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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

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Jacques Salomé Un passeur de vie

Posté par francesca7 le 12 mai 2016

 

Après un parcours “ labyrinthe ” qui est allé de la comptabilité à la psychologie, en passant par la sculpture et la poterie, Jacques Salomé a dirigé une Maison d’enfants pendant quinze ans. Il s’est donc passionné pour les relations humaines en découvrant que les êtres humains étaient, selon lui, des infirmes pour la plupart et cela en raison du type d’éducation reçue. Jacques Salomé, auteur d’ouvrages célèbres, a écrit trente-deux livres, organisé des stages et des séminaires qui ont vu défiler, selon sa secrétaire, plus de soixante-deux mille personnes en trente ans ! Jacques Salomé se dit “ enfant de la psychanalyse ”, a été psychanalysé et est resté marié vingt ans à une psychanalyste… Il est, par ailleurs, père d’une famille de cinq enfants dont il dit que ce sont eux, en fait et surtout, qui l’ont bousculé, dérangé dans ses certitudes et ses croyances. Jacques Salomé a également créé la “ Méthode Espère ”, méthode pédagogique qui a l’ambition d’inviter les gens à apprendre à communiquer autrement, d’acquérir des “ règles d’hygiène relationnelle ”, d’autant qu’il souligne qu’à titre personnel, il a longtemps pratiqué les deux grands pièges du comportement humain : l’accusation de l’autre et l’auto-dévalorisation…

J.Salomon

Jacques Salomé : Freud n’a pas eu d’analyste ; il a pioché dans son inconscient avec beaucoup d’angoisse et d’errances aussi ; cet homme a été un passeur de vie pour beaucoup. Ce que les héritiers et disciples font de la psychanalyse, c’est autre chose ; il y a, à la fois, les gardiens du temple et puis, toutes les déviations.

Psychanalyse Magazine : Qu’est-ce qui vous a fait connaître ?

J. S.  : Ce sont mes livres. Je suis un auteur populaire et je le vis avec simplicité. Ont été édités quelques trois millions d’exemplaires. Le domaine dans lequel j’écris n’est pas courant, contrairement à ce que les gens pensent. Un roman a 1,2 coefficient de lecture, mes livres ont un coefficient de lecture de 5,6. Ce sont les chiffres d’une enquête réalisée par la FNAC et les bibliothèques municipales… Une de mes filles, qui est dans la communication, me disait : Tu n’es pas célèbre, tu es populaire… Je lui ai demandé la différence et elle m’a répondu que quelqu’un de célèbre est quelqu’un d’admiré et quelqu’un de populaire est quelqu’un d’aimé. Je vois, d’ailleurs, dans les témoignages que je reçois ou dans les salons de livres, puisque je ne fais plus de stages, que mes lecteurs viennent avec beaucoup de reconnaissance ; j’ai une grande gratitude envers eux. Je suis émerveillé de ce que font les femmes et les hommes. Ils s’emparent d’une idée, s’en servent comme levier et changent quelque chose dans leur vie. Le travail reste à faire ; ce n’est pas le coup de baguette magique qui va régler tous les problèmes mais c’est un élément déclencheur, un focalisateur d’énergie.

P. M. : Que pensez-vous de la société d’aujourd’hui ?


J. S.  : Elle favorise une culture de la dépendance ! L’âge de la dépendance a reculé de dix ans en un siècle. Il y a cent ans, un jeune homme de 17-18 ans était capable à 80 % de subvenir à ses besoins. Aujourd’hui, vous avez de grands “ dadais ” de 26-28 ans qui sont toujours chez papa-maman, auxquels on donne de l’argent avec lequel ils vont acheter les cigarettes de leur copine ! Ces jeunes-là sont les parents de demain ! Comment vont-ils apprendre l’autonomie à leurs propres enfants ?

