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    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Crêpes et beignets : une histoire

Posté par francesca7 le 15 décembre 2013

 

par

Georges Dubosc

~*~

    Après le mois de décembre et les fêtes de Noël, le mois de février avec les fêtes de la « Chandeleur » et les « Jours gras », est le mois des gâteaux et des friandises traditionnels. C’est le mois des crêpes, des beignets, des gaufres. Dans la graisse qui crépite, écrivait Fulbert-Dumonteil, c’est le pet-de-nonne qui flotte comme un globe d’or ; c’est le beignet joyeux qui se gonfle en parfumant le foyer, c’est la gaufre qui s’épanouit sous les fers retentissants. La crêpe saute, appétissante et légère, dans le poëlon et partout on respire les senteurs de la vanille et de la fleur d’oranger,  mêlées à l’arôme des pommes, taillées en rondelles appétissantes.

    Les crêpes, tout d’abord, sont le mets particulier et consacré de la « Chandeleur ». Les vieux dictons campagnards veulent qu’à cette époque la fortune nous sourie ou nous fasse la nique. Elle nous sourira, pendant l’année, si nous mangeons des crêpes, ce qui n’est pas à dédaigner, par ce temps de « vie chère » ! De plus, la coutume veut que si l’on fait des crêpes, on réserve la part du pauvre, ou qu’on en offre à ses voisins ou à ceux qui n’ont pas eu le loisir de les faire. Bonne leçon de charité gourmande ! On n’est pas étonné après cela que dans le Berry, on appelle la Chandeleur, la fête deNotre-Dame-des Crêpes ou encore, plus savoureusement, La Bonne Dame crêpière.

    Les crêpes, on ne s’en douterait peut être pas, remontent à une très haute antiquité. Les paysans grecs et romains ont mangé des crêpes, un peu comme les paysans bretons d’aujourd’hui se régalent encore souvent de crêpes de farine de sarrazin, de galettes à la poële. Le laganon, qu’ont décrit Athénée et Galien, était une sorte de gâteau plat et mince, fait dans une poële basse, avec une pâte assez liquide, où entraient quelques condiments qu’on retrouve encore à notre époque, du lait, du vin, du miel, du suc de laitue, tout cela jeté dans l’huile, saisi et frit. C’était, somme toute, une friandise campagnarde pour les intérieurs simples, modestes et dédaignée par les tables fastueuses, qui laissaient les lagani aux pauvres gens qui s’en régalaient lors des fêtes. Dans le premier livre de ses Satires, dans la sixième, dédiée à Mécène, Horace parle de ces crêpes latines, comme d’un mets frugal.

 

Inde domum me
Ad porri et ciceris refero laganique catinum

 Crêpes et beignets : une histoire dans Les spécialités 220px-Crepes_dsc07085

    Cette pâte des crêpes devait être assez peu consistante et assez légère. Elle se mangeait quand elle n’était pas trop cuite et croustillante, sans effort, et Celse, dans le traitement des fractures de la mâchoire, la fait succéder aux aliments liquides ordonnés aux malades. Les lagani d’Horace, transformés en ces pâtes qui forment comme de longs rubans, sont, par des transformations diverses, devenus ces lazzagnes, dégustées encore par les Italiens qui se régalent de ce mets populaire.

    Sous le nom latin de Crespellæ, les crêpes beurrées ou sèches, accommodées ou assaisonnées de condiments divers, les crépins, reparaissent, pendant tout le Moyen Age français. Du Cange cite un passage de la Vie de saint Jacques Venetius, où on voit une femme envoyant un serviteur chercher des crêpes d’herbe et de farine, des fritelles, qu’on prépare et fait frire dans l’huile, les jours de fête. On se réunissait alors, en effet, plusieurs compagnons ensemble pour manger quelques douzaines de ces crêpes dorées et appétissantes. Une lettre de rémission de 1399 nous l’apprend en ces termes : « Comme l’exposant eust été à une noce avec plusieurs autres compagnons, lesquels en partirent après avoir été en un crespillon tous ensemble ». Le crépillon, c’est une réunion où l’on mange des crêpes.
    
    Du reste, dès la fin du XIVe siècle, cet usage constant des crêpes se retrouve dans les plus anciens livres de recettes culinaires françaises. Lisez, par exemple, Le Ménagier de Paris, et vous verrez si la recette a beaucoup changé.

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    Prenez de la fleur de farine et détrempez-la d’oeufs, tant moyeux comme aubuns. Ostez le germe et mettez-y sel et du vin et battez longuement ensemble, puis mettez du saindoux sur le feu, en une petite poëlle de fer, ou moitié saindoux ou moitié beurre frais et faites fremier (frire).    Et adonc aïez une escuelle, percée d’un pertuis gros comme petit doigt, et adonc mettez de cette bouillie dedans l’escuelle, en commençant au milieu, et laissez filer tout autour de la paëlle. Faites-la cuire, sauter et retourner. Puis mettez en un plat et de la poudre de sucre dessus. Et que la paëlle dessusdite de fer ou d’airain tienne trois chopines et ait le bord demy doigt de hault et soit aussi large au-dessus comme en bas, ne plus ne moins et pour cause.

