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Fabrication et utilisation de l’Alun

Posté par francesca7 le 4 mai 2016

 

 

L’Alun  est un minéral d’un grand usage dans les arts. Incorporé au papier, il l’empêche de boire en formant un vernis qui ne permet pas à l’encre liquide de pénétrer dans la pâte. Il est employé pour conserver les poils aux pelleteries, pour retarder la putréfaction des matières animales, pour donner de la fermeté au suif des chandelles. La chirurgie s’en sert à l’état d’alun calciné pour ronger les chairs ; la médecine le prend comme astringent.

Exploitation

Mais c’est surtout dans les teintures que son emploi est à la fois le plus important et le plus étendu : il forme le principal mordant que le teinturier ait à sa disposition pour fixer les couleurs sur les étoffes. L’emploi du mordant est, comme l’on sait, une des bases de l’art du teinturier ; les matières colorantes ont rarement une grande affinité pour la substance organique à laquelle on veut les fixer ; la plupart d’entre elles seraient entraînées par l’eau des lavages, et l’étoffe se déteindrait promptement, si l’on ne se servait de certains intermédiaires qui, ayant à la fois une affinité vigoureuse et pour les fibres organiques du tissu et pour les matières colorantes, servent de lien entre les uns et les autres, en fixant d’une manière indestructible la couleur sur l’étoffe. Ce sont ces intermédiaires qui ont reçu le nom énergique de mordants : les oxydes d’étain et de fer, le tan, et surtout l’alumine qui entre dans l’alun, sont les substances qui réussissent le mieux.

L’alun était également exporté vers certains pays d’Asie où on l’utilisait dans la préparation des tapis d’Orient. Le mégis, bain de cendre et d’alun qui était employé pour mégir les peaux, donna son nom au mégisseur, qui mégit les peaux, c’est-à-dire prépare les peaux blanches – peaux de mouton et autres peaux délicates – qui servent à faire des gants ou qui doivent conserver leurs poils. Il servait également à l’amendement des vignobles croissant nombreux autrefois au flanc des collines mosanes, ou encore dans la préparation du plâtre comme durcisseur.

L’alun est un sel blanc, d’une saveur astringente, formé d’acide sulfurique, d’alumine, de potasse ou d’ammoniaque ; pour employer le langage chimique, c’est un sulfate double composé de sulfate d’alumine uni à un sulfate alcalin de potasse ou d’ammoniaque. Au sulfate double d’alumine et de potasse est réservé spécialement le nom d’alun ; si l’on veut désigner l’autre, on emploie le terme d’alun ammoniacal. Les savants ont reconnu seulement vers 1750 que l’alun contenait une terre (l’alumine) exactement semblable à celle qui fait la base de toutes les argiles ; la présence de la potasse et la véritable composition du sel n’a été reconnue que plus récemment encore, par Vauquelin et Chaptal. C’est de cette époque surtout qu’il fut possible à un grand nombre de fabricants nationaux de s’affranchir d’un tribut onéreux payé à des étrangers, en préparant eux-mêmes de toutes pièces l’alun dont ils avaient besoin.

L’alun se produit naturellement en plusieurs lieux, où il se forme par la réaction des substances sulfureuses, alumineuses et alcalines. Il effleurit à la surface du sol mêlé avec d’autres terres ; on le trouve ainsi abondamment dans les déserts de l’Egypte, en quelques localités de Bohême et de Saxe. Il existe encore de la même manière près de certains volcans, dans le royaume de Naples, dans l’archipel de la Grèce, à la Guadeloupe ; enfin il se forme dans des houillères embrasées.

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On peut aussi obtenir l’alun en traitant convenablement les substances minérales connues sous le nom d’alunites, qui renferment les éléments constitutifs de l’alun. C’est ainsi que les pays favorisés de ces substances, la Hongrie, et surtout la Tolfa dans les États Romains, produisent le sel estimé qu’elles livrent au commerce. Né à Caen en 1773, Hippolyte-Victor Collet-Descotils, ingénieur en chef au corps royal des mines, membre de l’Institut d’Egypte, et de plusieurs Académies et Sociétés savantes, fut chargé en 1813 d’aller inspecter et organiser les célèbres mines d’alun de la Tolfa.

La Syrie a conservé pendant longtemps le privilège exclusif de fabriquer l’alun, dans la ville de Rocca d’où provient la dénomination d’alun de roche. Vers le quinzième siècle l’Europe disputa à l’Orient les bénéfices de la fabrication, qui fut bientôt établie dans toute l’Italie. D’autres exploitations s’élevèrent successivement en Allemagne et en Espagne.

Il s’en établit une en Angleterre vers l’an 1600 : les produits en sont impurs, contenant, outre une quantité de sulfate de fer plus considérable que ceux des autres contrées, une matière animale huileuse. Néanmoins, la découverte d’une localité propre à la fabrication de l’alun fut considérée en Angleterre comme fort intéressante ; elle fut due à sir Thomas Chaloner. Dans un voyage en Italie, ce gentilhomme, parcourant la Solfatarra, avait soigneusement examiné le mode de fabrication et les substances minérales que fournissait le sol ; il s’était particulièrement attaché à reconnaître le caractère du terrain et les effets de la végétation ; n’examinant au reste, dit-on, toutes ces choses que par suite de ses habitudes d’observation et sans nourrir aucune arrière-pensée.

Quelques années après, en passant dans les environs de Guisborough, sir Thomas Chaloner observa, dit Camden, que la verdure des arbres y était d’une nuance plus faible qu’ailleurs ; que les chênes poussaient de fortes racines, mais ne les enfonçaient pas profondément en terre ; que le sol était formé d’une argile blanchâtre, marbrée de plusieurs couleurs jaunâtres et bleues ; enfin, il reconnut par une foule d’indices que le pays était doté d’une mine d’alun. Il se passa longtemps avant que les procédés industriels les plus convenables à la nature de la mine fussent définitivement trouvés ; les difficultés de détails ne furent entièrement levées que par l’assistance de Lambert Russell et de deux ouvriers français de La Rochelle.

2En 1767, Jean-Étienne Guettard et l’un de ses élèves les plus brillants, Antoine-Laurent Lavoisier, fondateur de la chimie moderne, entamèrent ensemble une expédition scientifique dans les Vosges. Ils entreprirent de former à Ronchamps une fabrique d’alun, et voici comme on opérait selon eux : « on concassait grossièrement le schiste alumineux, et on en formait de longues planches ou couches pyramidales, disposées en toit par le haut ; on entremêlait avec ce schiste des morceaux de charbon de terre, et on ménageait du jour pour la circulation de l’air. Lorsque tout était ainsi disposé, on mettait le feu au tas, et on laissait la masse s’affaisser et s’éteindre d’elle-même, ce qui n’arrive que quand tout le charbon de terre est consumé.

« Il se dégage beaucoup de soufre dans cette opération, et ce soufre était perdu lorsque nous visitâmes cette fabrique ; mais on se proposait de le recueillir dans la suite, et d’en tirer parti. Lorsque le schiste a été ainsi calciné, on le transporte dans de grands bassins carrés, creusés dans la terre et revêtus de planches, dans lesquels on le lessive en remuant avec un ringard ; de ces fosses, l’eau est conduite, par des canaux de bois, dans de grands réservoirs où elle s’épure, après quoi elle tombe dans des chaudières de plomb très épais, qui forment des carrés très allongés ; la liqueur est rapprochée, dans ces chaudières, jusqu’à ce qu’elle soit au point de cristallisation ; enfin on la met à cristalliser dans de grandes caisses de bois. »

(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1835)

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La légende de L’eau de la terre

Posté par francesca7 le 15 novembre 2015

 

Légende de l'eau de la terreUne grenouille vivait au bord d’un trou rempli d’eau, près d’un ruisseau. C’était une petite grenouille verte, discrète, ordinaire. Elle avait envie de devenir extraordinaire et réfléchissait au moyen de se faire remarquer. À force d’y penser, elle eut une idée. Elle se mit à boire l’eau de son trou, à boire, à boire…, et elle la but jusqu’à la dernière goutte ! Et elle commença à grossir. Ensuite elle se mit à boire l’eau du ruisseau, à boire, à boire…, et elle la but jusqu’à la dernière goutte ! Et elle grossissait de plus en plus. En suivant le lit du ruisseau, elle arriva à la rivière, et elle se mit à boire l’eau de la rivière, à boire, à boire…, et elle la but jusqu’à la dernière goutte ! Et comme la rivière se jetait dans le fleuve, elle alla près du fleuve, et elle se mit à boire l’eau du fleuve, à boire, à boire…, et elle la but jusqu’à la dernière goutte ! 

Et la grenouille gonflait, gonflait !

Comme le fleuve se jetait dans la mer, la grenouille alla jusqu’au bord de la mer, et elle se mit à boire l’eau de la mer, à boire, à boire…, et elle la but jusqu’à la dernière goutte qui était la dernière goutte d’eau de toute la terre. Son ventre, ses pattes, sa tête étaient gorgés d’eau, et même ses yeux, qui devinrent tout globuleux. La petite grenouille était maintenant extraordinaire, gigantesque ; sa tête touchait le ciel ! 

Les plantes avaient soif, les animaux avaient soif, et les hommes aussi avaient terriblement soif. Alors tous se réunirent pour chercher un moyen de récupérer l’eau de la terre.

