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    PETITS COINS DE PATRIMOINE QUI SERONT MIS EN LUMIERE AU DETOUR DE NOTRE REGION DE FRANCE...

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    St-Etienne Cathédral, Auxerre

    « La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. » citation Charte de Venise, art. 9, ICOMOS, 196.

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    « Un monument restauré traduit les connaissances, les ambitions, les goûts, non seulement du maître d’oeuvre mais aussi du maître d’ouvrage : c’est le vrai révélateur de l’appréhension des édifices par une génération donnée, qui leur permet de reconnaître pour sien un édifice centenaire. » citation de Françoise Bercé.

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    Tout devient patrimoine : l'architecture, les villes, le paysage, les bâtiments industriels, les équilibres écologiques, le code génétique.

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    Citation sur la France.
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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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l’arbre de l’année en Bourgogne

Posté par francesca7 le 10 avril 2015

 

arbr_photo_1_largeHêtre de Boersch en Alsace, if de La Haye en Haute-Normandie, cèdre bleu en Ile-de-France… Et si le plus bel arbre de l’année était dans votre région?

Quel arbre succédera au châtaignier de Corse, élu arbre de l’année en 2014? Pour la 4e année, le magazine Terre sauvage et l’Office national des forêts organisent le concours du plus bel arbre de France. L’objectif de ce concours est de valoriser les arbres remarquables du patrimoine français en permettant à chacun de proposer la candidature d’un arbre qui lui parait extraordinaire, dans sa région.

En plus des caractéristiques naturalistes et esthétiques, le jury prend en compte l’histoire de l’arbre avec les hommes. Au final, 25 arbres ont été sélectionnés et c’est maintenant à vous de voter, jusqu’à la fin août 2015, pour désigner votre arbre préféré.

en Bourgogne

  • Essence : Sophora Japonica pendula
  • Description :

Originaire de chine, on le trouvait souvent planté à côté des temples bouddhistes chinois. Cet arbre est remarquable, car coiffé en été d’une superbe chevelure vert foncé, tombant jusqu’au sol, portée par un tronc noueux et torturé. Remarquable par sa naissance ; en 1789, un jeune officier d’artillerie, Napoléon BONAPARTE, en garnison à Auxonne, se rendait souvent au domicile de M. BORTHON, qui lui demanda de dessiner le plan d’un jardin agrémenté d’un bassin. On peut donc penser que c’est Napoléon lui-même qui planta ce SOPHORA, sans doute le seul arbre en France à avoir eu ce privilège. Remarquable par son histoire ; ce bassin, rehaussé de notre SOPHORA sera l’élément décoratif principal de la faïencerie Armand ROUX, la plus importante manufacture de Côte d’or (200 ouvriers). Fermée en 1912 elle sera vendue à Jacob DELAFON usine d’équipements sanitaires fermée en 1931.L’histoire continue, notre SOPHORA, toujours là, va être le témoin de moments dramatiques et douloureux, l’usine désaffectée accueillera les réfugiés républicains espagnols (plus de 1000) de la guerre civile (1939). Puis ce fut la guerre, l’occupation, la libération, des familles se sont installées, des enfants ont joué à l’ombre de son feuillage. De nos jours, l’espace industriel est occupé par une usine de produits agroalimentaires. Désormais, seul témoin rescapé de cette histoire émouvante et tourmentée, du haut de ses 226 printemps, il compte sur vous pour lui assurer encore longue vie et retrouver son prestige d’antan.

Pour voir les photos et le descriptif des arbres lauréats de l’année 2015, puis voter pour votre favori, rendez-vous sur www.arbredelannee.com

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SUPERSTITIONS BOURGUIGNONNES

Posté par francesca7 le 20 février 2015

 

440px-D421-_une_foule_méridionale_(Narbonne,_le_5_mai_1907.)_-_Liv4-Ch03Autrefois dans la Bourgogne et la Champagne, on lançait des arrêts contre les bêtes immondes et les insectes dont les ravages devenaient trop incommodes. Un fonctionnaire d’Autun ayant ainsi procédé contre les rats, l’avocat Chasseneux les défendit d’office et remontra, entre autres choses, que le terme qui leur avait été donné pour comparaître était beaucoup trop court, attendu qu’il y avait pour eux le plus grand danger à se mettre en route dans un temps où les chats étaient aux aguets pour les saisir au passage. Un délai plus considérable fut alors accordé.

On lit aussi, dans Sainte-Foix, que sous François Ier, le prévôt de Troyes rendit une sentence dans laquelle il était dit : « Parties ouïes, faisant droit à la requête des habitants de Villenose, admonestons les chenilles de se retirer dans six jours ; à faute de faire, les déclarons maudites. »

Cette ville de Troyes jouissait, dans l’ancien temps, d’un singulier privilège : elle fournissait seule des fous au roi. On lit dans Sauval, que Charles V écrivait aux maire et échevins de cette ville « Que son fou étant mort, ils devaient s’occuper de lui en envoyer un autre suivant l’usage. ».

Dans le département de l’Ain, les gens de la campagne font de grands feux de paille et de fagots, deux fois par an, dans les champs qui avoisinnent leurs habitations : l’un pour la fête des Rois, et l’autre le premier dimanche du carême, qu’on appelle, par cette raison, le dimanche des Brandons. On attribue ceux-ci à l’usage où l’on était jadis de détruire, au moyen du feu, les nids de chenilles.

On nomme Suche, en Bourgogne, la bûche que l’on place au feu la veille de Noël. Pendant qu’elle brûle, le père de famille chante des Noëls avec sa femme et ses enfants, et il engage les plus petits de ceux-ci à aller dans un coin de la chambre, prier Dieu que la souche donne des bonbons, ce qui arrive toujours au moyen des dispositions qu’a faites le papa.

On nomme Vouires ou Vouivres, les monstres qui gardent, pour le diable, les trésors enfouis dans les ruines. Ce sont ordinairement des serpents, dont la tête est surmontée d’une escarmouche d’un grand prix, et comme ils la déposent toujours lorsqu’ils vont boire aux fontaines, il y a espoir de s’en emparer, si on se trouve là dans le bon moment.

(D’après un récit paru en 1846)

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LA VIEILLE CUISINE DES BOURGUIGNONS

Posté par francesca7 le 20 février 2015

 

Cuisine Moyen-AgeEn  Bourgogne, pays par excellence de l’hospitalité cordiale et généreuse, la bonne chère est de règle. Dans sa capitale comme dans ses grands centres, on trouve, aussi bien que dans la capitale de la France, des artistes culinaires qui, comme leurs collègues parisiens, ont la maîtrise des méthodes et le talent inné des hautes conceptions gourmandes. Mais ce n’est pas de la grande cuisine classique que nous voulons parler ici : c’est de la cuisine locale, des vieux plats dont quelques-uns sont sans doute oubliés.

Citons d’abord la potée, où se confondent choux, carottes, navets, pommes de terre, lard salé et cervelas, à la fois soupe et plat de résistance, la potée qui sera éternelle comme la Bourgogne où elle est née. D’autres provinces ont aussi la leur qui n’est pas sans mérite, et qui se spécialise, ici, par le farci, plus loin par le confit d’oie et partout par le saucisson de pays. Elles sont excellentes, ces garbures, mais les gourmands bourguignons affirment que la leur est meilleure, parce qu’elle est celle de leur petite patrie. Puis, voici la daube, la succulente daube qui, au temps où les ustensiles de fonte étaient inconnus, mijotait des heures et des heures devant la cheminée, dans son pot encerclé d’un haut rempart de cendres étoilé de braisillons renouvelés, avec quels soins ! par la vestale du lieu… La daube, c’était le plat des grasses lippées, des solennités familiales, baptêmes, mariages, fête du pays et, en ces occasions, les ménagères débordées recouraient parfois au four du boulanger.

Aujourd’hui, elle est remplacée généralement par la pièce de bœuf piquée en bœuf à la mode, marinée et braisée au vin rouge, avec accompagnement de lardons, petits oignons et champignons. C’est ce qu’on appelle la Pièce de bœuf à la bourguignonne, très acceptable à la vérité quand elle est conduite avec les soins voulus, mais qui n’a point quand même cette succulence dernière de la vieille daube préparée selon les rites, avec addition calculée d’aromates, condiments et éléments gélatineux (pieds de veau et couennes fraîches) et mijotée, comme de nos jours fiévreux on n’a plus la patience de le faire. Le souvenir de ce qui est bon, de ce qui laisse aux sens une agréable impression gustative ne s’oublie pas : la daube doit retrouver sa faveur d’autrefois.

De l’escargot, spécialité gourmande incontestée de toute la Bourgogne, il faut bien dire un mot, car, à la vérité, nous ne voulons et ne pouvons admettre comme tels, ces escargots de haies à coquilles multicolores que l’on nous offre effrontément sous cette appellation, qui est une injure faite à l’huître de Bourgogne. L’escargot, le vrai, le seul, c’est celui qui, aux approches de l’hiver se casemate derrière sa cloison calcaire et que les vignerons déterrent au pied des ceps. Il n’en est pas d’autre et l’escargot n’est vraiment « lui » qu’après sa mortification volontaire. On nous a conté qu’autrefois, par des déprédations scélérates d’exploiteurs sans scrupules, le cornard des vignes bourguignonnes faillit disparaître totalement, et que le Conseil général de la Côte-d’Or ne crut pas déroger à son mandat en intervenant pour sa protection, et en mettant le préfet en demeure d’interdire rigoureusement son ramassage pendant un temps déterminé. Quelle affaire ! L’escargot n’étant point compris parmi les êtres vivants que protègent les arrêtés préfectoraux.

L’escargot n’est point un gibier, arguait le préfet ! Qu’il le soit, rétorquèrent les conseillers ; et c’est ainsi que par un baptême à la Gorenflot, le mollusque terrestre fut désormais, comme gibier, placé sous la sauvegarde de l’autorité départementale. Nous ne nous arrêterons pas à exposer le mode initial – car il y en a plusieurs – de préparation à la « mode bourguignonne » de ces morceaux friands, et viande exquise si fort appréciée des nobles Romains, comme écrivait Daigue en 1550. Nous devons tout au moins signaler cette étrange particularité, et cette croyance enracinée chez les vieilles ménagères – elle l’est peut-être encore chez les jeunes – que sans addition d’un sachet de cendres les escargots ne cuiraient pas. Comment en expliquer l’usage – car son utilité est absolument niable -, sinon pour une raison symbolique.

Dans les temps très anciens, un plat d’escargots devait obligatoirement être servi dans tout repas funèbre et le sachet de cendres adjoint à leur cuisson figurait une sorte d’hommage rendu aux cendres des morts. Et comme certaines traditions ont la vie dure, celle du sachet de cendres s’est perpétuée à travers les siècles.

 

Comme spécialité gourmande du pays de Crébillon, signalons en passant la Queue de bœuf à la vigneronne dont la recette fut cueillie par Escoffier dans les cuisines d’un hospitalier manoir des environs de Nuits-Saint-Georges. Et elle n’est pas du tout banale cette préparation de queue de bœuf qui, à une condimentation bien réglée ajoute une copieuse addition de grains de raisins, et un mijotage long et régulier fait de cette chair gélatineuse une substance fondante. C’est ce qu’on peut appeler un plat dans la note locale.

Est-il un Bourguignon bourguignonnant qui ignore la Meurette ? S’il en est un, honte à son ignorance. La meurette, où sous les flammes bleues du cognac ou du vieux marc, et dans les ondes du vin rouge – et du fameux ! – s’associent les tronçons d’anguille, de chevenne et de tanche. Observons, cependant, que les vrais amateurs y exigent la truite comme dominante et que la meurette n’est pas complète si elle n’est accompagnée des croûtons en pain bis, grillés et frottés du condiment que Galien dénommait la « thériaque du laboureur » et du vigneron, l’ail pour l’appeler par son nom. Et le Poulet au sang ? Vit-on jamais un pêcheur ayant capturé dans l’Yonne un barbillon de huit livres, ne pas convier ses amis à venir célébrer sa prise sous les espèces et apparences du poulet des guinguettes de la banlieue Sénonaise ? Du poulet sacrifié, plumé, sauté en 35 minutes, montre en main, et suivi de quelques autres bagatelles réconfortantes.

Et maintenant, parlons un peu de cette transcendance de la cuisine des campagnes aux jours de fêtes carillonnées ! De la Tourte aux boulettes, énorme circonférence cerclée d’un bourrelet, dont le couvercle de pâte bronzée dissimule les rotondités d’un hachis, comme on ne le fait que dans nos pays. Et ce plat des appétits robustes n’a pas, jusqu’ici, trouvé son chantre. Nul poète n’a cru devoir accorder sa lyre pour chanter la tourte aux boulettes alliacées, qui nous fit entrevoir – il y a longtemps – les merveilles de la gastrotechnie. Soyons juste pourtant. Dans un livre de cuisine où de notoires écrivains et artistes férus de cuisine avaient cru devoir consigner leurs conceptions culinaires, l’architecte Binet, Sénonais de naissance et père de la « parisienne » en robe azur qui surmontait la porte monumentale de l’Exposition de 1900, a tenté de décrire cette tourte bourguignonne placée sous le patronage du grand saint Germain. Et il l’a décrite en architecte, gastronome émérite, nous en convenons, mais piètre théoricien de l’art porté si haut par les Dubois, les Escoffier, les Casimir, les Cubat, les Giroix etc.