 

    Les moyeux, ce sont les jaunes d’oeuf et dans le patois de la vallée d’Yères, on se sert encore du mot moyau, pour désigner la même partie. Les aubuns ce sont des blancs. Le Ménagier donne encore une autre recette pour faire les crêpes, qu’il appelle à la guise de Tournay. C’est à peu près le même mélange, ce qu’on appelait jadis et encore dans la cuisine française, le même appareil. Aux oeufs battus et mélangés, on ajoute de la fleur de froment et surtout un quart de vin tiède. La pâte ne doit être « ni clère ni espoisse » ; on la met dans une écuelle puis on gresse la poële « en tournant ». « Et que l’on batte toujours vostre paste sans cesser pour faire des austres crespes. Et icelle crespe qui est en la paëlle, convient souslever avec une brochette ou une fourchette et tourner ce dessus dessous pour cuire, puis oster, mettre en un plat et commencier à l’autre. Et que l’on mouve et batte la paste sans cesser. »

 

*
**

     Dans Le Viandier de Guillaume Tirel, dit Taillevent, dans le manuscrit de la Bibliothèque du Vatican, publié par Jérôme Pichon et par Georges Vicaire, on trouve aussi des recettes sur la manière de faire les crêpes, ce qui prouve que l’usage en était général à la fin du XIVe siècle. La recette pour les grandes crêpes, faites dans la poële, semble la même que celle du Ménagier de Paris, mais les petites crêpes sont d’une autre forme, tortillées en boucle, comme le sont les gogloff alsaciens. Jugez-en plutôt : 

    Et pour petites crêpes, convient battre moyeulx  (jaunes d’oeuf) et aubuns d’oef  (blanc d’oeuf) et de la fleur parmy, qu’elle soit un peu plus troussant (consistante) que celle des grandes crêpes et qu’on ait petit feu tant que le feu soit chaud et avoir son escuelle de bois percée au fond et y mestre de la pâte. Et puis quand tout est prest, couler ou faire en manière d’une petite boucle, ou plus grande et au travers de la boucle, une manière d’ardillon… 

    Il y avait encore une sorte de crêpe, dont parlent tous les livrets culinaires du Moyen-Age. C’est une sorte de pâtisserie qu’on appelait les pipefarces, et qui consistait en des morceaux de fromage enrobés dans la pâte des crêpettes ou petites crêpes, qu’on jetait dans la friture, avec grand soin pour ne pas les brûler. « Et quant elles sont sèches et jaunettes, les drécier et les crespes avec », ajoute Taillevent, le maître queux du duc de Normandie et sergent de cuisine du roi Charles VI. 

Goyères, tartes et flaonceaux
Pipefarses à grans monceaux.

     En Normandie, les crêpes étaient de tout temps renommés et Ducange le constate « Les paysans de Normandie, dit-il, appellent crêpes, de la farine et des oeufs, frits dans une poële ». Très souvent, du reste, en pays normand, on appelle les crêpes de la Chandeleur ou du Mardi-Gras, des poëlées. Sous la vaste cheminée du logis campagnard, la fermière ou la ménagère, qui a préparé sa pâte bien déliée formée d’oeufs, de bon beurre, parfois de lait, mais sans le vin blanc, figurant dans les recettes du moyen-âge, en le poëlon préalablement graissé avec du beurre ou saindoux, verse en tournant et en commençant par les bords, la pâte de la poêlée. D’un coup habile du poignet sur la queue de la poële, elle fait sauter la crêpe, quand elle est cuite, et la retourne vivement pour être frite de l’autre côté. Tout le monde, en riant, s’essaie à retourner aussi les crêpes : le fermier, les hommes et parfois les enfants, qui la rattrapent à moitié ou laissent retomber dans le feu, la crêpe trop brûlée. Et ce sont des rires moqueurs à chaque maladresse de… celui qui ne sait pas tenir la queue de la poële ! En Normandie, les crêpes étaient d’un usage si fréquent qu’il y avait différentes sortes de poëles et poëlons pour faire sauter les poêlées, les crêpes et les crêpets et les crêpelets. C’était la tuile, la tieulle, une poële très basse et très plate, commode à manier. Chez les Capucins, il arrivait souvent qu’au lieu de sonner la cloche, on frappait sur la tuile pour annoncer le souper. Le Haitier, figurant souvent dans les récits et les contes de Basse-Normandie et la Galletière, à rebords peu élevés, servaient surtout pour faire les galettes, les crêpes de sarrazin et les carêmes-prenants, dénomination amusante des friandises des derniers Jours gras, avant que « le carême prenne ». C’est bien le sens dans lequel Molière et Mme de Sévigné se sont servis de cette locution expressive… 

Image illustrative de l'article Chichi frégi

    Mais chaque Normand, comme le cuisinier que cache Rabelais dans un pâté pour la grande bataille des Andouilles de Pantagruel, n’aurait pas seulement pu s’appeler Crespelet. Il aurait pu aussi s’appeler Buignet ou Buignetet ou Beguinet, car il est aussi très friand des Beignets des Jours gras et du Carnaval. 