P. M.  : Donnez-vous une explication à ce phénomène ?

J. S. : Il y a deux mouvements en ce début du troisième millénaire ; un mouvement d’uniformisation, de nivellement, la culture Coca Cola, Mc Do, les grandes surfaces : ce sont ces entités qui décident, actuellement, de ce que l’on mangera dans cinq ans ou du nombre de mètres carrés de plage que l’on devra consommer ! Et puis, parallèlement, un mouvement plus individualiste, plus marqué chez les femmes d’ailleurs ; elles font bouger la communication depuis trente ans, tentant de se réapproprier un pouvoir de vie, faisant un travail de thérapie, d’éveil, de nettoyage de la tuyauterie relationnelle et personnelle. Les hommes sont un peu plus en retard, d’où ce décalage dans les couples. Les Américains ont calculé que la durée moyenne dans la communication du couple américain est de deux minutes et demie par jour ; en France, c’est le double mais ce n’est pas mieux. Allez dans un restaurant, vous reconnaîtrez un couple marié d’un autre : le couple marié bouffe, les autres pas ; ça ne veut pas dire qu’ils ne parlent pas mais c’est une communication fonctionnelle du genre, Tiens le bifteck est plus tendre que la fois précédente, ou Il faudra penser à mettre de l’essence dans la voiture… Ce n’est pas : Voici ce que je sens, voici ce que j’éprouve, voici ce que j’ai envie de te dire et que je ne t’ai pas encore dit… Une communication de l’ordre de l’intime, de l’ordre du partage qui fait que l’on ne sort pas de l’échange comme on y est entré ; on devrait partir avec quelque chose de plus. Ainsi assiste-t-on à une augmentation croissante de divorces dont 70 % sont demandés par les femmes, malgré leur situation économique souvent précaire ; elles se retrouvent la plupart du temps en HLM, dans un trois pièces et n’ont plus le confort de leur pavillon…

P. M. : Sont-elles plus courageuses ?


J. S.  : Oui, beaucoup plus quand on connaît les conditions dans lesquelles se passe le divorce ! Dans 30 % des cas, le mari leur fait la guerre mais elles lâchent tout pour avoir la paix. Ce n’est pas que nos désirs soient malsains, ils sont bons en général mais ils deviennent terrifiants quand ils sont imposés à l’autre, jusqu’à parfois le rendre malade. Par contre, je ne suis pas d’accord avec les analyses faites par les sociologues sur les raisons de la violence à l’école et dans les familles. Je crois que l’accélération de la violence est due au fait que les enfants d’aujourd’hui ont un seuil de frustration tellement bas que toute rencontre avec la réalité est vécue par eux comme une violence.

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P. M. : Dénoncez-vous la violence à la télévision ?


J. S.  : Je ne lui donne pas l’importance qu’on veut bien lui accorder. Elle a une double fonction : une fonction cathartique car le fait de visualiser cette violence évite aussi de la mettre en jeu, et une possible fonction identificatoire. Pour ma part, je me place sur un autre plan, sur le plan énergétique que je dirais plutôt négatif avec des énergies basses. La télévision peut aussi entraîner une difficulté à communiquer. Aujourd’hui, il y a une classe de déshérités de la convivialité, de l’échange, du partage. Huit millions de personnes seules en France parlent à leur chat, à leur chien ! J’oppose communication de consommation, souvent confondue avec circulation de l’information, à communication relationnelle, celle qui me permet de me relier, qui m’amplifie, qui fait que je me rencontre parce que nous sommes fondamentalement des êtres de relation. Il y a un appauvrissement de la communication intime qui engendre une communication avec tous les autres langages virtuels. Aux Etats-Unis, on soigne les dépendances au Net. Il y a toute une pathologie qui se développe, ainsi qu’une sorte d’hémorragie vers le magique. On n’a jamais autant consulté les cartomanciennes ! Je travaille presque à contre-courant, essayant de réhabiliter l’intime, la capacité de se dire les besoins essentiels qui ne sont plus pris en compte. Lorsqu’un enfant dit qu’il est triste, il a simplement besoin d’être entendu comme étant un enfant triste. Il ne veut pas qu’on s’empare de sa tristesse pour mettre un cataplasme dessus ; il doit être entendu dans le registre où il parle, dans son “ ressenti ” et non sur des généralités : être reconnu tel que l’on est et non tel que l’autre voudrait que l’on soit, être valorisé, éprouver le sentiment d’avoir une valeur dans ce monde, une place.

