Avec le bois, on fait aussi les tonneaux (si vous souhaitez les voir se fabriquer, rendez-vous à la tonnellerie Meyrieux à Villers-la Faye, près de Beaune). On dit d’un vin conservant quelque peu le goût du fût qu’il « boise ». Transition étant faite, disons que le nom de Bourgogne est pour tous les gourmets synonyme de bon vin. Le vignoble est ici l’un des plus beaux du monde et sa renommée universelle.
Le Vin de Bourgogne dans l’Histoire
Introduite dans la région bien avant qu’on y invite César, la culture de la vigne se généralise avec la conquête romaine. Très vite, le vin de Bourgogne acquiert ses titres de noblesse ; les préfets de la Séquanaise, l’apprécient hautement, ce que rappelle aujourd’hui le nom même du clos de la « Romanée » qui leur fut attribué. Les Burgondes ne sont pas en reste et leur roi Gontran, converti au christianisme, donne ses vignes dijonnaises à l’abbé de St Bénigne. Depuis, les échanges de vins (à la fois marque de richesse et substance d’ordre spirituel), de vignes et de services se sont perpétués.
Autorisés par la règle, à boire un eu de vin, les autosuffisants moines de Cîteaux développent le vignoble au 12ème siècle et constituent le célèbre « Clos de Vougeot ». En plantant du chardonnay blanc dans la région de Pontigny, les cisterciens « inventent » le chablis.
En 1359, jean de Bussières, abbé de Cîteaux, fit don au page Grégoire XI de trente pièces de sa récolte du Clos de Vougeot. Le saint père promet de se souvenir d’un tel présent. Quatre ans plus tard, il le nomme cardinal. C’est l’abbé Courtépée qui rapporte cette anecdote, quelques années avant la « confiscation » du clos et l’interdiction de l’ordre cistercien par la Révolution.
Les ducs de Bourgogne s’intitulent « princes des meilleurs vins de la chrétienté » et font présent de leur vin aux rois. Charles le Téméraire en offre même à son pire ennemi, le fourbe Louis XI, qui apprécie en particulier le Volnay. Philippe Auguste, déjà avait fait venir un baril de Beaune, « vin e riche gent », avant d’affronter Jean sans Peur et ses alliés à Bouvines (1214). On sait que le Roi Soleil prolongeait ses jours avec les vins de Nuits, que la Pompadour raffolait de la « romanée-conti » (son abbé, le libertin cardinal de Bernis, célébrait pour sa part la messe avec du meursault) et que Napoléon 1er avait un faible pour le corsé chambertin. Au sujet de ce dernier cru, Alexandre Dumas dira par la bouche d’Athos que « rien ne projette sur l’avenir une teinte plus rose ».
Au 18ème siècle, s’organise le commerce des vins : à Beaune, puis à Nuits saint Georges et à Dijon s’ouvrent les premières maisons de négociants qui envoient, dans le royaume et en pays étrangers (Angleterre, Belgique, Scandinavie, Suisse, Prusse et Amérique – Jefferson connaît la côte), des représentants chargés d’ouvrir de nouveaux marchés aux vins de Bourgogne.
Au cours du siècle suivant, les échanges internationaux s’étant fort développés, l’Amérique exporte un ennemi de la vigne, le phylloxéra, un petit insecte qui fait son apparition dans le département du Gard en 1863. Signalé à Meursault en 1878, il ravage en peu de temps tout le vignoble bourguignon, provoquant la ruine de toute la population viticole. Heureusement, la greffe de plants français sur des porte-greffes américains, immunisés, permet de reconstituer la vigne, désormais plantée en rangs. On en profite pour ne conserver que les meilleurs terroirs, ce qui a garanti la qualité des crus.
La vigne dans le paysage
Répartis sur les quatre départements (Côte d’Or – Yonne – Saône et Loire – Nièvre), 27 000 ha de vignobles produisent des vins à appellations contrôlées. La production moyenne annuelle de vins fins est d’environ 1 400 000 hl (le double en Bordelais), dont près de 60 % partent à l’export. C’est un chiffre relativement modeste, puisque sur 250 bouteille débouchées dans le monde, une seule provient de Bourgogne.
Dans l’Yonne, la région de Châblis offre d’excellents vins blancs, secs et légers, dont de grands crus issus des collines, au Nord du village (à déguster dans l’ambiance médiévale de l’obédiencerie du domaine Laroche (( 03 86 42 89 00) et les coteaux de l’Auxerrois d’agréables vins rosés et rouges (Irancy, récent AOC, et Coulanges la Vineuse). Pouilly sur Loire, dans la Nièvre, fournit des vins blancs très réputés (pouilly-fumé) au goût de pierre à fusil qui les apparente aux vins de Sancerre, leurs proches voisins, tous deux à partir du cépage sauvignon.