« Il faut qu’elle ouvre sa large bouche afin que l’eau rejaillisse sur la terre. 
– Si on la fait rire, dit quelqu’un, elle ouvrira la bouche, et l’eau débordera.
– Bonne idée » dirent les autres.

Ils préparèrent alors une grande fête, et les animaux les plus drôles vinrent du monde entier. Les hommes firent les clowns, racontèrent des histoires drôles. En les regardant, les animaux oublièrent qu’ils avaient soif, les enfants aussi. Mais la grenouille ne riait pas, ne souriait même pas. Elle restait impassible, immobile. Les singes firent des acrobaties, des grimaces, dansèrent, firent les pitres. Mais la grenouille ne bougeait pas, ne riait pas, ne faisait même pas l’esquisse d’un sourire. 

Tous étaient épuisés, assoiffés, quand arriva une petite créature insignifiante, un petit ver de terre, qui s’approcha de la grenouille. Il se mit à se tortiller, à onduler. La grenouille le regarda étonnée. Le petit ver se démena autant qu’il put. Il fit une minuscule grimace, et… la grenouille éclata de rire, un rire énorme qui fit trembler tout son corps ! Elle ne pouvait plus s’arrêter de rire, et les eaux débordèrent de sa bouche grande ouverte. L’eau se répandit sur toute la terre, et la grenouille rapetissa, rapetissa. 

La vie put recommencer, et la grenouille reprit sa taille de grenouille ordinaire. Elle garda juste ses gros yeux globuleux, en souvenir de cette aventure.

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La légende d’Anchoine

Posté par francesca7 le 14 novembre 2015

 

Alors qu’Oleron en Charente-Maritime tenait encore au continent par une large bande de rochers, allant d’Ors à la pointe du Chapus, la Seudre se déversait dans une baie dont les eaux calmes baignaient l’île d’Armotte. L’aspect de la côte saintongeaise, à cette époque lointaine, était bien différent de celui qu’elle présente aujourd’hui

Anchoine

La « baie d’Anchoine » – ainsi s’appelait le rivage qui est devenu le pertuis de Maumusson – était un vaste lac, communiquant vers l’ouest avec l’Océan. Ce n’est que beaucoup plus tard, quand furent emportés les rochers du Chapus par les courants, que le passage de Maumusson s’élargit, que l’île d’Arvert, ou d’Allevert, se forma au sud de celle d’Armotte disparue.

Quand les peuples d’Orient envahirent la Gaule, plusieurs tribus descendirent le cours de la Garonne jusqu’à l’Océan. Ce sont des Phéniciens qui, voyant une baie profonde, à l’abri d’un promontoire, firent voile vers l’île d’Armotte. On sait qu’ils étaient des navigateurs hardis, les véritables princes des mers. En abordant sur le littoral, en entrant dans un golfe que les marées ne paraissaient pas agiter, ils comprirent que c’était là un point propice aux trafics maritimes. L’île d’Armotte était presque entièrement couverte de bois, ne présentant aucune difficulté d’approche, son sol paraissait fertile, il serait aisé de créer, sur cette terre isolée, un petit port de pêche et d’y vivre en toute tranquillité. La tribu en prit possession et, après quelques années, une ville modeste y était construite qui s’appela successivement, Sanchoniate, du nom du chef de la tribu, puis, Anchoniate, Anchoine.

L’île d’Armotte se peupla peu à peu, mais, après deux siècles d’occupation, les Phéniciens en furent chassés par les peuples migrateurs qui se ruaient sur l’Occident. Anchoine vit venir des Celtes, des Ibères, sans que son importance maritime eût trop à en souffrir. Le pays était salubre, les pêcheries productives, il n’en fallait pas davantage pour retenir les nouveaux venus. Plusieurs tribus celtiques prirent possession des îles de la rive gauche de la Seudre, cependant que les Ibères traversaient la mer pour se diriger vers les Pyrénées. Une immense forêt couvrait le plateau séparant le cours de la Seudre des eaux du golfe. Cette forêt, qui existait encore au Moyen Age sous le nom de forêt de Satiste, se continuait sur le territoire d’Armotte. A la pointe ouest de cette île, Anchoine abritait des familles gauloises, jalouses de leurs traditions, de leurs croyances, de leurs moeurs. Ce sont elles qu’on trouve à la base de l’arbre généalogique des Santons.

Les druides, les prêtresses, entretenaient chez les Santons le fanatisme et les superstitions. Ils développaient en eux les sentiments de vie libre et d’attachement à la terre natale, pour lesquels ils devaient lutter pendant des siècles. Conserver leur indépendance, s’insurger contre toute oppression, s’opposer par la force brutale des armes à l’affaiblissement de leur petite patrie, les ont portés, dès la plus haute Antiquité, à des actes de désespoir. La conquête des Gaules par César jeta le plus grand trouble parmi les peuples santons. A mesure que s’avançaient vers l’ouest les légions romaines, tout le pays de Saintonge tressaillit d’épouvante et s’affola. Les hommes, les femmes, eurent le pressentiment qu’une calamité publique les menaçait. Eux, qui ne connaissaient pas la peur, frémirent, non de crainte, mais d’indignation.

Dans l’ancienne Gaule, chaque peuplade avait sa « fada », sorte de sorcière à laquelle tout le monde accordait une confiance aveugle. On voyait en elle une fée sacrée, envoyée sur la terre par le dieu Teutatès. Elle participait aux cérémonies religieuses des druides, à la tête des prêtresses. Myrghèle, la fada des Santons, s’était retirée dans l’île d’Armotte à l’approche des soldats de César, et se cachait à Anchoine, où elle jetait des sorts et mettait le trouble dans les esprits. Une secte de druides et de druidesses s’y trouvait déjà depuis longtemps. Dans la partie la plus sauvage de l’île, sous les grands chênes, dont les feuilles se mêlaient aux boules blanches du gui, existait un cercle de hautes pierres levées entourant un dolmen. C’est là que se célébrait, de temps immémorial, le culte païen des Gaulois.

DolmenCe dolmen, masse de pierre informe, bloc monstrueux élevé, à hauteur d’homme, sur quatre piliers de pierres frustes, avait quelque chose de sinistre. Au milieu de la table apparaissait un trou rond, et assez large pour permettre de voir un coin du ciel. C’est par ce trou que s’écoulait le sang des victimes quand se faisaient les sacrifices humains.

L’île d’Armotte, presque inconnue dans l’intérieur des terres, devait, avant de disparaître, être témoin des horreurs barbares du paganisme. Ses habitants, quelques centaines, s’adonnant à la pêche, à la chasse, à la culture des céréales, vivant dans le calme et la solitude devant une mer apaisée, abrités par une épaisse forêt, voulurent, avant de préparer la résistance contre l’envahisseur qui s’approchait, consulter leurs prêtres, leur demander aide et protection. Druides et druidesses jugèrent que c’est à la fada qu’il fallait s’adresser.

Myrghèle, cachée dans sa petite cabane d’Anchoine, était amoureuse. Celui qu’elle aimait restait insensible à ses avances et lui avoua qu’il s’était fiancé à Sylvane, la fille d’un pêcheur, dont l’amour était égal au sien. Ils devaient s’épouser bientôt. La fada voua, dès lors, à Sylvane, une haine farouche en se jurant d’empêcher le mariage. Comment ? Elle ne savait pas encore. C’est à ce moment que se tint une assemblée de druides dans la clairière du dolmen pour répondre au désir des habitants de l’île. Myrghèle était au milieu d’eux, enveloppée dans une cape gauloise d’une blancheur éclatante. Neuf druidesses, toutes vêtues de blanc, l’entouraient. Rangés en cercle, le front couronné de gui, tenant à la main une faucille d’or, les prêtres attendaient religieusement la décision de la fada sacrée. L’expression sévère de sa physionomie, la fixité de son regard d’hallucinée, la hardiesse de sa parole, allaient produire sur l’assistance une véritable fascination.

C’était le soir. Les dernières lueurs du crépuscule s’éteignaient sur la mer, la lune montait lentement dans le ciel. Il y avait quelque chose de si étrange, de si impressionnant dans ce groupe de robes blanches, immobiles sous les chênes, qu’on pouvait croire que c’étaient les ombres de la nuit, vêtues en fantômes, qui se trouvaient à un rendez-vous mystérieux dans ce coin de forêt sauvage. Montée sur une pierre grossière, près du dolmen, dominant l’assemblée, les cheveux en désordre, sa cape tombée à ses pieds, la poitrine demi-nue, Myrghèle clamait avec exaltation l’oracle des dieux. Un rayon de lune, filtrant à travers les branches, éclairait son visage transfiguré, donnait à cette femme l’aspect d’un spectre hideux.

« Ecoutez, criait l’ignoble sorcière, écoutez la voix de Teutatès qui vibre en moi. Je suis l’envoyée des dieux pour vous guider, pour vous sauver à l’heure du danger. Redressez-vous, prêtres qui m’écoutez, allez dire au peuple que Teutatès ne l’abandonnera pas, mais qu’il exige du sang, du sang pur de vierge ! Allez, et amenez ici la plus belle des vierges de l’île d’Armotte. Vous la connaissez, c’est Sylvane. Le Maître nous écoute, il faut que cette nuit même elle soit immolée sur l’autel sacré des ancêtres. Obéissez, pour conjurer les menaces du destin ! »

La voix terrible se tut, brisée par un effort surhumain, par une surexcitation de folie et de haine. A cet appel farouche succéda un effroyable silence, comme si un souffle de mort venait de passer sur les bois endormis, et l’on ne perçut plus que le frôlement des robes des prêtres et des druidesses disparaissant dans les ténèbres. La fada, l’ignoble fée, restée seule au pied du dolmen, la face crispée par un rictus satanique, attendait l’heure prochaine de sa vengeance.