P. M. : De quel type de famille êtes-vous issu ? 


J. S. : Ma mère m’a eu à dix-sept ans avec un garçon de quinze ans. Elle était une enfant abandonnée de l’Assistance Publique. Ce n’est pas par hasard si j’ai fait ce métier de réconciliation. J’ai passé ma vie à réparer symboliquement les questions cachées et ouvertes de ma mère. Elle avait une qualité, c’est qu’elle parlait et j’ai toujours su que mon beau-père n’était pas mon géniteur, même si je l’appelais papa.

P. M. : Avez-vous rencontré votre père ?


J. S.  : Je l’ai retrouvé à cinquante ans. Je n’ai pas retrouvé mon père, ni mon papa, j’ai retrouvé mes origines. La deuxième fois que je l’ai vu, je lui ai dit, Je ne veux pas passer le reste de ma vie à t’accuser d’avoir abandonné maman, de ne pas t’être occupé de moi ; je voudrais te remercier pour le cadeau que tu m’as fait : la vie. Il était très ému et, plus tard, avant de mourir, il m’a dit : Tu sais - il a eu cinq enfants lui aussi - de tous mes enfants, tu es celui qui m’a proposé la relation la plus vivante, la meilleure pour moi… Il y avait, en lui, une forte culpabilité ; d’ailleurs, la femme qu’il a rencontrée à dix-neuf ans, après ma mère, avait deux enfants qu’il a reconnus alors qu’il n’avait pas pu reconnaître son premier enfant. Cette femme décédée, il en a rencontré une autre qui avait, elle aussi, deux enfants ; il les a reconnus, se retrouvant avec quatre enfants pas de lui. Cette femme est partie en Espagne, son pays d’origine ; il n’a pas voulu la suivre et a élevé ses enfants. Sa troisième femme, avec qui il s’est marié, lui a donné cinq enfants. Il fallait qu’il paye, inconsciemment, d’une façon ou d’une autre…

Pour revenir à la relation à ma mère, elle est le personnage central de mon enfance et d’une grande partie de ma vie. Je lui dois beaucoup ; très aimé par elle, elle m’a cependant élevé dans ce que j’appelle le système sape, ce système que je dénonce et qui cultive l’incommunication à base d’injonctions, culpabilisation, chantage avec, de plus, une sincérité effroyable ! C’est d’ailleurs ce qui m’a fait comprendre, plus tard, qu’il ne fallait pas confondre amour et sentiment. Lorsque, par la suite, je lui ai parlé de tout cela, elle est tombée des nues car elle pensait avoir bien fait. Elle avait été élevée ainsi et, moi-même, j’ai commencé à élever mes enfants de la sorte, ce qui m’a rendu sourd pendant trente ans de l’essentiel. Ce système nous colle à la peau car, comme Obélix, on est tombé dedans quand on était petit. Je dérape quelquefois mais mes enfants me remettent tout de suite sur les rails. Je suis d’abord un enfant de la mère, j’ai une reconnaissance très grande, même si j’ai souffert de ces systèmes que je qualifie aujourd’hui d’anti-relationnels mais c’était le seul que ma mère avait, alors, à sa disposition.

P. M. : On peut dire, aussi, qu’elle a offert son enfant à l’humanité car elle aurait pu se faire avorter…

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J. S. : Ma mère m’a dit deux choses : Quand j’ai vu que j’étais enceinte, comme je n’ai pas eu de mère, je pensais que je ne pouvais pas être une bonne mère pour toi, donc j’ai pensé faire une interruption de grossesse, non pas comme un rejet et un abandon mais comme un acte d’amour… Mais elle m’a gardé. Elle était de l’Assistance Publique et je suis donc né à l’Assistance Publique ! Une année plus tard, elle était placée comme bonne à tout faire chez des pharmaciens, avec l’enfant que j’étais dans ses bras. Ces gens-là, n’ayant pas d’enfant, souhaitaient m’adopter. Là aussi, elle a hésité mais ne m’a pas confié car il y avait déjà une relation entre nous. Une femme qui lâche son enfant, c’est qu’elle se sent impuissante à l’aimer…

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Les messages personnels de Françoise Hardy

Posté par francesca7 le 12 mai 2016

 

“ Pour vivre heureux, vivons caché ” semble être la règle d’or de Françoise Hardy, une vedette solitaire qui fuit autant que possible les feux des projecteurs pour se consacrer à l’écriture et à l’astrologie. C’est dans cette vie d’ermite, qu’elle rompt avec réticence de loin en loin “ pour être lue ou entendue ”, que cette angoissée trouve son équilibre. Une star discrète aussi mélancolique que ses chansons.