    Les  beignets dorés, soufflés, saupoudrés de sucre, croustillants et légers ! Ce n’est pas leur véritable dénomination ancienne. Pendant tout le moyen-âge ce sont des bignets, de notre vieux mot bigne, qui signifie : enflure, tumeur, grosseur, parce que les bignets sont enflés et soufflés. C’est un peu nous dit Ménage dans son Dictionnaire étymologique, le sens de Big en anglais et de beigne dans le vieux patois normand : « Coller une beigne, c’est un peu coller un beignet », mais avec moins d’agrément ! En Picardie, pour la même raison, les bignets s’appelaient souvent des bingues. C’est un mot dont usent les statuts des Boulangers d’Abbeville quand ils disent, « qu’ils doivent faire des bingues en même temps que leur « fournée de pain ». 

    Est-il besoin d’ajouter que jadis les beignets consistaient en une pâte frite, mais enveloppant mille denrées diverses. C’est le Bignet au fromage, dont Joinville, parle à son entrée en Egypte. « Les mets que servirent les Orientaux, dit-il, furent des beignes de fromages, cuites au soleil. C’est le Beignet de moelle de boeuf, une friandise très goûtée du moyen-âge, dont on trouve la recette dans le Ménagier de Paris, dans le Viandier de Taillevent, dans le Cuisinier français de La Varenne, qui en 1769, cite avec les Beignets au fromage, les Beignets de fonds d’artichaud « enveloppés par une pâte de farine, d’oeufs, de sel, de lait, frite dans le saindoux chaud ». La science du maître hôtel vous fera connaître encore bien d’autre sortes de beignets : les Bignettes en marmélade, les bignets de sureau, de vigne tendre et puis maints bignets de fruits, de pêches, de fraises, d’abricots, de pistaches, les Beignets à la Suisse faits avec du gruyère caché dans la pâte. Encore aujourd’hui, le maître de la cuisine moderne, Richardin, dans son Art de bien manger, vous indiquera à côté des beignets d’abricots, de mirabelles, d’oranges, les beignets à la crême glacés, qui consiste en une sorte de crême frite, coupée en losanges et relevée de citron vert ; les beignets de fraises et bien d’autres. Sans compter les beignets à l’oignon, à la carotte, au carton, à la filasse qui sont des attrapes pour…les gourmands. 

    Mais le vrai beignet classique est le Beignet aux pommes. Olivier de Serres le proclame. « La pomme, dit-il, s’accommode très bien de tartelage, beignets et semblables gentillesses de cuisine. » LePâtissier français, publié chez Oudot à Troyes, en 1753, ajoute que quand la pâte élastique est préparée – toujours accompagnée de vin blanc – on doit y jeter les rondelles de pommes. « Vous pouvez y ajouter, dit-il, de la pomme coupée par tranches ou de l’écorce de citron, qui soit coupée et raspée en petits morceaux. Dès qu’ils sont cuits, tirez-les hors de la poële, puis les mettez dans une écuelle, les poudrez de sucre et les arrosez de quelques gouttes d’eau-de-vie ou de fleur d’oranger. » Aujourd’hui, on vous dirait, arrosez d’un peu de bon vieux cognac ou de rhum, et servez chaud ! 

Image illustrative de l'article Oreillette (cuisine)    A Rouen même, les beignets à toutes les époques ont été en grand honneur. On en a la preuve par certaines redevances bizarres, comme celle bien connue de L’Oyson bridé, quand les religieux de Saint-Ouen, devaient, précédés de violoneux, aller offrir deux grands plats remplis de beignets croustillant aux meuniers de la ville du Grand Moulin. Et quand on supprima cette étrange cérémonie, on doubla la redevance qui fut dès lors, de quatre plats de beignets aux pommes ! 

    Au XVIIe siècle, les beignets fumants ne sont pas moins en vogue, aux jours de Carnaval et Hercule Grisel dans ses Fastes de Rouen, bon poète, très vraisemblablement doublé d’un gourmet, en a donné une recette d’une exactitude merveilleuse, où rien n’est oublié, ni la poële, ni la pâte, ni les oeufs, ni la crême, ni le saindoux, ni tous les rites de la préparation. Lisez plutôt ce passage des Fastes du mois de février.

 

In nitida pelvi niveae vim coge farinae ;
Sintque parata tibi plus minus ova decem.

In tritam solos cererem demitte vitellos, 

Et zyto infuso dilue mista simul.

Sparge salem modicum, multique adjunge cremorem

Lactis, ab his fiat liquida massa satis.

Sit focus instructus calida sartagine porci.

Spumet abundanter colliquefactus adeps.

Huc age de massa stillet cochleare parata

Anguineos ductus pone vel orbiculas.

Si facis orbiculos pomorum his integre frusta

Si libet: excoctis aureus esse color.

In patina positis multum super implue succi

Quem tibi de cannis India nigra dedit.

