La Sorcellerie en France
Posté par francesca7 le 17 décembre 2015
Quand sorcellerie et ethnologie se croisent en terres lointaines c’est avec intérêt voire sympathie que se trouve éclairé un rapport magique au monde. Quand il s’agit de la France on a l’impression que la chasse aux sorcières poursuit ses effets. Nul ne s’avoue sorcier, nul ne s’avoue ensorcelé. Que ce soit à Paris ou en province de nombreuses personnes souffrantes en proie à des phénomènes inexpliqués ont bien aujourd’hui recours soit au sorcier – désenvoûteur, soit à l’exorciste. Dans un cas comme dans l’autre le silence est la règle et le territoire interdit. Pour Sur les Docks nous vous proposons une incursion dans ces deux territoires.
Depuis les maléfices « ordinaires » jusqu’à la mise en œuvre de phénomènes diaboliques l’esprit contemporain s’y montrera dans ses liens avec le désir de nuire et celui de guérir.
Le sorcier, envoûteur ou désenvoûteur, ne doit pas être confondu avec d’autres personnages aux pouvoirs magiques tels
- Le sourcier et le radiesthésiste : à l’aide d’une baguette de bois pour le premier et d’un pendule pour le second, ils sont capables de détecter les sources d’eau, de retrouver des objets perdus ou des personnes disparues.
1 Cet article amènera à se pencher sur la notion de victime ; le terme sera employé ici dans le sens commun comme« une personne qui souffre de l’hostilité de quelqu’un, de ses propres agissements, des événements. » (Petit Larousse, 1991). Mais la question se posera de savoir si la victime est victime d’un autre, personne ou événement, un autre extérieur à elle, ou victime de son propre fonctionnement psychique.
- Le voyant et le médium : le premier est capable de lire l’avenir, le présent ou le passé tandis que le second rentre en contact avec des entités spirituelles, défunts ou esprits. On peut les qualifier de « passifs » puisque ce ne sont que des « récepteurs » de l’au-delà.
- Le guérisseur ou le magnétiseur : ils lèvent les maux généralement somatiques par des passes magnétiques et autres procédés.
Le sorcier, ou jeteur de sorts, est un personnage « actif‘ (contrairement aux voyants et médiums) puisqu’il a (ou prétend avoir) le pouvoir d’agir de manière magique sur son environnement qu’il soit humain, animal ou végétal mais également sur les machines (détraquer une voiture par exemple). On distingue différents types de sorciers : certains pratiquent la magie noire (pour propager le « mal ») et d’autres la magie blanche (pour répandre le « bien » ou annuler les maléfices créés par les jeteurs de sorts). Une troisième catégorie de sorciers emploie les deux types de magie, pratiquant indifféremment l’envoûtement et le désenvoûtement selon la demande de leurs clients.
Pour finir, la confusion entre envoûtement et possession est récurrente dans le public. Dans le sens strict, la possession désigne l’état dans lequel une .personne physique est habitée – possédée – par une entité spirituelle, et non « manipulée » au moyen de procédés magiques par une autre personne physique, comme c’est le cas dans la sorcellerie.
La sorcellerie peut être définie comme l’ensemble de processus interrelationnels – dont le mode est magique et l’origine conflictuelle – entre différents acteurs. Au premier rang, se trouve le client qui demande et paie un service, opéré par le sorcier ou l’envoûteur, le deuxième acteur. Le troisième acteur, la victime, ignore généralement tout des procédés sorciers et risque donc de faire appel à un quatrième acteur, sorcier également, le désenvoûteur. S’ensuit alors un combat magique et invisible entre les deux sorciers. A cela peut s’ajouter d’autres acteurs secondaires, l’entourage de la victime.
Acteurs, ils le sont d’autant plus que ce sont eux qui posent le « diagnostic » de sorcellerie pour donner sens à la série de malheurs qui oppriment la victime.
Le client et sa demande
Le client est à l’origine du recours sorcier, c’est par lui que le processus est lancé. Les motifs de sa demande sont très divers, mais on retrouve généralement des jalousies, des envies, de la haine, un amour blessé, etc. En un mot, c’est une souffrance psychique qui est à l’origine du recours sorcier. Cette souffrance masque peu ou prou un conflit avec la victime ; ce rapport conflictuel entre les deux partis demeure bien souvent chargé de non dits, il peut même ne pas être extériorisé ou exprimé, du moins en mots. C’est la raison pour laquelle repérer la personne qui est à l’origine du malheur sorcier n’est pas chose facile pour le désenvoûteur. Le recours sorcier est à l’image de la nature du conflit : sourd et pernicieux. C’est parce que le conflit est de cette nature que le client emploie la sorcellerie pour l’exprimer.
Jean Vemette, secrétaire national du service « Pastorale, sectes et nouvelles croyances » s’interroge sur l’engouement actuel pour l’irrationnel et le para-normal, (La Croix l’Evènement, 13/09/2001)
Toute une « microculture » se développe ainsi, qui va de la « quête du sens, de la vie et de la mort, de l’origine et de la fin, de la santé et du salut » aux expériences de spiritisme ou même jusque « aux-portes-de-la-mort ». Le médium ou le devin sont consultés, mais aussi les guérisseurs. Et plus de la moitié des français s’adressent aux praticiens de médecines parallèles.
L’auteur émet plusieurs hypothèses afin de tenter d’expliquer cette attirance pour l’irrationnel « à l’ère du rationalisme triomphant » : un phénomène de mode, une revendication « de mystère et de sacré », une vision du monde plus symbolique ? Cette montée en puissance signe même, aux yeux de certains, un appel à une sorte de « réenchantement » du monde.
C’est ainsi que 50.000 personnes en France consultent les voyants et que le marché de la divination s’élève à 3,20 milliards d’euros (21 milliards de F.) ! Les exorcistes de l’Eglise catholique sont eux aussi débordés, et les anges, présents dans « la nébuleuse du Nouvel Âge », se retrouvent désormais partout. De son côté, l’astrologie continue à se développer et des revues spécialisées dans l’ésotérisme mais aussi la magie et le satanisme se lisent dans tous les milieux. « En ces temps de crise et de panique, on se tourne vers le mage, le devin ou vers le gourou ». Sur ce dernier point, Jean Veinette écrit que ces pratiques entraînent la méfiance de « l’autorité publique [qui] les soupçonne d’être le terreau sur lequel poussent des sectes criminogènes ».
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