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Psychanalyse Magazine : Enfant et adolescente, vous étiez une jeune fille complexée qui ne se sentait pas “ comme les autres ”…

Françoise Hardy : Ma mère était ce qu’on appelait à l’époque une fille-mère, ce qui était très mal considéré. J’ai su à l’âge adulte que mon père, que j’apercevais trois ou quatre fois par an, était marié de son côté. Paradoxalement, il avait tenu à ce que ma sœur et moi allions dans une école religieuse, payante donc, et tenue par des bonnes sœurs pour qui la situation de mère célibataire était scandaleuse. Mon père réglait l’école avec un an de retard et se faisait tirer l’oreille pour aider financièrement ma mère qui touchait un maigre salaire d’aide-comptable à mi-temps. Il fallait donc user jusqu’à la corde nos vêtements bon marché qui détonnaient à côté de ceux des autres élèves. Quant à ma grand-mère, elle ne cessait de me dénigrer physiquement et autrement. “ J’étais bien la fille de mon père ” proférait-elle, entre autres insultes. Tout cela fait que j’ai éprouvé un fort sentiment de honte dès ma prime enfance et que ce sentiment ne m’a jamais lâchée complètement.

P. M. : Quel type de relation entreteniez-vous avec votre mère ?

F. H. : Passionnelle et exclusive. Elle avait la beauté et la noblesse d’une reine mais sa vie était misérable et elle se donnait tout le mal du monde pour “ élever ”, dans tous les sens du terme, ses deux enfants. Je faisais tout mon possible pour compenser ses frustrations en étant ce qu’elle souhaitait que je sois : une petite fille sage, obéissante, raisonnable et travaillant bien en classe. Elle était très directive aussi. Avec le recul, je pense que sa forte personnalité m’écrasait ; j’ai gardé longtemps le réflexe de me soumettre d’office aux desiderata de l’autre.

P. M. : Quelles empreintes les plus marquantes vous a laissées cette enfance ?

F. H. : En partie à cause du manque d’argent et de sa situation marginale, ma mère ne voyait personne. Cela a renforcé mon penchant personnel à l’isolement, quand bien même ma situation professionnelle m’a permis par la suite d’avoir davantage de contacts avec les autres. Le fait de la voir trimer pour gagner six sous et se priver de vacances pour que ses enfants en aient m’a sensibilisée au sacrifice et inculqué le respect du travail et de l’argent gagné à la sueur du front. Cela m’a donné aussi le sens du devoir. Mais comme mon univers se bornait à ma mère, j’ai eu, aussi loin que je m’en souvienne, peur de la perdre et je n’ai jamais pu, par la suite, me débarrasser de l’angoisse névrotique de perdre les gens que j’aime le plus. Cela m’a gâché la vie. Par ailleurs, ma mère chargeait implicitement ses enfants de vivre la vie qu’elle n’avait pas eue et aurait aimé avoir. C’est un boulet que l’on traîne toujours derrière soi.

P. M. : Élevée quasiment en l’absence de père, cela était d’autant plus important pour vous de fonder une véritable famille ?


F. H. : Ma mère n’aimait pas mon père qui, lui, était fou d’elle ; elle était seulement sensible aux sentiments qu’elle inspirait à un homme d’un milieu supérieur au sien. Comme elle, j’avais un instinct maternel développé mais, contrairement à elle, je ne pouvais envisager d’avoir un enfant qu’avec un homme dont je sois passionnément éprise et qui m’aime assez pour partager cette aventure avec moi.