 

    On ne pouvait mieux décrire ces beignets dorés, que Louis XV et la du Barry aimaient à faire eux-mêmes et que le musicien Firmin Bernicat a mis sur la scène, sous le titre des Beignets du Roi, sur un livret qu’Albert Carré, en 1888, avait tiré d’un vieux vaudeville de Benjamin Antier. 

    A ce propos, quelle jolie estampe que Les beignets, gravée par de Launay, où Fragonard a groupé des enfants joyeux et gourmands ! 

*
**
 

    Reste encore une sorte de beignet. C’est le « beignet soufflé » bien connu sous le nom de pet-de-nonne, ou monialis crepitus, puisque le latin brave l’honnêteté. Bien intentionnés, quelques lexicologues l’ont baptisé paix-de-nonne, en racontant que ces beignets soufflés et gonflés avaient été inventés par une religieuse qui, en donnant sa recette à un couvent voisin et ennemi, avait assuré la paix ! si non e vero… Toujours est-il que Platine, au XVe siècle, dans son De honesta voluptate parle des beignets soufflés et venteux ; que le Livre des dépenses de la duchesse de Flandre, qui épousa Philippe-le-Hardi, entr’autres pâtisseries, rissoles, ravioles, darrioles, crêpes, gaufres et beignets, note les pets d’Espagne, aussi appelés pets Chevalier, que La Varenne, écuyer de cuisine de M. Le marquis d’Uxcelles, appelle tout à trac des pets de p…. Voulez vous savoir la recette de ce beignet soufflé et léger ? Un maître-queux de la cuisine de notre temps, Urbain Dubois nous apprend qu’il faut bien lier la pâte, en la travaillant. Il suffit ensuite de la rouler avec le doigt pour lui donner la forme globulaire. Alors il faut la laisser tomber dans une poële à peine chaude. A mesure que ces beignets soufflés, s’enflent, se gonflent et grossissent, on les rapprochent d’un feu plus intense. C’est un secret bien connu. Charles Monselet a cependant raconté qu’un matelot qui le connaissait, avait tellement étonné une peuplade sauvage de l’Océanie, qu’il s’était fait nommer souverain de l’île où il était débarqué, sous le nom de Pet-de-Nonne 1er. Mais Monselet avait de l’imagination !..

   260px-Socca_a_Nice dans Normandie Aussi bien crêpes, beignets de toutes sortes sont appréciés de tous les pays du monde. En Angleterre, c’est le pancake, dont Shakespeare a parlé à deux reprises, dans Tout est bien qui finit bien, où le clown dit que les crêpes vont au « Mardi-gras », to Shrove-Tuesday, « comme une pistole à la main du procureur » et, dans la scène II de Comme il vous plaira, où Touchstone parle de son père, qui jurait toujours « que les crêpes étaient bonnes ». Ailleurs dans Périclès, il parle aussi des flap-jack, qui sont aussi une sorte de crêpes. L’Allemagne a les Kraplen et les Apfelschuitt, qui sont les beignets aux pommes, comme les Frittela chez les Italiens, assaisonnés au miel. Tout cela, sans compter toutes les variétés de nos crêpes et beignets provinciaux ; les crespeu ou crespel du Midi provençal ; lecaussero, crêpe de Gascogne ; l’arminas, la grande crêpe de farine et d’oeufs du Rouergue, le bougno, ou bougneto, le beignet de riz des régions des Alpes et du Dauphiné…

    Longtemps encore, on se régalera en Normandie et ailleurs des crêpes et des beignets, dont nous venons de conter la savoureuse histoire.

GEORGES DUBOSC

Source : DUBOSC, Georges (1854-1927) : Crêpes et beignets, (1925).

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DIVISIONS TERRITORIALES DE LA NORMANDIE.

Posté par francesca7 le 28 novembre 2013

 

images (12)Le nom de Normand est encore, en dépit de la révolution, commun aux habitants de la Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche, de l’Eure et de l’Orne. Ce territoire a été successivement possédé par les Gaulois, les Romains, les ducs de Normandie, les Anglais, et ce n’est qu’après la prise de Cherbourg, le 12 août 1440, qu’il a été définitivement incorporé au royaume de France. Il était, lors de la conquête de César, habité par neuf peuplades, les Véliocasses, les Calètes, les Aulerces Eburovices, les Viducasses, les Loxoviens, les Baïocasses, les Abricantes, les Sésuviens et les Unelles. Les neufcivitates avaient pour chefs-lieux Rhotomagus (Rouen), Caletum, depuis Julia bona (Lillebonne), Mediolanum Aulercorum (Evreux), Aragenus (Vieux-lès-Caen), Noviomagus Lexoviorum (Lisieux),Augustodurum (Bayeux), Ingena (Avranches), Civitas Sesuviorum (Séez), et Cosedia, depuis Constantia (Coutances).

