Au milieu du 19ème siècle, peu de changements étaient survenus dans les conditions d’existence des habitants de nos campagnes depuis le Moyen Age. Comme au bon vieux temps, nos grand-mères filaient la quenouille, le tisserand fabriquait la toile, le drap ou « bouège ». L’huilier du village pressurait le colza ou la navette pour en extraire l’huile de ménage, l’huile de chènevis était réservée à l’éclairage. On ne connaissait alors que l’antique lampe à huile qui éclairait à peine. On cultivait surtout le seigle et l’orge qui entraient en grande partie dans la composition du pain et aussi le blé, l’avoine, le chanvre, la vigne.
En ce temps-là, il y avait peu de prairies ; on n’élevait que le bétail indispensable à la culture qui se faisait principalement avec des bœufs. Rien n’était change dans la manière de cultiver, ni dans les instruments agricoles. On ne connaissait toujours que la faucille, le fléau, le van, la charrue à soc de bois, etc… aussi, les grands travaux agricoles qui se font actuellement en quelques jours, demandaient alors des semaines.
Le battage des crains durait tout l’hiver. On avait le temps on ne se pressait pas, les chants et les sonores éclats de rire de la jeunesse égayaient les longues journées de labeur.
La faucille régnait en souveraine, elle était employée seule au fauchage de la récolte. Aussi, l’apparition vers 1860, des premiers « râtelots » provoqua la curiosité et la méfiance des vieux du pays. Ils disaient que ces « outils égrenaient le blé en le secouant trop fort, qu’ils ne le coupaient pas assez bas. On aura beau faire, concluaient-ils, rien ne remplacera le travail à la main ».
Plus tard ils firent des réflexions analogues à propos de tous les progrès modernes : tarares, batteuses à chevaux ou battoirs à vapeur (1880). A chaque invention nouvelle, les vieux hochaient la tête, disant toujours que « ça ne remplacerait jamais la main de l’homme et qu’ils ne voulaient pas s’en servir »…
A cette époque, il y avait une grande ferme à Précy sous Thil et une quarantaine de petites exploitations de complément. Tous les artisans et commerçants avaient un petit lopin de terre qu’ils cultivaient ; ils élevaient une ou deux vaches pour le lait. Le boulanger, le docteur, le vétérinaire avaient un cheval. A Précy, les trois premières voitures automobiles appartinrent au docteur, au vétérinaire et au chef du bureau d’enregistrements.
La moindre parcelle de terre était cultivée ; il y avait beaucoup plus de champs que de prés. Les ouvriers agricoles étaient souvent mal logés et mal payés ; i n’y avait pas de limitation de la durée de travail, aussi, ils devaient commencer tôt le matin et ne terminaient que très tard le soir, il n’y avait pas non plus de congés payés, ni d’assurances, ni de retraite ; ceux qui avaient eu un accident ou qui étaient trop vieux pour travailler étaient souvent réduits à la mendicité.
Dès l’âge de 10 ou 12 ans, les enfants allaient travailler aux champs ou garder les vaches ; on ne parlait pas de distractions comme maintenant ; les gens des campagnes avaient une vie beaucoup plus simple. On n’achetait la viande de boucherie qu’à l’occasion des fêtes, presque jamais de fruits et de légumes ; il n’y avait pas de confort dans les maisons (pas de sanitaires, d’appareils électroménagers, d’eau courante, d’électricité).
En un demi-siècle, la vie a beaucoup changé. En 1912, une vache valait de 500 à 600 F, un sac de blé 24 F, une moissonneuse-lieuse : 900 F environ.
En ce qui concerne la santé en ses temps là…..
Avant l’invention de la pénicilline, beaucoup de maladies étaient très graves ; la broncho-pneumonie, la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la rage, la variole, la typhoïde, etc… mon père est mort à 32 ans nous raconte l’ancien du village, d’une crise d’appendicite, j’avais 4 ans dit-il. Beaucoup de jeunes mouraient avant l’âge de 20 ans, surtout de la tuberculose ; il n’y avait rien à faire. Le frère de mon père en est mort nous dit-il encore….
Il n’y avait pas de vaccination préventive. Actuellement nous sommes vaccinés contre la variole, la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite…
La lèpre était aussi une maladie incurable ; les lépreux étaient rejetés par la société ; on pense qu’au hameau de Maison-Dieu par exemple, à 2 km de Précy sous Thil, il existait une léproserie tenue par des religieux qui recueillaient les lépreux et adoucissaient leur sort. Les médicaments étaient préparés par le pharmacien ; on utilisait beaucoup de plantes médicinales ; camomille, sureau, tilleul, primevère, violette, avec lesquelles on faisait des infusions.
