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Architecture de Philippe-Auguste

Posté par francesca7 le 24 octobre 2015

 

le chantier est censé démarrer en 1228

 Guédelon

Au démarrage du chantier, nous sommes en 1228. Louis IX, futur Saint-Louis, vient d’être sacré Roi à Reims. Mais trop jeune pour régner, c’est sa mère Blanche de Castille qui assure la régence du royaume jusqu’en 1235.

Localement, la Puisaye est sous le contrôle du baron Jean de Toucy. Elle est encadrée au sud-est  par le comté d’Auxerre-Nevers sous l’autorité de Mahaut de Courtenay et au nord par le Gâtinais capétien. A l’aube de la sixième croisade, la Puisaye se trouve alors dans une période de relative tranquillité.

Un hypothétique contexte social : 

Le commanditaire du château de Guédelon, Guilbert, serait un petit seigneur de Puisaye, vassal de Jean de Toucy, lui-même vassal du roi de France. Son suzerain vient de lui donner l’autorisation de construire son château. 

Son statut assez modeste dans la hiérarchie féodale et ses moyens financiers limités, l’incitent à faire ériger un « petit » château, loin des dimensions royales des châteaux du Louvre à Paris ou de Brie-Comte-Robert en Seine-et-Marne. On parlera alors de château-résidence pour évoquer Guédelon.

l’architecture de Philippe-Auguste

 Architecture de Philippe-Auguste dans AUX SIECLES DERNIERS 220px-Gu%C3%A9delon11062004

Aucun vestige, aucune ruine, aucun bâtiment existant. Le futur château de Guédelon est une pure création utilisant les canons architecturaux instaurés par Philippe-Auguste aux XIIè et XIIIè siècle.

Philippe-Auguste, roi de France de 1180 à 1223, est à l’origine d’une standardisation de l’architecture militaire des châteaux dans les territoires philippiens. Les châteaux du Louvre à Paris, de Yèvre-le-Châtel dans le Loiret ou localement celui de Ratilly ou de Druyes-les-Belles-Fontaines dans l’Yonne en sont quelques exemples.

Un château dit philippien se caractérise de la façon suivante : un plan polygonal constitué de hautes courtines maçonnées dont les bases sont souvent talutées ; au pied de ces courtines, un fossé sec,  des tours d’angle cylindriques  munies d’archères à ébrasement simple et disposées en quinconce suivant les niveaux ; une tour d’angle, plus haute et plus grosse : la tour maîtresse, un châtelet entre deux tours défensif à l’entrée.

A cette période, Philippe-Auguste avait initié par le biais de traités, d’alliances et de mariages une politique capétienne d’expansion durable. Ce qui justifie l’adoption en terre icaunaise d’un modèle architectural francilien et non pas bourguignon.

Au milieu d’un espace naturel mettant à disposition toutes les matières premières nécessaires à la construction : pierre, bois, terre, sable, argile… des carriers, tailleurs de pierre, maçons, bûcherons, charpentiers, forgerons, tuiliers, charretières, cordier… bâtissent jour après jour un véritable château fort sous les yeux de milliers de visiteurs.

Quel que soit le créneau de réflexion retenu pour aborder ce chantier, Guédelon répond à bien des attentes de l’homme du XXIe siècle ! 

Guédelon est un chantier scientifique, historique, pédagogique, touristique et humain avant tout.

De saison en saison, les oeuvriers de Guédelon relèvent ce défi hors-norme. L’enceinte fortifiée, le logis et ses charpentes, la chambre et ses peintures murales, la cuisine et le cellier, les salles de tir et leurs imposantes voûtes d’ogives, une partie du chemin de ronde… ont été réalisés sous les yeux de milliers de visiteurs venus visiter ce chantier unique au monde.

Guédelon, construire pour comprendre

 800px-Ch%C3%A2teau_de_Gu%C3%A9delon_%28juillet_2009%29 dans CHATEAUX DE FRANCE

Qui ne s’est jamais interrogé en visitant un monument sur les techniques de construction des bâtisseurs médiévaux ? D’où venaient les matériaux ? Comment étaient-ils acheminés ? Quels outils étaient utilisés ? Par quels procédés les bâtisseurs montaient-ils les lourdes charges ?

Guédelon tente au quotidien d’apporter des réponses à toutes ces questions encore en suspens.

A l’heure où les maîtres mots sont nature et écologie, Guédelon est aussi un espace de construction où le Moyen Âge donne de nombreuses pistes pour les constructeurs verts de demain. Guédelon est un chantier précurseur : ils vous diront tout sur les murs en torchis, l’assemblage de moellons, les murs à la chaux, la fabrication des tuiles de terre ou de bois, l’emploi des pigments naturels, le tressage des cordes de lin ou de chanvre…

Guédelon vu du ciel…

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Le plombier et son histoire dans les temps anciens

Posté par francesca7 le 24 octobre 2015

 

1890.Une étude sur l’histoire du plombier est un exercice difficile, à la fois dans la recherche de la vérité avec la méthode historique la plus rigoureuse, ceci pour des périodes dont les métiers sont peu développés, souvent mal connus et pour lesquelles les écrits ne sont pas toujours venus jusqu’à nous. Cependant, si l’on n’a pas toujours de preuves concrètes de l’existence d’un plombier à une époque donnée, par les recherches archéologiques, les preuves des matériaux qu’il a pu utiliser sont souvent disponibles. La période du ve au xie siècle est la plus obscure et la plus mal connue de notre histoire. Avec les guerres et les invasions, les structures corporatives de la Gaule romaine ont disparu, ou du moins se seraient mises en sommeil, avant de renaître, peut-être, au xiie et xiiie siècle comme le suggèrent certains historiens.

Lorsque l’on considère la contribution que la plomberie et les sanitaires et donc les plombiers, ont apportés dans la santé et la qualité de la vie de nombreuses populations, alors beaucoup d’autres choses paraissent beaucoup moins importantes, car entre la perception d’un progrès et son effet réel, il y a souvent une différence qui n’est pas toujours visible.

Le mot plombier a évolué au cours des âges, avec des incohérences suivant les documents consultés : chez les Romains on les appelait,Plumbarius, dans la France au xiie siècle ils étaient Plunmiers, mais pas encore reconnus comme corporation ; ils étaient déjà Plommiers au xive et Plombeurs au xve siècle. Dans leurs statuts de 1549 promulgués par Henri II, ils sont des Plombmiers, alors que dans les statuts de 1648, le Maistre est nommé comme Maistre Plombier.

D’après le registre de la taille de Paris, il y avait en 1292 un Mestre Ploumier, du nom de Mestre Raoul, seul artisan de son état à porter le nom de plombier. L’histoire ne le dit pas quel était son travail.

Dans d’autres pays le mot pour définir le métier de plombier se rapporte à sa racine latine issue du plomb, plumbum, tel le plumber anglo saxon. En langue bretonne le plombier se dit plomer de plom, le plomb.