Les cités des Véliocasses et des Calètes dépendaient de la Belgique, et les autres de la Celtique. Les Romains en formèrent la seconde Lyonnaise, qui fut, sous le règne de Clovis, enclavée dans le royaume de Neustrie. Quand les Northmans s’y établirent, la dénomination de Neustrie était restreinte, et s’appliquait à la réunion du Roumois (pagus rodomensis), du pays de Talou, du pays de Caux, du Veulquessin, de l’Évrecin, du pays de Madrie, du Lesvin, du Bessin, du Cotentin, de l’Avrencin, de l’Hiémois et du Corbonnais. La province cédée à Rollo avait soixante lieues de longueur, de l’est à l’ouest, depuis Aumale jusqu’à Valogne, et vingt-cinq lieues de largeur, du nord au sud, depuis Verneuil-sur-l’Aure jusqu’à Tréport. Devenue le duché de Normandie, elle se divisa en haute Normandie, à l’est de la rivière de Dives ; et en basse Normandie, à l’ouest. La haute Normandie, dont Rouen était la métropole, comprit le pays de Caux, le pays de Bray, le Vexin normand, le Roumois, la campagne de Saint-André, le pays d’Ouche, la campagne de Neubourg, le Lieuvin, et le pays d’Auge. La basse Normandie se composa de la campagne de Caen (ville capitale), de la campagne d’Alençon, du Bessin, du pays de Houlme, du Virois ou Bocage, du Cotentin et de l’Avranchin. Le duché était borné à l’est par l’Ile-de-France et la Picardie ; au sud, par le Maine, le Perche et la Beauce ; au sud-ouest, par la Bretagne ; à l’ouest et au nord, par la Manche.


(1) Sidonius Apollinaris.
(2) Voir les Chroniques de Frodoard, Orderic Vital, Guillaume de Jumiéges, Robert Wace, Dudon de Saint-Quentin, Benoît de Sainte-More, etc.
(3) Recherches sur le duché de Normandie, par Braz, seigneur de Bourqueville (1588).

 

LA BÉDOLLIÈRE,  Émile Gigault de (1812-1883) : Le Normand (1842).

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ORIGINE DES NORMANDS.

Posté par francesca7 le 28 novembre 2013

Port_Arromanches

Au neuvième siècle, des pirates sortent du Danemark. Nombreux et dévastateurs comme des sauterelles, sectateurs d’un dieu sanguinaire, ennemis implacables du christianisme, ils débarquent sur nos côtes, déploient leurs drapeaux rouges dans nos campagnes, brûlent les églises, massacrent les hommes, porgiesent li dames joste lor mariz, pillent les cités, s’environnent de ruines et de carnage. Devant eux le courage et la crainte étaient également inutiles (1). Pour mettre fin à leurs dévastations, le roi Challon li Simple conclut, en 912, à Saint-Cler-sor-Ete, un traité avec Rou (Rollo), fils de Ragnvald et chef des Northmans. Rou est baptisé par Frankes, archevêque de Rouen, épouse Gille ou Gisèle, fille du roi, et reçoit le duché de Neustrie sous réserve d’hommage. Rou engage ses compagnons à se convertir, leur distribue des villages, des châteaux, des champs, des rentes, des moulins, des prés, des broiles (bois taillis), des terres, de grans éritez, enfin, ce qu’on nomma, en style féodal, des francs aleux d’origine. Cependant il garantit aux Neustriens la propriété de la partie de leurs biens qu’il ne leur enlève pas, appelle à ses conseils les prélats et les barons indigènes, et établit, avec leur concours, des comtes pour juger les nobles, des vicomtes pour juger les roturiers, des centeniers et des dizainiers pour examiner les causes en première instance (2). « L’on tient même que Rou institua la justice de l’échiquier en Normandie, ainsi dénommé, pour ce que les causes y étaient bien débattues et disputées, ainsi qu’il se fait entre ceux qui se jouent sur une table au jeu d’échecs, lesquels se donnent de garde de tout ce que fait leur partie adverse, pour n’être surpris et rendus mats (3). »

Le caractère du Normand actuel ressort en entier de ces faits historiques. La fausse simplicité, l’amour de la chicane, l’âpreté au gain, les défauts dont on l’accuse, ont résulté logiquement de ce que nous venons d’exposer. En essayant de le démontrer, prévenons nos lecteurs que nos observations portent sur la masse du peuple plutôt que sur la bourgeoisie. Les individus qui ont eu l’avantage de s’ennuyer ensemble sur les bancs de l’Université, qui voyagent ensuite pour leurs plaisirs ou pour leurs affaires, ne tardent pas à devenir frustes et sans couleur originale. Les prendre pour représentant d’un type national est une erreur que beaucoup de peintres de moeurs n’ont pas su éviter. N’avez-vous pas lu souvent : « Le Français est léger, galant, libertin ; il porte avec grâce l’habit brodé, et ne se mêle d’affaires d’état que pour chansonner les ministres, etc. » Les écrivains qui ont dit cela n’avaient vu les Français qu’à la cour, n’avaient jamais regardé ni dans les ateliers ni dans les fermes. Un naturaliste qui se proposerait de décrire les moeurs des singes prendrait-il donc pour objet d’études un jocko dressé à mettre un chapeau à trois cornes et à faire la voltige dans un cerceau ?