Nous glissons sur une multitude de plats locaux dus au génie inventif des Rosalie, Aglaé et Brigitte bourguignonnes, pour terminer en mentionnant : la Gougère, descendante du vieux « Ramequin ». La gougère en couronne pointillée des cubes de gruyère, invariable dessert des déjeuners dominicaux bourgeois dont, au temps où nous étions jeune patronnet, nous avons promené tant et tant d’échantillons. Le Rigodon, obligatoire le jour où le four était chauffé pour la cuisson du pain dont il prenait la place. Il se faisait de deux façons : comme plat, avec addition de jambon eu de viande de porc bouillie et hachée ; comme entremets, sorte de pudding au plat, parfumé de cannelle, additionné de noix hachées appuyées de quelques noisettes et complété par une marmelade quelconque. Enfin, la Fouée, la Flamiche aux poireaux et le Tatas, toutes friandises également préparées le jour de la cuisson du pain. La louée était une circonférence – pas toujours bien régulière – en pâte à pain abaissée à l’aide d’une bouteille sur la large pelle à enfourner, relevée en bourrelet sur les bords et généreusement badigeonnée d’huile de noix, ou couverte de crème fraîche légèrement salée avec, par ci par là, quelques parcelles de beurre.

La flamiche se faisait de même, à cette différence que l’abaisse était couverte d’une épaisse couche de poireaux étuvés au beurre, cuits dans une sorte de Béchamel avec abondante addition de petits lardons. Cela se cuisait sur l’âtre, toute la surface léchée par les flammes claires de sarments disposés en couronne. La famille entière était là, attendant la défournée, car fouée et flamiche doivent se manger brûlantes. Le tatas était une sorte de galette, toujours en pâte à pain légèrement enrichie de beurre, et doré au vin ; grand régal des autochtones. Il y aurait encore à parler de l’Andouille aux haricots, de la Ferchuse aux navets, des Fricassées, des Tartes des jours de fêtes, mais il faut nous borner.

(D’après « La Revue de Bourgogne » paru en 1922) 

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Le Morvan, site plein de surprises

Posté par francesca7 le 25 septembre 2014

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Le Morvan (anciennement Morvand) est un massif de hautes collines français situé en Bourgogne, aux confins des départements de la Côte-d’Or, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l’Yonne. Il domine à l’ouest la dépression du Bazois et le Nivernais, au nord la Terre-Plaine et la dépression de l’Auxois, au sud et au sud-est les plaines du Charolais et de l’Autunois.

L’air vif a un parfum tout particulier. Il sent le foin, la châtaigne, le lait frais et le feu de bois mouillé. Ce bouquet d’odeurs qui monte de vallons encaissés, bruissants d’eaux vives, au cœur de la Bourgogne, c’est tout le Morvan. Un massif qui vit d’air pur et d’eau fraîche, à moins de trois heures de Paris. Un pays solitaire, dur, couvert de prairies, de landes et de forêts immenses, où se mêlent toutes les nuances de vert. Une sorte de Québec en réduction, cachant des trésors sous ses épaisses frondaisons, au flanc de ses gorges profondes, mais ne les livrant qu’à ceux qui ont l’âme rustique ou la fibre du trappeur.

Vieux massif granitique, raboté par l’érosion, relevé depuis, le Morvan occupe, au centre-ouest de la Bourgogne, un rectangle de quelque 80 km de long sur 50 de large, orienté du nord au sud. Au nord, c’est un plateau à peine ondulé, qui s’élève en pente douce depuis le Bassin parisien ; au sud, le relief s’accentue, puis s’effondre brutalement, ce qui, malgré son altitude modeste, lui confère un aspect montagneux.

En venant de la capitale par l’autoroute du Soleil, l’approche se fait par étapes rapides. A peine sorti du ruban de ciment, on traverse, en les oubliant aussitôt, de gros bourgs aux maisons tristes : la sévérité de la pierre grise des façades éteint l’ardoise des toits. Et, soudain, la route monte, descend, tourne, tourmentée comme l’univers à découvrir. L’horizon est fermé par des barrières de grands sapins noirs, percées, de-ci de-là, par la teinte argentée de quelques bouquets de bouleaux. Le rideau s’entrouvre sur un autre monde.

Déjà refuge aux temps préhistoriques, le Morvan fut, à l’époque gauloise, le domaine des Eduens, dont la capitale, Bibracte, était la ville la plus étendue des Gaules. Disputant la primauté au peuple rival des Arvernes, les Eduens appelèrent les Romains à leur aide. Bien que cette alliance ne leur ait pas apporté autant de profit qu’ils en espéraient, ils lui restèrent fidèles, n’abandonnant les Romains que le temps d’aller se faire massacrer à Alésia, aux côtés de l’Arverne Vercingétorix. Après quoi ils marquèrent leur allégeance en acceptant de transporter leur capitale dans la plaine, à Autun : le Morvan cessait d’être un refuge, sauf lors des fort nombreuses périodes troublées que subit la Bourgogne.

Aujourd’hui, partagé entre les quatre départements bourguignons (Yonne, Côte-d’Or, Nièvre et Saône-et-Loire), le Morvan est devenu « marginal ». Mais, au milieu de ses vastes réserves de verdure et d’eaux vives, les frontières s’oublient. Dans ce massif raviné par les torrents, la rudesse des pentes rocheuses est adoucie par le velours des sous-bois où voisinent la digitale et l’orchidée sauvage. Des champs de genêts coupent les forêts de hêtres, tapissées de parterres de bruyères. Pourtant, la roche sombre (Morvan vient du celtique mor’ven, « montagne noire ») n’est jamais bien loin.

Le Parc Naturel Régional du Morvan

L’expansion du tourisme pouvait constituer une intéressante solution d’appoint. C’est ce qui a amené la création, en octobre 1970, du parc naturel régional du Morvan. L’idée de ranimer la vie locale en préservant une vaste zone où les citadins viendraient se détendre est née en 1966. Les arguments ne manquaient pas : paysages attrayants, lacs-réservoirs, étangs, monuments historiques et vestiges remontant à la plus haute antiquité, proximité de Paris, esprit hostile aux modernisations hâtives, ignorant la frénésie de notre époque, propice à la nostalgie des joies agrestes, pause-dépaysement à la portée de tous. Grâce à son parc naturel, le Morvan a consolidé son unité géographique et humaine, menacée par son écartèlement entre quatre départements.

Des aménagements pour accueillir les touristes

Dans le Morvan, la présence gauloise est sensible à chaque détour de sentier. C’est sans doute pour cela que le parc régional, qui s’étend sur 64 communes et couvre 173 615 ha, a pris pour emblème le cheval au galop d’une antique monnaie éduenne. En six ans, les forêts domaniales (Saulieu, au Duc, Ferrières, Breuil-Chenue, Anost, Saint-Prix, Glenne) ont été aménagées : amélioration des routes, création d’aires de stationnement avec tables de pique-nique et abris. Deux maisons forestières ont été transformées en chalets-dortoirs. Ouverts toute l’année, ces refuges en pleine forêt servent des curiosités différentes : celui de Breuil, au nord (près de Dun-les-Places), est destiné à ceux qui s’intéressent surtout à la faune ; celui de la Croisette, au sud, en forêt de Saint-Prix, aux amateurs de flore et de géologie.

Le promeneur est libre qu’il soit amateur ou spécialiste

Mais pourquoi se spécialiser ? Personne n’empêche le géologue de s’attarder dans l’un des miradors de Breuil-Chenue pour observer les évolutions d’un chevreuil ; ou dans l’enclos d’Anost, pour guetter une harde de sangliers ; ou dans celui de Quarré-les-Tombes, où des daims paisibles semblent avoir compris que leur peau ne servira jamais à fabriquer des chaussures. Et personne n’interdit non plus au zoologue qui, sur un chemin forestier, découvre un gisement de quartz laiteux de chercher à y récolter béryls, grenats ou tourmalines.

Carte_du_MORVANLe promeneur est libre. Comme l’air du Morvan. Et si les animaux ne sont qu’en semi-liberté, c’est pour leur bien. L’homme doit les protéger contre l’homme. Mais leurs enclos sont vastes. Chaque espèce vit dans son milieu écologique. La génétique et la densité à l’hectare sont respectées. Finalement, les lois naturelles le sont aussi, puisque, même sans enclos, une bête sauvage occupe un territoire dont elle ne sort jamais.

L’eau est un des éléments dominants du Morvan, terre des cent rivières, devenue aussi celle des grands lacs. Outre les Settons, il faut citer les réservoirs du Crescent (165 ha), de Saint-Agnan (142 ha), de Chaumeçon (135 ha), de Pannesière-Chaumard (520 ha), qui ont permis de discipliner la fougue des cours d’eau — notamment celle de l’Yonne, cause de dangereuses crues de la Seine —, de produire de l’électricité et de constituer une importante provision d’eau potable pour la capitale.

Mais ces lacs ont également une vocation touristique. Tous les cinq sont équipés pour les activités nautiques, et leurs installations se perfectionnent d’année en année. Chaumeçon est une base nationale d’aviron et de canoë-kayak (discipline pratiquée sur toutes les rivières de la région); Saint-Agnan, en accord avec la fédération et les collectivités locales, s’oriente vers la pêche ; Crescent (comme l’étang de Vaux et son voisin l’étang de Baye, dans le Nivernais) est surtout voué à la pratique de la voile.

De par son étendue, Pannesière-Chaumard, qui déploie ses méandres sur 7,5 km dans la vallée de l’Yonne, à l’ouest des Settons, au milieu d’une couronne de collines verdoyantes, permet de pratiquer toutes ces activités. Une route en fait le tour en franchissant la crête du barrage. De là, on découvre, vers le sud, les sommets du haut Morvan qui, plus farouche et plus solitaire que le nord, est peut-être le « vrai » Morvan.

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UNE ENQUÊTE SUR JEAN COUSIN

Posté par francesca7 le 25 septembre 2014

 

 téléchargement (9)Jean Cousin est un de ces ouvriers de la première heure qui, à l’aurore du XVIè siècle, ont renouvelé l’art français. Il possédait le don merveilleux de tout savoir, de tout comprendre et cette diversité d’aptitudes dont les maîtres italiens de la Renaissance nous ont montré tant de glorieux exemples. A la fois peintre, sculpteur, graveur, verrier, architecte et écrivain, presque toujours il s’est montré sûr de sa main comme il l’était de sa pensée. Et cependant l’histoire ne possède encore que des lambeaux épars de sa vie. On ne sait au juste ni quand il est né ni où il est mort; on ignore la plupart de ses oeuvres, soit que les unes aient été détruites par le temps ou les révolutions, et que les autres aient péri sous la main de vandales qui prétendaient les restaurer ou les mettre en harmonie avec le goût moderne. Si bien que l’été dernier, M.Deligand, maire de Sens, dressant un long et consciencieux procès-verbal des faits, nous ne dirons pas connus, mais publiés sur son illustre compatriote, n’a obtenu de ce patient labeur qu’ un résultat fort triste, à savoir, que les points de sa vie tombés dans l’oubli l’emportent en nombre et de beaucoup sur ceux reconnus authentiques ou seulement vraisemblables.

Les études premières, les travaux et les faits essentiels d’une vie que jean cousin consacra toute entière au travail, sont tellement peu connus, qu’il n’est pas d artiste à qui l’on ait plus accordé de choses qui ne sont pas de lui. Toute peinture, toute gravure, sculpture ou verrière de son époque, et dont leurs auteurs sont restés ignorés, lui ont été attribués sans preuves, sans raisons suffisantes. Et il arrive maintenant, juste retour des choses d’ici-bas, que l’esprit de critique, ce trait vital du génie français, non content de lui avoir ôté ces oeuvres apocryphes, cherche à lui ravir l’un des rayons principaux d’une gloire dont il avait toujours joui sans conteste.

Jean Cousin a-t-il été sculpteur ? Cette question fut posée en 1858 par un de nos érudits d’art des plus compétents, M. Anatole de Montaiglon. Certes, Jean Cousin a été sculpteur, écrivions-nous vers ce même temps au savant bibliothécaire de  l’école des Chartes, car Ies comptes de la cathédrale de Sens, relevés par notre excellent archiviste, M Quantin mentionnent qu’une somme lui fut allouée en 1543, « pour avoir racoustré une « statue de la sainte Vierge. » D’autre part, les comptes de Fontainebleau, transcrits par M. de Laborde, mentionnent la vente, à lui faite, d’un bloc de marbre dont il ne voulait pas apparemment  faire des manches de couteau ; enfin la tradition, qu’il n’est guère permis de traiter légèrement, car elle nous a valu l’Iliade et la Bible, a toujours été sur ce point précise et invariable.