Aujourd’hui, en France, le plombier se fait également appeler installateur sanitaire.

Lorsque l’on remonte dans les temps anciens, dont les techniques sont venues directement jusqu’à nous, les vestiges mis au jour par les archéologues permettent d’avoir des preuves concrètes de l’existence, à la fois de réseaux d’eau, des matériaux transportant cette eau et des hommes qui assuraient la fabrication et la mise en place de ces réseaux. Ces réseaux de tuyauteries trouvés dans plusieurs parties du monde, sont directement liés aux installations d’eau actuelles, ceci par l’apport de techniques et de compétences des nouvelles générations de plombiers au cours des millénaires.

Aujourd’hui disparues, plusieurs grandes civilisations autour de la Méditerranée, ont depuis des millénaires contribué à la lente progression des techniques de captation, de traitement et de distribution de l’eau et donc au métier de plombier.

Le travail du plombier ne se limite pas à travailler sous un évier, à boucher les fuites, ou à refaire les salles de bains.

Bien qu’il s’agisse d’une partie importante du métier de plombier de réparer les fuites et d’apporter l’hygiène et le confort dans les logements, les usines ou les centres de loisirs, son travail est également de participer à d’autres réalisations beaucoup plus complexes et qui demandent un grand nombre de connaissances dans de nombreux domaines de la technique et des années d’expérience dans le métier.

Les entreprises de plomberie dans lesquelles travaillent les plombiers, peuvent réaliser de nombreux ouvrages de plomberie, chacune d’entre elles pouvant avoir sa spécificité et sa spécialité dans un ou plusieurs domaines de la profession

Le plombier et son histoire dans les temps anciens dans ARTISANAT FRANCAIS 150px-Robinet_au_Mont_St_Michel_FranceLe travail du plombier est à la fois varié et complexe, de par les différents matériaux susceptibles d’être utilisés ainsi que par le nombre de travaux amenés à être exécutés : installations pour l’eau, pour le gaz, la protection incendie, les gaz médicaux et bien d’autres fluides. Les lieux dans lesquels s’exerce le métier de plombier sont également variés : tous les lieux d’habitation, de soins et de loisirs, les immeubles de bureaux, les installations dans les usines et dans nos campagnes, etc.

Au ive siècle av. J.-C., sur les pas d’Alexandre le Grand, lequel avait chassé les Perses d’Égypte, commence la dynastie gréco-égyptienne des Ptolémées et l’occupation de l’Égypte par les Grecs, puis au ier siècle, l’arrivée des Romains qui occupèrent le pays. Lors de cette présence romaine, les plombiers-soldats romains ont appris des plombiers égyptiens la fabrication et l’utilisation du cuivre pour les réseaux d’adduction d’eau, comme le faisaient les plombiers, esclaves ou hommes libres de l’Égypte ancienne, depuis des millénaires. Plus de deux millénaires plus tard, les plombiers de Rome, travailleront le plomb et réaliseront les fistulae, les tuyaux de plomb, de la même manière que les plombiers de l’Égypte ancienne travaillaient la feuille de cuivre, afin de réaliser des tuyaux pour les besoins des installations de plomberie de l’Empire romain.

Les différentes fouilles entreprises sur les les sites d’Égypte depuis les découvertes de Ludwig Borchardt, n’ont pas apporté, à ce jour, d’autres preuves concrètes de l’utilisation de tuyauteries en cuivre pour les réseaux d’eau, autres que celles du palais d’Abou Sir. Les pillages et la réutilisation des matériaux, ne permettent que difficilement la restitution de certaines techniques du passé, que ce soit pour la fabrication ou la pose de tuyauteries métalliques.

L’exploitation du cuivre dans les régions du pourtour de la Méditerranée date de 2300 ans av. J.-C. sur l’île de Chypre, d’où son nom latin : cyprium.

Avant l’arrivée des Celtes, dans le pays qui deviendra la Gaule après la conquête de César, vivaient des hommes, un peuple dont on sait peu de chose, quelques preuves bien visibles ou découvertes par les archéologues nous en apportent la preuve. Les dolmens et cromlechs indiquent la présence d’un peuple au Néolithique. Au premier millénaire avant notre ère sont arrivés les Celtes, venus de l’Europe centrale, ils sont «…les acteurs principaux de la protohistoire de toute l’Europe occidentale et centrale » . Si nous ne connaissons pas la langue parlée avant l’arrivée des Celtes, ceux-ci nous ont laissés leurs langues, lesquelles possèdent une certaine parenté linguistique, elles se sont perpétuées avec plus ou moins de rigueur au fil des générations : le breton, le gallois, l’irlandais, etc.

Les Celtes étaient un peuple de l’âge des métaux, mais ils ne bâtirent pas, comme les grecs et les romains des ensembles urbains, leur habitat était la hutte de torchis avec une couverture dechaume ; la maison du chef pouvait être en bois ; ces « bourgades » étaient parfois fortifiées. Il existe cependant quelques « villes » celtes, qui font encore l’objet de fouilles, telles Bibracte etAvaricum (actuellement Bourges). Les besoins en eau étaient directement pris dans la rivière proche, dans les ruisseaux et les sources qui pouvaient alimenter des fontaines. Un réseau d’égout a été trouvé à Bibracte, mais pas de technique ou de matériaux particuliers d’amenée d’eau et donc pas d’artisan pouvant s’apparenter à des plombiers.

De cette époque de notre histoire, les archéologues n’ont retrouvé qu’un matériel anépigraphe, c’est-à-dire sans la moindre inscription. Les Celtes n’ont pas utilisé l’écriture pour la transmission d’un savoir technique ou littéraire, du moins pouvant donner quelques informations sur les métiers de la construction, sauf pour l’ogham ou écriture oghamique de l’irlandais primitif . Les Celtes ont privilégié l’utilisation d’idéogrammes pour l’identification de l’identité celte, empruntés parfois à d’autres civilisations : le cheval, le triskèle, les dauphins, l’arbre, etc.  

Le métier de plombier a suivi une évolution dans le temps et dans l’espace ; il y a une continuité dans le métier au fil des civilisations et des générations. Continuité dans l’évolution des matériaux et des techniques de fabrication et de pose et donc dans les hommes qui ont servi le métier de plombier.

L’Égypte ancienne, comme d’autres civilisations à cette même époque, connaissait le travail du cuivre, la fabrication de tuyaux et leur utilisation dans le cadre d’adduction et de distribution d’eau aux palais et autres maisons des nobles.

Au cours de ces mêmes époques sont mis en place les réseaux d’eau dans la Vallée de l’Indus, le Pakistan actuel et sur les plateaux de la Perse, aujourd’hui l’Iran. Si des matériaux tels que le plomb ou le cuivre ne sont pas toujours découverts par les archéologues, les adductions d’eau dans les bâtiments ne peuvent pas être seulement en pierre ou en poterie, le plomb et le cuivre furent utilisés à un moment ou à un autre de la construction, un jour les archéologues en trouveront la preuve.