 


(1) Sidonius Apollinaris.
(2) Voir les Chroniques de Frodoard, Orderic Vital, Guillaume de Jumiéges, Robert Wace, Dudon de Saint-Quentin, Benoît de Sainte-More, etc.
(3) Recherches sur le duché de Normandie, par Braz, seigneur de Bourqueville (1588).

LA BÉDOLLIÈRE,  Émile Gigault de (1812-1883) : Le Normand (1842).


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Le manoir du Breuil, repaire normand de Françoise Sagan

Posté par francesca7 le 28 novembre 2013

 

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La romancière Françoise Sagan a fait l’acquisition du manoir du Breuil en 1958, alors qu’elle n’avait que 23 ans  

Tout l’été durant, Le Point.fr vous propose de découvrir l’histoire de maisons de vacances. Parfois loufoque. Souvent extraordinaire. Cette semaine, nous faisons étape en Normandie, chez Françoise Sagan.

Son seul bien sur la terre. C’est ainsi que Françoise Sagan définissait elle-même le manoir du Breuil. Blottie dans le bois du même nom, sur la commune d’Équemauville en Normandie, à 3 kilomètres de Honfleur, cette vaste bâtisse entourée de 8 hectares de terre lui avait été offerte par une bonne amie. La chance. Celle qui la sauva maintes fois de la mort, au détour de ses frasques, lui en fit cadeau le 8 août 1958, à la roulette du casino de Deauville où elle avait passé la nuit. Elle misa sur le 8. Son gain ? 80.000 francs. Dans la foulée, dès 8 heures du matin, elle les offre au propriétaire du manoir qu’elle a loué pour l’été. Il accepte.

Dès lors, le manoir du Breuil devient son repaire. Tantôt refuge bucolique où elle puise l’inspiration, tantôt demeure mondaine où elle reçoit ses amis. Elle qui déteste tant la solitude…

Rêveries

En 1958, lorsqu’elle fait l’acquisition de la maison, Sagan n’a que 23 ans, mais elle est déjà célèbre. Son premier roman, Bonjour tristesse, a été récompensé du prix de la critique, quatre ans plus tôt. L’écrivain continue alors de résider à Paris où, éternelle locataire, elle change régulièrement d’adresse, mais séjourne très souvent à Équemauville.

Lassée de Saint-Tropez, elle passe dorénavant tous ses étés en Normandie ; son fils Denis Westhoff, né de sa brève union avec un ancien officier de l’armée de l’air américaine, toutes ses vacances. Lui joue dans le jardin. Elle tape frénétiquement sur sa machine à écrire dans la chambre verte, rêvasse des heures à sa fenêtre ou profite de la douceur du climat, allongée dans l’herbe avec ses chiens.

Étrange marché

Le manoir du Breuil, auquel on accède par une grande allée bordée de hêtres, est un brin délabré. Françoise Sagan rêve d’y faire des travaux, mais, si elle gagne beaucoup d’argent, entre son amour des bolides et son addiction pour le jeu, la romancière en dépense tout autant…

En 1991, l’homme d’affaires André Guelfi, alias Dédé la Sardine, lui propose un marché dont l’éternelle adolescente, financièrement prise à la gorge, ne saisit pas toutes les implications. Elle doit intervenir en faveur de la compagnie pétrolière Elf, auprès de son ami François Mitterrand, en échange d’un gros chèque. De quoi rendre au manoir du Breuil sa splendeur d’antan. Françoise Sagan, que le romanesque des truands séduit, accepte. Mais, lorsqu’éclate l’affaire Elf, Dédé la Sardine balance… Il déclare lui avoir versé, pour ce « petit » service, 9 millions de francs. Faux, d’après le fils de Sagan qui assure que seuls les travaux de la maison d’Équemauville, facturés quatre millions de francs, ont été réglés par André Guelfi. Seulement, voilà, François Sagan n’a pas déclaré cette somme au fisc. Et pour cause…

La sentence est sévère : un an d’emprisonnement avec sursis et le remboursement des sommes dissimulées assorti de pénalités. L’écrivain ne peut faire face. En voulant restaurer sa maison, Sagan la perd à jamais. Tous ses biens ayant un tant soit peu de valeur sont vendus, jusqu’à ses bijoux. Tous ses revenus sont directement saisis. Mais, dans son malheur, la chance lui sourit une dernière fois. Son amie, Ingrid Mechoulam, parvient à racheter le manoir du Breuil à la banque Dexia. Grâce à sa générosité, Sagan pourra encore profiter durant plusieurs années de cette maison qu’elle aime tant. Elle s’éteint à l’hôpital de Honfleur le 24 septembre 2004, à l’âge de 69 ans. 

Le Point.fr – Publié le 12/07/2010 à 09:30 - Modifié le 27/07/2010 à 11:56

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Le Normand par Émile de La Bédollierre

Posté par francesca7 le 28 novembre 2013

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~ * ~

                        Cette province est une des plus riches, des plus fertiles et des
                        plus commerçantes du royaume. Elle est aussi celle qui donne
                        le plus de revenu au Roi : c’est la province du Royaume qui a
                        produit le plus de gens d’esprit et de goût pour les sciences.

                                ENCYCLOPÉDIE, article Normandie.