Mais a-t-il sculpté cette admirable statue de l’amiral Chabot, l’orgueil du Louvre et de l’art français, l’égale, ou peu s’en faut, des plus belles oeuvres de Michel-Ange ? L’attribution qui lui en est faite reposait uniquement sur assertion relativement récente (1606) de Félibien, lorsque nous trouvant à Sens en Décembre dernier, un érudit de cette ville, artiste à ses heures, M. de la Vernade, voulut bien nous communiquer, et même nous aider à transcrire d’un vieux manuscrit de famille, comtemporin de Jean Cousin, la preuve, décisive  en apparence, qu’il a sculpté la statue de Chabot. Ce manuscrit, bien connu dans notre département, à pour titre : Histoire de la ville de Sens, par Taveau, copiée et revue par P. Maulmirey, échevin de cette ville, en 1572, et l’aïeul de M. de la Vernade. Le manuscrit princeps, celui de Taveau, existe d’ailleurs à là bibliothèque de la ville, mais le passage en question avait échappé jusqu’ici aux biographes de Jean Cousin, bien qu’il eut été signalé, mais incomplètement, par M. Horsin Déon, en 1851, dans son excellent livre, devenu rare, De la Restauration et de la Conservation des Tableaux. Voici ce passage, transcrit avec un profond respect de l’orthographe, et qui voit ainsi le jour pour la première fois :

  »Jehan Cousin, natif d’un village nommé Soucy , en la banlieue de Sens, peintre fort gentil et excellent d’esprit, a monstré par les belles peintures qu’il a délaissées à la postérité la subtilité de sa main et a fait cognoistre que la France se peut vanter qu’elle ne le cède en rien aux gentils esprits qui ont été ès autres pays. Il a faict de beaux tableaux de peinture très ingénieuse et artiste, qui sont admirés par tous les ouvriers experts en cet art pour la perfection de l’ouvrage auquel rien ne deffault.

Oultre ce, il estait entendu à la sculpture de marbre, comme le tesmoigne assez le monument du feu admiral Chabot en la chapelle d’Orléans, au monastère des Célestins de Paris, qu’il a faicte et dressée et monstre l’ouvrage l’excellence de l’ouvrier. »

Ainsi donc, un témoignage contemporain et digne de confiance, accorde au grand artiste sénonais l’œuvre qu’on lui conteste. Mais M. de Montaiglon, que nous nous sommes empressés d’aviser de notre découverte, ne la trouve point décisive. Voici ses raisons : 

Paris 11 décembre 1868 

Monsieur et ami, 

Votre passage est très curieux. C’est la première fois qu’il se produit un texte antérieur à Félibien, et cela est important. Mais une chose reste certaine :
    1°) Que le cadre ovale de l’ancien tombeau de Chabot ne peut être que de la fin des Valois; par conséquent, l’ayant ou ne l’ayant pas sculpté, Cousin peut être l’auteur de la composition et du dessin et en avoir surveillé l’exécution;
    2°) Que la statue, la seule chose qui soit un chef d’œuvre est bien antérieure, ce qui résulte d’elle-même; elle est d’un goût non seulement antérieur au temps de Pilon, mais même au temps de Goujon; elle est contemporaine de François ler et de Chabot, et, dans mon opinion tout intime, plus voisine de sa nomination au grade d’amiral (1525) que de sa mort (1543).

Il faudrait donc que Cousin, à quarante ans de distances ait d’abord fait la statue vers 1530 et le cadre ornemental vers 1570, date du goût de ce dernier qui sent pleinement l’exagération menue et chargée des derniers Valois et des derniers temps de l’Ecole de Fontainebleau expirante.

Le cadre sculpté du tombeau, son arrangement architectural et ornemental, est bien du temps de Cousin, il pourrait être de lui; votre texte prouve qu’au lieu d’une possibilité il y a probabilité, certitude même. J’en ai fait la supposition, vous la confirmez. Mais la  statue même est en dehors. Elle est antérieur à Goujon, elle est du temps de François 1er ; Cousin l’a-t-il faite sous François 1er ? La grosse question est là et reste tout entière.

Je n’ai pas besoin de vous dire que si je me défends ce n’est pas pour mon opinion, mais pour ce que je crois la vérité. Ce que je demande c’est la preuve de deux choses, la preuve positive et, s’il se peut, pas unique, que Cousin a été non pas l’inspirateur direct d’une sculpture, – je l’ai accordé d’avance dès 1858 – mais un sculpteur au propre, un modeleur et un tailleur de marbre effectif, et aussi la preuve que la statue qui est archi-antérieure, qui n’est qu’employée et mise en oeuvre dans une décoration postérieure, est son oeuvre; de plus, ce qui serait bien nécessaire à la démonstration, qu’il a fait d’autres choses de sculptures et d’importantes, même de sublimes, parce qu’on ne fait pas un chef-d’œuvre comme celui-là sans être non-seulement un grand sculpteur, mais un sculpteur habituel, exercé, fécond et même uniquement un sculpteur.

Voilà, en gros et en courant, mon opinion ancienne et subsistante, pas du tout pour faire du paradoxe et de l’originalité, mais parce que jusqu’à la production de véritables preuves, je ne peux pas arriver à en avoir une autre. Je n’en reste pas moins votre tout dévoué en Cousin, malgré ma qualité d’hérétique, brûlable sur la place publique d’Auxerre.

téléchargement (10)« L’hérésie » de notre aimable et spirituel correspondant ne sent nullement le fagot ! N’est-il pas bon, n’est-il pas utile et profitable que la libre discussion aborde, pour les éclairer, tous les points qui divisent le monde de l’art, comme celui de la science et de la politique ? D’ailleurs, elle est déjà bien loin de nous la critique d’art telle qu’on l’entendait autrefois, en admettant sans examen ni contrôle les attributions souvent hasardées, parfois ridicules des enthousiasmes de clocher ! L’érudition moderne n’admet plus les faits qu’à bon escient. Ses arrêts n’en sont que meilleurs et souvent même décisifs. Le jugement porté par M. de Montaiglon sur l’œuvre sculpturale qui nous occupe, paraîtra probablement un peu absolu ; il n’en mérite pas moins un examen sérieux et approfondi auquel nous nous essayerons prochainement en temps et lieu. Rappelons seulement ici, en réponse au trait final de sa lettre, que le savant professeur de l’école des Chartes est l’un des bénédictins de l’art, un historien consciencieux, inexorable, épris avant tout de la vérité qu’il cherche sous toutes ses formes, même sous celle du doute, cette base première de la science. En publiant sa lettre, expression des doutes qui l’assiégent, nous voulons seulement offrir à nos érudits l’occasion de les lever.

Il nous paraît impossible, en effet, que dans le département de l’Yonne, et en particulier au pays Sénonais où tout est plein de Jean Cousin, où tout parle de lui, on ne puisse pas exhumer, soit des archives des villes, des presbytères, des châteaux, soit des comptes des fabriques d’église ou des études de notaire, un fait, une date, une trace quelconque de sa biographie, à l’aide desquels on puisse restituer l’œuvre à peu près complète du maître etmaintenir ce qu’on lui conteste. C’est à M. Deligand qu’on doit le peu que l’on sait de certain sur sa vie ; c’ est à un autre ancien officier ministériel, M. Hesme, de Villeneuve-le-Roi, qu’on doit aussi l’accroissement de ce premier fond et plusieurs indications d’un haut intérêt.

La terre natale de Jean Cousin ne peut en demeurer là; le dernier mot ne peut pas avoir été dit. On se rappelle qu’à la demande de M. Champfleury, et dans ces mêmes colonnes, nous ouvrîmes il y a six ans, à propos des anciennes faïences de l’Auxerrois, une enquête qui n’a pas été infructueuse. Celle que des fervents de l’art nous prient d’ouvrir aujourd’hui sur la vie et les oeuvres du grand maître sénonais, aura-t-elle également un sort heureux ? Nous l’espérons fermement. Le souvenir de Jean Cousin et de son talent est pour nos contrées comme une tradition de gloire, à laquelle chacun voudra s’efforcer d’ajouter encore. Pour cela, il ne faut qu’essayer d’éclairer les points restés obscurs de sa glorieuse carrière, qu’achever en un mot l’oeuvre heureusement commencée par MM. Hesme et Deligand.

C’est à l’année 1560 d’après le manuscrit de Maulmirey, qu’il faut fixer l’époque de sa mort, témoin ce passage traduit littéralement et avec ses lacunes :

« Il mourut à…, le jour de…1560 plus riche de nom que de biens de fortune, qu’il a de toute sa vie négligés… »

Félibien dit au contraire en 1666 :

« Il m’a esté impossible de sçavoir en quelle année il est mort, seulement qu’il vivait en 1589, véritablement fort âgé.»

Comment ne pas donner la préférence entre ces deux témoignages à celui de Maulmirey, digne de toute confiance parce qu’il fut le contemporain, le compatriote et probablement l’ami de Jean Cousin. Une tradition de famille le fait naître vers l’an 1500, mais ce n’est qu’une tradition et son autorité est singulièrement affaiblie par divers textes affirmant que Cousin naquit vers 1492 et même auparavant. Que ces textes soient confirmés par des preuves, et l’argument de M. de Montaiglon sur l’antériorité de style de la statue Chabot perd toute sa valeur.

Les compositions gravées par Jean Cousin sont aussi introuvables que ses dessins, de même que les oeuvres incontestables de son pinceau sont rarissimes.

Il en est jusqu’à trois que l’on pourrait citer :
L’une, le Jugement dernier, est au Louvre ;l’autre, la Pandore, à Sens, et la troisième, l’Artemise, à Auxerre, celle-ci certifiée par les principaux connaisseurs de Paris, par M. Reiset, notamment.

A notre avis, il en existe d’autres encore ; mais ces mêmes juges, à la suite d’ailleurs d’un malentendu, les tiennent maintenant pour des copies. Nous voulons parler des cinq portraits de la famille de Jean Cousin, que possède son descendant, M. Bouvier, receveur des contributions à Agen. On lui conteste encore le célèbre vitrail de saint Eutrope, de la cathédrale de Sens, dont certaines parties d’ailleurs sont peu dignes de lui ; on a trouvé qu’on pouvait même lui contester les oeuvres sorties de son ciseau.

Heureusement qu’il a signé les livres qu’il publia, comme Albert Durer, sur les proportions du corps humain et sur les moyens géométriques de dessiner ; aussi, personne n’a pu les lui contester. Sur ces livres, intitulés La vraye Science de Pourctraiture et L’Art de desseigner ; le manuscrit de Maulmirey s’exprime ainsi :

« Il ne se contenta pas de faire paroistre ses ouurages par la peinture et sculpture, mais encore il voulut communiquer à la postérité ce qu’il y avait d’excellence en son art et a laissé par escript un liure : De la Perspective, imprimé à Paris en l’an 1560, par Jehan Royer, qui est comme un directoire aux peintres pour pouvoir représenter en tableaux avec la géométrie toutes figures de palais, maisons, bastiments et choses qui se peuvent voir sur terre, soit haultes ou basses par raccourcissement selon l’esloignement de la veue ou distance, auquel liure il a mis les figures nécessaires pour l’intelligence qu’il auait luy même pourctraiter de sa main sur planches de bois.

  Il a faict un aultre liure qui est aussy imprimé :
Des raccourcissements des membres humains en l’art de peinture. Il mourut à…
le jour de…1560, plus riche de nom que de biens de fortune, qu’il a toute sa vie négligés comme tous homme de gentil esprit, faisant profession des arts et sciences, qui s’y sont arrestés. »

(Histoire manuscrite de la ville de Sens., par Jacques Taveau, procureur au bailliage, transcrite par Maulmirey, échevin de cette ville. – Sens, 1572).

Quant à notre appel, dont plusieurs journaux, après le journal L’Yonne du 17 décembre se sont fait les échos, il nous a valu déjà plus d’une communication intéressante de nos érudits et notamment la lettre suivante dont les indications, très nettes, très précises, pourront mettre sur la voie de découvertes importantes et décisives :

                        Auxerre, 19 décembre 1868.

Mon cher Monsieur, 

J’ai lu dans L’Yonne, du 17 courant, l’appel que vous faites à tous les amateurs des arts et de l’histoire des artistes, pour arriver à compléter la biographie d’un célèbre compatriote, Jean Cousin. Me permettez-vous de répondre à cet appel dans la mesure de ce que je sais et puis dire? Rassurez vous, je serai bref.