Les Grecs eux-mêmes, ne sont pas très bavards sur les matériaux utilisés pour l’alimentation de leurs thermes, mot qui vient du grec thermo, chaud et de leurs fontaines. À l’origine, les bains étaient froids. Les bains chauds avaient mauvaise réputation, suspectés d’amollir le corps tandis que l’eau froide, «…aguerrit le corps et le caractère».Cependant, les Grecs en vinrent vite à des bains tièdes, puis chauds dans les thermes, avec notamment les hypocaustes très utilisés par les Romains. L’Égypte, après être passée de dynasties en provenance de Haute et Basse Egypte, libyenne, puis perse avec Alexandre le Grand, connue le règne du fascinant Toutânkhamon et de la belle Néfertiti, voit arriver les Grecs avec les Ptolémées, puis les Romains et le couple célèbre César et Cléopâtre.  

Avec l’arrivée des armées d’Alexandre le Grand en Égypte, remplacées par les armées romaines et avec elles les artisans-soldats de Rome, va se mettre en place toute une formation, des échanges et une retransmission des techniques de construction des Égyptiens vers les artisans des armées conquérantes. Ces échanges porterons notamment dans la construction des thermes et des réseaux d’alimentation en eaux ainsi que la fabrication et l’utilisation de tuyaux en plomb. Ces matériaux et techniques seront reprises et utilisées par les collèges d’artisans de Rome, puis de l’Empire romain. Voici qu’arrivent les Plumbarius.    

1024px-Corolle_d%27eau. dans ARTISANAT FRANCAISLe plomb qui a donné dans plusieurs langues son nom au métier de plombier, était connu depuis l’antiquité dans de nombreuses civilisations. Un autre matériau qui va de pair avec le plomb, c’est l’étain. Si on mélange ces deux matériaux on a de la soudure, très utile pour le soudage des tuyaux et des tables de plomb et de cuivre et plus tard du zinc, ainsi que pour bien d’autres travaux anciens et modernes. L’étain, appelé aussi plomb blanc, sert à la protection et la soudure du cuivre ; l’étain était également utilisé en couverture pour étamer le plomb et donner aux couvertures une blancheur que ne peut lui donner le plomb de couleur noire légèrement bleuté lorsqu’il est neuf et gris terne après quelques années aux intempéries.

Le point de fusion du plomb est de 327 °C et celui de l’étain de 232 °C, avec la baguette de soudure à 28 % d’étain on atteint des températures de fusion autour de 300 °C. La soudure dite à l’étain est cependant assez délicate, de par la faible différence des températures de fusion.

Mais un autre type de plomb existe sur certains monuments historiques : c’est le plomb doré. On peut en voir sur l’aile sud du château de Versailles. Au temps de Louis XIV tous les éléments d’ornementation en plomb de ta toiture étaient dorés à l’or fin. Certaines statues en plomb coulé sont également dorées à l’or fin, comme la statue de la déesse du bassin de Flore réalisée en plomb doré et qui appartient à l’ensemble des bassins des Saisons à Versailles. Ce travail de plomberie décorative, poinçons, épis, a longtemps été exécuté par le principe du repoussage du métal ; celui-ci permet plus de légèreté dans les ouvrages que le principe par coulage du plomb. C’est jusqu’au xvie siècle que ce principe du repoussage va perdurer pour être remplacé par la fonte du plomb sur moule, laquelle permet la multiplication plus rapide d’éléments identiques. 

Les anciens avaient également trouvé que le mélange de cuivre et de plomb donnait un matériau bien utile et qui a donné son nom à une ère de l’histoire du monde : l’âge de bronze. Les besoins en plomb étaient très important, celui-ci venait de nombreuses régions de l’Empire romain, alors que l’étain venait principalement des mythiques îles Cassitérides, ou îles de l’étain au nord ouest de l’Espagne et plus tard en Cornouailles, au sud ouest de ce que l’on appelait alors l’île de Bretagne. 

En ces temps, un autre travail échoit aux plombiers et cela depuis longtemps et pour encore plusieurs siècles : c’est le doublage intérieur des cercueils, notamment pour recevoir le corps des rois et de la haute noblesse. Le tombeau de Childéric Ier, roi des Francs saliens, mort en 481 ou 482 et père de Clovis Ier, avait un cercueil composé de deux enveloppes de plomb. Le bon roi Dagobert, mort en l’an 639, avait lui aussi un cercueil doublé de plomb. « Ils fondent ( les plombiers) encore ces lames épaisses des cercueils destinés à garder, durant un si grand nombre de siècles, les cendres de ceux dont les pas sur la terre ont fait quelque bruit, laissé quelques traces ».

 L’empereur Napoléon Ier fut également à sa mort, inhumé dans un cercueil de plomb, puis exhumé en 1840 et transporté dans ce même cercueil vers la France.

Les guerres étant toujours plus coûteuses, une nouvelle taxe frappa les corporations en 1696 ; un décret du Conseil d’État du roi Louis XIV, en même temps qu’il taxait la corporation des plombiers de 7 000 livres, taxait les Maîtres (les artisans) par ce décret du 17 juillet 1696 , preuve de l’implication des plombiers dans la fabrication des doublures en plomb des cercueils :

« Le Roi en son Conseil a ordonné et ordonne qu’en payant par la communauté des Maitres Plombiers Fontainiers…veut et entend sa Majesté, que chaque Maitre qui livrera un cercueil, paye la somme de 6 livres au profit de la communauté…».

Voici le xie et xiie siècle, la foi chrétienne est très forte en cette fin du Moyen Âge, la civilisation urbaine connaît un nouvel essor, la ville redevient le lieu du pouvoir et les capitales se développent. Paris devient vers l’an 1200 la plus grande ville de l’Occident, avec une population estimée de 80 000 à 100 000 habitants et 200 000 habitants au xive siècle; ceci avant que ne s’abattent sur la France la Grande Peste et la guerre de Cent Ans. Comme pour le reste de la population, ces deux fléaux touchèrent un grand nombre d’ouvriers, faisant fortement augmenter les salaires par manque de personnel qualifié. Puis une nouvelle couche sociale se développa : la bourgeoisie marchande. Le clergé est très puissant, chacun dans sa paroisse veut faire plus beau que dans celle de son voisin, les riches bourgeois donnent pour le salut de leur âme, le commerce des indulgences se développe. C’est alors que les cathédrales fleurissent dans une partie de l’Europe et plus particulièrement en France : Saint Denis, Amiens, Beauvais, Orléans, Paris, etc. Une nouvelle catégorie de Maître d’Ouvrage voit le jour sur les chantiers : les abbés bâtisseurs de cathédrales, comme l’abbé Suger pour l’abbatiale de Saint-Denis.

