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Y aurait-il un Paradis Terrestre dans le Nord de la France

Posté par francesca7 le 3 novembre 2015

 

Jusqu’à la Renaissance, nombre de voyageurs, géographes, savants de tous horizons, ont tenté de déterminer l’emplacement du Paradis terrestre, le situant qui sur la Lune, qui en Afrique, qui en Babylonie ou encore dans le nord de la France, et rivalisant d’imagination pour étayer leur raisonnement, invoquant une série d’étymologies pittoresques

PARADIS

En l’année 1503, comme Varthema, l’aventureux Bolonais, se rendait aux grandes Indes en passant par la Palestine et par la Syrie, on lui fit voir la maison maudite qu’avait habitée Caïn ; ce n’était pas bien loin du Paradis terrestre. Maistre Gilius, le docte naturaliste qui voyageait pour le compte de François Ier, eut la même satisfaction.

La foi naïve de nos pères admettait sans la moindre hésitation ce genre d’archéologie. Ainsi, la fontaine divine dont les eaux rafraîchissaient l’Éden depuis l’origine du monde, donnait, d’après la tradition, naissance au Gange, au Tigre, à l’Euphrate et au Nil ; c’était la fontaine scellée, le fons signatus dont parle Salomon, et qui était le plus bel ornement du Paradis terrestre. On la voyait encore, dit-on, au XVIIee, entre Bethléem et Hébron.

Il serait long d’indiquer toutes les situations géographiques qui ont été assignées au Paradis terrestre depuis les temps antiques jusqu’au XVIIe siècle. Un savant prélat, qui a marqué sa place parmi les écrivains élégants du siècle de Louis XIV, Daniel Huet, évêque d’Avranches, essaya, en 1691, d’éclairer cette question difficile, et il convient lui-même qu’avant de se former sur ce point une opinion admissible, il s’est vu plus d’une fois sur le point de mettre de côté ce sujet de dissertation que lui avait donné à traiter l’Académie française.

« Rien, dit-il, ne peut mieux faire connaître combien la situation du Paradis terrestre est peu connue que la diversité des opinions de ceux qui l’ont recherchée. On l’a placé dans le troisième ciel, dans le quatrième, dans le ciel de la lune, dans la lune même, sur une montagne voisine du ciel de la lune, dans la moyenne région de l’air, hors de la terre, sur la terre, sous la terre, dans un lieu caché et éloigné des hommes. On l’a mis sous le pôle arctique, dans la Tartarie, à la place qu’occupe présentement la mer Caspienne. D’autres l’ont reculé à l’extrémité du midi, dans la Terre de Feu. Plusieurs l’ont placé dans le Levant, ou sur les bords du Gange, ou dans l’île de Ceylan, faisant même venir le nom des Indes du mot Eden, nom de la province où le Paradis était situé.

« On l’a mis dans la Chine et même par delà le Levant, dans un lieu inhabité ; d’autres dans l’Amérique ; d’autres en Afrique, sous l’équateur ; d’autres à l’orient équinoxial ; d’autres sur les montagnes de la Lune, d’où l’on a cru que sortait le Nil ; la plupart dans l’Asie ; les uns dans l’Arménie Majeure ; les autres dans la Mésopotamie, ou dans l’Assyrie, ou dans la Perse, ou dans la Babylonie, ou dans l’Arabie, ou dans la Syrie, ou dans la Palestine. Il s’en est même trouvé qui en ont voulu faire honneur à notre Europe, et, ce qui passe toutes les bornes de l’impertinence, qui l’ont établi à Hesdin, ville d’Artois, fondés sur la conformité de ce nom avec celui d’Éden. Je ne désespère pas que quelque aventurier, pour l’approcher plus près de nous, n’entreprenne quelque jour de le mettre à Houdan. »

En poursuivant, du reste, on voit que l’évêque d’Avranches ne tarde pas à faire un choix au milieu de tant d’opinions diverses se contredisant parfois entre elles. Il place la demeure du premier homme « sur le canal que forment le Tigre et l’Euphrate joints ensemble, entre le lieu de leur conjonction et celui de la séparation qu’ils font de leurs eaux, avant que de tomber dans le golfe Persique. » Et en basant cette donnée sur les plus vastes lectures, le savant prélat n’hésite pas à dire que, de tous ses devanciers, c’est Calvin qui s’est le plus approché de l’opinion qu’il propose ; Scaliger n’a fait que le suivre dans cette voie pied à pied, ajoute-t-il. et l’illustre Bochart se soumet en quelque sorte à la science du réformateur.