Minuit. La lune est maintenant voilée de gros nuages noirs. Là-bas, vers l’ouest, un grondement sourd monte du large banc de sable qui barre l’entrée de la baie d’Anchoine. Ce bruit lointain, inaccoutumé, se rapproche sous la poussée des vents du large, semble l’annonciateur d’une tempête. Dans l’obscurité, les druides rentrent sous bois, un à un, se faufilent entre les chênes, viennent ranger autour du monument celtique. Ce sont bien des fantômes, des fantômes de mort, qui marchent dans les ténèbres. Et le grondement de l’Océan se fait plus lugubre, roule vers la clairière avec une force croissante, comme si quelque ouragan, venant d’un monde inconnu, chassait devant lui des flots soulevés jusque dans leur profondeur.

Le moment tragique était arrivé. Quatre hommes, vêtus de peaux de bêtes, les cheveux incultes tombant sur leurs épaules, surgirent dans la nuit, portant une femme à demi morte, dont les gémissements auraient ému des êtres moins sauvages. La tempête faisait rage, les arbres, secoués d’un étrange frémissement, semblaient se serrer les uns contre les autres, comme pour faire plus grande la clairière maudite où le dolmen, aux contours noyés d’ombre, s’allongeait, pareil à une pierre tombale posée au-dessus de la fosse d’un géant. Trois druidesses, drapées dans leurs robes flottantes, s’avancèrent pour saisir la victime, pendant que les prêtres chantaient un psaume mystique, dont les notes se perdaient dans la nuit. Myrghèle, mue par une force supérieure, escalada le dolmen et les trois druidesses jetèrent Sylvane sur la table de granit. Avec des gestes brusques et saccadés, la fada, horrible à voir, les traits décomposés, la figure grimaçante, dévêtit brutalement la victime et, tirant un stylet de sa ceinture, s’agenouilla pour lui percer le coeur.

baie d'AnchoineA la minute même où Sylvane allait être immolée, un éclair déchira le ciel, un cataclysme effroyable bouleversa l’île d’Armotte. La terre trembla, un abîme immense, monstrueux, s’ouvrit brusquement, où le dolmen et tous ceux qui l’entouraient disparurent. Les arbres s’abattirent les uns sur les autres et tombèrent dans le gouffre. La mer déchaînée montait, montait toujours, avec une violence croissante, submergeait, d’un raz de marée dévastateur, l’île entière. Au soleil levant, Anchoine n’existait plus, tous ses habitants avaient été noyés. La foudre, la tempête, l’Océan en furie s’unirent en ce temps-là pour modifier profondément la configuration du rivage. Armotte disparue, les flots eurent, par la suite, toute facilité pour aller saper, déchiqueter, et enfin abattre les rochers du Chapus.

La baie d’Anchoine allait devenir, au cours des siècles, le pertuis de Maumusson, et le territoire d’Oléron, l’île qu’ont trouvée les proconsuls romains au début de l’ère chrétienne. On voit aujourd’hui les ruines d’un dolmen à la pointe du rocher d’Ors, sur la côte d’Oléron, à une faible distance de la situation présumée de l’île d’Armotte. Si on pense aux perturbations géologiques qui ont apporté tant de changements à cette partie du littoral, il est permis de supposer que le dolmen d’Anchoine, après avoir été roulé par les flots dans les profondeurs sous-marines, s’est trouvé à la pointe d’Ors quand le niveau des eaux a baissé. N’a-t-on pas la preuve de cet abaissement dans la position actuelle des grottes de Meschers ?

Les légendes s’inscrivent en marge de l’histoire, mais elles sont, bien souvent, l’écho de traditions millénaires, ayant trouvé leur origine dans des événements ou des faits qui ne sauraient être purement imaginaires. L’existence d’Anchoine ne peut être mise en doute, non plus que celle de l’île d’Armotte et des autres îles du pays d’Arvert, devenues continentales.

Au Moyen Age, des marins ont affirmé, alors qu’ils naviguaient près de l’embouchure de la Seudre, avoir vu, par mer calme et limpide, des toitures, des crêtes de murailles presque à fleur d’eau. Ils avaient l’impression de passer au-dessus d’une petite ville immergée, tant étaient nombreuses les ruines de constructions. Encore une légende, dira-t-on ? Peut-être. Ce qui n’en est pas une, c’est l’existence actuelle du « fond d’Anchoine », près de Ronce-les-Bains, et du petit écueil de Barat, à l’embouchure de la Seudre, reste d’un îlot qui a tenu à la terre ferme et était cultivé au XIVe siècle.

 

(Extrait de « Devant Cordouan. Royan et la presqu’île d’Arvert », paru en 1934)

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Le rituel du bain à Lourdes

Posté par francesca7 le 13 novembre 2015

 

L’eau est symbole de Lourdes par excellence. Le rituel du bain à Lourdes est donc indiscutablement lié à ce qui se vit quotidiennement au sanctuaire. Le pèlerin est invité, croyant, non croyant, ou encore d’autres confessions, à boire, se laver (s’asperger le visage) ou encore se baigner dans les piscines (bains).

rituel du bain

L’eau est évoquée à travers quelques-unes des 16 apparitions (d’après le sanctuaire de Lourdes) :

Jeudi 11 février 1858 : la première rencontre.

« Première apparition. Accompagnée de sa sœur et d’une amie, Bernadette se rend à Massabielle, le long du Gave, pour ramasser des os et du bois mort. Enlevant ses bas pour traverser le ruisseau et aller dans la Grotte, elle entend un bruit qui ressemblait à un coup de vent, elle lève la tête vers la Grotte : « J’aperçus une dame vêtue de blanc : elle portait une robe blanche, un voile blanc également, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied ». Bernadette fait le signe de la croix et récite le chapelet avec la Dame. La prière terminée, la Dame disparaît brusquement. »

Dimanche 14 février 1858 : l’eau bénite

Deuxième apparition. Bernadette ressent une force intérieure qui la pousse à retourner à la Grotte malgré l’interdiction de ses parents. Sur son insistance, sa mère l’y autorise ; après la première dizaine du chapelet, elle voit apparaître la même Dame. Elle lui jette de l’eau bénite. La Dame sourit et incline la tête. La prière du chapelet terminée, elle disparaît.

Jeudi 18 février 1858 : la Dame parle

Troisième apparition. Pour la première fois, la Dame parle. Bernadette lui présente une écritoire et lui demande d’écrire son nom. Elle lui dit : « Ce n’est pas nécessaire. », et elle ajoute : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l’autre. Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours? ».

Vendredi 19 février 1858 : le premier cierge

Quatrième apparition. Bernadette vient à la Grotte avec un cierge bénit et allumé. C’est de ce geste qu’est née la coutume de porter des cierges et de les allumer devant la Grotte.

Mardi 23 février 1858 : le secret

Septième apparition. Entourée de cent cinquante personnes, Bernadette se rend à la Grotte. L’Apparition lui révèle un secret « rien que pour elle ».

Jeudi 25 février 1858 : la source

Neuvième apparition. Trois cents personnes sont présentes. Bernadette raconte : « Elle me dit d’aller boire à la source (…). Je ne trouvai qu’un peu d’eau vaseuse. Au quatrième essai je pus boire. Elle me fit également manger une herbe qui se trouvait près de la fontaine puis la vision disparut et je m’en allai. » Devant la foule qui lui demande: « Sais-tu qu’on te croit folle de faire des choses pareilles ? », elle répond : « C’est pour les pécheurs. »

Samedi 27 février 1858 : silence

Dixième apparition. Huit cents personnes sont présentes. L’Apparition est silencieuse. Bernadette boit l’eau de la source et accomplit les gestes habituels de pénitence.

Lundi 1er mars 1858 : la première miraculée de Lourdes

Douzième apparition. Plus de mille cinq cents personnes sont rassemblées et parmi elles, pour la première fois, un prêtre. Dans la nuit, Catherine Latapie, une amie lourdaise, se rend à la Grotte, elle trempe son bras déboîté dans l’eau de la source : son bras et sa main retrouvent leur souplesse.

Mercredi 3 mars 1858 : le sourire de la dame

Quatorzième apparition. Dès 7 heures le matin, en présence de trois mille personnes, Bernadette se rend à la Grotte, mais la vision n’apparaît pas ! Après l’école, elle entend l’invitation intérieure de la Dame. Elle se rend à la Grotte et lui redemande son nom. La réponse est un sourire. Le curé Peyramale lui redit : « Si la Dame désire vraiment une chapelle, qu’elle dise son nom et qu’elle fasse fleurir le rosier de la Grotte ».