Au début du 20ème siècle, il y avait deux pharmacies à Précy sous Thil ; l’une dans la maison de Mme Cassier (Editons de l’Armançon aujourd’hui), l’autre à l’emplacement de la charcuterie, (agence d’assurances). Il n’y avait pas non plus d’ambulance puisqu’il n’y avait pas d’automobiles. On ne transportait pas les malades comme on le fait maintenant. Il y avait cependant à Précy, une maison d’accueil où on amenait les malades qui ne pouvaient pas être soignés à domicile.
La vie de l’agriculteur d’autrefois était très pénible physiquement (très peu de machines ; tous les travaux se faisaient à la force des bras), mais vivant en « économe fermée », ses besoins étaient beaucoup moins importants qu’aujourd’hui.
- Les labours s’effectuaient avec une charrue tenue à la main traînée par deux chevaux ou plus, selon les terres. Il fallait une certaine adresse pour faire un sillon bien droit. Dans la région dont je vous parle, la mienne en l’occurrence, la Côte d’Or (21), on attelait des juments qui servaient à la fois d’animaux de trait et de bêtes d’élevage.
- Les semailles étaient faites à la main ; on semait « à la volée » (le geste auguste du semeur !). le seul engrais était le fumier.
- La fenaison ; elle a toujours été important dans notre région d’élevage. A la fin du siècle dernier, le foin était encore fauché à la faux. Les faucheuses firent leur apparition vers 1900. Le fanage et la mise en ligne puis en tas se faisaient à la main. Un peu plus tard, il y a des faneuses et des râteleuses, tirées elles aussi par des chevaux. Le foin était rentré en vrac.
- La moisson se faisait encore à la main avant la guerre de 1914-1818 ; elle devait se mécaniser grâce à l’achat de javeleuses, pour les petits exploitants et de moissonneuses-lieuses pour les autres. C’est autour de 1910 que l’on vit ces machines pour la première fois ; ce fut un gros progrès pour l’époque.
Au début du 20ème siècle, le battage ne se faisait déjà plus à la main (au fléau) mais il existait encore des manèges entraînés par des chevaux faisant tourner de petites batteuses. Pour moi nous dit Monsieur Rémond, le battage s’est toujours fait par des entrepreneurs qui déplaçaient leur matériel de ferme en ferme. La batteuse (on disait souvent le battoir) était actionnée par une machine à vapeur. Pour cette journée de battage, on pratiquait l’entraide entre exploitants du même village ou de villages voisins. Ces journées étaient très pénibles mais c’était aussi l’occasion de bien manger et bien boire ; après « la soupe », tout le monde chantait.
Dans notre région, les tracteurs apparaissent vers 1950, les ramasseuses-presses, moissonneuses-batteuses vers 1960. Cette mécanisation de l’agriculture constitua un énorme progrès. Avant l’existence du tramway, le courrier était ramassé et apporté par une voiture à cheval, qui chaque jour, assurait une liaison entre Mont Saint Jean et Les Laumes (21). Le cheval était chargé à Précy sous Thil ; ce service était assuré par un entrepreneur qui laissait ses chevaux dans l’écurie de la maison où habite actuellement la famille Pichenot. Au début de la Grande Guerre, comme les journaux de Paris mettaient plusieurs jours pour arriver, un télégramme parvenait chaque jour à la Poste et le texte était affiché de façon à ce que les habitants aient des nouvelles fraîches du front. La Poste se trouvait à cette époque dans la maison Chaumien.
La Poste actuelle était occupée par un chapelier qui, de plus, fabriquait des cannes et des pipes. Le courrier était distribué par sept facteurs qui se déplaçaient uniquement à pied ; un facteur faisait par exemple chaque jour ; Précy-Thoste, aller et retour. Plus tard, ils ont utilisé des bicyclettes. Vers 1895, le courrier fut amené à Précy par le tramway. La presse écrite existait au début du 20ème siècle ; un journal arrivait chaque jour de Paris ; deux hebdomadairs étaient imprimés à Semur en Auxois. Ces journaux étaient distribués par une vieille femme qui est morte écrasée par une des premières voitures automobiles…
Pendant la guerre 1914-1918 un petit journal bimensuel était imprimé à Précy sous Thil ; « Les nouvelles du pays » et envoyé gratuitement aux soldats ; son impression était financée par une souscription locale, il comportait une page en patois. Les chemins n’étaient pas goudronnés ; ils étaient souvent en très mauvais état et creusés de « nids de poules ». Monsieur Rémond a vu les premiers avions en 1911. En 1912, un aéroplane s’est posé sans dommage dans les champs de Chenault et toute la classe est allée voir. Il était en panne d’essence.