Dans ma pensée tous les efforts, toutes les suppositions que l’on fera `seront vaines aussi longtemps qu’on ne portera pas les recherches dans les archives des anciens notaires sénonais. Or, il existe à Sens, à la Chambre des notaires, un riche dépôt de minutes remontant au seizième siècle. C’est là surtout qu’il faut fouiller. Si on veut le faire sérieusement, on y trouvera, j’en ai l’entière certitude, des documents authentiques sur Jean Cousin, et notamment des marchés passés entre lui et des communautés religieuses pour des travaux d’art de diverses natures. 

Et alors la lumière que vous avez eu la bonne idée de provoquer se fera et les plus incrédules, M. de Montaiglon en tête, seront forcés de reconnaître que Jean Cousin a été peintre, sculpteur, etc.

images (6) 

Agréez, etc.                                                                                    

M. QUANTIN Archiviste de l’Yonne.

Nous avons pleine confiance dans l’indication précise que signale notre savant correspondant et l’espoir que les archives de la chambre des notaires de Sens, largement explorées, mettront sur la voie de faits précis, irrécusables, sans lesquels une Biographie de Jean Cousin ne peut être aujourd’hui entreprise sérieusement.
Nos érudits sont ainsi mis en demeure d’agir. Espérons qu’ils ne failliront point à la tâche et que leurs recherches arriveront à dissiper cette longue série de points d’interrogation dont se compose, en majeure partie, l’histoire de la vie et des oeuvres du grand artiste sénonais.

Le portrait accompagnant cette notice, nous le devons à l’extrême obligeance de M. Charles Blanc l’auteur de l’Histoire des Peintres et le fondateur de la Gazette des Beaux-Arts , deux entreprises qui tiennent, à des titres divers, le premier rang dans les publications artistiques contemporaines. Et cependant ce portrait, à nos yeux du moins, est non moins apocryphe que celui illustré par le burin d’Edelinck ; aussi le donnons nous à titre de simple document. 


J. LOBET-  Almanach Historique et Statistique de l’Yonne
- édition de l’année 1869 -

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Nostalgie DU PAYS de RETZ (Bretagne)

Posté par francesca7 le 24 septembre 2014

 

téléchargement (2)MAINTENANT le Pays de Retz est dans mes mains comme un objet menu, ramassé, précieux. Je le tiens tout entier entre mes doigts et je le tourne ainsi qu’une de ces noix sculptées sur lesquelles on découvre des palmiers, des singes, des navires ou les travaux d’Hercule. Il me suffit d’un regard pour l’embrasser, d’un geste pour le parcourir. Si je veux m’arrêter sur un détail, il me faut me baisser. J’ai l’impression d’être un géant chaussé de ces terribles bottes de sept lieues qui nous privent de flâner aux lacis du paysage.

Comme la quarantaine rapetisse le champ de notre enfance ! Cet univers qui m’a dominé, je le domine à mon tour. La rivière n’est plus que ruisseau, la montagne simple mamelon, et la distance s’est repliée sur elle-même à la façon d’un décamètre que l’on met dans sa poche. J’ai grandi en âge, en compréhension, en méthode. Mon service d’imagination est à l’ordre et il suffit d’un déclic pour qu’il déploie ses synthèses. J’ai grandi en moyens aussi, étant armé de l’automobile, arpenteuse implacable des routes.

Montez à côté de moi et je vous emmène à Paimboeuf. Nous n’irons pas en festonnant la côte, par Pornic, Sainte-Marie, Préfailles, et cette baie en croissant - la concha - qui arrondit sa courbe blonde de la pointe Saint-Gildas à Mindin. C’est le trajet du touriste, la route d’émeraude, en bordure des falaises, des sables, des pinèdes, sans quitter le leitmotiv du vieil Océan jongleur qui soutient le film. Non, nous irons au plus court. Nous couperons d’un trait la presqu’île, du sud au nord, en passant par le Clion, Saint-Père-en-Retz. Il y a là des petites routes, empierrées d’une silice blanche, qui éblouissent au soleil et donnent une poussière dure comme de l’émeri, mais qui savent, au gré des ondulations, emmêler aimablement les points de vue aux bocages.

Voilà le pays : des houles successives, très douces, allongées dans le sens de la Loire, dernières rides, semble-t-il, du Sillon de Bretagne. Autour du Clion dont l’église porte clochette à l’extérieure de son bonnet pointu comme une folie, la terre est encore rabougrie par le voisinage de la mer. On franchit le canal de Haute-Perche, couleuvre jaune tapis dans les prés bas, sur un ponceau encadré de platanes malingres. Un carrefour. La route monte, l’humus paraît, roux et fort, chargé de choux bleus, de betteraves vertes ou d’emblavures fleuries de coquelicots. La haie devient plus dense, fournie d’ajoncs, d’aubépines, de genêts au coeur sucré et de saules. Des chênes bien faits, des frênes d’une belle venue, que l’on sent les pieds à l’aise dans une humidité grasse, abritent des fermes puissantes, baignées d’un fumier corsé. Les troupeaux sont nombreux, nets, riches : grands boeufs vendéens couleur froment, vaches claires aux lourdes tétines, baudets fringants et courts de garrot, encombrent les chemins à la douzaine. Une petite fille les mène, ébouriffée, joufflue, en tablier à carreaux, la voix aigre. Elle prend son chien dans ses bras au premier coup de trompe – « Ici, Bas-Blanc ! Ici, Pataud ! » – et se réfugie au fossé, vous laissant tranquillement aux prises avec les cornes.

Soudain la Loire, le paysage déchiré, la presqu’île qui s’abaisse, l’horizon dilué dans une brume opaline, et les beaux nuages bretons, denses et arrondis comme des nefs à l’ancre dans un ciel perlé ! Vous êtes au plus haut de l’échine, sur la butte qui dévale à Saint-Père-en-Retz, village de lait, de beurre et de fourrage, comme Saint-Viaud, Frossay, Vue, dont les pointes saillent dans l’est parmi les vergues blanches des trois-mâts voués à la mort. Le grand fleuve se devine, plutôt qu’il ne se voit, dans l’immense vallée que les prairies, les îles, les marais poussent à plat jusqu’aux premières côtes du Morbihan, et un dernier souffle de l’antique émotion, qui figea la horde à la vue de l’eau qui marche, vous passe encore au visage. La Loire des châteaux et des grâces, la Loire royale, couronnée par la renaissance tourangelle, l’amour des Valois, les grappes angevines, grouille là béante, limoneuse, en gésine. Plus de peupliers tremblants et virginaux, plus de sables en fuseaux d’or, plus de détours bleus sous le roc féodal, plus de mirages rêveurs aux quais d’une province qui file son rouet – Rochefort, Chalonnes, Ancenis, – et bavarde au verre de vin. La Loire, ici, engraisse de ses limons des herbagers millionnaires qui la parfument de foin coupé au mois des roses.

Pour arriver à Paimboeuf il faut reprendre la plaine, et tout, de nouveau, devient gris, ras, amer, comme au revers de la presqu’île, là-bas, au bord de la baie de Bourgneuf. Un soleil d’été foudroie un sol qui craque. Des touffes de ces tamaris ascétiques qui vivent sans eau, sans terre, sans abri, végètent le long de la route en compagnie de joncs flétris. On renifle déjà l’odeur des vases, cette odeur douceâtre et pourrie, que les roseaux cachent en eux comme un vice et qui me rappelle ma petite enfance, – je n’avais pas quatre ans, – du temps que nous habitions Trentemoult, au sud de Nantes, en bordure de ces marécages d’où les osiers étirent leurs fronts vultueux comme des victimes de Dante. La ville est là, basse, sans relief, derrière deux ou trois bouquets d’arbres et des usines rouges hors d’échelle.

Mais c’est une feinte, ces usines, chimie de guerre démobilisée à l’armistice qui n’a pu secouer le sommeil de la cité ! Paimboeuf est morte, à jamais morte, d’une mort légère, muette et poussiéreuse de vieille demoiselle, jadis courtisée, qui a fermé sa porte sur le monde et ses souvenirs. Dès l’abord les ruelles ont froid, le pavé cahote, l’herbe pousse, et vous voyez les façades aveuglées par des rideaux blancs conventuels qu’une main de cire écarte à la dérobée. L’humidité verte coule aux murs ; les mousses prospèrent. Au fond de couloirs tristes vous découvrez des intérieurs quiets, fanés, – comme celui de Tante Bougie, mon cher Octave, – que des capitaines au long cours ont ornés jadis de nattes, de fétiches, de coffrets en bois de santal, de bouddhas et de navires sous voiles insérés dans des bouteilles. Les épices d’Orient, affadies, ont fait place aux relents terreux des moisissures. A peine si l’on retrouve l’écho d’une essence de rose au fond d’un cristal capillaire. Sur les armoires il y a des pots de confiture à la rangette et, au seuil du jardin, une paire de socques, une canne, un chapeau à brides.

téléchargement (3) Le carreau, sous les pieds, est d’une pâleur agonisante à force d’être lavé, tandis que les planchers sont noirs. Même l’été l’atmosphère garde ce goût de fumée qu’elle prend aux âtres d’hiver où le cotret crachote. On écoute. Des fantômes, qui se nomment Zulma, Nathalie, Mariette, traversent le silence aux minces craquements de leurs souliers de soie, et vous n’êtes point tenté de les saisir. Mais, en rêvant, vous nouez autour de leurs ombres quelque roman d’attente, dolent et menu, où l’on voit fondre lentement un coeur en sucre.

Une sirène érafle l’air !… Ah ! le port ! le port de Paimboeuf, un des plus actifs du royaume au temps du Bien-Aimé où les corsaires rentraient des prises en pantenne, les négriers la cargaison des Indes occidentales, sur une rade encombrée de vaisseaux, de brigs, de flûtes, de panses hollandaises, de polacres espagnoles et des frégates de sa Majesté, l’accastillage ras sur les lisses de vibord. Maintenant le désert. Les gabarres, qui déchargeaient les navires pour remonter la rivière de Nantes, ont disparu. Les cargos portent à domicile. Et si on les entend siffler par le vent d’ouest, ce n’est pas qu’ils se soucient de Paimboeuf, mais parce qu’ils demandent un pilote ou l’entrée de Saint-Nazaire.

Les quais, plantés d’ormes magnifiques, regardent à vide le va-et-vient méthodique de la Loire qui, deux fois par jour, remonte vers sa source. L’immense estuaire se déplace d’un bloc, en nappe gaufrée, jaunâtre, que perce par endroits la vrille d’un tourbillon. A perte de vue l’eau coule, toute chargée des boues du vieux continent rodé depuis tant de siècles, absorbant les rives, les îles, les tours, et l’horizon en amont et en aval. Impression de mer plutôt que d’inondation, impression grise, poignante, aggravée par ce mouvement fluide, sans fin, qui étourdit. Les roseaux sont gris, l’herbe est grise, les cales sont grises, sauf les vases, miroir merveilleux des nues fastueuses. En face, dans les buées changeantes, on découvre, inscrites au ciel, les géométries terribles des chantiers de Trignac et le clocher de Donges, guindé sur l’eau comme un menhir. Les porteurs des Ponts et Chaussées, silhouettes déséquilibrées par la machine arrière, circulent d’une drague à l’autre, ces dragues hérissées, montueuses, dont la masse féodale surprend toujours lorsqu’on hante le fleuve au crépuscule.

La vie a deux sens comme la marée. Voiles et fumées montent au flux, descendent au jusant, bref passage analogue à celui d’un vol de canards.  Cargos, lougres, trains de péniches, tout se meut à la file, et les pêcheurs de plies dans leurs canots qui traînent des chapelets de bottereaux et lèchent les berges. La caravane se faufile entre les bouées du chenal, Pierre-à-l’oeil, Brillantes, Saint-Nicolas. Un ressac dur fouette les estacades, remue des croupissures écoeurantes. Paimboeuf contemple de ses vieilles façades rongées ces navires, qui ne toucheront plus jamais sa rade, et dont le choeur des retraités accompagne la manoeuvre. De-ci, de-là, entre les môles en beau granit, surmontés de petits phares blancs comme des cierges, une barque échoue, un homme tend son carrelet, le douanier flâne…

Si vous avez admiré le bel autel Louis XIII de l’abbaye de Busay, réfugié aujourd’hui dans l’église de la ville, avec ses angelots aimables et soufflés, allez vous asseoir sous les ormes et regardez à votre tour passer la vie. Elle va et vient, tout là-bas, sur le grand fleuve, insaisissable, et faisant des gestes que vous finissez par ne plus comprendre. L’eau dérive, sans hâte mais sans répit, avec une force indestructible, les roseaux dodinent, le vent soupire, le ciel bâille. Il faut prêter l’oreille pour discerner le clapotis du flot, le murmure des feuillages dans le silence bruissant où s’épanche parfois l’appel d’un navire. Un engourdissement lent et doux vous envahit. Le grand fleuve jongle devant vos yeux de ses innombrables facettes et vos paupières s’alourdissent. Pas de voix humaines, rien qu’un vieux couple en noir, qui sort du passé, foule les herbes à pas tremblants, s’efface. Derrière vous les mains de cire soulèvent des rideaux blancs, mais vous ne pouvez imaginer qu’un oeil regarde. Une glycine en fleurs, un pot de géraniums roses, et cette minuscule boutique, soigneusement close, qui porte le nom de Banque de France, vous étonnent. L’oubli s’infiltre, vous dissout, oubli du temps, des choses, de soi-même. Ah ! oui, des bateaux s’en vont au loin – vers quoi, Seigneur ! – sur cette eau étourdissante, mais, par bonheur, ils ne feront jamais escale ! Bienheureuse préfigure du néant, Paimboeuf dort et ne rêve pas.