Les études du savant prélat trouvèrent, du reste, un continuateur zélé plus d’un siècle après lui. Juan Bautista de Erro y Azpiroz reconnaît toute la valeur des recherches de son prédécesseur ; il modifie seulement d’une manière presque insensible le point où les recherches doivent s’arrêter pour avoir définitivement le lieu d’habitat où vécurent nos premiers parents. Le Paradis terrestre (la chose, selon lui, n’était plus douteuse) se rencontrait un peu au-dessous de l’antique cité d’Apamia, au confluent du Tigre et de l’Euphrate ; et, de même qu’il prouvait que les descendants immédiats d’Adam, si ce n’est Adam lui-même, parlaient la langue escualdunac, de même il n’hésitait pas à tracer d’une main ferme, sur une belle carte géographique dont il orna son ouvrage, les contours du Paradis.

Il faut reconnaître que ces dissertations ont moins d’agrément que les traditions du Moyen Age. A partir du IVe siècle jusqu’à l’époque de la Renaissance, rien n’est plus répandu que les légendes qui portent d’heureux voyageurs aux portes du Paradis terrestre. Ces sortes d’itinéraires sont mêlés ordinairement à d’autres récits.

Dans son fameux voyage, saint Brandan aborde bien le rivage désiré ; mais il n’y trouve plus qu’un désert, les délices en ont disparu pour reparaître un jour : un ange du ciel l’a prédit. Dans la légende plus fameuse encore qui porte le nom de saint Patrick, Oweins, le bon chevalier, quitte un moment l’Enfer et arrive, après maint danger, devant une porte qui s’ouvre pour lui laisser voir des jardins magnifiques : ce sont ceux d’Éden.

Godefroi de Viterbe renverse toutes les idées que ses prédécesseurs avaient réunies : le Paradis terrestre est au delà de la Bretagne, aux confins de la terre. De pieux voyageurs l’ont vu sur une montagne d’or, portant une ville toute d’or elle-même. L’Imago mundi — série de 12 traités du XVe paraissant pour la première fois sous forme imprimée en 1583 — le restitue au monde asiatique ; mais il le rend plus inaccessible encore : il le place derrière un mur de feu qui monte jusqu’au ciel. Jacques de Voragine a orné sa légende dorée de ces poétiques pérégrinations, et le monde oriental a célébré, par la voix de Moschus ou de Pallade, la sainte expédition de Macaire, auquel l’ange vengeur refuse l’entrée de l’Éden.

Rien de plus curieux, dans cet examen philosophique, que la série d’étymologies dont Erro consolide son opinion. L’Euphrates, par exemple, ne veut dire autre chose que jardin abondant en délices. Notre auteur le prouve ainsi : La voyelle e signifie suave, amène, mou, délicieux, et toutes les qualités que rappellent ces expressions ; le u exprime l’abondance ;faratzfaratza, jardin ; et la terminaison e ou es équivaut à l’article de. Le mot E-u-faratz-esou sa contraction Eufratus nous donne donc la signification voulue. Nous faisons grâce au lecteur des autres mots ainsi décomposés.

Mais parmi ces légendes nous ne connaissons en réalité qu’un seul voyage bien caractérisé par son titre, c’est le voyage de saint Amaro au Paradis terrestre. Sant Amaro est un saint voyageur essentiellement portugais, et dont les aventures merveilleuses ont été racontées dans la belle langue de Camoëns. Bien des gens seront surpris, nous n’en doutons pas, de l’aridité que présente le Paradis terrestre sous la main du miniaturiste plein de foi qui a essayé d’en offrir à son siècle une représentation. Ce n’est pas certainement par une fantaisie bizarre d’artiste ou de géographe que Fra Mauro, auquel nous empruntons notre gravure, a entouré de murailles crénelées le jardin où s’élève la fontaine qui devait rafraîchir l’Éden de ses eaux vivifiantes.

