruisselants de pluie. D’âge, on ne pouvait lui en donner.

KorriganCent ans, peut-être ? Dans son visage raviné, ses yeux imploraient une charité. Plein de pitié pour cette pauvresse errant dans l’obscurité au milieu des éléments déchaînés, Cavalin et sa femme la firent asseoir tout de suite près du foyer dans lequel ils jetèrent quelques sarments bien secs.

La vieille tendit ses mains squelettiques vers le feu et commença à se réchauffer. Une légère vapeur s’éleva de ses vêtements noirâtres. Pendant ce temps, le paludier était allé quérir de la farine dans sa maie, et tandis que sa femme rassurait les enfants, il prépara une pleine écuelle de bouillie pour la vieille pauvresse. Il étendit sur le sol un matelas de varech bien sec pour qu’elle pût se reposer. Le lendemain matin, le temps était clair, le ciel était bleu, et les premiers rayons du soleil répandaient une douce chaleur. La vieille parla alors pour la première fois. – Votre voisin qui a une maie et un charnier bien garnis m’a refusé l’hospitalité hier soir. Vous m’avez recueillie et nourrie. Je suis la reine des korrigans et je veux vous récompenser. Le trésor de mes sujets se trouve dans une grotte de la côte.

Voici une clef que je te donne Cavalin et qui te permettra d’entrer dans la grotte. Voici un anneau magique que tu glisseras à ton doigt et qui te rendra invisible la nuit. Tu pourras prendre tout ce que tu voudras; l’or et les joyaux y sont en abondance. Mais, malheur à toi si tu te trouvais encore dans la grotte au lever du jour ! Cavalin et sa femme étaient remplis d’étonnement, leur geste de charité leur semblait si naturel qu’ils se demandaient s’ils n’avaient pas rêvé. Et pourtant Cavalin avait bien dans sa large main tannée par le sel la grosse clef et un léger anneau doré. Il attendit le soir avec impatience, s’occupant à de menus travaux. Au cours de la soirée les nuages s’étaient amoncelés de nouveau et le soir venu l’obscurité était très opaque.

Cavalin passa par-dessus son sarreau blanc la bretelle d’une grande besace de toile et se dirigea vers la grotte. Au cours de son trajet, l’incrédulité le reprit. Il trouva bien à l’endroit indiqué l’énorme porte qui fermait l’entrée du royaume des korrigans. L’anneau d’or passé au doigt, étreint par l’émotion, il introduisit la grosse clef et la porte tourna silencieusement sur ses gonds. Une lumière qui ne saurait se décrire le frappa à la face et le fit presque défaillir.

Éclairée par plus d’un millier de bougies, la grotte était remplie de tas d’or, de pierres précieuses qui jetaient des feux de toutes les couleurs. Les korrigans s’affairaient dans leur antre, travaillant, ciselant le métal jaune. Invisible, Cavalin emplit sa besace et ses poches le plus qu’il pût et alla cacher son trésor au pied d’un menhir. Il fit ainsi plusieurs voyages, ployant sous la charge. La nuit allait s’achever, déjà les ténèbres commençaient à se dissiper. Mais la tentation était si forte que le paludier crut pouvoir faire encore un dernier chargement. Et pourtant le soleil allait bientôt bondir au-dessus de l’horizon; un peu de rose colorait déjà la crête des vagues.

Une poignée d’or, encore une, encore une, encore… et le soleil darde ses premiers rayons. Cavalin, à cet ultime instant , se trouvait encore dans la grotte, mais son anneau magique avait perdu son pouvoir avec l’apparition de l’aurore. Aussitôt, les korrigans qui avaient tout de suite remarqué sa présence se ruèrent sur lui, et sans qu’il pût esquisser un geste de défense, le traînèrent devant leur roi, assis sur son trône d’or constellé de rubis et de saphirs.

- Cet homme a été pris en train de nous voler; voici la besace qu’il remplissait !

– Enterrez-le sous un tas d’or, c’est le sort qu’il mérite !

A ces mots, Cavalin, glacé par l’effroi, pensa ne jamais revoir sa femme et ses enfants. Pour avoir voulu leur assurer la richesse, il les plongerait par sa mort dans une affreuse misère. Mais une ravissante jeune femme qui siégeait à côté du roi prit la défense du condamné.