En Côte d’Or se déroule de Dijon à Santenay le plus prestigieux des vignobles, aux 32 grands crus. La Côte de Nuits engendre presque exclusivement de très grands vins rouges, dont les plus célèbres sont produits dans les communes de Gevrey Chambertin, Morey St Denis, Chambolle-Musigny, Vougeot, Vosne Romanée, Nuits St Georges. La Côte de Beaune présente à la fois une gamme de grands vins rouges, à Aloxe Corton, Savigny lès Beaune, Pommard, Volnay, et des sommités en vin blanc : Corto-Charlemagne, meursault, pouligny-montrachet (les techniques de vinification sont expliquées au domaine Henri Clerc et fils ( 03 80 21 32 74), Chassagne-Montrachet.
EN Saöne et Loire, la région de mercurey (Côte chalonnaise) a des vins rouges de qualité (Givry, Rully) mais surtout des vins blancs (Rully, Montagny) tandis que le Mâconnais s’enorgueilit de son pouilly-fuissé, vin blanc de grande classe, aux arômes d’amande et de noisette (visite du château de Fuisé ( 03 85 35 61 44). On a coutume d’intégrer l’appellation « Beaujolais » dans les vins de Bourgogne ; cependant, il ne s’en produit qu’une minorité dans les limites départementales, dont quatre fameux crus : saint-amour, juliénais, chénas et moulin à vent. Pour être précis, appelons cette partie du Mâconnais, au sol granitique chargé de manganèse, le « Haut Beaujolais ».
Les ferments de la grâce
La qualité d’un vin dépend surtout du cépage, du terroir et du climat.
Le cépage – Depuis fort longtemps, le plant noble produisant tous les grands vins rouges de la Bourgogne est le pinot noir. Spécifiquement bourguignon, ce cépage a été implanté avec succès en Suisse et même en Afrique du Sud, dans la région du Cap. Il était déjà fort prisé à l’époque des grands Duc, puisqu’une ordonnance prise en 1395 par Philippe le Hardi le défendait contre le « gaamay déloyal » (le gamay convient mieux en Beaujolais ; ce qu’on appelle passe-tout-grain est un cuvage en commun des deux variétés). Le jus du pinot noir est incolore et une vinification spéciale permet de produire le vin de Champagne. A noter qu’un pied de vigne peut produire du raisin pendant un siècle, et qu’il doit avoir au moins vingt ans pour fournir un grand vin.
Le chardonnay, appelé aussi « aubaine » est aux vins blancs ce que le pinot noir est aux vins rouges. Il donne naissance aux magnifiques vins blancs de la Côte d’Or (Montrachet-Meursault), les crus réputés de la Côté chalonnaise (rully), du Mâconnais (puilly-fuissé) – dont c’est le terrain de prédilection – ainsi que les vins de Chablis (le plant étant connu dans la région, en dépit de l’origine cistercienne, sous le nom de « Beaunois »).
L’aligoté, cultivé en Bourgogne depuis très longtemps, produit un vin blanc vif, répandu dans les terres ne convenant ni au pinot ni au chardonnay.
Le terroir – C’est dans les sols caillouteux et secs, laissant filtre l’eau et s’échauffant facilement, que la vigne se plaît le mieux. Les terrains calcaires, sur les escarpements de faille, donnent des vins bouquetés, forts en alcool, et de longue conservation (Côte de Nuits, Côté de Beaune), les terrains composés de silice, de calcaire et d’argile des vins légers, minéraux (Châblis – qui se déploie sur une couche d’huîtres fossiles).
Le climat – Synonyme de lieu-dit en Bourgogne, il s’agit du critère de reconnaissance en AOC, alors que c’est le cépage en Alsace, la propriété – château- en Bordelais, la marque en Champagne. Le vignoble bourguignon est généralement étagé sur des coteaux dont l’altitude varie entre 200 et 500m. Dans chaque village, le vignoble est divisé en « climats ». Le nom des climats les mieux situés, c’est-à-dire devant produire les meilleurs vins, a le privilège d’être accolé au nom du village : ainsi « Beaune-Clos des Mouches ») ; le nom du cru suffit à désigner les gloires immémoriales : chambertin, musigny, clos de vougeot, richebourg.