Dans nos campagnes au début du 20ème siècle, aux portes du Morvan (21), tradition obligeait, et encore en 1966, quelques jours avant Noël, depuis fort longtemps, que les enfants de l’école organisent un spectacle composé de saynètes, de chansons et de danses. Cette manifestation rassemblait une bonne partie de la population du village qui venait applaudir avec bienveillance, la génération montante après y être passée elle-même. L’ancienne école de filles désaffectée est transformée pour la circonstance en salle de spectacle. Autrefois cela se passait au presbytère. Les sommes recueillies à cette occasion constituent la recette essentielle de ce qui fut la « caisse de l’école » et que l’on appelle aujourd’hui : la coopérative scolaire. Cette fête est un des points forts de l’animation du village et elle permet de financer, chaque année, une grande partie des clases de découverte (neige, mer ou nature).
Le 24 décembre, la soirée commence par une longue veillée avant la messe de minuit ; pratiquement tout le village se rend à l’église pour célébrer la nativité du Christ autour de la crèche préparée par les enfants et le curé. Pour ceux qui ne fréquentent pas assidûment l’endroit, il paraît qu’une bonne messe de minuit vaut au moins sept messes ordinaires, de quoi voir venir…
De retour à la maison et en guide de réveillon, la famille se partage la bûche de Noël faite de pain d‘épice nappé de chocolat et arrosée d’une bonne « goutte ». pas de cadeaux ; les étrennes sont réservées au jour de l’an. Au début de ce siècle, le Père Noël n’a pas les moyens de visiter tous les foyers, mais il y parviendra petit à petit. Pour le remercier de son passage et pour lui donner du cœur à l’ouvrage, il trouvera sur chaque cheminée, un petit verre de « goutte » que l’on découvre toujours vide le matin de Noël….
La tradition de la bûche de Noël est très ancienne. Avant d’être une pâtisserie, il s’agissait d’une véritable bûche creuse qui contenait, du moins le faisait-on croire aux enfants, des noix, des noisettes entreposée par les petits animaux de la forêt. Quelques-uns s’en souviennent avec émotions…
Sans doute, quelques personnes de ma génération ont vécu ou entendu parler de cette jolie coutume. En ce qui me concerne, je pense que ce doit être le plus lointain de mes Souvenirs. J’avais alors trois ou quatre ans et cela se passait dans les années 1928 ou 1930 nous raconte C. EVRAD.
Cet événement avait lieu pendant la veillée de Noël, mais il était préparé de longue date. En effet, dès la coupe des arbres, les bûches ou les souches qui pouvaient convenir étaient sélectionnées ; assez grosses, bien noueuses, peut-être un peu trouées par les piverts, puis elles étaient rangées dans le bûcher.
Le jour de Noël venu, l’aïeul (en l’occurrence mon grand-père), entouré de tous ses petits enfants, allait choisir la fameuse bûche. Du bout de sa canne, il frappait les unes et les autres et nous, les enfants, tendions des oreilles attentives…
- Sonnait-elle assez clair ?
- Etait-elle de bonne taille ?
- Bien sèche ?
- Les écureuils, les loirs et autres petits rongeurs y avaient-ils bien entassé leurs provisions pour les jours de disette entre hiver et printemps ?
Au bout d’un certain temps, le grand-père trouvait la bûche qui, lui semblait-il, était celle qui rassemblait toutes les qualités requises !
Nous l’apportions alors dans la grande cheminée avec un soin tout particulier, nous la déposions doucement sur le brasier préparé à son intention et alors… Elle dorait sur toutes ses faces et nous la surveillions de très près.
- Est-elle bientôt assez grillée grand-père ?
- Pas encore, prenez patience !
- Je crois que c’est à point grand-père !
- Encore quelques minutes !
Avec le tisonnier, le grand-père grattait, frappait… et tout à coup :
- Sauvez-vous au fond de la pièce, elle va bientôt éclater !
Alors il frappait un grand coup sec et … OH ! merveille ! Des noisettes, des noix, des anis et même quelques papillotes envahissaient la grande salle, et nous autres de courir, de ramasser à plat ventre sous l’armoire, à quatre pattes sous la table le merveilleux butin qui pleuvait à chaque coup de tisonnier.
Pendant que nous remplissions nos mains et nos poches, celles de grand-père plongeaient à nouveau dans la grande poche de sa veste qui était la vraie réserve, non pas des écureuils, mais de l’amour de ce grand-père pour ses petits-enfants et de la joie de Noël.
Bien entendu la bûche finissait de se consumer, après avoir réchauffé nos cœurs, elle réchauffait encore nos petits pieds.