Vers 1935, un grand ballon dirigeable, « le Graf Zeppelin », est passé au dessus de Précy sous Thil à 1 heure du matin ; beaucoup de Précyliens sont sortis, en chemise de nuit, attirés par les bruits de moteurs.
Les gendarmes logeais dans l’ancienne gendarmerie, il s se déplaçaient à cheval, plus tard à bicyclette…. Et la maison qui sert actuellement d’hôtel de ville à Précy sous Thil a été construite vers le milieu du 19ème siècle par un gros vigneron (toute la côte de Thil était plantée de vignes) ; ces vignerons furent ruinés par le phylloxéra. Le grand-père de M. Rémond a charrié des matériaux pour la construction de cette maison. Cette maison qui appartient ensuite à M. Foucauld fut achetée par la commune de Précy en 1945 pour la somme de 8500 F.
Beaucoup de maisons furent construites entre 1850 et 1900 ; une seule de 1900 à 1950 ; celle où habite M. le Docteur…. Ceux qui ne pouvaient plus travailler étaient réduits à la mendicité. Ils allaient de village en village, de fer en ferme et demandaient un peu de nourriture et l’autorisation de coucher dans la grange ou une écurie ; parfois ils effectuaient un petit travail ; curer les vaches. Ceux qui étaient trop vieux et totalement incapables de travailler recevaient des bons de pain de la mairie et mendiaient. Les conditions de travail étaient très rudes : de 10 à 14 heures par jour, pas de congés payés, des salaires très faibles permettant tout juste de vivre.
Au début du 20ème siècle, les habitants de Précy sous Thil s’éclairaient encore à la lampe à pétrole. Précy fut électrifié pour la première fois en 1910 grâce à un procédé artisanal ; l’électricité (courant continu de 220 volts) était produite par une dynamo entraînée par la turbine du moulin de « Chantereine ». C’est le propriétaire de l’hôtel de ville qui avait entrepris et financé cette installation ; les utilisateurs payaient 5 F par lampe et par an, sans limitation de consommation.
En 1932, la société « La Grosne » installait le courant alternatif 110 volts pour Précy et Chenault ; ce courant fut transformé en 220 volts lors du renforcement du réseau. C’est aussi la fin de l‘ère agricole ; début de l’ère industrielle ;
A cette époque, Précy sous Thil, chef-lieu de canton faisaient partie de l’arrondissement de Semur (sous-préfecture). Le malaise paysan, l’exode vers la ville et même à l’étranger ont profondément bouleversé les structures sociales de cette époque. Selon les souvenirs de M. Rémond et d’après les renseignements des anciens, l’étude démographique à Précy sous Thil en 1900 aurait révélé : 240 foyers pour 620 habitants (230 foyers pour 595 habitants en 1975). Artisanat et commerce :
2 sabotiers, 2 serruriers mécaniciens, 2 maréchaux-ferrants, 2 charrons, 3 bourreliers, 4 cordonniers, 2 menuisiers, 2 coiffeurs, 2 chapeliers marchands de cannes et parapluies, 2 horlogers bijoutiers, 2 bouchers, 1 charcutier, 2 peintres, 2 plâtriers, 1 maçon, 3 boulangers, 2 couteliers, 1 photographe libraire, 6 épiciers, 2 marchands d’étoffe, 1 marchand de fer, 1 marchand de bois, 2 marchands de bestiaux, 3 marchands de vin, 1 marchand de matériaux de construction, 4 cafetiers restaurateurs, 4 cafetiers, 1 marchand de grains, 1 meunier, 2 tonneliers.
Une tannerie et un grand moulin ont cessé leur activité à cette époque ainsi qu’une tuilerie. 25 ans auparavant, la fonderie des forges avait déjà cessé, elle aussi, de fonctionner, ce qui explique la diminution de la population précylienne qui de 820 habitants au milieu du 18ème siècle est passée de 620 à cette époque. Il y a avait aussi un ingénieur des ponts appelé « agent voyer », 2 chefs cantonniers, 2 cantonniers habitant Précy, 7 facteurs et un receveur des PTT, un juge de paix, 1 employé huissier, 1 employé de l’enregistrement, 2 notaires, 2 percepteurs, 2 vétérinaires, 2 docteurs. Seules les exploitations de subsistance avaient quelques bovins de viande en 1900 alors qu’aujourd’hui ce cheptel est le plus important.