EXTRAIT de ELDER, Marcel Tendron pseud. Marc (1884-1934) : Pays de Retz.- Paris : Emile-Paul, 1928.- 99 p.-1 f. de pl. en front. : couv. ill. ; 20 cm. - (Portrait de la France

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La vie rurale, au fil des jours

Posté par francesca7 le 25 août 2014

 

La guerre finie, la vie a repris peu à peu, comme avant, car il faut bien se dire que jusqu’en 1940, la vie rurale n’a pas changé. Ce ne sont pas les commodités apportées par l’emploi de la fau­cheuse ou de la batteuse qui ont modifié grand chose. Le travail restait dur et on a vécu presque dans les mêmes conditions que les grands-parents et même bien des générations avant eux.

images (22)En avant la musique

Promenons-nous dans cette campagne au pas du cheval qui tire notre carriole. Voici un village niché dans les collines au nord-ouest du chef-lieu. Figurez-vous qu’à la fin du siècle précédent, vers 1895, il y avait dans ce village un instituteur pas­sionné de musique, bon instrumentiste, et qui avait su faire par­tager sa passion à beaucoup de jeunes, et même de moins jeunes, du pays. Il avait réussi à créer une fanfare qui compre­nait une quarantaine d’exécutants. Cette fanfare cessa en 1914, mais reprit la guerre finie, jusqu’en 1928.

Ce groupe de musiciens animait le pays ; l’hiver, on montait des pièces de théâtre, l’été on donnait des concerts…

Voici, justement, un de ces anciens musiciens. Écoutons-le.

« J’avais quinze ans à la fin de la guerre de 14. Un de mes oncles qui, comme mon père, avait eu la chance d’en revenir, m’a appris la musique. Il jouait du cornet à piston et je l’ai fait, moi aussi.

« Je me souviens même que lorsqu’il fallait déplacer la bat­teuse, tenez, dans le hameau que vous apercevez là, et qui est fort pentu, on se mettait à vingt-deux bonshommes qui tiraient la corde… et l’oncle, pour les encourager, marchait devant en jouant du piston !

Dans ce hameau, poursuit-il, habitaient mes grands-parents du côté de ma mère. Ils avaient une petite bricole, avec un âne, deux vaches que la grand-mère menait aux champs le long des chemins tout en tricotant à quatre aiguilles, des chaussettes ou des mitaines. Le grand-père était tisserand. Il tissait de la toile de chanvre, surtout, parce que tout le monde cultivait un coin de chanvre pour cela.

Ils avaient eu une seule fille : ma mère. Avant son mariage, ma mère allait en journée, travailler chez les uns les autres, à la vigne, aux asperges, dans les champs…

Une épidémie terrible

Mes grands-parents sont morts tous les deux en 1911, de l’épi­démie de dysenterie qui a causé bien des morts dans la contrée. Figurez-vous qu’un gars du bourg qui faisait son service dans les dragons était tombé malade de cette dysenterie. Il s’en était tiré à grand peine, à ce qu’on disait. Il était venu en convales­cence à la fin de l’été, au pays. Il paraît qu’un cousin de ma mère avait bu dans le même verre que lui… toujours est-il que ce cousin, et bien d’autres, mes grands-parents, sont morts de cette dysenterie contre quoi les médecins ne pouvaient rien.

J’ai été pris, moi aussi, par cette épidémie. Je suis resté au lit trente-trois jours. Un jeune médecin qui était ouvert aux méthodes nouvelles avait trouvé un remède. Il était venu d’Auxerre à bicyclette. Ce remède, il fallait le boire mélangé à du blanc d’oeuf. En deux jours, c’était fini. Ce jeune médecin a malheureusement été tué à la guerre.

Pendant l’épidémie, le préfet avait pris des mesures pour limi­ter l’extension du mal. Il ne fallait absolument pas quitter le pays ; tout déplacement était formellement interdit. Les gen­darmes, à cheval, faisaient le contrôle – léger, quand même – sur les routes.

Ensuite, on a fait dans toutes les maisons une désinfection générale. Ça a duré près d’une semaine. »

Il s’agissait sans doute, en cette année 1911, d’une espèce de typhoïde, avant-coureur de cette maladie qui fit tant de morts quelques années plus tard avec l’épidémie généralisée connue sous le nom de « grippe espagnole ».

Le marché à Auxerre…

Chaque semaine, le lundi, on allait au marché d’Auxerre vendre nos produits. Chacun y retrouvait ses « pratiques ». On vendait beurre, fromages, fruits, légumes selon la saison, et aussi volailles et lapins.

« J’accompagnais ma mère, nous explique un vieux voisin. J’attelais le cheval avant jour. On chargeait la carriole, et en route ! Le cheval trottait à peu près les deux tiers du chemin ; le reste, on le faisait au pas car les côtes sont rudes. Une fois, c’était la semaine avant Noël, on avait amené deux petits sacs de châtaignes. Voilà, tout au début du marché, une dame, bien arrangée et fiérotte, qui se présente : je voudrais des châtaignes cueillies et non ramassées, qu’elle dit. Je fais un clin d’oeil à ma mère et je réponds : il y en a dans le sac d’à côté, c’est des cueillies, mais elles coûtent le double ! Et l’affaire a été faite. Après, ma mère m’a disputé. Mais je lui ai dit que s’il y avait des gens bêtes et riches, il fallait en profiter. »

images (23)A midi passé, le marché se terminait. On allait déjeuner rue d’Egleny, explique 1e rescapé de la typhoïde de 1911, à l’hôtel de la Renommée. On demandait soit une portion soit une demi­portion selon son appétit. On nous servait du ragoût avec des légumes, un morceau de fromage, un morceau de tarte, et une chopine. Le repas coûtait 2 ou 3 francs. »

Puis on faisait les commissions et on prenait le chemin du retour.

… et au village

Jusqu’à la guerre de 1914, dans bien des villages se tenait un marché le dimanche matin. Y venaient des marchands de volailles, beurre, oeufs ou légumes. Ils ramassaient ainsi la pro­duction de ceux qui n’avaient pas vendu en ville ou ne pou­vaient y aller. Ils étaient équipés de grandes carrioles montées sur ressorts. Ils dételaient sur la place, et les gens leur appor­taient, dans leur brouette bien souvent, ce qu’ils avaient à vendre. Certains de ces marchands vendaient un peu de mer­cerie. Le boulanger d’un village attelait son chien à une toute petite carriole que le charron lui avait faite tout exprès, et il venait sur la place vendre la pâtisserie.

Un ancien jeune gourmand se souvient : « avec une pièce de deux sous, en bronze, on avait deux allumettes », deux gâteaux longs et feuilletés : pour dix centimes, donc.

Les artisans

Dans tous les bourgs ou à peu près, on trouvait tous les corps de métier indispensables à la vie rurale : boulanger, boucher, épicier, voilà pour la nourriture. On n’allait que de temps en temps chez le boucher, quant à l’épicerie on s’y approvisionnait surtout en sucre, café, épices et allumettes. L’huile, on la faisait à l’huilerie avec les noix ou la navette. A l’huilerie, on avait un litre d’huile pour trois litres de noix.

On allait chez le bourrelier pour les harnais. Quand on avait un nouveau cheval, on lui amenait pour qu’il prenne les mesures afin d’ajuster le collier. Il y avait aussi les métiers du fer, de la pierre et du bois : forgeron, maréchal-ferrant, maçon, char­pentier-couvreur, menuisier, charron, tonnelier. Outre les ton­neaux, cuves et autres seilles en bois, le tonnelier fabriquait aussi les garde-genoux, ces espèces de caisses dans le fond des­quelles on mettait de la paille, et que les femmes utilisaient au lavoir.

Pour se vêtir et se chausser, le tisserand vous fabriquait des tissus d’une solidité éprouvée, et les cordonniers et sabotiers se chargeaient de vous mettre les pieds au sec et à l’aise.

La plupart du temps on était en sabots, les chaussures étaient réservées aux grandes occasions de la vie, c’est-à-dire les céré­monies religieuses et familiales.

Ajoutez à tout ce monde un ou deux rouliers, les spécialistes des transports, et vous aurez un aperçu assez complet de la vie artisanale rurale d’avant la guerre de 1914.

Pardon ! J’oubliais de mentionner l’auberge où passants et rouliers faisaient halte volontiers.

« Chez nous, mon grand-père qui était tisserand, a fabriqué aussi jusqu’à la fin de sa vie les guides et les cordeaux pour les attelées de chevaux »… après lui, on achetait les cordeaux et les longes à vaches, sur la foire au chef-lieu de canton.

La vie aux champs

images (24)Du matin à la nuit, on travaillait aux champs, à la vigne, au bois, selon l’urgence et les saisons. Certaines productions, plus délicates, plus fragiles, demandaient des soins particuliers. Ainsi en était-il pour les asperges. De bon matin, panier au bras et gouge à asperges en main, on allait prendre la pousse de la nuit. Il convenait de mettre la cueillette en bottes de 2 ou 3 kg, en les plaçant dans un moule en bois. Pour protéger les pointes des asperges qui sont si tendres, mais fragiles, on mettait une poignée d’herbe fraîche. On rassemblait toutes les bottes dans des paniers en osier et, tous les deux jours, on livrait à la gare de Chemilly où le marchand les embarquait en wagons pour Paris.

Dans cet arc de terre sablonneuse qui met comme un accent circonflexe sur la partie nord d’Auxerre, avant 1914, la produc­tion d’asperges était très importante.

On faisait ses griffes d’asperges soi-même, et on les exploitait de dix à douze ans avant de les renouveler.

Souvent, pour les gros travaux, les petits paysans qui n’avaient qu’un cheval s’entraidaient. On attelait à deux bêtes, sur la charrue, l’une à côté de l’autre ; pour les charrois l’une devant l’autre. Tombereaux, voitures gerbières étaient les élé­ments usuels des équipages de transport. Car, dans une exploi­tation agricole, on n’a jamais fini de transporter, de la ferme aux champs, des champs vers les bâtiments, des bâtiments au mar­ché… Non, ce n’est jamais fini.

Quand on avait réussi à économiser suffisamment, on se fai­sait faire une carriole légère ou un quatre-roues qu’on appelait aussi char-à-bancs.

En 1911, un charron spécialisé d’Auxerre vous faisait un quatre-roues avec sièges en cuir, auto-vireur pour le train avant, boîtes d’essieux en cuivre à votre nom, lanternes et capote de cuir, pour mille francs-or. Voilà qui aujourd’hui représenterait une belle somme. Je crois volontiers que l’on pourrait traduire cette équivalence par un de ces véhicules qu’on dit être « bas de gamme », disons une 2 chevaux camionnette.

On attelait un cheval léger, bon trotteur et c’était un vrai plai­sir d’aller au marché, ou tout simplement rendre visite à sa parenté en pareil équipage.

Et puis, pour le reste des outils ou instruments de travail, les artisans vous les fabriquaient sur place, au pays.

Le maréchal, en deux soirées, vous faisait une rouelleuse ou décavaillonneuse pour la vigne qui ne devait rien à personne en solidité, finesse des mancherons, équilibre du versoir. Le char­ron montait des roues qu’on cerclait au feu ; c’était une vraie cérémonie les jours de cerclage de roues… et chaque artisan dans son domaine propre vous réalisait des merveilles de savoir-faire et de goût des belles choses.

Je parle ici des gens de nos pays de petites cultures diversi­fiées qui, vers 1900, avaient tous des chevaux. Mais je sais bien qu’en d’autres contrées où les boeufs étaient encore liés pour les labours ou les charrois, il était plus d’un maître charron qui vous taillait un joug à la mesure de vos bêtes, avec un souci de per­fection sans pareil.

Oui, tous ces gens-là, nos vieux artisans, étaient des artistes. Artiste aussi était le cultivateur qui, au labour, arrêtait ses che­vaux lorsqu’il voyait un brin de chiendent, l’arrachait soigneuse­ment, le secouait pour enlever la terre, et le mettait dans la poche de son gilet de toile. Ne souriez pas. J’ai connu cela et je garantis que les quatre ou cinq arpents de l’exploitation étaient tenus «comme un jardin ».