Jeudi 16 juillet 1858 : la toute dernière apparition

Dix-huitième apparition. Bernadette ressent le mystérieux appel de la Grotte, mais l’accès à Massabielle est interdit et fermé par une palissade. Elle se rend donc en face, de l’autre côté du Gave… et voit la Vierge Marie, une ultime fois : « Il me semblait que j’étais devant la grotte, à la même distance que les autres fois, je voyais seulement la Vierge, jamais je ne l’ai vue aussi belle ! ».

Chef-lieu de canton des Hautes-Pyrénées, Lourdes se situe sur le gave de Pau, en bordure des Pyrénées.

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En 1858, l’évêque de Tarbes s’était imposé une entière réserve au sujet des apparitions de Lourdes, attendant les conclusions de la commission d’enquête qu’il avait formée en 1858. Le 18 janvier 1862, l’évêque promulgue un mandement par lequel il s’appuie sur les conclusions positives de la commission et déclare que l’Immaculée Mère de Dieu est réellement apparue à Bernadette Soubirous dans la Grottes de Massabielle.

La première cérémonie officielle a lieu deux ans après, le 4 avril 1864 : c’est la bénédiction de la statue de la Grotte. A cette occasion, la paroisse de Lourdes y vient en procession. Le premier pèlerinage est celui de Loubajac, organisé, le 21 juillet 1864.

En mars 1866, la ligne de chemin de fer Bordeaux-Tarbes est prolongée jusqu’à Lourdes et, en juin 1867 est inauguré le tronçon Pau-Lourdes : ainsi est terminée la ligne Bayonne-Toulouse, qui va faciliter l’arrivée de pèlerinages de la région. Le premier train spécial est celui de Bayonne, avec 700 pèlerins, le 16 juillet 1867. En 1872, le nombre de pèlerins passe de 28000 à 119 000.

Le journal Le Pèlerin écrit en 1880 « le miracle c’est que tous ces 917 malades pauvres dont plusieurs, au dire des médecins, ne devaient point, en demeurant paisiblement dans leur lit, passer la semaine sur terre, pas un seul n’est mort ni en route, ni à Lourdes ni au retour, malgré les fatigues de tout genre et une installation, incomplète et insuffisante. Quel est l’hôpital de mille personnes qui ait une aussi bonne semaine ? » C’est cette même année que naquit l’Hospitalité de Lourdes où spontanément des bénévoles se sont proposés d’aider des malades.

Les services essentiels sont alors mis en place : transport de la gare vers les lieux d’hébergement des malades ; acheminement des mêmes malades, chaque jour, des « hospices » vers la Grotte et les piscines et inversement ; infirmières au service des malades, service d’ordre à la Grotte et aux piscines ; bains aux piscines assurés pour les hommes par les « Hospitaliers » et pour les femmes par des infirmières.

Article 1 de la chartre de l’Hospitalité de Lourdes :

« L’hospitalité Notre Dame de Lourdes est une association de personnes bénévoles qui travaillent en commun à Lourdes, pour le service des pèlerins et spécialement des pèlerins malades. En droit canonique, depuis 1928, c’est une archiconfrérie. Son origine se trouve dans une rencontre toute fortuite, à Lourdes en 1880. Des pèlerins et des malades, venus répondre à l’appel de Notre-Dame, transmis par Sainte-Bernadette, de venir en procession, boire et se laver à la Fontaine de la Grotte, rencontrèrent des passants qui voulurent les aider et les servir ».

Site officiel des Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes : http://fr.lourdes-france.org

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LA COURSE A LA LEGENDE DES PONTS

Posté par francesca7 le 26 octobre 2015

 

On attribua à des êtres surhumains la construction de certains ponts hardiment jetés entre deux collines escarpées ou sur le courant de fleuves renommés par leur impétuosité ou la soudaineté de leurs crues. Tantôt ils les bâtissent pour leur commodité personnelle, tantôt ils aident les hommes, exigeant pour leur salaire certaines récompenses. Et lorsqu’il s’agissait du diable lui-même demandant tribut, il n’était pas rare de voir les hommes le berner en lui livrant un chat au lieu du premier humain traversant le pont…

LA LEGENDE DES PONTS

Dans les Vosges, à Uriménil et au Val d’Ajol, se trouvent les ponts des fées. Ces bonnes dames avaient aussi, suivant la tradition, jeté un pont gigantesque du massif des Hochfelds ou Riesenfels jusqu’à la Roche de Châtepont, de l’autre côté du Val de la Lièpvre.

Dans le pays basque, ce sont les Lamignac, apparentés aux fées et aux lutins, qui ont bâti le pont du Licq. J.-F. Cerquand a recueilli un curieux récit que voici en substance. Les gens de ce pays ne trouvant personne pour entreprendre de jeter un pont sur le gave, convinrent d’en charger les Lamignac. Ceux-ci acceptèrent, et convinrent de le faire en une nuit, avant le chant du coq, mais à la condition qu’on leur donnerait en paiement la plus belle fille de Licq. L’amoureux de celle-ci trouva moyen de faire le coq pousser son coquerico avant l’heure. Les Lamignac venaient de soulever la dernière pierre à la moitié de sa hauteur. Ils la jetèrent à l’eau en maudissant le coq.

Dans les contrées du Nord, les géants prennent la place des fées des régions occidentales. La Norvège a plusieurs légendes de ponts bâtis par des géants ; tantôt c’est un jutul qui, pour aller voir celle qu’il aime, séparée de lui par une rivière, entreprend de bâtir un pont ; le soleil levant l’interrompt dans sa construction ; ou bien ce sont deux géants qui construisent un pont pour se visiter mutuellement ; d’autres géants se proposent aussi de bâtir un pont sur le Main, sans que l’on dise pourquoi.

Dans la région du Midi, surtout le long du Rhône, les architectes de ponts sont des bergers ou des humbles, qui, inspirés par Dieu lui-même ou par ses anges, finissent par élever un bel ouvrage sur un fleuve large et difficile. La plus typique de ces traditions est celle du pont de Saint-Bénezet à Avignon.

Au Moyen Age, il y a un constructeur de ponts qui l’emporte de beaucoup sur les fées, les géants, et même les saints inspirés d’en haut. Malgré l’institution des frères pontifes, c’est lui qui aux yeux du peuple, reste le grand ingénieur, le « summus pontifex ». Dans toute l’Europe, on rencontre des ponts dont la construction lui est attribuée, et la légende les lui fait bâtir avec une facilité si grande que l’on regarde comme toute naturelle l’exclamation que Goethe a mise dans la bouche de Méphistophélès : « Le beau passe-temps pour moi, s’écrie-t-il, j’aurais plutôt fait de bâtir mille ponts ! »

En France, le pont du Gard, ceux d’Orthez, de Cahors, de Bonnecombe près de Rodez, de Rilly dans les Ardennes, de Belz dans le Morbihan, du port de l’Arche, de Saint-Cloud, de Jouy aux Arches près de Metz, deux ponts en Corse, un grand nombre de ponts de la Savoie et de la région des Alpes, sont l’œuvre du diable. En Suisse, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Italie, dans l’Amérique, du sud, le peuple lui fait aussi honneur de ceux qui sont beaux et dont la construction a été difficile.

Voici en général comment se produit l’intervention de l’esprit du mal. Si les détails varient assez pour former des variantes de légendes, le thème initial est assez semblable partout. Bien que tous les rites prescrits par la religion officielle du pays eussent été observés, et que même, à côté de la cérémonie orthodoxe, on n’eût pas négligé certaines pratiques empruntées aux cultes déchus, il arrivait quelquefois que l’ouvrage commencé ne pouvait être achevé : les éléments le ruinaient, et parfois, sans cause apparente, il s’écroulait.

Les architectes, après s’être voués à tous les saints, après avoir essayé de nouvelles combinaisons qui ne réussissaient pas à assurer la solidité de leur œuvre, finissaient par invoquer, en désespoir de cause, les divinités du temps jadis, et surtout le diable. Celui-ci qui est aux aguets, et qui parfois a contribué à la ruine de l’œuvre entreprise, survient tout à coup, prend au mot l’imprudent, et promet de terminer le pont moyennant un certain salaire Il ne se montre pas trop exigeant en apparence. Habituellement, il se contente de l’abandon de la première créature vivante qui traversera le tablier du pont après son achèvement.

En Franche-Comté, lorsque l’on construisait pour la première fois le Pont-du-Diable que l’on voit entre Sainte-Anne et le Crouset, le diable venait chaque nuit renverser les travaux qu’on avait faits pendant le jour. Le maître maçon, sur le point d’être ruiné, appelle le démon à son secours, et celui-ci lui promet de ne plus le troubler dans ses travaux, à la condition d’avoir, corps et âme, la première personne qui passera sur le pont. Le maître maçon tombe presque aussitôt malade et ses ouvriers vont chercher le curé du Crouset pour l’administrer.

Ce fut lui qui le lendemain passa le premier sur le pont nouvellement achevé. Le diable était là, mais au moment où il s’apprêtait à saisir le prêtre, le bon Dieu que celui-ci portait dans ses mains apparaît dans toute sa majesté, et le diable épouvanté tombe dans un gouffre sans fond.

On racontait que le bailli de Saint-Cloud qui n’était pas sorcier, mais que les sorciers avaient engagé à entrer en négociation avec le diable, convint avec lui qu’aussitôt le travail terminé, il lui donnerait la première créature qui passerait dessus. Le jour fixé, il se présenta devant l’entrée du pont et lâcha un chat caché dans sa large manche.