- Cet homme n’est pas mauvais. Je demande sa grâce. Qu’il retourne dans son village ! Voici un plat d’étain qui donnera en tous temps une bonne et abondante nourriture à ta famille. Lorsque tu le placeras sur ta table, il se remplira des mets désirés. Mais le trésor que tu as caché au pied du menhir est perdu pour toi. Tu ne le retrouveras jamais ! Cette princesse n’était autre que la pauvresse que Cavalin avait recueillie. Trop heureux de s’en tirer à si bon compte, Cavalin se sauva à toutes jambes, son plat d’étain bien serré sous son bras.

– Quoi ! Un plat d’étain ! Où sont les joyaux et l’or que tu devais rapporter ? s’étonna la femme.

imagesAprès lui avoir narré son aventure et le terrible péril qu’il avait couru, le paludier posa le plat sur la petite table rectangulaire. Les enfants qui avait écouté le récit de leur père souhaitèrent avoir de belles crêpes. Aussitôt une bonne odeur de beurre fondu se répandit et le plat d’étain se remplit d’une pile de belles crêpes bien chaudes et bien dorées. Puis, pour le déjeuner, on demanda une bonne soupe aux choux, avec jambon fumé, saucisses… Tous les jours, le plat se remplissait de mets succulents et copieux, et Pierre Cavalin put élever dignement sa grande famille.

Nul n’a jamais retrouvé le trésor enfoui au pied du menhir. On raconte que la reine des korrigans en fera bénéficier un jour quelqu’un l’ayant mérité. Yann Brekilien propose une autre version intitulée «Le trésor des korrigans» dans ses «Contes et légendes du pays breton», où le héros est un cordonnier, le mégalithe un dolmen, et la pauvresse une «gwrac’h», c’est-à-dire une sorcière en breton, qui va se transformer en un personnage féerique, reine des korrigans, à la fin du récit.

Là encore, en guise de consolation, il est offert au héros qui a manqué sa chance de devenir riche, un plat qui se remplit magiquement de nourriture trois fois dans la journée. Une version de ce conte, un peu différente, a également été publiée par Evelyne Brisou-Pellen, dans son livre «Contes traditionnels de Bretagne», aux éditions Milan. Dans la version adaptée par Jean Muzi sous le titre «L’antre des korrigans», le héros est un chaudronnier. La vieille femme sorcière y est nommée Katel.

SOURCE : https://lunebleuezine.files.wordpress.com

 

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L’Histoire de Iver, le sage

Posté par francesca7 le 22 décembre 2015

IVER le sageNul ne connait son âge.

On dit qu’il parcourt les sentiers de la terre depuis que la verdure existe. Je crois que c’est le faune le plus respecté que je connaisse. L’équivalent d’un sage pour les humains. Ou peut-être d’un fou, ce qui revient au même. On vient le voir avec respect, sans même que les sabots ne bruissent dans le feuillage. Le plus souvent, on s’assied près de lui et on l’observe sans dire un mot. Car lui-même parle peu. Ou alors seulement des langages animaux. Nous le nommons «Iver». Même si lui-même dit qu’il n’a pas de nom.

De nombreux faunes ont des cornes de bélier sur le crâne (comme Urbain). Ou bien de vache (comme moi). Lui a choisi de porter des cornes de cervidé. Des andouillers. Un jour, je lui ai demandé pourquoi. Il m’a regardé très longuement. Puis il a penché sa tête vers moi et ses cornes se sont mêlées aux miennes. Chez nous, c’est un moment très intense. Un acte spirituel d’une rare beauté.

Nos lumières intérieures se précipitent alors au sommet de nos cornes. Elles se mélangent. Elles communient. J’ai fermé les paupières. Et là, soudain, j’ai vu un arbre dans ma tête. Immense. Puis j’ai songé : «C’est vrai, les cervidés portent des branches sur la tête.» Leurs ramures sont des arbrisseaux. Un lien puissant existe entre la tribu verte et eux. D’ailleurs, les cervidés perdent leurs cornes, de la manière dont les arbres perdent leurs feuilles en automne.

Le cycle de la vie se manifeste dans leurs ramures. Iver s’en amuse. Parfois, il perd les siennes aussi. Il reste alors nu tête pendant des semaines et des mois. Parfois, au contraire, il les ramasse et se les renoue dans les cheveux, d’une façon surprenante, inattendue. Il peut même lui arriver de prendre des andouillers trouvés dans la nature. Souvent, il prend alors deux cornes gauches. Ou droites. Et il se les place sur la tête, de sorte qu’une des cornes regarde derrière lui et l’autre devant lui. Ces habitudes étranges lui valent autant sa réputation de vieux fou que de vieux sage. On dit souvent que les faunes ont un rapport privilégié avec le monde animal. Nombreux sont ceux qui veillent sur une espèce en particulier.