La cathédrale de Chartres, partiellement ravagé en 1194, le clocher nord fut repris et surélevé au xiiie siècle, avec une flèche à la charpente en bois et une couverture en plomb. Lors de sa construction, la cathédrale Notre-Dame de Paris a nécessité 1320 plaques de plomb ; l’importance et le chef d’œuvre de sa charpente que l’on nome – la forêt – supporte une couverture en plomb d’un poids de210 tonnes.

La cathédrale Saint-André de Bordeaux, consacrée par le Pape Urbain II le 1er mai 1096, avait une couverture en plomb. Le samedi 25 août 1787, l’imprudence d’un couvreur travaillant sur la voûte principale, déclencha un incendie qui consuma en moins de deux heures la charpente du chœur. Elle fut recouverte en 1812 avec des matériaux moins fragiles en cas d’incendie.

C’est alors que pour le bonheur des plombiers, qui ne le savent pas encore, afin de glorifier Dieu et d’atteindre la Jérusalem céleste, les bâtisseurs sont passés de la grotte à la chapelle, puis à l’église et enfin à la cathédrale.

Les plombiers allaient montrer leur art dans les maisons de Dieu. Pas de pierre évier ou de salles de bains en ces lieux, mais ces constructions ont un toit et ce toit est souvent en plomb et le plomb en ces temps c’est l’affaire du plombier, même si à cette époque il s’appelle encore couvreur. Couvreur il l’est et son travail est la recouverture des mésons, mais le métier est encore régi par la corporation des charpentiers et placé sous l’autorité du Premier Charpentier du Roi. Dans le  Livre des Métiers, d’Étienne Boileau, Prévôt de Paris, rédigé en 1270 sur les corporations de Paris, aucun ouvrier ne porte le nom de plombier, il ne  recense même pas encore les couvreurs et ne parle que des charpentiers au sein de la même organisation juridique.

Le privilège du Premier Charpentier du Roi fut aboli sous Philippe le Bel par un arrêté du Parlement en 1314.

« La création d’un Maître Charpentier du Roi, placé au-dessus des jurés de chaque communauté, fut un réseau jeté sur elles par le despotisme ombrageux du monarque. Le peuple devenait fort, il inquiétait le pouvoir. On voulut s’immiscer dans ses affaires intimes, connaitre ses secrets, les ressources de la grande famille industrielle, et sous la pompe d’un mot, sous le vernis de l’honneur prétendu que la cour voulait faire à la classe industrielle, disparurent beaucoup de libertés qui devaient lui êtres chères…».

1024px-Int%C3%A9rieur_de_bains_publics_%C3%A0_Kashan_en_Perse_vers_-_Lithographie_de_Pascal_Coste.Au xiiie siècle, les statuts des charpentiers sont particuliers et le couvreur y figure au même titre que les charrons, les tonneliers ou les huissiers (menuisiers). Le Livre des Métiers d’Etienne Boileau, dénombre un total de 130 associations corporatives mais seulement six du bâtiment, aucune corporation de la couverture, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de couvreurs, mais pas encore organisés et indépendants, ils dépendaient des charpentiers et les recouvreurs de mésons avec eux. « Le Livre des Métiers , ne s’occupe aucunement des plombiers…Quant il s’agissait de couvrir quelque édifice avec des lames de plomb, ce qui était rare, ce travail était confié aux couvreurs qui s’adjoignaient des ouvriers spéciaux…» Les plombiers, couvreurs d’édifices se confondaient avec les couvreurs jusqu’au xvie siècle. « …quand l’on fera espiez (épis) pignons, lucarnes, enfaistements et aultres couvertures appartenant au dict mestier de plombmier, il conviendra …

La Taille de 1292 porte 7 ouvriers couvreurs et 21 sous le nom de recouvreurs de mésons. Les couvreurs, bien que faisant partie à cette date de la corporation des charpentiers, étaient comptés à part.

Si en France, en ce début du xive siècle, les plombiers, spécialistes de la pose du plomb sur les édifices, sont encore appelés recouvreurs de mésons et font partie de la corporation des charpentiers, il n’en est pas de même en Angleterre où ils sont déjà appelés  plumbers, ou du moins par le mot latin plombarius.

_______________________

RECIT « pompé » sur la TOILE…. il paraît que cet article appartient à Jean Pierre – qui m’a envoyé ce message : 
jeanpierre.pelon@gmail.com  ET JE L’EN REMERCIE    —-> (Cela ne me gène pas que l’on utilise certains passages de mon article,mais j’ai moi, la délicatesse (sinon l’obligation) d’en donner l’origine et les références. Il est vrai que le « copiez-coller » demande ni recherche ni amour propre, ce dont vous n’en connaissez sûrement pas la définition. Je ne vous salue pas, ce serai vous faire trop d’honneur. )

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DES LIEUX ETONNANTS EN France

Posté par francesca7 le 23 octobre 2015

 

 
 
Des monuments parisiens aux superbes paysages du sud de l’Hexagone en passant par les châteaux de la Loire, notre pays regorge de merveilles. Cependant, d’autres sites étonnants, moins connus, méritent le détour. Sélection.

Les orgues d’Ille-sur-Têt
Sculptées par les intempéries et l’érosion, ces falaises des Pyrénées-Orientales forment un ensemble homogène d’une grande beauté. Surplombées par des « cheminées de fée », des colonnes de roches friables dont le sommet est constitué de roche plus résistante à l’érosion, les façades ont été creusées par l’eau et le vent, donnant l’impression d’une ondulation, comme si les falaises étaient cachées par un grand rideau de pierre. Une petite promenade sur un sentier balisé est nécessaire pour rejoindre le site.

Pour en savoir savoir plus : CLIQUEZ ICI

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Grotte de l’Aven Armand
Au sud de la Lozère, loin des grands centres, se trouve l’une des plus belles grottes de France. Après une descente de 100 mètres en funiculaire, les visiteurs arrivent dans une imposante salle souterraine abritant une forêt de 400 stalagmites, dont le plus grand jamais découvert, atteignant 30 mètres de haut. Elle porte le nom de son découvreur, Louis Armand, forgeron dans une ville voisine qui y descendit le premier en 1897. Qualifiée de « rêve des Mille et Une Nuits » par Edouard-Alfred Martel, l’un des fondateurs de la spéléologie moderne, les nouveaux aventuriers seront subjugués par ce lieu semblant irréel.

Pour en savoir savoir plus : CLIQUEZ ICI

Bécherel, la cité du livre
À l’est de la Bretagne, cette petite ville de moins de 1000 habitants est la plus grande concentration de métiers liés aux livres de France. Une initiative datant de 1986 avec l’installation de l’association « Savenn Douar » (le tremplin en breton), décidée à faire de la commune la première cité du livre en France. Au total, pas moins de quatorze librairies sont installées dans les maisons de granite et trois festivals annuels se déroulent à Bécherel en plus de l’important marché du livre qui se tient tous les premiers dimanches du mois. Un détour obligatoire pour les amoureux de littérature.