Dans le Morbihan, saint Cado se fit construire un pont par le diable et lui donna aussi un chat au lieu d’une âme. On remarque de notables interruptions aux parapets du pont, auxquels la ville de Pont-de-l’Arche doit son nom ; le diable qui l’avait construit de compte à demi, n’ayant eu qu’un chat pour son salaire, refusa de le terminer. Le diable fut aussi trompé à Rilly, dans les Ardennes, où il s’était engagé à construire le pont en une seule nuit, en stipulant qu’on lui abandonnerait l’âme de la première personne qui le traverserait avant le lever du soleil ; on s’arrangea de façon à y faire passer un chien.

LA COURSE A LA LEGENDE DES PONTS dans COURS d'EAU-RIVIERES de France 220px-Lavacherie_Pont_SuspenduQuand Guillaume, duc de Toulouse, dit le Marquis-au-Court-Nez, qui allait souvent visiter son ami saint Benoît au couvent d’Aniane, voulut construire un pont sur l’Hérault, au lieu ordinaire de sa traversée, le diable renversait la nuit ce qui avait été édifié à grand’peine pendant le jour. Guillaume finit par se lasser : il appela le diable, et fit un pacte avec lui, aux conditions ordinaires : le premier passager lui appartiendrait. Le saint duc, plus rusé que Satan, fit connaître le marché à tous ses amis pour les en préserver ; puis il lâcha un chat qui le premier traversa le pont, et dont le démon fut bien forcé de se contenter. Depuis ce temps, dans le pays, les chats appartiennent au diable, et le pont à saint Guillaume.

En Corse, du temps de la domination génoise, il y avait sur les rives du Golo, non loin du village de Castirlo, un moulin à farine qui desservait toute la vallée. Pour communiquer d’une rive à l’autre, on traversait la rivière à gué ou sur une passerelle mobile et des plus primitives. Il arrivait souvent que le passage était intercepté et la passerelle emportée par les crues. Ces accidents contrariaient particulièrement le meunier qui, privé de communications, se trouvait dans la nécessité de faire chômer son moulin.

Un jour, à la tombée de la nuit, au moment où il allait passer la rivière avec son âne chargé de farine, une forte crue survint subitement. Le meunier dans cet embarras se lamentait en lançant des imprécations : un étranger apparut, qui lui demanda pourquoi il était en si grande colère. Le meunier ne lui en cacha pas la cause et l’étranger lui promit que s’il voulait lui livrer son âme, il s’engageait à jeter un pont en pierres sur le torrent avant minuit sonnant. Le meunier accepta cette proposition inespérée et avantageuse. Peu d’instants après, la rivière était le centre d’un horrible mouvement : l’œuvre commencée se poursuivait avec une activité diabolique et tout faisait prévoir que la promesse de l’inconnu serait réalisée.

Le meunier, qui n’avait pas tout d’abord réfléchi aux conséquences du contrat, devint perplexe. Cet inconnu pouvait être Lucifer et il lui avait livré son âme. Son angoisse allait grandissant avec l’avancement des travaux. Elle fut à son comble quand il vit que les trois voûtes étaient fermées et que l’on commençait à maçonner les tympans. L’ouvrage ne pouvait tarder à être achevé et minuit était encore loin. Une idée lui vint. Sans plus attendre une seconde, il alla réveiller le curé du village et lui raconta le pacte qu’il avait conclu. Après quelques instants de réflexion, le curé lui dit : « As-tu un coq parmi tes poules ? » Et sur sa réponse affirmative, il ajouta : « Va vite, remplis une cruche d’eau, et jette-en une partie sur lui : en sentant la fraîcheur de l’eau, le coq battra des ailes et chantera. Pars, et si tu arrives avant l’heure convenue, tu es sauvé. »

Le meunier se hâta de suivre le conseil du curé, et avant minuit le coq chanta. Il ne restait plus que les parapets à construire. Un épouvantable fracas suivit le chant du coq et fut répété par les échos de la vallée. Avant que le pont ne fût restauré et élargi pour l’usage de la route forestière numéro 9 qui l’a emprunté, on découvrait sur la chaussée une large pierre portant l’empreinte d’un pied fourchu. Une autre légende raconte qu’en Corse, un coq blanc, que réveille le bon ange de saint Martin, pousse un cocorico strident et met en fuite le diable au moment même où il s’apprête à poser la dernière pierre d’un pont.

Suivant diverses légendes provençales, le diable a construit le pont du Gard et a reçu pour son salaire tantôt un lièvre, tantôt un chat. Jules Baissac, l’auteur de la Diablerie chrétienne, les a fait suivre d’une dissertation. Nous ne chercherons pas s’il a eu tort ou raison de rattacher à l’ancien culte de Diane le lièvre ou le chat qui sont offerts au diable à la place d’un être humain. Ce qui nous paraît le plus intéressant dans sa démonstration, c’est la partie, assez sommairement traitée, dans laquelle il exprime les idées suivantes : le diable, en ce qui concerne les ponts, a pris — comme en maints autres cas — la 220px-Pont_du_diable_%C3%A0_Mercus-Garrabet dans HISTOIRE DES REGIONSplace d’une divinité antique, à laquelle jadis un sacrifice était fait au moment de la construction ou de l’achèvement du pont ; à l’origine ce sacrifice était celui d’un homme ; l’adoucissement des mœurs amena la substitution d’animaux ou d’effigies aux hommes qui primitivement étaient immolés, et les animaux divers que l’on fait passer sur le pont, après le pacte conclu avec le démon, sont un souvenir de l’époque à laquelle des sacrifices avaient lieu réellement.

Lorsqu’ils ont cessé d’être en usage, le souvenir en est resté, mais est allé en s’affaiblissant et, devenu simplement légendaire, a été transformé : au lieu d’un rite, il n’y a plus eu qu’un « bon tour » joué à l’ennemi du genre humain. Les nombreuses légendes où l’on force le diable à accepter un animal au lieu d’un homme, ne seraient autre chose qu’un écho affaibli et transformé, de l’époque où la construction était nécessairement accompagnée de cérémonies religieuses et de sacrifices réels.

D’après « Revue des traditions populaires », paru en 1891

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Perles des coquillages en Haute-Loire

Posté par francesca7 le 29 juillet 2015

 

LA VIRLANGELa Virlange, petite rivière baignant la commune de Saugues en Haute-Loire, passait pour être le repaire de moules d’eau douce abritant de véritables perles de joaillerie dont la nacre, si elle n’égalait pas celle de l’Orient, suscitait quelques vocations d’amateurs en quête d’une pêche miraculeuse

La Virlange longe le territoire de la commune de Saugues depuis Esplantas jusqu’au moulin de Pouzas où elle se jette dans l’Ance. Elle est ainsi mentionnée par le Père Louvreleul : « Il y a, en Gévaudan, une petite rivière nommée Virlange, qui vient du pied de la Margeride, près de Chanaleilles, et passe par Ombret, dans laquelle, quand elle est fort basse, on trouve de dans laquelle, quand elle est fort basse, on trouve de véritables perles avec leur nacre, durant l’espace d’une lieue, savoir, depuis le village des Plantats, jusqu’au dessous de la ville de Saugues. »

Audigier, dans son Histoire d’Auvergne, rapporte quant à lui qu’ « on voit quelque chose qui n’est guère moins surprenant sur les frontières de l’Auvergne, du côté de Saugues. Près d’un lieu, nommé Plantat, coule un ruisseau dans lequel on trouve des huîtres que les paysans et les bergers ramassent en été pour en faire un mets assez délicieux. Ils ne vont à cette pêche que lorsque l’eau est fort basse. On découvre dans ces huîtres des perles de la grosseur d’un pois. Toutes donneraient quelque perle, si on ne les ouvrait point avant qu’elles fussent achevées de former. Si la coquille est ouverte avant que la perle ait commencé à se former, on trouve au milieu une figure ronde toute noire ; si elle a quelque commencement, cette couleur noire devient de la couleur de blanc d’oeuf, et lorsqu’elle est dans sa perfection, elle prend la figure et la couleur des véritables perles. Un gentilhomme du voisinage, dans la longueur du temps, en avait ramassé un grand nombre dont il fit un collier qui fut estimé cinquante pistoles à Montpellier. »

L’Annuaire de Pasquet (1835), nous révèle qu’ « une espèce de coquillage fluviatile, l’unio pictorum, se pêche dans la Virlange ; il renferme des perles qui, lorsqu’elles sont d’une belle eau, ont autant de prix pour les joailliers que celles qui viennent de l’Inde. » Divers auteurs, Legrand d’Aussy dans son Voyage en Auvergne, et Payan Dumoulin dans le Bulletin de la Société d’Agriculture du Puy, ont parlé de ce coquillage et des perles qu’il produit. Ce mollusque, d’abord appelé unio pictorum, puis unio margaritifera et enfin aujourd’huimargaritana margatifera, en attendant qu’on lui cherche plus tard un autre nom, se trouve en assez grande abondance dans l’Ance, moins commun dans la Virlange, et extrêmement rare dans la Seuge. La reproduction en est assez longue, et la cupidité des naturels, par des recherches continues, en a singulièrement diminué le nombre. Sa chair ne semble pas comestible, car pour avoir ouvert seulement quelques-uns de ces coquillages, les mains gardent une odeur tenace de nauséabonde fétidité.