En agissant ainsi, il s’est conformé à l’opinion qui plaçait le Paradis terrestre en Judée. Le Cantique des cantiques célèbre, comme on sait, l’hortus conclusus (le jardin fermé). Fra Mauro s’est montré fidèle, sur ce point, à l’opinion répandue parmi les théologiens de son temps, et il ne pouvait pas manquer d’entourer d’une fortification élégante le jardin céleste garde par un ange vigilant.

Du reste, dans toutes les représentations de ce genre on rencontre la même monotonie, la même aridité. Que l’on consulte Lambertus, qui appartient au XIIe siècle, Honoré d’Autun, qui est du XIIIe (nous parlons ici des cartographes datant d’une époque où s’éveille le sentiment pittoresque), Henri de Mayenne, Guillaume de Tripoli, le docte Ranulphus, l’imagination des vieux peintres se montre partout aussi triste, aussi désolée. Il est vrai que c’est la main de l’érudition qui guide leur pinceau.

La poésie du Dante avait sans doute donné du Paradis une idée splendide, mais trop confuse pour inspirer les artistes. Milton leur fut plus favorable ; à sa voix, les murailles féodales s’écroulent, les enchantements du lieu de délices se révèlent, et les peintres modernes réalisent le rêve inspiré de l’illustre aveugle. C’était à peu près ce même Paradis terrestre qu’avait imaginé Colomb, grand poète aussi, quand, remontant le cours paisible de l’Orénoque, il s’attendait, en franchissant ces splendides paysages, à voir s’ouvrir la porte étincelante qui lui cachait le Paradis terrestre et que l’ange devait défendre.

Une des rêveries du grand homme, ce fut, en effet, de croire qu’il était parvenu aux régions où l’Éden doit commencer. Il décrit avec l’exactitude minutieuse d’un topographe la forme que doit nécessairement avoir le Paradis terrestre. Situé à l’extrémité du fleuve, le céleste jardin s’élève, dit-il, insensiblement comme un mamelon affectant la forme arrondie mais pyramidale d’une poire. C’est la dernière forme d’Éden du Moyen Age. Un pauvre Indien que rencontra Humboldt dans ces parages lui en exprima aussi toute la splendeur par ces mots : Es como el Paraiso, Señor ! (C’est comme le Paradis, Monsieur !).

(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1864)

Publié dans Autre région, LITTERATURE FRANCAISE, POESIE FRANCAISE, VILLAGES de FRANCE | 1 Commentaire »

Un chant dans l’épaisseur du temps

Posté par francesca7 le 3 novembre 2015

 

Richard Desjardins est immense, son cœur est un oiseau, la terre est son jardin.
Et quand on l’aime une fois, on l’aime pour toujours pour paraphraser sa seule chanson chantée par d’autres.
 

 Dans l'épaisseur du temps

« Il aura le nom de Richard, faut pas compter sur le hasard» . Ainsi nous est advenu en mars 1948 à Oranda, ville minière en Abitibi,  » boutte du boutte « , bout du monde francophone, à six cents km au Nord de Montréal.

Le 16 pour être précis, va débouler ce météore blasé, ce révolté d’un pays colonisé par la Babylone d’à côté. Et cet homme, l’homme aux chansons-frissons, est un homme debout.