LA Normandie n’est ni une province ni un assemblage de départements, c’est une nation. Le peuple qui s’y établit au neuvième siècle, après avoir ébranlé l’Europe et troublé les derniers moments de Charlemagne (1), eût conquis la France, si la France alors lui eût semblé valoir la peine d’être conquise. Il eut un jour envie de l’Angleterre, et l’Angleterre fut à lui. Plus tard, faisant cause commune avec sa patrie d’adoption, il refoula au-delà de l’Océan les successeurs de Guillaume le Conquérant ; et maintenant que le terrain de la guerre est déplacé, que la question militaire se débat sur les bords du Rhin, et non plus à l’embouchure de la Seine, le Normand, devenu producteur actif et intelligent, emploie à l’industrie, à l’agriculture, au commerce, l’activité énergique qui l’animait dans les combats.

Quelle partie de la France peut citer autant de villes antiques et florissantes ? Rouen, avec ses annexes, Déville, Darnetal, Bapaume et Maromme ; Rouen qui a donné son nom à des étoffes d’un usage universel ; Louviers, et surtout Elbeuf, cette ville fécondée par le germe industriel que lui avait confié le grand Colbert, et qui, depuis trente ans, a su devenir une des gloires manufacturières de la patrie ; Bolbec, Yvetot, Alençon, Évreux, Caudebec, Vire, Lisieux, Pont-l’Évêque, Mortain, Valognes, l’Aigle, Pont-Audemer, dont les manufactures fument sans cesse, dont les campagnes nourricières ne s’épuisent jamais ; puis une zone de ports sûrs et commodes : Cherbourg, le Toulon de la Manche ; Granville, Caen, le Havre, Honfleur, Dieppe, entrepôts des denrées de l’univers entier.

Le principal département de l’ancienne Normandie, celui de la Seine-Inférieure, est noté par les statisticiens comme ayant un revenu territorial de 44,529,000 fr. : c’est le plus riche de France, sans même en excepter le département du Nord. Hommes, terrains, cours d’eau, animaux, le Normand utilise tout, et l’épithète de faîgnant est la plus injurieuse qu’il connaisse (2). Herbager, il engraisse des bestiaux géants dans les plus riches pâturages du monde ; maquignon, il fournit aux roulages, aux voitures publiques, aux camions, des chevaux robustes et infatigables, pêcheur, il alimente la halle au poisson de Paris ; caboteur, il apporte à la capitale des marchandises de toute espèce ; fabricant, il organise et entretient des filatures, des draperies, des chapelleries, des rubanneries, des bonneteries, des mégisseries, des tanneries, des teintureries, des verreries, des clouteries, des quincailleries, des aciéries, des lamineries, des faïenceries, des papeteries, des blanchisseries, des huileries, des parchemineries, des taillanderies, des coutelleries, des fonderies, des poêleries, des horlogeries, des poteries, des moulins à papier, à fouler le drap, à carder la laine, des moulins anglais, ainsi nommés parce qu’ils ont été inventés par l’américain Oliver Ewans. On comptait, en 1827, sur les seuls cours d’eau de la Seine-Inférieure, deux mille neuf cent cinquante-quatre établissements industriels, dont près de trois cents sur la Robec, l’Aubette et la Renelle, petites rivières à peine visibles, qui serpentent clandestinement dans un faubourg de Rouen. Aucune province ne prend plus de brevets d’invention et de perfectionnement, n’accapare plus de médailles, n’envoie à l’exposition des produits de l’industrie plus de machines ingénieuses : instruments d’horlogerie, greniers mobiles, pompes à incendie, batteurs-étaleurs, machines à carder, à coudre les cuirasses, compteurs à gaz, niveaux d’eau à piston, produits chimiques, pendules-veilleuses, billards en ardoise, fourneaux économiques, et cent autres combinaisons, utiles souvent, ingénieuses toujours. Qu’est-ce que votre esprit commercial, ô fiers habitants de la Grande-Bretagne ? C’est l’esprit normand sur une plus vaste échelle, stimulé par des circonstances qui faisaient du commerce votre unique moyen de conservation. On voit, au développement de votre industrie, que vous avez du sang normand dans les veines. Les Normands sont les Anglais de la France, mais sous le rapport industriel seulement, grâce à Dieu !