P. M. : Vous vous décrivez volontiers comme une personne très anxieuse, obsessionnelle…

F. H. : Il y a eu convergence entre mon conditionnement céleste qui me porte à m’abstraire du monde extérieur et mon enfance en vase clos. Plusieurs facteurs de mon conditionnement céleste me portent aussi à être hyper-consciente de mes limites, de mes carences, de mes fragilités et à contrôler ma vie en conséquence. Je suis angoissée, j’ai toujours peur de ne pas être à la hauteur. Le fait que ma grand-mère m’ait rabaissée autant que ma mère m’a surestimée n’a pas arrangé les choses.

P. M. : Vous sortez peu, n’aimez pas faire d’effort vestimentaire… C’est dans cette vie d’ermite que vous trouvez votre équilibre ?

F. H. : Absolument. J’ai besoin de longues pauses pour décharger mes tensions et recharger mes batteries. Mon émotivité me pose beaucoup moins de problèmes dans la solitude. J’ai besoin de liberté aussi : avec les autres, on n’est jamais libre et on doit écouter, voir, faire des choses qui n’intéressent pas forcément.

P. M. : Votre fils Thomas a dit de vous : “ Elle est gentille avec tout le monde mais dure avec elle-même. ” Comment vivez-vous cette exigence envers vous-même ?

F. H. : Mal. Elle me met en permanence sous tension, m’épuise et me rend pénible à vivre pour mon entourage, raison pour laquelle je préfère être seule quand j’ai un travail important à faire. J’ai souvent le sentiment d’être entravée par une mauvaise connexion entre mon hémisphère cérébral droit qui sent bien les choses et mon hémisphère gauche qui a beaucoup de mal à trouver les formulations et connexions adéquates. Le perfectionnisme est une expression du besoin de contrôle mais pas seulement. C’est aussi l’aspiration à se rapprocher le plus possible de ce que l’on ressent comme juste et vrai, l’ambition d’aller vers le haut.

P. M. : Dans quels moments vous sentez-vous la plus heureuse ?

F. H. : Quand mon fils fait des choses qui l’intéressent et qui l’épanouissent. Plus banalement, quand je l’ai au téléphone et que j’entends à sa voix qu’il va bien. Cela vaut aussi pour son père et pour mes amis. Si tout mon petit monde se porte à peu près bien, voir un bon film, lire un bon livre, écouter une belle musique est pour moi une source de bonheur absolument inépuisable.

Françoise Hardy

P. M. : Quel est le secret de la longévité de votre relation avec Jacques Dutronc que vous avez rencontré en 1966 ?

F. H. : L’intensité de ce que nous avons vécu ensemble, en particulier notre fils, a soudé notre relation même si elle est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était hier. J’ai par ailleurs souvent eu l’occasion de dire que nous sommes aussi “ ours ” l’un que l’autre. Il y a eu une forte idéalisation réciproque, entretenue par nos activités professionnelles respectives, qui favorisait le maintien d’une distance salutaire entre nous.

P. M. : La jalousie vous a-t-elle souvent habitée ?

F. H. : Étant allée au bout de toutes les affres que le sentiment amoureux entraîne, j’ai fini par me libérer du poison de la possessivité et de la jalousie. La jalousie est alimentée par le manque de confiance en soi et, par voie de conséquence, en l’autre. C’est un sentiment immature et négatif qui peut détruire la relation à laquelle on tient le plus. J’en ai souffert comme tout le monde mais il me semble que, globalement, j’ai gardé cette souffrance pour moi, plus souvent que je n’en ai accablé l’autre.

P. M. : L’infidélité est-elle à vos yeux une idée acceptable dans un couple si elle se borne à de simples escapades physiques ?

F. H. : Ce n’est pas une idée, c’est une réalité à laquelle il faut faire face et qu’il vaut mieux accepter. Il y a une prétention ingénue à penser que l’on puisse suffire à l’autre sur tous les plans et pendant toute la vie. De plus, j’ai toujours été amoureuse d’hommes objectivement séduisants qui plaisaient beaucoup aux femmes. Parmi elles, il y en avait forcément de très séduisantes aussi, auxquelles je pensais qu’ils ne résisteraient pas quand elles se jetteraient à leur cou. Ça vaut dans les deux sens : si un homme extraordinairement attirant me tombe dans les bras, je ne résiste pas non plus. Malheureusement, il y a beaucoup moins d’hommes séduisants que de femmes attirantes !