Il semble qu’on peut s’estimer heureux quand, après avoir éventré une centaine de ces mollusques, on est arrivé à trouver trois ou quatre perles seulement. Sur ce nombre, il est rare qu’il y en ait une seule qui soit irréprochable de forme et de couleur. Les plus belles n’ont pas l’orient des perles de l’Inde, leur teinte est pus mate et leur éclat pus éteint.

MargaritiferaIl est possible que quelques-unes de ces perles ne soient autre chose que des corps étrangers, introduits par accident entre les valves du mollusque, qui les recouvre de nacre, afin que ses tissus ne soient point blessés à leur contact, lorsqu’il peut les expulser. Les coquillages chez lesquels on a le plus de chance d’en trouver sont ceux qui ont été meurtris et déformés par le pied des animaux traversant la rivière, ou par tout autre accident. On rencontre de ces perles à toutes les périodes de transformation : les unes noires et irrégulières, les autres rougeâtres, d’autres enfin finement arrondies et d’un blanc laiteux. L’acharnement déployé à cette pêche à la fin du XIXe siècle, aussi peu fructueuse que rémunératrice, semblait faire prévoir qu’une époque viendrait où il ne resterait de ce mollusque guère autre chose que le souvenir. Et dans les faits, cette espèce est aujourd’hui en voie de disparition.

(D’après « Notes historiques sur Saugues », paru en 1899)

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Sur les bords du Tarn

Posté par francesca7 le 28 juillet 2015

 

 

albi-les-bords-du-tarnAux environs d’Albi, à l’endroit appelé le Saut du Sabotet où la rivière se trouve resserrée entre deux énormes barrières de rocher, les villageois et villageoises du XIXe siècle pleuraient encore en écoutant le récit de la mort du berger Saho : il allait voir sa mie qui bientôt accepta le mariage. Mais dans l’ombre, un certain Guillaume, guidé par la jalousie, ne l’entend pas ainsi et décide de mettre à profit le dangereux passage tombant à pic sur le cours d’eau

Sur les rives ombragées de la Garonne, sur les bords de la Durance, l’habitant des campagnes transmet à ses enfants les chants de ses aïeux. Sous le ciel méridional, comme sous le ciel de la Grèce, plusieurs poètes inconnus ont célébré le dévouement et les malheurs de l’amour. Sur les rivages de l’Hellespont, de nombreuses générations se sont raconté d’âge en âge la gracieuse et touchante histoire de Léandre et de Héro. Sur les bords du Tarn, à l’endroit où cette rivière se trouve resserrée entre deux énormes barrières de rocher — appelé aujourd’hui Saut de Sabode Sabot ou du Sabot –, on se souvenait jadis du tragique récit de la mort du berger Saho.

Voyez-vous ce village caché comme un nid de tourterelle au milieu des arbres touffus qui le couvrent de leur ombrage ? Là vivait autrefois une jeune bergère qui portait le nom d’Indie. Elle était la fleur du hameau ; elle avait à peine seize ans lorsque tous les bergers des environs la demandèrent en mariage à sa vieille mère. Mais les joues d’lndie devenaient rouges comme la cerise printanière, toutes les fois qu’elle entendait les doux propos d’amour.

— Je ne veux point quitter ma mère, disait-elle, ma vieille mère qui n’a d’autre soutien que moi.

Quelques années s’écoulèrent, et lorsque le joli mois de mai revenait avec les beaux jours et les fleurs, tous les bergers allaient, la nuit, planter devant la petite maison d’Indie un jeune arbrisseau qu’ils couvraient de rubans et de guirlandes. lndie avait déjà vingt ans, lorsque revenant du village où elle avait communié, le saint jour de Pâques, elle rencontra un berger qui habitait le hameau voisin.

Ce berger avait nom Saho. Il était beau comme un ange du paradis, et son troupeau prospérait, parce que Dieu veillait sur lui pour récompenser la piété du berger. Toutes les jeunes filles en âge d’être mariées s’asseyaient, le soir, sur leurs portes, pour voir passer Saho quand il ramenait son troupeau du pâturage. Mais Saho baissait modestement les yeux et récitait ses oraisons. Cependant, il aimait la belle lndie de l’amour le plus tendre.

— Indie, lui dit-il, en revenant du village, le saint jour de Pâques, lndie, vous avez communié aujourd’hui, et je suis sûr quo vous aimez bien le bon Dieu.

— Et vous aussi, Saho, répondit la bergère.

— Longtemps j’ai cru qu’il ne fallait aimer que le bon Dieu et ma mère, répondit Saho ; mais plus souvent je vous vois, plus je sens que mon cœur s’ouvre à un autre amour. Quand vous passez près de moi, je n’ose pas vous regarder, je tremble, et puis je pleure lorsque vous vous éloignez. Demain je viendrai voir votre mère, je lui dirai si elle veut nous marier ensemble.

— Nous marier ! fit lndie en rougissant.

— Si vous ne m’aimez pas encore, lndie, vous m’aimerez plus tard.

lndie et Saho se séparèrent à l’instant ; ils avaient aperçu quelques villageois au détour du sentier. A quelque temps de là, des pleurs se firent entendre dans la maison d’Indie ; la jeune bergère avait perdu sa mère, et longtemps elle fut inconsolable. Saho ne quittait plus le village ; il craignait qu’il n’arrivât quelque malheur à celle qu’il appelait déjà sa fiancée.

Sur les bords du Tarn dans COURS d'EAU-RIVIERES de France 550px-Gorges_du_Tarn_Point_Sublime

Mais le curé du village blâma ces assiduités, et Saho revint dans son hameau, de l’autre côté de la rivière. lndie éprouva bientôt le besoin de revoir son berger bien-aimé ; elle dépérissait, la pauvre colombe, depuis qu’elle n’entendait plus la musette de Saho. Par une belle soirée d’été, la bergère s’assit sur un des rochers qui s’élèvent aux bords du Tarn, et chanta la ballade des trois jeunes filles à marier :

« Sur le bord de la rivière, sur le bord fleuri, il y a trois jeunes filles, filles à marier. Celle qui est la plus jeune ne fait que pleurer. Pourquoi pleurer, fillette, pourquoi tant soupirer ? Si je pleure, pauvrette, j’en ai bien raison ; les glands de ma ceinture dans l’onde sont tombés. Que donnerez-vous, brunette, à celui qui ira les chercher ? Je lui donnerai une rose avec un doux baiser.

« Alors le galant tire ses chausses et se lance dans l’eau ; dans l’onde le galant s’est enfoncé. La dernière vague a fait flotter les glands ; tenez, tenez, brunette, voici vos glands dorés. »

Puis lndie ajouta : « Quand j’étais petite, je gardais les agneaux ; parmi les fleurs de la prairie je ne pensais pas aux amours. Maintenant que je suis grande, je garde les moutons ; je les fais paître sur l’herbette, dans ces champs si doux. Un jour, je les ai conduits à l’onde de ce petit ruisseau ; là j’ai trouvé sur la prairie trois chevaliers gracieux.

« L’un me dit : adieu, Indie ; l’autre : adieu, amour ; l’autre me pousse dans le ruisseau comme un pêcheur jette sa ligne. Il y avait peu d’eau, je ne me suis point mouillée ; au pied du beau pommier je me suis assise. Pommier divin, qui charmes, tu as de bien belles fleurs, mais tu n’en as pas autant que mon cœur a d’amours. »

Saho tressaillit d’amour et de joie entendant les douces paroles d’Indie. La rivière n’était pas large à cet endroit, et il sauta d’un bord à l’autre avec la légèreté d’un jeune chevreau. Le lendemain, il franchit aussi la rivière ; la bergère et le berger ne pouvaient plus passer un jour sans se voir.

— Indie, ma douce amie, dit un jour Saho, marions-nous ensemble ; nous n’aurons plus qu’un seul troupeau ; nous cultiverons ensemble nos petits champs, lorsque nos en fans seront en âge de garder nos moutons.

— La volonté de Dieu soit faite, répondit Indie, et vos vœux accomplis, berger Saho.

Quelques jours après, le bruit courut dans le village que l’heureux Saho était à la veille d’épouser Indie. Tous les voisins se réjouirent, car le berger et la bergère étaient purs et innocents, comme au jour de leur baptême, et tout le monde les aimait. Un seul berger détestait Saho : ce berger s’appelait Guillaume. Il était laid à faire peur à toutes les filles, et cependant il avait osé tenir propos d’amour à Indie. Mais la bergère s’était moquée de lui.

Guillaume dissimula ses projets de vengeance ; il s’aperçut que le rocher formait une pente rapide jusqu’au bord de la rivière. Pendant le jour, il sema de petits cailloux ronds sur cette surface unie, et il se dit en riant aux éclats, comme un démon : « Ce soir, galant Saho, tu ne verras pas Indie, ta douce amie ; tu tomberas dans le gouffre, et demain j’annoncerai ta mort à l’orgueilleuse bergère. »

Quelques instants après le coucher du soleil, le berger Saho aperçut une quenouille plantée sur le rocher de la rive opposée ; c’était le signal si désiré du rendez-vous. Il voulut s’élancer pour franchir la rivière, mais les petits cailloux roulèrent sous ses pieds ; il ne put garder l’équilibre, et après avoir chancelé pendant quelques instants, il tomba dans l’abîme en criant : « Indie, je meurs, Indie, adieu pour toujours. »

La bergère entendit ce cri de désespoir qui la glaça de terreur. Elle courut au bord de la rivière, mais elle ne vit rien dans le gouffre. Le chapeau de Saho restait seul sur la rive opposée. Deux jours après on trouva le cadavre de Saho au-dessous du pont d’Albi. On le porta au village où il fut enseveli près du tombeau de la mère d’Indie.