Les mesures agraires

Puisque je parle de surfaces, permettez que je vous dise com­ment on évaluait alors les territoires cultivés par chacun, dans l’Auxerrois du moins, car il y avait des variantes selon les contrées.

La plus petite mesure agraire, le carreau, valait 50 centiares. Venait ensuite la denrée, qui valait 16 carreaux, c’est-à-dire 8 ares.

Passons au quartier avec 12,72 ares, puis au demi-arpent qui en est à peu près le double, avec 25 ares ; enfin, voici l’arpent qui vaut 50 ares.

Pour en finir avec les chiffres dont je ne saurais abuser, j’ajou­terai simplement que l’on comptait pour semer six mesures de grain à l’arpent. Quant à la vigne, une rangée se nommait géné­ralement une perchée (bien qu’en d’autres lieux la perchée se rapporte à la perche qui vaut un quart d’arpent). Laissons là ces mesures que le système métrique est venu unifier précisément à la fin du XlXe siècle.

Je ne peux cependant m’empêcher d’apporter une dernière précision qui n’échappera pas aux vignerons, en rappelant qu’on taillait les pessiaux à 1,40 m.

Puisque nous parlons de vigne, continuons notre promenade à travers les jeunes plantations qui ont succédé à cette terrible désertification viticole amenée par le phylloxera. Les vignerons des grandes zones viticoles du département, qu’ils soient de Saint-­Bris, Chitry, Irancy, Coulanges ou du Chablisien, savent perti­nemment de quels cépages sont faits leurs vignobles. Mais ce petit pays de l’Auxerrois dont les anciens m’ont rappelé les temps « du siècle » s’est replanté en Gamay ; c’est pratiquement le seul cépage qui fut mis en place à cette époque. Je ne vous parlerai pas des travaux de culture de la vigne, qui sont suffi­samment connus. Peu de choses ont changé, au fond. Les traite­ments, plus rares alors, se faisaient manuellement.

Et le vin se vendait bien, dans cette contrée où les ouvriers qui tiraient l’ocre à quelques heures de marche, avaient souvent la gorge desséchée par la poussière de la mine.

Ces mêmes mineurs, et les compagnons scieurs de long que nous avons déjà rencontré dans les coupes, étaient aussi consommateurs d’eau-de-vie. Ils disaient que rien au monde ne pouvait égaler la goutte pour vous récurer la gorge encrassée de sciure ou d’ocre et, ma foi, je leur fais toute confiance sur ce point.

Les coteaux bien exposés au sud étaient aussi garnis de ver­gers. On récoltait les fruits pour l’hiver, on séchait sur claie, au four à demi refroidi, des pruneaux si bons pour le ventre, et on faisait du cidre pour la boisson courante. Le vin était vendu « pour faire des sous », il ne s’en buvait que le dimanche ou pour une grande occasion. On buvait aussi couramment de la piquette, cette « eau rougie » obtenue par un repiquage très mouillé de la vendange au pressoir.

Les autres cultures

On cultivait du trèfle violet, du trèfle incarnat, du sainfoin, de la luzerne. La première coupe de trèfle violet était fanée et engrangée pour nourrir les chevaux, de même que le sainfoin. Les autres plantes avec le foin de pré quand c’était le cas, ser­vaient à nourrir les vaches.

Nous parlerons des bêtes un peu plus tard. Mais les céréales, direz-vous ! Nous y arrivons.

A tout seigneur, tout honneur, voici le blé, dans les variétés telles que « Bon fermier », « Inversable de Bordeaux », « Saumur », « Blé bleu » dont la paille en fin d’épiaison avait des reflets bleus avant de virer au blanc, et aussi « Alsace » ou « Hybride du tré­sor » très lourd de grain et à paille raide.

En bonne année on récoltait de 8 à 10 quintaux l’arpent, ce qui faisait en bonnes terres à peu près 20 quintaux l’hectare. L’avoine et l’orge faisaient un bon quart de moins. On ne labou­rait pas bien profond avec les chevaux et on ne mettait pas d’engrais. L’assolement comportait blé, avoine et orge, suivis de légumineuses ou pommes de terre et betteraves.

Revenons un instant à ces cultures de légumineuses, notam­ment de trèfle, pour signaler que la graine de trèfle (trèfle de 2e coupe pour le violet) était vendue pour faire de l’huile à des marchands qui la chargeaient à la ferme dans leurs grandes voi­tures à cheval.

On cultivait aux champs la plus grosse partie des légumes nécessaires à la famille, et aussi pour vendre au marché du chef-lieu. Les variétés de pommes de terre se nommaient « Chardon blanc », « Chardon rouge », « Richter », « Bleue de Pologne », « Arly rose » et « Wotman » cette dernière réservée à l’engraissement des cochons.

On rentrait les pommes de terre en partie à la cave et surtout dans un coin de la grange où l’on protégeait le tas contre la gelée avec de la paille.

Au printemps, on refaisait du plant en prélevant dans le tas. On ne connaissait pas le doryphore à cette époque.

Dans les jardins, on se contentait de protéger la levée des petits semis contre les fourmis, avec de la cendre de bois.

Des soins pour tous

images (25)Les gens se soignaient tout seuls. C’était rare quand on allait chercher le médecin.

Il venait avec son cheval attelé à une voiture légère, une sorte de tilbury. Dans le coffre de la voiture, sous le siège, le médecin avait sa trousse et des médicaments du genre onguents pour les douleurs musculaires.

Mais, je le répète, pour les arias de la vie courante, on se passait de lui. Les vertus du grog étaient aussi pratiquées que connues. Pour les maux de gorge, on prenait une infusion de feuilles de ronce sucrée avec du miel. Les queues de cerise remédiaient aux ennuis de vessie, les pruneaux relâchaient le ventre cependant que le cassis en infusion soit par la feuille soit par le bois, l’hiver, vous le raffermissait. Les plaies se soignaient avec application de vin très sucré suivie d’un pansement recouvrant une feuille de géranium placée directement sur l’épiderme coupé. Pour les fou­lures et entorses intervenait la racine de « l’herbe à la foulure », en quelque sorte le bouillon-blanc, bien connu pour ses vertus émol­lientes. On écrasait la racine et on mélangeait avec un soupçon de saindoux, on appliquait sur la partie malade.

Mais arrêtons là une énumération que je ne donne qu’à titre d’exemple et dont la poursuite serait vite fastidieuse.

L’on savait aussi soigner les bêtes à partir des principes recon­nus aux plantes de l’entourage régional et transmis d’une géné­ration à l’autre depuis des temps très anciens.

Mais on devait pourtant quelquefois faire appel au vétéri­naire. Il venait à cheval en 1900, les sacoches de sa selle d’armes contenant les médicaments essentiels, d’ailleurs assez peu nom­breux.

Les bêtes

Le cheval tenant dans la vie et dans ce propos la place que l’on sait, je n’évoque ici que les autres animaux de nos fermes.

Dans toutes les exploitations, on entretenait au moins deux ou trois vaches. Elles broutaient l’herbe au bord des chemins, allaient au pré là où il y en avait, passaient en pâture sous bonne garde sur les prés communaux ou sur les repousses des vieilles luzernes. En hiver, en plus de foin et de paille, elles recevaient des betteraves grattées, nettoyées, passées au coupe-racines, mélangées aux balles conservées après les battages.

Et puis, il y avait la basse-cour, avec le cochon acheté au mar­chand, engraissé à la farine et aux pommes de terre mélangées à l’eau de vaisselle et aux résidus de laiterie ; on ajoutait aussi du chou-rave dans la pâtée du cochon parce que cela donnait bon goût à la viande.

Poules, dindes, pintades, canards composaient l’effectif de la volaille. Tout ce monde était nourri au grain, aux pâtées de pommes de terre, son et orties hachées. Les poussins et les din­donneaux étaient démarrés à la trempée de pain au lait, les petits pintadeaux au petit grain cassé et les petits canards à la pâtée aux oeufs durs écrasés et orties hachées.

Les enfants avaient fort à faire pour chasser la buse vorace qui faisait régner la terreur sur les couvées fraîches écloses, décri­vant dans le ciel de grands cercles sans même s’aider d’un coup d’aile et ponctuant son parcours de cris stridents annonciateurs de raids meurtriers.

Les dindes nous donnaient un mal de chien pour les retrou­ver, loin de la ferme, égrenant leurs petits dans les hautes herbes des prés… Quant aux pintades qui d’un coup d’aile gagnaient le faîte du toit et vous narguaient en chantant « tout craque, tout craque… », il fallait être particulièrement rusé et attentif pour trouver au creux des haies l’endroit où elles cachaient leur nid.

Au milieu de la cour, accueillant avec les gens de connais­sance, hargneux contre tout ce qui portait l’uniforme : gen­darmes, facteur, garde-champêtre, voici le chien qui sait tout faire : avertir, mordre, repousser, ramener les bêtes qui s’écar­tent… et chasser tout gibier sans rien demander à personne.

Le village

Église, mairie, école, tels sont les trois points d’ancrage de la communauté villageoise.

images (26)Mais pour que les choses se déroulent avec ordre et mesure, il est nécessaire que certains soient investis d’un pouvoir qui les rend gardiens de cette harmonie communautaire. Errer est humain disaient les anciens romains qui s’y connaissaient en matière de discipline. Pour empêcher ces errances donc, venus du chef-lieu de canton sur leurs chevaux, les gendarmes pas­sent de temps en temps, font une petite visite au maire et s’en vont. Et il y a le représentant permanent de la loi – c’est écrit sur la plaque de cuivre qu’il porte sur la poitrine – dans la com­mune : le garde-champêtre.

Participant de la vie rurale au rythme des saisons, il adapte cette espèce de morale civique dont il est le garant, en fonction du temps et de la nature.

Parcourant le territoire communal à pied, il connaît le moindre recoin de chemin creux, les passages de sangliers, comme les coulées de garennes dans les épines. Ce faisant, il a, comme on dit, des kilomètres dans les jambes.

A la Saint Jean d’été – le 24 juin – il prenait son fusil et, s’il voyait une volaille dans les champs, gare à elle! On enfermait les volailles, en effet, depuis la Saint Jean jusqu’après les vendanges.

Ainsi donc, si le garde-champêtre tuait une poule, il la rap­portait à son propriétaire qui devait donner 5 centimes pour la cartouche, sinon il emportait la poule et la vendait à son profit.

Les enfants, dès lors, redoublaient de vigilance à la garde du troupeau de dindes que l’on emmenait aux champs après mois­son, mais à qui il fallait interdire de manger noix ou raisins.

La maison

Au terme de cette promenade à travers la commune, c’est la maison qui nous attire encore et c’est vers elle que nous reve­nons.

Entrons donc, puisqu’on nous y invite.

La patronne est en train d’écosser des petits pois. Elle se hâte car, cueillis le matin même, ils devront être mis dans les bou­teilles, bouchés, cachetés, étuvés, avant le soir ; sinon, une fer­mentation se développe et la conserve est fichue. La lessiveuse attend, avec des chiffons pour caler les bouteilles afin qu’elles ne cassent pas pendant l’ébullition.

A Noël, pour accompagner une grillade du cochon tué depuis quelques jours, ce sera un régal de pouvoir ouvrir une bouteille de petits pois !

Elle va, tout en travaillant, nous apprendre une nouvelle bizarre : voilà que, depuis ce matin, chez la voisine, la cheminée n’arrête pas de fumer dans la maison. Ça n’est jamais arrivé. Le grand père, questionné, l’a confirmé : cette cheminée n’a jamais manqué de tirage. Et pourtant, en se penchant sous le manteau de l’âtre, on voit le ciel, tout naturellement. Rien, apparemment, ne bouche la cheminée.

Que se passe-t-il donc ?

« Ce soir, j’enverrai le gamin demander au garde de venir voir », a dit la voisine. Cette décision, pleine de sagesse, a reçu l’assentiment général.