P. M. : Amour peut-il rimer avec sérénité ?

F. H. : L’amour nous fait entrevoir le paradis pour mieux nous replonger en enfer. Les merveilleux bonheurs qu’il offre ont un prix élevé. L’amour fait partie des épreuves qui ont pour fonction de nous faire grandir. Mais aujourd’hui, mes angoisses et mes doutes ne concernent plus ce plan-là. L’avenir de mon fils et du monde me préoccupe bien davantage. Réussir ma sortie, aussi.

P. M. : De manière générale, estimez-vous que la vie vous a apporté davantage de réponses et de certitudes que de doutes nouveaux ?

FH. : Je pencherais davantage pour les doutes nouveaux. J’en sais plus long qu’il y a quarante ans mais, en même temps, ce “ plus ” me fait encore mieux réaliser ma profonde ignorance et déplorer la brièveté de l’existence qui ne me donne pas la possibilité d’en savoir davantage.

P. M. : À l’image de vos chansons, le vague à l’âme est donc le sentiment qui vous habite avec le plus de constance…

F. H. : Comment ne pas être mélancolique devant la fuite du temps, devant les rêves brisés des gens qu’on aime, devant notre impuissance à les aider ou à nous améliorer nous-mêmes ?

P. M. : Vous avez connu la grande libération sexuelle de la fin des années 60 et des années 70. Aujourd’hui, pensez-vous qu’on est allé trop loin dans la transgression ?

F. H. : J’approuve évidemment la libération sexuelle. Je trouvais grotesque, par exemple, que dans l’Angleterre des années soixante, on ne puisse pas partager la même chambre sans être mariés. J’ai utilisé la contraception avant tout le monde et n’ai rien contre l’avortement quand “ accident ” il y a. Mais trop de gens confondent liberté et licence, contribuant ainsi à la décadence accélérée de nos sociétés.

P. M. : Sur ces sujets, on vous perçoit plutôt comme “ réactionnaire ” par rapport à l’évolution des mœurs…

F. H. : Je réprouve les femmes qui font un enfant toutes seules, encore plus celles qui le font à l’insu de leur partenaire car je ne supporte pas que l’on fasse des enfants inconsidérément. Les mères pondeuses, les mères porteuses ou les débiles mentales de 60 ans qui ont recours à la médecine pour se “ reproduire ” me mettent hors de moi. Je ne suis pas sûre non plus qu’un couple homosexuel soit idéal pour élever un enfant, quand bien même des tas de couples hétérosexuels le seraient encore moins.

P. M. : Dans le monde d’aujourd’hui, qu’est-ce qui vous met le plus en colère ?

F. H.: L’irresponsabilité générale, celle des dirigeants comme celle des dirigés. Cela fait plus de 50 ans que les écologistes ont prévu ce qui arrive aujourd’hui : la disparition de certaines espèces animales et végétales, les marées noires, la pollution, le réchauffement climatique, la surpopulation, le manque d’eau et donc d’hygiène qui amène le retour des épidémies et autres fléaux. Je suis scandalisée qu’il n’y ait aucune politique efficace de l’environnement où que ce soit dans le monde. J’aimerais que des gens de la trempe de Nicolas Hulot dirigent la planète et rendent obligatoires les mesures nécessaires pour préserver ce qu’il en reste.

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P. M. : L’avenir vous paraît donc plutôt sombre ?


F. H. : Je vois beaucoup plus de raisons de s’inquiéter que de se rassurer. J’ai éprouvé un sentiment d’espoir quand de nombreux peuples du monde ont manifesté leur refus d’une guerre, par solidarité pour un autre peuple. Mais les dirigeants actuels, qu’ils soient occidentaux ou orientaux, démocrates ou non, n’ont aucune éthique et on peut en dire autant de la majorité des populations. Trop de gens brandissent des valeurs bonnes en elles-mêmes, telles que la démocratie ou l’amour de Dieu, au nom desquelles ils commettent les pires infamies. Le salut viendra de ceux qui incarnent une véritable éthique mais seront-ils assez nombreux pour faire efficacement face au reste du monde et redresser la barre ?

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