La pauvre bergère ne pleura pas longtemps son fiancé. Elle s’endormit du sommeil du juste, et toutes les jeunes filles du village portèrent le deuil. Guillaume fut maudit ; on le chassa du pays, et l’endroit où le fiancé d’Indie avait trouvé la mort fut appelé le Saut du Sabot, où l’on construisit un pont peu avant 1840.

 

(D’après « Mosaïque du Midi », paru en 1840)

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Sur le Pont-Neuf de Paris

Posté par francesca7 le 26 juillet 2015

(Paris)

 

800px-Boutique_pontneufLe samedi 31 mai de l’année 1578, après avoir vu passer le magnifique convoi de Quélus et de Maugiron (ses favoris, tués en duel), Henri III, accompagné des deux reines Catherine de Médicis et Louise de Vaudemont, de plusieurs princes, et des plus notables magistrats de la ville, vint solennellement poser la première pierre du pont Neuf, appelé d’abord pont du Louvre.

L’architecte qui en avait donné le plan et qui en commença l’exécution, fut payé 50 écus. Henri IV le fit continuer, et on l’acheva en 1606. Il était en pierre, et de la longueur où nous le voyons aujourd’hui : seulement les boutiques qui s’y trouvent n’existaient pas alors, et ne furent élevées qu’en 1775. A son extrémité méridionale, sur le quai Conti, à l’endroit même où est la voûte sous laquelle on passe pour descendre à la rivière, était une maison appelée le château Gaillard, démoli sous Louis XIV ; c’est là que Brioché attirait une foule si nombreuse à son spectacle de marionnettes.

Le pont Neuf, qui servait de communication directe entre la cité et les deux autres quartiers de la ville, était dès son origine la promenade publique la plus fréquentée et la plus variée de Paris. Toutes les classes de la population semblaient s’y être donné rendez-vous : à toute heure du jour, une foule active, remuante, sans cesse renouvelée, et toujours avide de curiosité, encombrait les trottoirs, se pressait à l’entour de la statue de Henri IV, et refluait jusque vers la place Dauphine, où se voyait la même variété et le même mouvement.

A côté des petits marchands de toutes sortes qui se tenaient sur le pont, s’élevait le théâtre de Mondor et de Tabarin. Des charlatans moins connus, des bateleurs moins plaisants, trouvaient aussi moyen de glaner après ces deux grands maîtres. Enfin, comme l’écrivait Berthod, poète du temps, le pont Neuf était un…

…Rendez-vous de charlatans,
De filous, de passe volans,
Pont Neuf, ordinaire théâtre
De vendeurs d’onguens et d’emplâtre ;
Séjour des arracheurs de dents,
Des fripiers, libraires, pédans,
Des chanteurs de chansons nouvelles.

De coupe-bourses, d’argotiers,
De maîtres de sales métiers,
D’opérateurs et de chimiques,
Et de médecins purgitiques,
De fins joueurs de gobelets.

A toute heure du jour toute cette foule faisait entendre des cris de diverses sortes, et chacun cherchait à faire son métier et à vendre sa marchandise ; c’était un tumulte confus. C’est là aussi que venaient de grand matin les pauvres gens, semblables à ce malheureux poète dont parle Saint-Amant dans sa Gazette du pont Neuf, qui chaque matin, de sept heures à onze, venait faire sa cour au roi de bronze, c’est-à-dire se chauffer, au soleil, devant la statue de Henri IV, après avoir été quêter quelques aumônes à l’église des Grands-Augustins, située près de là, sur l’emplacement occupé aujourd’hui par la halle à la volaille.

Il fallait bien que cette promenade fût de préférence le rendez-vous ordinaire des auteurs peu fortunés, puisque Saint-Amant, qui dans ces sortes d’affaires parlait avec expérience, fait dire à son poète crotté, forcé de quitter Paris :

Adieu, pont Neuf, sous l’eau qui l’eau passe
Si ce n’est quand l’hiver la glace.

Adieu, belle place Dauphine,
Où l’éloquence se raffine,
Par ces bateleurs, ces marmots,
De qui j’ai pris tant de beaux mots
Pour fabriquer mes épigrammes.

Adieu, vous, que tout au contraire
J’ai souvent fourni de quoi braire,
Chantres, l’honneur des carrefours
Et des ponts, ou d’une voix d’ours.
Et d’une boufonne grimace,
Vous charmez le sot populace ;
Tandis qu’un matois, non en vain,
Essaie à faire un coup de main.

Dans aucune des descriptions du pont Neuf et de son histoire ce dernier trait n’est oublié ; les tire-laine, les voleurs, les filous et les gueux ceimants et mendiants exploitaient audacieusement, en plein jour, les bourses et les poches des passants. Les spectateurs pour la plupart riaient de ces vols, ou même applaudissaient si le tour était fait avec adresse, et si, pris en flagrant délit, le voleur cherchant à fuir et luttant contre son adversaire avec grand bruit, arrivait le guet, la hallebarde ou l’arquebuse au poing, qui mettait d’accord les deux parties, en arrêtant le volé aussi bien que le voleur.

Sur le Pont-Neuf de Paris dans COURS d'EAU-RIVIERES de France 800px-Pierre-Auguste_Renoir_090

Les arracheurs de dents avaient déjà, comme de nos jours, des compères mêlés aux spectateurs ; c’est ce que nous apprend l’abbé Le Vayer, dans une histoire comique, publiée vers 1560, et intitulée le Parasite Mormon. Il nous raconte la chétive existence et le triste destin d’un pauvre poète, qui, mourant de faim et sans ressource, allait sur le pont Neuf proposer à un charlatan de se laisser arracher deux dents moyennant 10 sols, avec promesse de déclarer hautement aux assistants qu’il n’en ressentait aucun mal.

Plus loin encore, il nous montre ce malheureux que la nécessité contraint, pour gagner un peu de pain, d’aller chanter des chansons qu’il avait faites, répondre froidement à ceux de sa connaissance qui le surprennent en cette posture de bateleur : « Pardieu ! cinquante pistoles sont bonnes à gagner ! » voulant ainsi faire croire qu’une gageure seule le poussait à ce déguisement, et parant sa gueuserie d’un vernis d’amour-propre.

Maintenant que nous connaissons les diverses espèces de gens qui à toute heure de nuit et de jour hantaient cet endroit, voici quelles places distinctes leur assigne sur le pont, sur les trottoirs, à l’entour de la statue et dans la place Dauphine, une gravure de 1646, par Della Bella. Sur les trottoirs du côté de la rue Dauphine, des duellistes se battent à outrance, les arracheurs de dents font leurs parades ; une nuée de mendiants, armés de leurs infirmités d’emprunt, et venus de la Cour des Miracles, s’abat aux portières des carrosses que l’on voit se diriger rapidement vers le Louvre ; plus loin, et devant la statue, on voit un charlatan ; à l’entrée du quai des Orfèvres, on voit une femme et un enfant dont les mains se glissent dans les poches par dessous les manteaux : sur le trottoir opposé, les marchands de vin et de comestibles attirent les spectateurs par leurs cris et leurs annonces fastueuses ; tout auprès se tiennent les tireurs de laine ; enfin, à l’entrée de la place Dauphine, sont les marchands de filets et des chiens de chasse ; et au milieu, ça et là, une foule nombreuse et oisive s’empresse auprès de chaque boutique, et grossit à chaque instant les groupes. Tous les spectateurs portent des cannes et des épées.

Cet usage de porter des armes, alors général dans toutes les classes de la société, nous était venu d’Espagne, et indiquait le nivellement qui se préparait. Un auteur satirique de l’époque le tourne en ridicule, et dit avec un grand air de mépris : « Quand le savetier a gagné par son travail du matin de quoi se donner un ognon pour le reste du jour, il prend sa longue épée, sa petite cotille (collet à l’espagnol) et son grand manteau noir, et s’en va sur la place décider des intérêts de l’Etat. »

Si le pont Neuf était de jour une arène commodément ouverte à toutes les entreprises de l’audace ou de la ruse, de nuit son passage, malgré les escouades du guet à cheval et à pied qui parcouraient la ville, devait être encore plus dangereux pour les bourgeois attardés ; pour s’y hasarder, il fallait un coeur bien résolu, ou une bourse bien vide ; il fallait pouvoir dire, comme le poète crotté de Saint-Amant :

Adieu, blonde Samaritaine,
Que sans peur des tireurs de laine,
Pour n’avoir n’argent ni manteau,
En revenant du royal chasteau,
J’ay veu cent fois aux heures sombres…

Saint-Amant écrivait au commencement du XVIIe siècle, vers 1620 environ ; trente ans plus tard la ville n’était pas plus sûre ; et ces vers connus de Boileau nous donnent une idée peu flatteuse de Paris pendant la nuit :

Sitôt que du soir les ombres pacifiques
D’un double cadenas font fermer les boutiques,
Que retiré chez lui, le paisible marchand
Va revoir ses billets et compter son argent ;
Que dans le Marché-Neuf tout est calme et tranquille,
Les voleurs aussitôt s’emparent de la ville.