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Le Colorado provençal
Au cœur du Vaucluse, les ocres de Rustrel offrent un paysage riche par ses reliefs variés et très colorés, près de vingt teintes, allant du jaune au rouge foncé, ont été recensées sur les falaises environnantes. Surnommé le « Colorado provençal », en référence à l’État américain, célèbre pour ses déserts et canyons de même couleur, le site fut exploité pendant plus de 200 ans pour l’ocre, utilisée comme pigment dans la maçonnerie ou les beaux-arts. Étendue sur plus de 30 hectares, le site promet une balade étonnante à travers les galeries creusées par l’homme et les vallons escarpés du massif du Luberon, offrant un beau panorama sur la région.

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Le Palais idéal
L’histoire de ce monument est liée à celle de son unique bâtisseur : Ferdinand Cheval. Ce facteur de la commune de Hauterives, dans la Drôme, a travaillé seul pendant 33 ans pour construire cet incroyable édifice de pierre, décorée de nombreuses statues d’animaux, d’escaliers en spirale et de colonnes taillées. Achevé en 1912, le palais est inhabitable mais est devenu un site touristique majeur de la région. Il est également utilisé par la mairie pour accueillir des concerts. Après avoir terminé son chef-d’œuvre, Ferdinand Cheval va utiliser les dernières années de sa vie pour ériger un imposant tombeau dans le cimetière de la ville, où il repose depuis sa mort en 1924. Le palais a été classé Monument historique en 1964.

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Les Machines de l’île
Sur l’île de Nantes, de gigantesques machines métalliques sont installées sur le site des anciens chantiers navals. Capables de se déplacer, les visiteurs pourront profiter d’une balade à bord de l’emblème du lieu, un éléphant de douze mètres de haut qui offre depuis la terrasse installée sur son dos une vue superbe sur la cité des ducs. À côté, la visite des locaux de la compagnie, la Machine, à l’origine du concept, permet de se rendre compte du travail nécessaire pour construire de pareils engins avant de poursuivre la visite dans le carrousel des mondes marins, un manège de trois étages pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes.

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Les rochers sculptés de Rothéneuf
Tout comme le Palais idéal, les centaines de statues taillées directement sur les rochers de la côte bretonne sont l’œuvre d’un seul homme : Adolphe Julien Fouéré, dit abbé Fouré. Sculpteur de passion, cet ecclésiastique, retiré à Rothéneuf près de Saint-Malo, entreprit, entre 1894 et 1907, ce travail colossal avant d’être frappé de paralysie, le contraignant à cesser toute activité. Au total, plus de 300 réalisations de taille très différentes, représentants aussi bien les personnes présentes dans l’actualité à cette époque, que les grandes figures de la région comme l’explorateur Jacques Cartier, ont été immortalisées dans la pierre.

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Gudelon--Gudelon

Le château fort de Guédelon
Depuis 18 ans, des dizaines d’artisans bâtissent un château médiéval au cœur de la forêt de Guédelon, dans l’Yonne, en utilisant les outils et techniques du Moyen-Âge. Épaulés par des historiens et des experts, ils travaillent sous le regard des milliers de visiteurs, venus chaque année assister à ce spectacle unique au monde. Le site a également un but éducatif, chaque artisan devant expliquer à qui veut l’entendre son métier, la manière de travailler de l’époque et les différentes étapes de la construction. Un véritable voyage ludique au temps des chevaliers.

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Les cavernes de Dénezé-sous-Doué
Une des grandes énigmes archéologiques de notre époque. Découverte une première fois au XVIIe siècle par un curé d’un village voisin, les caves ont été rapidement condamnées et oubliées sur la volonté de l’ecclésiastique, horrifié de voir des sculptures nues aux grimaces inquiétantes. Il faut attendre les années 30 pour que deux ethnologues de la région redécouvrent l’entrée des cavernes et son contenu. Datant probablement de la seconde moitié du XVIe siècle, une théorie avance qu’elles seraient des critiques politico-religieuses de la société française et notamment des catholiques, les cavernes des Pays de la Loire ayant servi de refuge pendant les guerres de religion, régulières à cette période. Néanmoins, le doute demeure et le mystère reste entier.

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Le musée Robert Tatin
Imaginées comme un lien entre les civilisations, les œuvres de l’artiste Robert Tatin sont imprégnées de références religieuses et de courants artistiques qu’il a pu découvrir lors de ses nombreux voyages. En 1962, il achète une maison ancienne près de Laval, en Mayenne, où il décide rapidement de faire un musée d’art naïf, destiné à accueillir ses créations. Un travail acharné qui va durer jusqu’à sa mort en 1983. Les visiteurs pourront découvrir « l’Allée des géants » ou encore le « Jardin des méditations » dans cette exposition à ciel ouvert.

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UN PAYS DE MOULINS

Posté par francesca7 le 23 octobre 2015

 

AU PAYS DES MOULINSLa Journée du Patrimoine de Pays et des Moulins est un événement national qui offre l’opportunité de découvrir des sites patrimoniaux ou des savoir-faire traditionnels grâce à de nombreuses animations : visites de sites, circuits de découverte, expositions, dégustations, découverte de métiers et savoir-faire…1500 animations, pour connaître et aimer le patrimoine, les paysages et les savoir-faire traditionnels.

Partout en France, 1 500 animations gratuites (sauf exception) sont organisées à l’initiative d’associations principalement, mais aussi de collectivités, de professionnels du tourisme, d’artisans spécialisés ou encore de particuliers animés par l’amour du patrimoine. Le visiteur a l’occasion de découvrir le patrimoine d’un bourg sous un autre angle, de visiter des sites habituellement fermés au public – des sites historiques, des ateliers d’artisans, des lieux de production, comme les moulins, les tanneries… et de s’initier à des savoir-faire spécifiques, à l’occasion de démonstrations et d’ateliers encadrés par des professionnels.

200 000 visiteurs participent chaque année à ces manifestations contribuant ainsi à l’animation locale et à la valorisation des territoires ruraux. Une belle façon de redécouvrir le riche patrimoine local et les hommes qui le font vivre. Il y a plus de dix ans, des associations se réunissaient pour promouvoir le patrimoine rural, la Fondation du patrimoine se créait pour devenir un acteur incontournable de la préservation du patrimoine non protégé et le Ministère de l’Agriculture lançait son opération « patrimoine rural » : c’est dans ce contexte qu’est née en 1998 la Journée du Patrimoine de Pays qui se tient chaque année au mois de juin. Depuis 2006, la Journée des Moulins, initiée par la FFAM (Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins), est associée à l’événement.

