La Rumeur d’Orléans
Posté par francesca7 le 19 novembre 2015
La rumeur d’Orléans est une affaire à la fois judiciaire, médiatique et politique qui se déroula en 1969 dans la ville française d’Orléans (Loiret)
La « rumeur d’Orléans », apparue en avril 1969, laissait entendre que les cabines d’essayage de plusieurs magasins de lingerie féminine d’Orléans, tenus par des Juifs, étaient en fait des pièges pour les clientes, qui y auraient été endormies par injections hypodermiques et enlevées pour être livrées à un réseau de prostitution, également appelée « traite des Blanches ». Elle prit parfois un tour rocambolesque lorsqu’on prétendit que des clientes disparues étaient prises en charge par un sous-marin remontant la Loire. Cette version n’a été rapportée que par un seul témoin, mais recopiée dans presque toutes les gloses sur le sujet. Des attroupements ont lieu devant les magasins de commerçants juifs et non juifs, on crache sur les vitrines.
Aucun démenti, même officiel (signalant par exemple qu’aucune disparition suspecte n’a été répertoriée dans les environs par les services de police), n’a jamais réussi à mettre fin à la rumeur, qui a finalement cessé d’intéresser les médias, sans autre intervention que le temps et l’oubli. Le rôle des médias dans la naissance et la diffusion de la « rumeur d’Orléans » est important : ainsi que le rapporte l’équipe de sociologues dirigée par Edgar Morin, le « scénario » avait été publié un an auparavant dans un livre de poche (aux Presses de la cité), puis dans l’ouvrage d’un journaliste anglais, Stephen Barlay, (chez Albin Michel), puis enfin dans le n° du 14 mai 1969 d’un magazine de presse people disparu depuis (Noir et Blanc).
En 1975, La Vie devant soi de Romain Gary est publié, et reçoit le Prix Goncourt. Momo, le narrateur utilise souvent l’expression « Rumeur d’Orléans » : « Il a engueulé Madame Rosa quelque chose de maison et lui a crié que c’étaient des rumeurs d’Orléans. Les rumeurs d’Orléans, c’était quand les Juifs dans le prêt-à-porter ne droguaient pas les femmes blanches pour les envoyer dans les bordels et tout le monde leur en voulait ».
L’historien Léon Poliakov et l’écrivain Albert Memmi ont, entre autres, souligné le caractère antisémite de la rumeur.
La rumeur dite d’Orléans n’a pas circulé que dans cette ville. Ainsi que le retrace Pascal Froissart, elle a connu une très large diffusion : de 1959 à 1969, à Paris, Toulouse,Tours, Limoges, Douai, Rouen, Lille, Valenciennes ; en 1966 à Dinan et Laval ; en 1968 au Mans ; en 1969 à Poitiers, Châtellerault, et Grenoble ; en 1970 à Amiens ; en 1971 à Strasbourg ; en 1974 à Chalon-sur-Saône ; en 1985 à Dijon et La Roche-sur-Yon ; en 1987, à Québec ; et en 1990, à Rome et à Montréal ; en 1992 en Corée… Aujourd’hui encore, elle circule et resurgit de temps à autre sur Internet, sous des versions toujours plus surprenantes.
En 2009, quarante ans après son enquête, Edgar Morin est interviewé par Le Point sur le sujet.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.