Des filous effrontés d’un coup de pistolet,
Ebranlent ma fenêtre et percent mon volet.
J’entends crier partout : Au meurtre, on m’assassine !…

(D’après un article paru en 1835)

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La route des gorges de la Vire

Posté par francesca7 le 22 mai 2015

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Découvrez les panoramas qu’offre le bocage Normand.

Au sud-ouest du Calvados, le Bocage Normand est traversé par les rivières de la Vire et de la Souleuvre. Découvrez des paysages variés : plateaux de granit, vallées creusées par le schiste, collines boisées…

Ici, la randonnée est reine : à pied, à vélo ou à cheval à travers les chemins creux et sentiers balisés.

Admirez le petit patrimoine rural et religieux tout au long de cette route touristique du Calvados : la grotte de Bion et l’église de Sainte Marie Outre l’Eau, l’église de Malloué… 

Rendez-vous au Pont Bellanger au lieu dit « les planches d’Avenel » pour observer un beau panorama sur la Vire.

 

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Le Pont des Fées qui enjambe la Vologne

Posté par francesca7 le 14 mai 2015

 (Vosges)

 
 
Pont-Fees-2Une légende vosgienne affirme qu’un chasseur de Gérardmer bien fait de sa personne et promis, lui avait-t-on assuré, à un radieux destin s’il ne se laissait pas séduire par quelque femme que ce fût, se laissa un jour bercer, sur les bords de la Vologne, par le baiser d’une ondine aux yeux vert d’eau, aux lèvres de corail et à la voix enchanteresse…

Il y avait une fois, dans le pittoresque pays des Vosges, à Gérardmer, un chasseur si beau, si séduisant et si admirablement bien fait, qu’il n’était ni femme, ni fille, qui ne fût charmée par lui. Il poursuivait les animaux les plus sauvages, méprisant les dangers, heureux si quelque cerf ou quelque sanglier tombait sous ses coups. Dès le matin, alors que la fraîche aurore apparaissait, traversant ronces et broussailles, humides de rosée, il partait, toujours au guet, ne manquant jamais sa bête.

Et ainsi tout le jour. Il rentrait dans sa chaumière (car il habitait une chaumière et non un palais, étant aussi pauvre que beau), le soir, quand, depuis plusieurs heures déjà, la nuit était tombée, et à vingt-cinq lieues à la ronde on parlait de son courage, de ses prouesses. On achetait son gibier, qui lui rapportait gros, mais il avait huit petits frères et huit petites sœurs, pour qui il dépensait ce qu’il gagnait, voulant qu’ils ne manquassent de rien. Il se privait parfois même de nourriture, content si ceux qu’il aimait, avaient ce qu’il leur fallait. Il avait promis à ses parents, au moment où ils étaient morts, de prendre soin des seize marmots.

Tuant beaucoup de gros gibier, il s’habillait de peaux, et ce costume seyait à ravir à sa mâle beauté. Aussi, bien des filles eussent-elles été heureuses de l’avoir pour époux, car, comme nous l’avons dit plus haut, elles en étaient toutes folles. Mais, lui, ne les regardait même pas, n’en ayant ni le temps, ni l’envie, les trouvant toutes extrêmement laides.

D’ailleurs il y avait aussi une autre raison… Une vieille femme, que dans le pays on disait être une fée, qui s’était trouvée à sa naissance et qui était sa marraine, avait assuré qu’il serait beau et courageux et qu’il arriverait aux plus hautes distinctions, si, toutefois, il ne se laissait séduire par quelque femme que ce fût. Il connaissait la chose et se tenait sur ses gardes.

Un jour, que depuis l’aube il poursuivait une biche, qu’il n’avait pu atteindre avant midi, il se sentit si pris de fatigue, qu’il s’endormit sur les fougères, à l’ombre des grands arbres, au bord d’un torrent dont l’eau blanche et mousseuse tombait de cascade en cascade. Là, dans la forêt touffue, l’air était plein d’agrément. Un vieux pont, tout en roches construit, il y a des siècles et des siècles, par les mains agiles des fées, dit-on, en cet endroit joignait les versants des montagnes voisines. Les yeux fermés, le chasseur paraissait hanté de songes délicieux, et sa beauté avait un éclat resplendissant.

Il dormait, bercé par le chant des oiseaux et le clapotement de l’onde, quand il sentit, soudain, un baiser qu’on lui déposait sur la joue. Devant lui se présente le plus merveilleux spectacle qu’il ait jamais vu : une femme, plus belle que le jour, est là qui le regarde. Ses yeux sont vert de mer, ses joues sont incarnates et ses lèvres de corail. Ses cheveux blonds d’or tombent jusqu’à ses pieds, cachant à demi un corps admirable, où scintillent quelques gouttelettes d’eau irisée, semblables à des perles. Elle sourit au chasseur de l’air le plus aimable.

Ebloui par tant de charmes, il croit rêver encore. Les paroles s’arrêtent dans sa gorge, tellement il est occupé à la considérer !…

Mais elle s’approche, entoure de ses bras, blancs comme l’albâtre, le cou du jeune homme, et, d’une voix qui semble être une musique céleste, lui dit : — O mon beau chasseur, pourquoi ne réponds-tu pas à mon baiser ?… Te fais-je peur ?… je suis celle qui te protège, et qui, par son génie, de loin veille sur toi, la nuit quand tu reposes, le jour, quand tu cours le bois, dont l’esprit te suit partout, et qui, sans cesse, écarte de toi tous maux !… Viens… Viens auprès de moi, ô mon beau chasseur !

Emu par ce discours, il se sent si vivement plein de feu, qu’il se met à genoux devant elle, et s’écrie :

— Oh non, toi qui es si belle et si aimable, je n’ai pas peur de toi, de toi qui sans cesse me protège, dis-tu, oh non, je n’ai pas peur de toi !…

Et il l’assure qu’il l’aime plus que lui-même, la serre avec ardeur sur sa poitrine et couvre ses mains de baisers. Elle le regarde en souriant, puis reprend :

— O mon beau chasseur, viens !… viens dans mon palais de cristal, où les années passent plus vite que les jours, où l’on vit heureux dans des plaisirs sans nombre et des joies sans fins, où il fait toujours beau, où l’on est toujours tranquille, dans mon palais de cristal, viens, ô mon beau chasseur !…

téléchargement (2)Elle l’embrasse, le caresse, le serre plus fort dans ses bras. Séduit, il se laisse faire, et peu à peu s’abandonne. Ils roulent, tous deux, enlacés, sur la mousse, puis sur le chemin. Elle l’entraîne jusqu’au bord du torrent… Déjà ils touchent les algues vertes. Elle l’embrasse, l’embrasse encore, puis, soudain, le sentant en sa toute puissance, rit aux éclats, et le précipite, avec elle, dans l’eau profonde !…

Le chasseur avait poussé un grand cri, le torrent avait fait entendre un sourd mugissement, qui avait retenti bien loin dans la montagne. Puis, tout redevint calme : l’eau blanche continua à tomber de cascade en cascade, les oiseaux à chanter et les vieux sapins à être doucement balancés par le vent…

Jamais le chasseur ne revint dans sa chaumière, où ses huit petits frères et ses huit petites sœurs sont morts de faim. Mais on parle toujours de lui dans le pays. Une crainte superstitieuse s’attache à l’endroit où il a disparu. Depuis on n’y passe plus qu’en tremblant, et durant les longues soirées d’hiver, à la veillée, dans les pauvres cabanes, les vieilles femmes racontent aux petits enfants étonnés, l’histoire du jeune chasseur, devant les cheminées allumées.

Eux, sont pris de peur, à ce récit, car on leur assure que parfois, à minuit, les antiques échos des vertes forêts des Vosges, répercutent encore les cris effrayants que le chasseur pousse du fond des eaux, ou qu’encore on entend sortir de dessous les ondes des chants d’amour d’une mélodie divine, où s’emmêlent dans une harmonie suave, la voix forte et mâle de celui qui n’est plus et la voix enchanteresse et tendre de l’ondine aux yeux vert d’eau et aux lèvres de corail…

Moralité :

Tout conte doit avoir en soi moralité,
Afin que notre esprit en ait leçon plus ample,
Ainsi que dans Peau d’Aire, ou dans le Chat Botté,
Ce bon Monsieur Perrault nous en donne l’exemple.
Adonc, il vous siéra, de cet écrit, tirer
La leçon, qu’il ne faut, jamais, à sa marraine
Désobéir en rien, pour ne pas attirer
Sur soi de grands malheurs : c’est là chose certaine !
Puis, qu’il est dangereux de se laisser tenter
Par les offres de qui, cherchant à vous séduire,
Du charme de ses yeux a su vous enchanter.
Avant qu’il fût longtemps il pourrait vous en cuire ;
Car si, dans les transports de ces primes instants,
Votre cœur est rempli de doux chants d’allégresse,
Vous compterez, hélas ! de plus nombreux moments
Où la douleur fera crier votre détresse.

(D’après « Le Pays lorrain », paru en 1908)

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