A côté des cathédrales, palais, châteaux et autres merveilles connues et protégées, il existe d’innombrables témoignages plus modestes de l’art et des savoir-faire. Publics ou privés, ils sont évalués à plus de 400 000. Ce patrimoine, héritage de la vie quotidienne passée, est l’âme de nos campagnes, de nos villages et des quartiers anciens de nos villes. Il se caractérise par sa richesse et sa diversité.

Il comprend à la fois :
le bâti traditionnel : fermes, maisons, moulins, pigeonniers, chapelles, fours à pains, oratoires, croix…
les sites et paysages, naturels ou façonnés par l’homme (jardins, murs, arbres, haies, bosquets, forêts…)
le patrimoine immatériel, notamment les techniques et savoir-faire traditionnels ou les langues régionales, les coutumes et fêtes…

Aujourd’hui, avec les mutations économiques, techniques et sociales, ce patrimoine est menacé. Les éléments bâtis ont souvent perdu leur fonction et ils sont détruits ou mal entretenus. Les paysages sont envahis de constructions sans caractère. Les éléments immatériels se perdent. Pour préserver leur authenticité et les transmettre aux générations futures, il faut comprendre et expliquer ces héritages du passé, en faire un bien collectif partagé.

Cette 14e édition, dimanche 19 juin 2011, aura pour thème « le patrimoine caché ». L’occasion est donnée de découvrir ce qu’il y a de plus secret dans le patrimoine qui nous entoure en suivant différents thèmes comme :

L’archéologie : nos sous-sols recèlent des vestiges dissimulés par le temps et oubliés par les hommes. Durant cette journée, nous vous proposons de venir redécouvrir ce patrimoine témoin du passé grâce à des visites commentées ou à une participation active à des chantiers de fouilles, l’exposition des résultats, la visite de sites archéologiques,…

Insolite : nous vous proposons de venir découvrir des éléments insolites du patrimoine, cachés ou méconnus. Pour cela, vous devrez faire preuve de curiosité et sortir des chemins battus afin de profiter des richesses de ce patrimoine « inhabituel »…

Le patrimoine caché des communes : les communes de France vous livrent leurs secrets. Au détour des rues, venez découvrir un patrimoine dissimulé ou ignoré de tous, le temps d’une balade qui ne manquera pas de vous faire changer de regard sur ce qui vous entoure.

Le patrimoine « souterrain » : nous vous proposons de venir découvrir un patrimoine étonnant, riche et diversifié, lié à la pierre, à la terre et au sous-sol. Ce patrimoine, qui n’est souvent accessible qu’aux initiés, vous est dévoilé au cours de visites, d’expositions ou bien encore de conférences vous permettant de découvrir caves, carrières, souterrains, galeries naturelles, grottes, mines, et autres éléments « souterrains ».

Portes-ouvertes exceptionnelles : au cours de cette journée, nous vous proposons d’assouvir votre curiosité en franchissant le seuil de sites et monuments habituellement fermés au public. Ouvertures exceptionnelles de propriétés privées et réouvertures de monuments vous permettront, l’espace d’une journée, de découvrir une richesse patrimoniale ordinairement cachée.

Réserves de musées : saisissez l’opportunité qui s’offre à vous et venez découvrir un patrimoine dont on ne soupçonne pas la richesse puisque d’ordinaire inaccessible au public. Les réserves de musées vous ouvrent exceptionnellement leurs portes…

Secrets de fabrication : les savoir-faire traditionnels et secrets de fabrication se transmettent de génération en génération. Nous vous proposons d’entrer dans la famille et de vous initier à ces pratiques ancestrales qui font la richesse de notre patrimoine culturel en découvrant par exemple le secret de l’utilisation des plantes médicinales, le savoir-faire des artisans,…

La Journée du Patrimoine de Pays et Journée des Moulins est coordonnée par un comité de pilotage national réuni au sein d’une association, l’Association pour la Journée du Patrimoine de Pays. Elle est composée de cinq membres organisateurs que sont : la Fédération Patrimoine-Environnement, Maisons Paysannes de France, la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins (FFAM), la Confédération de l’Artisanat des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et les Architectes du Patrimoine.

Renseignements pratiques : 
Programme complet des animations et visuels disponibles en téléchargement surhttp://www.journeedupatrimoinedepays.com

Contact : Fédération Patrimoine-Environnement
146 rue Victor Hugo 92300 Levallois-Perret. Tél. 01 41 18 50 70. Mail jpp@associations-patrimoine.org

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LES CAHIERS DE DOLEANCES DE LA FRANCE

Posté par francesca7 le 21 octobre 2015

 

 
 
Travail destiné à brosser le portrait sans fard de la France à la veille de la Révolution, La France d’après les Cahiers de 1789, publié en 1897, révèle que le Tiers-Etat, qui supplie alors « le roi de défendre la foi contre les atteintes de la nouvelle philosophie », ne réclame pas l’ « égalité », ne songeant à l’abolition ni de la noblesse ni du clergé ; ne suggère jamais l’idée d’une guerre des classes, qui lui est étrangère ; que le désir de « liberté » n’a à l’époque jamais été assimilé au souhait d’instauration d’un système parlementaire. En revanche, les Français de 1789, affamés par des disettes successives, aspirent à de profondes réformes gouvernementales et administratives qui tardent à être menées, ainsi qu’à une plus grande unité législative préservant néanmoins une décentralisation propre à favoriser le développement de la vie intellectuelle, commerciale et industrielle des provinces.

Doléances

« Tout le monde a parlé de l’esprit de la Révolution française, les uns parce qu’ils avaient lu le Moniteur, les autres parce qu’ils avaient lu les comptes rendus du club des Jacobins » écrit en 1899 et quelques mois avant de devenir académicien, le titulaire de la chaire de poésie française à la Sorbonne Emile Faguet, dans Questions politiques. « Ce que la France voulait en 1789, l’a-t-elle dit ? Oui, elle l’a dit dans les Cahiers de 89. Lisons les Cahiers. C’est probablement le moyen de savoir ce qu’elle voulait », écrit quant à lui Edme Champion en 1897, dans La France d’après les cahiers de 1789, ouvrage à partir duquel Faguet se propose de décrire la France de 1789.

 

Or les Cahiers, qui, à la vérité, sont d’une lecture difficile, personne ne les a jamais lus, explique Emile Faguet. Tocqueville y a jeté les yeux ; mais il s’est arrêté beaucoup plus sur les papiers administratifs de la Touraine et du Languedoc. Taine a promené ses regards sur les Cahiers ; mais, comme M. Champion l’a irréfutablement prouvé, il ne s’y est pas appesanti beaucoup il faut l’avouer. M. Champion a lu tout ce qu’on en peut lire en France ; avec sa conscience et sa diligence infinie, il les a dépouillés complètement ; avec sa modestie bien connue il déclare encore que le travail auquel il s’est livré ne suffit pas, qu’il faut déterrer, et réunir et compulser d’autres cahiers encore, qui existent et qu’il n’a point vus ; mais enfin il a fait, en 1897, sur les véritables vœux de la France en 1789 l’enquête la plus sérieuse qui puisse être faite, et l’enquête qui n’avait été faite par personne.