Mais le commerce n’est qu’un rayon de l’auréole dont resplendit la Normandie ; aucun genre d’illustration ne lui a manqué. Ses poëtes sont : Marie de France, Jean Marot, Malherbe, Bois-Robert, Ségrais, Pierre et Thomas Corneille, Richer, Sarrazin, Catherine Bernard, madame Dubocage, Malfilâtre, Casimir Delavigne, Ancelot ; ses prosateurs : Hamilton, Duhamel, Saint-Évremond, l’abbé Castel de Saint-Pierre, Samuel Bochard, Sanadon, Fontenelle, Bernardin de Saint-Pierre, Vicq-d’Azir, le duc de Plaisance. Elle s’enorgueillit d’avoir donné aux beaux-arts Nicolas Poussin, Jouvenet, Restout, Boyeldieu ; aux sciences historiques et géographiques, Dudon de Saint-Quentin, Orderic Vital, Robert Wace, Geoffroy de Gaimar, Guillaume de Jumiéges, Mézerai, le père Daniel, Bruzen de la Martinière, Huet évêque d’Avranches, Feudrix de Bréquigny. Les navigateurs normands tiennent un rang honorable dans les annales maritimes. Dès 1364, ils avaient fondé Petit-Dieppe sur la côte de Guinée. Un Normand, Jean de Béthancourt, seigneur de Grainville la Teinturière, fut roi des Canaries en 1401 ; un capitaine de Dieppe, Jean Cousin, parcourant l’océan Atlantique en 1488, aperçut une terre inconnue qu’on croit avoir été l’Amérique. En 1502 et 1504, Jean Denis, de Honfleur, reconnut l’île de Terre-Neuve et une partie du Brésil ; la découverte des terres Australes fut l’oeuvre d’un Harfleurtois, Binot Paulmier de Gonneville, parti de Harfleur au commencement de juin 1503. Vers le même temps, Jean Ango, marchand de Dieppe, bloqua Lisbonne avec des vaisseaux qu’il avait frétés. Si nous possédons les Antilles, nous le devons à des Normands, du Plessis et Solive, qui occupèrent la Guadeloupe en 1612, Diel d’Enambuc, gentilhomme cauchois, qui éleva le fort Saint-Pierre à la Martinique, en 1635. Si nous tirons du café des colonies, nous le devons à Déclieux, Dieppois, qui y transporta le caféier.

images (11)C’est un Normand, le capitaine Lasale, qui explora le premier le Mississipi. C’est en Normandie que naquirent Tourville, Du Quesne, et notre contemporain Dumont-d’Urville (3).

Comme contrée pittoresque, la Normandie a des falaises aussi escarpées et aussi grandioses que celles d’Ecosse, des prairies aussi vertes que celles des bords de la Tamise et du Severn, d’épaisses et majestueuses forêts, des collines et des vallées qui rappellent celles de la Suisse, moins l’agrément des glaciers et des avalanches. Elle réunit à elle seule plus de cathédrales, d’abbayes, de vieux manoirs, de monuments du moyen âge que toutes les autres provinces ensemble. Aussi, le moindre rapin, après avoir essayé ses forces devant une carrière de Montmartre ou un chêne de Fontainebleau, prend son essor vers la Normandie, et le musée est encombré de Vues de Normandie, Village normand, Cimetière normand, Intérieur normand, Souvenirs de Normandie, Chevet de Saint-Pierre de Caen, Abbaye de Jumiéges, Pêcheurs d’Étretat, Ruines du château d’Arques, etc., etc. Il n’est pas de pays dont aient plus abusé les peintres, les romanciers et les faiseurs de romances.

Cet exposé doit justifier la longueur de l’article que nous consacrons au Normand. Quel type mérite autant que celui-ci d’être étudié sérieusement, approfondi, médité, suivi dans ses périodes de croissance et de décadence, comparé avec lui-même dans le présent et dans le passé ?

En examinant la loi de formation des types provinciaux, il est aisé de se rendre compte de leur existence actuelle. Primitivement peuplée par des colonies d’origine diverse, la France n’a que très-lentement marché vers l’homogénéité. Les habitants de chaque province, parqués sur leur territoire, isolés les uns des autres, ont pu conserver leurs vieux usages et en adopter de nouveaux. Le climat, la résidence, le genre de vie, les occupations, les guerres, les événements politiques, ont exercé une influence que le temps a consolidée, et que ne sont point venus contrarier de trop fréquents rapports avec les peuplades voisines. Les idées communes du bien et du mal se sont modifiées suivant les localités. Des moules se sont formés, où les générations successives sont entrées en naissant. Les fils ont suivi l’exemple des parents ; l’esprit d’imitation a perpétué les préjugés ; la liberté humaine s’est trouvée enchaînée, maîtrisée, annihilée par des opinions toutes faites, par des règles de conduite héréditaires. Des différences de conformation physique et morale se sont établies entre les enfants d’une même patrie, et il s’est créé des genres dans l’espèce et des variétés dans les genres.

Appliquons cette théorie au type normand, traçons-en l’histoire, cherchons les causes qui l’ont fait naître, les événements qui l’ont modifié ; voyons ce qu’il a été et ce qu’il est, prenons-le à son point de départ, et tâchons de le conduire de siècle en siècle jusqu’à celui où nous avons le bonheur de monter la garde, de payer nos contributions et d’écrire des monographies pour les Français peints par eux-mêmes.


(1) Vie de Charlemagne, par Eginard.
(2) Presque tous les Normands sont laborieux, diligents et capables de s’adonner à tout faire et imiter assez promptement ce qu’ils voyent. (Dumoulin, Histoire générale de la Normandie.)
(3) Voir les Chroniques neustriennes, par Marie du Mesnil, in-8°, 1823 ; et Recherches sur les voyages des navigateurs normands, par L. Estancelin, député de la Somme, in-8°, 1832.

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