D’autres, comme moi, protègent toute la faune d’un jardin, d’une clairière ou d’un bois. Iver, lui, préfère les cervidés. Les chevreuils, les daims, les cerfs, les rennes… Mais ce qu’il aime surtout, ce sont les arbres. Il les connaît et il les aime. Il fait l’amour avec eux. Il se mélange à eux. Il dort en eux. Il a de longs cheveux d’hiver où apparaissent encore les anciennes teintes de sa fourrure. Du blond, du roux, du brun, du noir. Sa chevelure est longue, bouclée.

Elle est blanche également, en de nombreux endroits, témoin de son âge vénérable. Des longues semaines passées à dormir sur la plaine, il ramène des lambeaux moussus, des fragments d’écorce de bouleau. Des rameaux, des feuilles mortes s’y accrochent joyeusement. Il ne les enlève pas, ça non. Il les laisse au contraire se détacher d’eux-mêmes quand bon leur semble. Il dit qu’ainsi, il accueille les cadeaux des arbres dans ses cheveux. Lui-même, souvent, laisse à leurs griffes une touffe épaisse de sa chevelure. Oh oui, il aime les arbres. Il aime les plantes.

Il passe de très longues heures à leur parler. Parfois, nous le voyons, recroquevillé dans les racines d’un hêtre vénérable. Il peut passer de longues semaines ainsi, sans bouger. Laissant son corps fourmiller d’insectes. Totalement immobile. Comme s’il n’était plus de ce monde. Quand nous lui demandons pourquoi il fait cela, il nous répond en souriant : «l’arbre voulait me raconter ses souvenirs». Il a raison. Cela peut être vieux, un arbre. Très vieux même. Il voit beaucoup plus de choses que les humains qui vivent tout près de lui. Il en a des trucs à raconter.

IVERPlus que n’importe quel homme, je vous l’assure. Les historiens ne sont rien à côté des arbres.

Alors, la faune l’écoute.

Il ferme les yeux et se love contre lui, comme un amant. Alors, l’arbre lui caresse le visage ou les cheveux et y laisse quelques feuilles même, parfois. Mais surtout, il lui parle. Dans la langue lente, à la fois sifflante et rocailleuse, qui est celle des arbres. Il lui est arrivé de passer un hiver entier ainsi, couché au pied d’un de ces maîtres de sagesse. Nous avons d’abord cru qu’il était mort. Mais il ne l’était pas.

Iver dormait.

Au printemps, il s’est réveillé avec les premiers bourgeons. Quand nous lui avons demandé ce qu’il lui était arrivé, il nous a répondu : «je voulais savoir ce que les arbres vivent pendant l’hiver». Parfois, nous le voyons, qui écrase des plantes fraîches sur sa peau. Il se met à danser, en extase, et murmure de longues phrases dans un langage étrange, qui nous est totalement inconnu.

Il dit qu’ainsi, il fait l’amour avec la plante. Parfois, encore, il se couche sur la plaine et reste toute une année à recueillir la neige, puis les pétales des fleurs, les graines emportées par le vent, les feuilles mortes. Nous croyons bêtement qu’il est parti en voyage alors qu’il est juste là, couché, à une dizaine de mètres, sans que personne ne l’aperçoive. Puis, soudainement, il se lève en riant et se secoue en dansant comme si de rien n’était. J’aime bien Iver.

C’est mon arbre animal.

Notre père de verdure. C’est mon faune de folie. Mon faune sage. Son visage recouvert d’argile, je le trouve beau. C’est comme ça. Même ses cheveux, je les adore. Ils sont d’une rare beauté. Bien, je vous laisse. Il faut tout de même que je prépare les festivités du début de l’hiver. Bisous cornus à vous.

 Retrouvez les écrits de Fred Lefaune sur http://sentierdesfaunes.canalblog.com

Publié dans FLORE FRANCAISE, LEGENDES-SUPERSTITIONS, LITTERATURE FRANCAISE, POESIE FRANCAISE | Pas de Commentaire »

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