Ce travail, mené à bien par l’homme le plus impartial du monde, est de tout premier intérêt ; cette « leçon de choses » est la plus solide leçon qui ait jamais été donnée sur la Révolution française. Les hommes du Tiers-État n’avaient pas lu la Révolution d’Edgar Quinet [républicain convaincu qui publia La Révolution en 1865]. Ils étaient aussi loin que possible de l’avoir lue et de l’écrire. Tout simplement ils mouraient de faim et désiraient cesser de mourir. Il n’y a pas autre chose dans les Cahiers de 1789.

Ont-ils désiré, comme on l’a beaucoup dit, l’Égalité, ce rêve de tous les Français ? Presque point. Les cahiers du Tiers ne la réclament jamais. Ils reconnaissent souvent qu’il ne faut point songer à abolir les distinctions et privilèges anciens qui font partie de la constitution du royaume et qui la consolident. Les beaux esprits, là-bas, à Paris, disent que le Tiers-État c’est toute la nation ; mais le Tiers-État ne le dit pas. Il ne songe à l’abolition ni de la noblesse ni du clergé comme ordres à part dans l’Etat. L’idée d’une Révolution politique ou l’idée d’une guerre de classes lui est totalement étrangère. Il ne songe qu’à vivre en bonne harmonie avec les autres ordres, mais il veut vivre ; il demande les moyens de vivre. Il ne demande pas davantage.

Ont-ils désiré la Liberté ? Le mot liberté est si vague qu’ici il faut préciser. La liberté politique c’est le self-gorvernment. Un peuple est libre quand le gouvernement est son délégué. Il est libre encore quand le gouvernement, sans être son délégué, est son subordonné. Il est libre donc quand il peut contrôler et ne pas ratifier les actes de son gouvernement ; il est libre quand le gouvernement ne peut pas lever sur le peuple un impôt non consenti par le peuple. Et en dernier analyse, ce dernier point suffit. Dès que le peuple a la clef de la caisse, le gouvernement par cela seul sera contrôle, donc subordonné, et ce sera à peu près la même chose que s’il était délégué. Un peuple libre est un peuple qui vote son budget. Un conseil des finances, nommé par le peuple et votant le budget, ce conseil ne fût-il pas législatif, voilà l’organe de liberté nécessaire à un peuple. Un peuple est libre quand il nomme une Chambre qui vote le budget.

Or le peuple de 1789 a-t-il demandé cela ? Pas le moins du monde, reprend notre académicien. Et ceci est tout à fait curieux. Je n’ai pas vu, dans tout ce que M Champion a cité des Cahiers, une seule allusion au système parlementaire. La Révolution a créé le système parlementaire en France ; mais la France de 1789 ne l’avait pas demandé. On me dira qu’il était contenu implicitement dans les vœux exprimés par la France en 1789. C’est mon avis. Quand les cahiers demandent qu’il ne soit pas permis « à qui que ce soit, s’autorisât-il du nom du roi et même d’un ordre surpris à Sa Majesté, de percevoir aucun impôt qui n’aurait pas été accordé par les états généraux, ou de prolonger la perception d’iceux au delà du temps pour lequel il l’aurait accordé », il est clair que cela mène à tout. Il est clair que si ce vœu est réalisé, il ne pourra l’être que par la perpétuité, au moins par la périodicité des états généraux votant l’impôt, et c’est le système parlementaire à bref délai, « dans toute sa beauté comme disait Beulé.

D’accord ; mais enfin ce système parlementaire, même à l’état rudimentaire, les cahiers ne le demandent pas ; ils n’y songent pas ; ils ne semblent pas en avoir la moindre idée. Disons la vérité : ils n’en ont pas la moindre idée. Leur pensée, c’est d’avoir une loi fixe, en finances comme en autre chose, obligeant le roi, lui traçant une limite, et que cette loi soit établie par les états généraux qu’ils sont en train de nommer. Et ensuite ? Eh bien, ils ne songent pas à ensuite. Ensuite, beaucoup plus tard, s’il y a de nouvelles infortunes, on réclamera des états généraux, comme on le fait aujourd’hui, on les nommera, et ils remédieront. La périodicité des états faisant la loi des finances et en contrôlant l’exécution, c’est-à-dire le système parlementaire, c’est-à-dire la liberté politique, est une idée qui n’existe pas dans les Cahiers. Les hommes de 89 n’ont pas plus songé à la liberté qu’à l’égalité.

 LES CAHIERS DE DOLEANCES DE LA FRANCE dans AUX SIECLES DERNIERS Cahier_Angers

Cela veut dire qu’ils étaient des monarchistes. L’idée qu’un Français de l’Ancien Régime se faisait de la monarchie était celle-ci : « Le roi gouverne. Il gouverne conformément à la loi ; car nous ne sommes pas des Turcs, nous avons des lois. Quand il ne gouverne pas conformément à la loi, c’est que la loi est mal faite ou qu’il n’y a pas de loi. Dans ce cas-là, il faut en faire une. Les états généraux sont institués pour faire ou suggérer une loi précise et conforme aux nécessités nouvelles que le temps apporte. Quand ils ont rempli cet office, ils s’en vont ; et le roi gouverne conformément à la loi nouvelle. » Et ne faut-il pas qu’il soit surveillé et contrôlé dans l’exercice de son pouvoir, dans la manière dont il exécute la loi ? Mais alors il ne gouvernerait pas ! Mais alors, vous n’avez donc pas confiance en lui ? Vous n’êtes donc pas monarchistes ?

Tout le monde en 1789 était monarchiste et personne ne voulait du pouvoir arbitraire ; et tout le monde, plus ou moins confusément, croyait qu’il suffisait d’une loi précise pour que le pouvoir ne fût pas arbitraire. Quant au gouvernement du pays par le pays, quant au système parlementaire continu, personne, presque, ne me semble y avoir songé, parce que cela, c’est, au fond, le républicanisme, et qu’il n’y avait pas de républicains en 1789.