 

Source : de Guy MARQUET – Les harnais de l’oubli – Témoignage
(116 pages – Prix de vente 14€50) aux Éditions de l’Armançon – Rue de l’Hotel-de Ville – 21390 Précy-sous-Thil

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Histoire de l’Eugène, Le Petit Bourguignon

Posté par francesca7 le 6 août 2014

 

téléchargement (2)…A Ligny, les femmes s’activaient au lavoir deux fois par an. Elles avaient abandonné l’ancien devenu trop petit. Elles se rassemblaient autour du nouveau, bien plus vaste pour les grandes lessives du printemps et de l’automne. Dès les premiers beaux jours, la femme du maire était chargée de déterminer les dates favorables de jours sans pluie. Elle avait paraît-il, toujours prévu les meilleurs moments pour que le linge entassé pendant l’hiver puisse sécher. Elle se fiait à la lumière du ciel le soir au soleil couchant. Si le rose dominait, elle décidait du démarrage de la grande lessive. Les femmes avaient préparé depuis plusieurs jours leur stock de draps et tout le linge entassé dans des coffres et des armoires. Au petit matin, elles chargeaient les brouettes qu’elles roulaient les unes derrière les autres jusqu’au bord du bief. Les roulements des arceaux métalliques des roues formaient, sur les pavés des rues conduisant au lavoir, un concert grinçant. Les plus éloignées faisaient une halte devant la fontaine, et se désaltéraient avant de finir le parcours. Dès qu’elles apercevaient l’église, elles reprenaient courage se sachant presque arrivées. En effet, le lavoir bordant le bief était tout proche de l’édifice. La plupart s’y arrêtaient, faisant une prière pour que le ciel ne les trahît pas. Puis elles s’installaient chacune à leur place avec leur barda.

Passaient les saisons et les travaux à l’extérieur. Le jeune couple sans grandes ressources, Amélie dut retourner travailler aux champs. L’été cuisait la peau des femmes qui l’accompagnaient. Lorsqu’elle ne pouvait emmener le bambin avec elle, Marie-Louise s’en occupait.

Les fortes chaleurs de l’été avaient rendu la fenaison très pénible. Puis l’aide pendant la moisson, alors que son ventre arrondi trahissait l’arrivée prochaine de son deuxième enfant. Quelquefois, lorsqu’il pouvait s’offrir quelques instants de détente, le couple venait au bord de la paisible rivière, le Serein. II portait bien son nom ce gentil cours d’eau, transparent, laissant paraître les galets blancs, couchés au fond de son lit. Les enfants, libérés de l’école en cette saison de récolte, après leur journée de travail au champ, se retrouvaient parmi les roseaux et les nénuphars fleurissant les rives. Zéphire et Amélie passaient le pont, tout près du bief et, quittant leurs sabots, allaient rafraîchir leurs pieds meurtris par la chaleur, dans l’onde claire.

téléchargement (3)Mais si le cagnard trop intense, menaçait de faire éclater l’orage, ils rentraient sans traîner jusqu’à leur maison, proche du bief. Le Serein, gorgé par la chute brutale et violente des trombes d’eau, devenait un dangereux ruisseau, impétueux et rapide. II se gonflait de milliers de gouttes et, sortant de son lit, envahissait les berges, les prés, et les rues du village. Les plus proches habitants devaient mettre à l’abri le modeste mobilier qui garnissait la pièce principale et les paillasses servant de literie.

Autant l’hiver avait été glacial, autant l’été fut caniculaire. La saison des vendanges ne laissait pas de répit aux gens de la terre, hommes et femmes, sans oublier les enfants occupés pendant le long été à aider les parents dans les champs. Zéphire ne ménageait pas sa peine. Harnaché d’une lourde hotte en osier, il charriait les grappes de raisin que les femmes et les enfants cueillaient délicatement sur les coteaux entre Ligny et Chablis. Sur les parcelles de chaque propriétaire, s’étendaient les rangées de vignes bien alignées. L’époque des vendanges transformait la nature en véritable fourmilière.

Amélie s’était autorisé une sortie pour fêter le mariage de sa sœur tout juste âgée de vingt ans. Stéphanie avait quitté le foyer pour se louer comme femme de chambre à Auxerre. Elle vivait dans une chambrette, rue d’Egleny, et avait rencontré Achille, un homme de la ville. Cependant elle avait choisi son village natal, pour célébrer son mariage en septembre 1886. L’église, flanquée de son clocher qui dominait les toits, était prête à accueillir le nouveau couple.

Ce jour-là, le vielleux et le violoneux tiraient la noce vers l’église. Droit sur le parvis, les bras croisés, le prêtre les observait venir vers lui. La mariée apparaissait lumineuse dans sa robe de droguet gris, coiffée d’un simple voile blanc, émue. Son père l’accompagnait, vêtu de l’habit noir et du chapeau de feutre porté quatre ans auparavant au mariage d’Amélie. II semblait sévère et grave. Donner ses filles lui coûtait, en particulier Stéphanie quittant le village pour vivre en ville.

II lui en avait coûté beaucoup d’économie pour le voile d’un jour auquel sa fille ne voulait pas déroger.
De plus, elle avait demandé au colporteur-photographe d’Auxerre de se déplacer pour ce jour unique, et d’exécuter quelques clichés. Alors que les convives prenaient place dans l’église, le photographe installa son matériel. De la caisse, l’homme sortit l’appareil photographique, le pied et quelques plaques. II choisit le mur de l’édifice le mieux servi par la lumière du soleil et accrocha un drap blanc.
« Voilà une première, se dit le colporteur. Un cliché à l’extérieur en cette saison ! De quoi donner envie à mes clients de la ville ».
II avait pris son temps sous le regard des enfants et des curieux qui découvraient cet engin mystérieux. Les cloches se mirent à battre l’air frais du ciel linéen. II se frotta les mains en guettant la sortie du jeune couple.
Sous les bravos des curieux, Stéphanie au bras de son mari apparut, souriante et heureuse. A cet instant, tous les membres de la noce oublièrent la dureté de leur vie et les soucis qu’ils retrouveraient, la cérémonie terminée. Car ce jour-là était particulier et ne devait pas être entaché par la misère quotidienne.

Les époux se laissèrent guider par l’homme à l’appareil mystérieux. Devant eux furent alignés les jeunes enfants, formant une corolle autour de cette fleur épanouie. Eugène, le plus jeune, trônait devant la jeune femme. Amélie avait fait de son petit, un élégant bambin digne d’accompagner la mariée, aussi jolie que sa sœur. Son chevalier servant se montrait digne des efforts financiers consentis par son beau-père. La jeune femme répondit par un sourire à la demande du photographe coiffé du rideau noir de l’appareil. Son époux approcha son visage de celui de sa bien-aimée. Tout à coup un déclic annonça la fin de l’opération. La tête de l’homme, quittant sa cachette, réapparut. Toute l’assemblée applaudit.
Le violoneux reprit son instrument et anima le cortège qui se réorganisa. Les parents et les amis défilèrent dans la rue jusqu’à la salle commune pour fêter, autour du meilleur des chablis, cette union.
Amélie émue au moment où les jeunes époux avaient échangé leurs vœux, s’était rappelée l’émotion et les moments de bonheur vécus quatre ans plus tôt. Bien que de santé précaire, elle se réjouissait de l’arrivée prochaine de son deuxième enfant.

images (7)Chaque automne réquisitionnait toute la population dans les vignobles chablisiens. En fin de journée, Amélie se sentait disloquée par les gestes sans cesse répétés. Fourbue, elle n’aspirait qu’à un repos compensateur. Zéphire faisait son possible pour ménager sa peine. II se chargeait de faire bouillir les fèves pour le repas du soir. Un morceau de lard ou un quignon de pain en variait légèrement le goût.

La lumière des jours déclinait sans répit. Le travail à l’extérieur s’en trouvait réduit. Amélie dans l’attente de la naissance prochaine ne quittait presque plus la maison. Elle pouvait enfin passer plus de temps avec le petit Eugène. II n’allait plus passer la plus grande partie de ses journées dans les jupons de sa grand-mère. Le berceau fabriqué par son père et dans lequel il avait passé ses premiers mois, allait ressortir de derrière l’appentis pour accueillir son petit frère ou sa petite sœur.

Puis l’hiver, bien avant l’heure ! L’hiver rude. Le froid cinglant traversait la blouse et la cape de la jeune femme. Cependant elle avançait, sans se plaindre. Zéphire la soutenait surtout pendant ce mois de novembre. Enfin le jour de la délivrance arriva. La fin de l’automne bien installée dans la froidure entendit les soupirs et les cris de l’enfantement. Toinette procéda à l’accouchement. Elle n’était certes pas une sage-femme savante et diplômée. Pourtant elle avait aidé tant de mères à donner la vie.

Un dimanche soir, après les vêpres, les notables de la paroisse, hommes et femmes, s’étaient réunis dans l’église. Ils l’avaient élue à ces fonctions en raison de sa bonne et digne conduite, sa piété, son expérience et son savoir-faire. Elle coupait si bien le fil, disait-on dans les foyers environnants, qu’elle ne volait pas ses cinq sous. Ce 7 décembre 1886, ce petit bout de femme donna naissance à la petite sœur d’Eugène, Marie-Louise. Amélie était très anémiée.

Le bébé pourtant bien emmitouflé dans ses langes de laine, semblait végéter. L’allaitement ne lui était pas bénéfique. Le médecin proposa à la maman souffreteuse de la nourrir au lait de vache. Amélie ne parvenait pas à reprendre des forces. Imperceptiblement, elle se mit à tousser. Les fièvres qui l’avaient assaillie après son accouchement ne la quittaient guère. II lui était très difficile de s’occuper d’Eugène, galopin vaillant et plein de vie.
Le nouveau-né ne vécut que quelques mois. Au début de l’été 87, elle mourut, âgée de six mois. Dans le logis que la famille occupait au bord du Serein, Zéphire se tuait à sa tâche de paysan et de vigneron pour nourrir sa femme et son fils. Amélie de santé précaire ne se remettait pas de sa dernière grossesse et de la mort de sa petite fille. Les maladies couraient d’une maison à l’autre.

L’hiver prématuré était particulièrement froid et les maigres revenus du père ne permettaient pas de se fournir suffisamment en bois de chauffage. La cheminée était, la plupart du temps, alimentée par quelques bûches ramassées çà-et-là ou offertes par des voisins généreux, redevables de services rendus par Zéphire. N’écoutant que son courage, lui aussi voyait petit à petit ses forces décliner. Tout juste âgé de trente ans, il en paraissait dix de plus…

 

Source : Eugène, Petit Bourguignon – Gisèle MEUNIER – Collections des Auteurs Indépendants – 2006 – http://gisele-meunier.blogspot.com
Coordonnées de l’auteur:
Gisèle MEUNIER – Ecrivain
65, Avenue Edouard Gourdon
77330 OZOIR LA FERRIERE

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Une bonne brassée de souvenirs

Posté par francesca7 le 6 août 2014

 

images (5)De même que l’on se charge de multiples et divers morceaux lorsqu’on va au bûcher chercher une brassée de bois pour le feu, de même j’ai voulu ici rassembler une brassée de souvenirs.

Ces souvenirs viennent de conversations avec plusieurs anciens qui m’ont raconté les choses du passé. Cette brassée est forte de cet apport de la tradition orale qui a fait si longtemps la richesse de la vie rurale et en a façonné l’humanisme profond.

« En 1892, m’a raconté ce vieil ami aujourd’hui disparu, le 28 avril, la neige a tombé toute la journée et elle a tenu trois jours. Le seigle commençait à épier, le colza était fleuri, les luzernes étaient déjà hautes de 20 centimètres… Tout a été nettoyé.

Ce jour-là, mon père, qui était jeune homme, devait aller à la noce d’un cousin, à dix kilomètres de l’autre côté du chef-lieu. Il devait gagner Auxerre à pied et là, prendre la diligence à six chevaux, boulevard Vaulabelle. Levé à trois heures du matin, il ouvre la porte et voit tomber la neige, si épaisse qu’on n’y voit goutte. Il attend, au coin du feu. A cinq heures, elle tombe tou­jours. Finalement, il est resté à la maison, et la neige ne s’est arrêtée qu’à la nuit tombante. »

« L’année suivante, me dit un autre ami, 1893, ce fut une grande sécheresse. Ça a commencé par un printemps d’une précocité exceptionnelle. » Pensez donc, sa mère se souvient que le 5 mars, ses parents faisaient leur première livraison d’asperges à la gare de Chemilly, ainsi que je l’ai évoqué dans l’un des premiers chapitres. Déjà en plein mois de février, les premières fleurs étaient là et les abeilles étaient sorties. Puis la sécheresse a continué. On a « éralé » des feuilles de gevrine, de peuplier, d’orme, de frêne, pour donner aux bêtes. »

Il se souvient aussi qu’en 1911 on avait dû « éraler » égale­ment. Le vin fut excellent. Et puis dix ans après, 1921, fut encore une année sèche, et une année exceptionnelle pour le vin. On coupait aussi cette plante bizarre qui tient du chardon et des ombellifères qu’on appelle communément « le chardon cornu­siau ». On le fauchait à la faux, on laissait sécher une journée, et puis on le battait au fléau pour l’amollir et ôter les gros piquants, et on le donnait aux vaches.

« Voyez-vous ce manche de marteau à casser les noix ? dit mon vieux voisin, eh bien, il est plus vieux que moi! »

En effet, ce manche d’outil avait été fait par son père, dans un morceau de houx ramené d’un voyage en Morvan. Il faut vous dire qu’en sa jeunesse, dans les années 1890, il allait avec un marchand d’Auxerre aux foires de Clamecy et de Corbigny d’où il ramenait, à pied, les boeufs de travail que l’autre destinait à sa clientèle d’agriculteurs du plateau, de débardeurs de bois, bref, de galvachers.