Lui le Français d’Amérique, l’homme sans concession, sait être saisissant dans ses histoires, ses chroniques amères ou burlesques, ses accents mélangeant les techniques de scénario du cinéma américain, et les fulgurances du surréalisme, Richard est au partage des eaux de l’émotion et de la lucidité. Il déboule comme un coureur des bois dans la chanson et d’ailleurs il sait que les forêts suintent au fond de lui. Comme son père qui déjà travailler le bois, il est issu de tous ces arbres, où parfois il voit passer le peuple invisible des Algonquins qu’il célébrera plus tard, voulant comprendre leur errance et leurs malheurs. La plupart des étés de sa vie il les a égrenés au cœur des forêts natales et près de « son lac» , le lac Vaudry près de Rouyn-Noranda. C’est là qu’il a « aiguisé ses sens» et depuis les eaux et les forêts suintent à jamais en lui. C’est là qu’il a su ce que voulait dire préserver le paysage.
 
Fasciné par les légendes et les histoires de préférence médiévales, il parle aussi bien d’Eléonore d’Aquitaine que du pauvre Lomer de Carcassonne lapidé par l’intolérance des hommes. Il proclame que toute vie doit être ouverte vers autrui et il nous appartient de savoir ce que nous laissons après nous, nous qui jetons les forêts, les rivières et les gens comme du papier froissé autour de hamburgers. Cette tolérance en bouclier face aux obèses triomphants, ce cri d’alarme il le porte dans ses films comme « L’Horreur Boréale» que Richard a rebaptisé l’Erreur boréale et qui a eu un effet immense au Québec, son dernier film « Le peuple Invisible » sur les Amerindiens beaucoup moins car si les Québécois parlent aux arbres, ils sont muets envers leurs proches humains, tétanisés par le monceau d’injustice faite aux natifs, qu’ils ne peuvent reconnaître. Dans ses monologues et ses chansons il réveille et secoue l’engourdissement des âmes.

Écrivain, cinéaste, « claviériste» comme il dit, compositeur, rocker, chanteur, il est avant tout un voyageur parmi les hommes. Il « tient le journal de bord des humains» comme le disait Vigneault. S’il milite c’est pour sauver les rêves et donc refaire le monde :

S’cuse-moi, je m’en vais 
Je reviens dans une heure
 
Faut qu’j'aille changer le monde

 

Méditation sur des ruines, appels de naufrageur, épopées ou paroles simples comme la trace de la laisse d’un chien, les chansons de Richard Desjardins sont éclatantes et urgentes. Elles semblent être là depuis toujours, comme ces Indiens passant par le détroit de Behring, comme des étoiles qu’aucun matin ne pourra éteindre, qu’aucun dollar ne saura mettre à genoux.
 

Amour, révolte et tendresse roulent en débâcle dans ses chansons secouées de rock, de blues, et de grands pans de silence. Ses chants d’amour sont parfois comme orages qui grondent en chants de contestation, en cri de colère contre l’injustice. Cœur qui bat furieusement, mots qui cognent dans un strident « Boom Boom », Richard Desjardins est un homme lucide et tendre, ironique et fraternel.
 
Après avoir bourlingué dans les brasiers des mines d’or ou de cuivre, les désespérances des villes, remonté le courant vers les Amérindiens, connu les opprimés, vendu ses poèmes dans les rues, mélangé le goût âcre du passé avec l’alcool fort des jours à venir, Richard Desjardins est apparu sur le tard sur la scène québécoise, vers les années 70.
Lui le natif du nord du nord du Québec, après les serres innombrables des bars, des petites scènes vacillantes, il est parvenu, soleil noir, à devenir la parole des « derniers humains» .

 
J’allonge l’éternité
j’agrandis l’univers,
le soleil à tes pieds
et ma vie en travers.

 
Ce n’étaient plus les mots d’azur et de neige des Leclerc ou Vigneault mais ceux qui courent la nuit noire, ceux de l’urgence, de la solitude acérée des villes, du cri de révolte des vies intérieures.

Lui avec « le loup qui dormait sur la poitrine », son allure émaciée de prédicateur du prochain retour de l’aube contre les pluies noires tombant sur nos mémoires, il nous a dit d’une voix qui déchire de l’intérieur : « Ouvre tes yeux, ouvre ton cœur » à nous tous qui sommes perdus mais encore vivants.

lire la suite ici : http://www.espritsnomades.com/sitechansons/desjardins.html

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