C’est donc en allant vers Corbigny qu’il avait coupé une branche de houx dans le bois, aux confins des collines morvan­delles.

Permettez au passage que je rappelle ce dicton qui vous situe la frontière du Morvan : « Corbigny n’est pas en Morvan, mais ses poules y vont aux champs. » En effet, le sol granitique du Morvan commence à Cervon, six kilomètres plus loin.

A propos, pour faire des manches d’outil, il faut couper le bois en nouvelle lune, il dure bien plus longtemps ; sinon, il se pique. C’est comme pour faire un bon balai de bouleau, il faut le couper en lune croissante.

Je viens de parler du travail d’accompagnateur de boeufs qui était assez occasionnel et occupait relativement peu. Il faut savoir que pour les travaux de la terre, à longueur de saisons, les domestiques se louaient à l’année.

Ainsi, dans un village situé entre Auxerre et Joigny, la louée « avait coutume », car ce n’était pas partout que se tenaient de telles manifestations. Donc, dans ce village, la louée se tenait le jour de la Saint Jean. (A Toucy, c’était à la Trinité). Le boucher tuait, pour la circonstance, au moins trois veaux. Il y venait tant de monde qu’il fallait ainsi pourvoir au repas proposé à l’auberge : le veau Marengo, pour 25 sous.

Cela se passait juste avant le siècle.

A cette journée, outre les accords qui se concluaient entre domestiques et maîtres, on pouvait se divertir aux stands de jeux d’adresse : quilles, jeux de lancer, concours de grimper ; il y avait aussi des manèges de chevaux de bois.

Des marchands vous proposaient les objets traditionnels d’usage culinaire, de la vaisselle, de la mercerie, et diverses bri­coles.

Les mères, pour calmer les gamins excités, les menaçaient de les attacher à la queue des chevaux des gendarmes.

En d’autres occasions, à la maison, on faisait rentrer les enfants le soir pour éviter que « la poule noire de Champ Cornu» les vienne attraper. Pour les empêcher de se pencher à la margelle du puits, on leur assurait qu’au fond, au ras de l’eau, « la mère Lusine » (déformation phonétique de cette gaillarde fée Mélusine) les attendait pour les noyer.

De temps en temps passait un chiffonnier. Il allait de contrée en contrée, de bourg en hameau, juché sur sa grande carriole attelée de son cheval péchard, qui portait accrochée au faîte de son collier une série de grelots pour qu’on l’entende venir.

Le bonhomme avait mis au point une formule qui, proclamée aux populations visitées, mettait les rieurs de son côté et lui atti­rait les sympathies que fait souvent naître la curiosité. Ayant sonné un long coup de sa trompe de corne, telle un olifant, il annonçait à voix forte : « Chiffons, ferrailles, bonnes gens ! Je vends, j’achète. sans échange. Et si c’est moi qui fais l’argent, c’est bien ma femme qui la mange! »

On lui vendait aussi bien les peaux de lapin que les vieux chiffons. On lui achetait l’almanach Vermot ou « le Bourguignon salé » édité à Auxerre, qu’il transportait dans son coffre de voi­ture, sous le siège.

Grande barbe poivre et sel, casquette à oreilles sur la tête, enveloppé d’une grande peau de bique, prenant dans sa taba­tière des prises qui déclenchaient d’homériques éternue­ments, il incarnait aux yeux des enfants l’image d’une sorte de père fouettard. Aussi n’était-il pas rare de les entendre menacer, en cas de désobéissance, d’être donnés au chiffonnier.

Mais en dehors de ces moments difficiles de l’éducation où le vouloir des enfants est aux antipodes des volontés des parents, la vie se déroule, pleine de richesses que vous apporte le sens de l’observation. C’est ainsi que dès la prime jeunesse, les enfants apprennent à reconnaître les bêtes, les plantes, les signes du temps et des choses :

Si l’humidité remonte, c’est signe de pluie ; de même qu’un grand cerne (halo) autour du soleil « plus le cerne est près, plus la pluie est loin ; plus le cerne est loin, plus la pluie est près » est, entre mille autres, un dicton qui souligne l’observation. Si le soleil lève jaune, c’est la pluie dans la journée. S’il couche rouge, c’est le vent à suivre.

On observe le vent du jour des Rameaux, le temps des trois jours des Rogations – ces trois jours qui précèdent l’Ascension – images dit-on du temps que l’on aura pour la fauchaison, (1er jour), la moisson (2e jour) et les vendanges (3e jour).

On évite de semer les haricots le jour de l’Ascension, parce qu’ils ne lèveraient pas ; et on tue le cochon en vieille lune pour que la viande se garde mieux.

De même c’est en lune décroissante qu’on sème l’avoine car elle graine mieux. On met le vin en bouteille en lune descen­dante de mars.

C’est encore en vieille lune que l’on plante les pommes de terre.

On apprend aux gamins à observer le vol des oiseaux, la hau­teur des nids dans les haies, la pousse des arbres et de la vigne. « A la Pentecôte, on voit la vigne de côte en côte », voilà qui est facile à retenir.

On soutire le vin après la pleine lune, par vent de secteur nord, c’est préférable. On sait que la floraison de l’aubépine (à ne pas confondre avec l’épine noire) annonce la fin des gelées. On traduit cela également dans cet adage « à la Saint-Pèlerin (18 mai) il ne gèle plus ni pain ni vin ».

Je passe pour les saints de glace, je laisse saint Médard et saint Barnabé et autres saints météorologiques, pour rappeler qu’à la Chandeleur les perdrix sont accouplées et qu’à Pâques, tôt ou tard, mais toujours en lune de mars comme chacun sait, il y a déjà des petites draines dans les nids. Peut-être dois-je préciser que la draine est une sorte de grive de grande taille, qui res­semble un peu au merle, bien que de plumage moins sombre, et que c’est elle qui, aux premiers soirs de douceur où l’on sent que l’hiver s’en va, s’enlève d’un coup d’aile à la cime des peu­pliers pour saluer de son sifflement enjôleur, les prémices du printemps qui vient.

images (6)Venait le temps d’été à son heure, et avec lui, après moisson, celui de la « glane ». Les enfants, à partir de sept ans étaient jugés suffisamment avertis des choses de la terre pour qu’on leur confie la garde des dindes et des oies, dans les chaumes. On « menait » sa troupe de volatiles, avec, comme houlette, une perche légère de noisetier, au bout de laquelle était fixée une ficelle de cinquante centimètres environ, et liée de son autre bout à un chiffon. C’était pour ne point « taler » les bestioles lorsque leur jeune gardien devait intervenir plus énergiquement qu’à la voix, afin de les dissuader de s’écarter du champ où le pacage était de rigueur.

J’en viens à la glane. Chaque enfant, en plus de son travail de gardien attentif devait glaner, ramasser les épis échappés aux moissonneurs. Chaque pâtre devait donc rentrer le soir avec sa glane, le plus souvent fourrée dans la musette qui avait préala­blement contenu son casse-croûte. La glane était destinée à la nourriture du reste de la basse-cour.

Les jours d’école, au retour du soir, les enfants selon la saison, ramenaient du pré les vaches à traire, rentraient le bois, cas­saient le fagot, cherchaient les oeufs dans les paillers, donnaient le biberon aux agneaux le cas échéant. C’était l’habitude chez beaucoup d’acheter dans les fermes, où il y avait un troupeau de moutons, les agneaux qui naissaient en double, et qu’on éle­vait au biberon.

En récompense de tous ces travaux, on avait son morceau préféré du coq que l’on mangeait à Pâques, et de la dinde sacri­fiée à Noël…

… Et c’est ainsi qu’on se retrouve un beau jour, au coin du feu, prenant au fond de sa mémoire une brassée de souvenirs pour les dire à un ami.

… Et c’est ainsi que passe une vie à la lente cadence des sai­sons et des travaux des champs. On n’a même pas vu grandir la jeune génération que déjà les brumes du soir s’étendent sur la route.

 

Source : Guy MARQUET – Les harnais de l’oubli – Témoignage
(116 pages – Prix de vente 14€50) aux Éditions de l’Armançon
Rue de l’Hotel-de Ville 21390 Précy-sous-Thil

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Faire de La goutte en Bourgogne

Posté par francesca7 le 6 août 2014

 

images (4)Et puis après le café, la goutte, en principe la goutte était mise sur la table le matin et midi après le café pour éviter le (café châtré). Chacun se servait à convenance et là encore la différence des besoins était remarquable. Cela allait du tiers de verre au petit fond de rien du tout destiné aux estomacs de « couisses ».

L’alcool local (eau de vie) était obtenu par distillation du marc de pomme et avait fini par prendre l’appellation de « goutte » sans doute à cause du faible volume nécessaire pour dégustation (55°) et les amateurs de sensations fortes buvaient ça comme du petit lait. La tolérance ou dépendance du produit entre les consommateurs était grande, les uns se servaient une « larme », les autres un « sanglot ».

Toutefois amateurs raisonnables ou pas tous les hommes en prenaient, et un patron qui n’aurait pas payé la goutte après le café n’aurait point trouvé de personnel pour le servir, et la mise à disposition du précieux liquide imposait de prévoir le stock annuel nécessaire, ce qui n’était pas sans poser de sérieux problème, il faut qu’on en cause un peu.

Le droit de distiller était limité à 10 litres d’alcool pur, soit 18 litres à 55° (privilège toujours en vigueur, non transmissible).

Droit accordé à tous récoltants sans: tenir compte des surfaces, il suffisait d’avoir un coin de jardin avec quelques fruitiers et c’était bon; pourvu que le bouilleur soit le récoltant direct, ledit droit n’était donc pas étendu aux marchandises achetées.

Par exemple le propriétaire ou locataire d’un coin de terre avec deux ou trois arbres était récoltant et ‘bouilleur de crus » en droit, sans avoir rien à bouillir puisque les prunes étaient passées en confitures et les pommes ou poires cueillies pour la consommation d’hiver. Il fallait donc acheter une tonne de pommes ou plus pour faire le cidre et légalement ne pas serrer le marc et se résigner à le jeter puisque ne provenant pas du terrain qui ouvrait le droit, c’était l’application de la loi.

En pratique ça ne se passait pas comme ça, c’était connu et les contrôles effectués par la « régie » auprès des alambics portaient principalement sur le volume fabriqué, sans trop de recherches concernant la provenance du produit.

Bien entendu, les 18 litres de goutte attribués à un employeur de main d’oeuvre étaient loin de faire le compte nécessaire pour une année, il manquait au moins un zéro et pour faire la soudure (l’année) il fallait se débrouiller. Pour commencer battre le rappel des droits.

Les parents, grands-parents et aussi les enfants majeurs avaient un bout de champ à leur nom et un droit de goutte, et puis encore après, essayer d’en faire un peu plus encore, c’était juste défendu de se faire prendre.

Pendant les années de guerre, sous l’occupation allemande les alambics fonctionnaient tous les hivers jour et nuit, en service continu. L’atelier public devenait le lieu de rassemblement de toutes les âmes en peine. En plus des deux employés au service de l’alambic le patron et son commis les récoltants qui venaient cuire leur cidre ou marc venaient aussi à deux.

Il y avait ceux qui avaient terminé et n’étaient pas pressés de partir, ceux dont la récolte était enfournée ou en passe d’y être et ceux qui attendaient leur tour, ou étaient venus pour prendre jour, et certains venaient voir le patron plusieurs jours de suite, des fois qu’il y aurait eu du changement… Ça faisait comme ça une bonne douzaine de bonhommes qui avaient de bonnes raisons pour se trouver là, et s’y trouvaient tellement bien qu’ils faisaient durer le plaisir, et donnaient un coup de mains de bon coeur.

On se passait les paniers à marc et on se mettait aussi à plusieurs pour ramasser à la pelle le marc épuré et le charger au tombereau. Ça grouillait de bonnes volontés, tout le monde en mettait un coup pour pas faire grand-chose et tout ce monde causait, plaisantait en pleine activité parolière débridée pour les mots choisis de circonstance:

« E ben s’coup-là, j’tauré quand même vu travailler! Cest ben la premiée foué qué fté oué t’ni un manche »!

Et le concerné prenait un air faussement outragé et levait haut la pelle pour l’abouler sur la ciboule de son détracteur, puis se ravisait et lavait l’insulte par le mépris:

« Ten vaut paù l’coup, faut paù batte dé la fausse monnaie, tout le monde sait ça, allez vient trinquer eune tchotte goutte (une petite goutte) ça va te la boucler… »

 

Source : Christian CONNET – LE TROU NORMAND « …Un précipice »
Imprimé par l’auteur Août 2002

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