Les Cahiers n’ont donc, en vérité, demandé ni l’égalité ni la liberté. Ont-ils songé, d’autre part, à une grande régénération morale de la nation, s’interroge ensuite Faguet ; se sont-ils dit que toute révolution profonde est une révolution religieuse ou ayant le caractère d’une révolution religieuse ? Encore moins. C’est la grande faute de la Révolution française, selon Quinet, de n’avoir pas voulu, osé ou daigné être une révolution religieuse. Quinet raisonne ainsi : « Si la Révolution française était une révolution purement économique et administrative, elle était finie le 4 août 1789. La preuve qu’elle était autre chose, dans les voeux, dans les désirs, dans les volontés, dans la conscience de la nation, c’est qu’elle n’a nullement été finie le 4 août. Elle a continué ; parce que la révolution économique n’était rien du tout, et que, à travers les tempêtes révolutionnaires, c’était la révolution religieuse que les Français poursuivaient. Seulement, mal servis par leurs commettants, ils n’ont pas réussi à la faire. Et elle n’est pas faite encore. Le progrès matériel, qu’est-ce que cela ? La révolution était autrement idéaliste. Une grande révolution religieuse qui voulait se faire, qui ne s’est pas faite, et qu’il faut accomplir, voilà la Révolution française. »

Il est possible, assène Emile Faguet ; mais les Cahiers de 1789 n’éclairent pas sur ce point, ou s’ils éclairent, ce n’est nullement pour nous diriger vers l’idée chère à Edgar Quinet. Il n’y a pas un mot de révolution religieuse, de révolution morale, de révolution de conscience dans les Cahiers de 89. Les Cahiers de 89 ne sont nullement philosophiques. La plupart veulent que la religion catholique demeure religion d’État. « La France, dit M. Champion, demeure si foncièrement catholique qu’elle a beaucoup de peine à se défaire de sa vieille intolérance. Ce n’est pas seulement l’Église ; qui, plus de dix ans après la mort de Voltaire, se résigne difficilement à l’édit en faveur des protestants et veut que la religion nationale conserve tous les privilèges d’une religion d’État ; c’est aussi une grande partie du Tiers. En général, quand il admet l’état civil des non catholiques et leur participation à certains emplois, il leur refuse toute place dans l’administration judiciaire, dans l’enseignement, dans la police ; ils n’auront ni temples, ni assemblées, ni cérémonies publiques ; ils seront tenus de garder le silence sur les questions religieuses. » A Auxerre, le Tiers supplie le roi de défendre la foi contre les atteintes de la nouvelle philosophie à Paris, il sait que « tout citoyen doit jouir de sa liberté de conscience ; mais l’ordre public ne souffre qu’une religion dominante, etc. » Lisez M. Champion. Au point de vue de la « révolution religieuse » les Cahiers de 1789 sont tout simplement réactionnaires.

Ainsi, affirme l’académicien, le peuple de 1789 est religieux et fidèle à l’Eglise catholique en immense majorité. Il la veut moins riche, oui ; il veut l’appauvrir, oui ; il veut l’abolition de la mainmorte et autres abus inouïs dont vous trouverez le détail dans M. Champion ; il veut que des richesses colossales qui ont été données au clergé pour servir au bien public, et qui, depuis longtemps, n’y servent plus du tout, soient enlevées à l’Église. Mais ici nous rentrons dans ce que j’appelle la révolution économique ; et il ne s’agit plus de révolution religieuse.

Liberté, égalité, transformation religieuse et morale voilà ce que les Cahiers de 1789 n’ont pas demandé du tout. Voilà quels n’étaient pas les vœux de la France en 1789. Mais quels étaient, donc ces vœux ? Voici.

Ce peuple mourait de faim. Les Cahiers sont une longue doléance d’un peuple qui voudrait manger un peu. « La misère extrême du peuple », voilà le refrain des Cahiers de la noblesse et du clergé. Quant au peuple il ne dit pas autre chose, et pour cause : « Je ne sais quoi demander, dit naïvement quelqu’un de Rocquencourt, la misère est si grande qu’on ne peut pas avoir de pain. » Les gens de Pontcarré : « Réduits à la plus affreuse indigence nous n’entendons que les cris d’une famille affamée à laquelle nous regrettons presque d’avoir donné le jour. » A Suresnes, où il y a cinq cents familles, cent cinq ont besoin de secours. A Châtellerault les paysans n’ont jamais mangé que du pain noir ; et maintenant, ils n’en ont plus. En Touraine « la moitié des ménages font réponse qu’ils n’ont pas de pain, versant des larmes, se désirant hors de ce monde ».

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La mendicité, à cette époque, c’est purement le brigandage en permanence. Les hordes de mendiants campent dans les paroisses et prélèvent leur impôt, après tant d’autres, par la terreur. « Nous, pauvres laboureurs, disaient les paysans du Boulonnais, sommes bien exposés à bien des peines, de faire l’aumône le jour et même la nuit, aussi bien ceux qui ne le peuvent pas que ceux qui le peuvent, crainte de mauvaises suites, à cause de la grande misère et autres choses. »

Il faudrait des hôpitaux, des asiles, des refuges pour canaliser toute cette misère onéreuse et redoutable. Encore (voici la note pessimiste et désespérée, qui est bien curieuse), encore on ne sait trop s’il le faut bien désirer, « ces établissements multipliant les débauches et les excès ; et l’on entend dire là où il y en a : Nous ne risquons rien de boire et de nous divertir nous irons à l’hôpital. » Quand un peuple en est là !… Voilà le tableau vrai. Savez-vous qui a fait le résumé le plus précis des Cahiers de 1789 ? C’est La Fontaine dans le Paysan du Danube.

Quelles sont pour les rédacteurs des Cahiers de 89 les causes de tant de maux affreux ? 1° L’absence de constitution fixe ; 2° L’absence de lois précises et les mêmes pour tous ; 3° Une administration déplorable ; 4° L’existence et le maintien des droits féodaux. Voilà les maux que les Cahiers de 1789 ont dénoncés. Ils ont voulu une révolution administrative et une révolution économique, et rien autre. Ils ont voulu que le domaine national eût son règlement, sa loi précise et fixe, une exploitation intelligente et sans gaspillage, et qu’ainsi tout le monde pût y trouver à peu près sa subsistance. Ils ont voulu exterminer du patrimoine le caprice, l’arbitraire, le temps perdu, l’argent perdu, le travail perdu, pour qu’il rendît au profit de tous et de chacun tout ce qu’il pouvait rendre. C’étaient des paysans qui trouvaient que la grande ferme n’avait ni bon règlement de travail, ni bons régisseurs, et qui voulaient qu’on leur accordât ces deux biens très précieux. Les vœux n’allaient pas au delà.

Premier point, sur lequel ils sont tous d’accord : donner une constitution à la France ; ne pas voter un sou de subsides avant d’avoir donné une constitution à la France. Ils se sont parfaitement aperçus que la France n’en avait pas. Elle en avait une, mais si ancienne, si surannée et si oubliée que c’était comme si elle n’eût pas existé. La faire revivre eût été lui en donner une vraiment nouvelle. Comme disait très bien M. de Staël un peu plus tard, c’eût été faire une constitution que de « faire marcher une constitution qui n’avait jamais été qu’enfreinte ». Ils avaient parfaitement raison. Ce qui manquait le plus à la France, c’était de savoir comment elle vivait. Elle n’en savait rien du tout. Le roi ne le savait pas ; les ministres ne le savaient pas ; les parlementaires n’en savaient rien, et les sociologues en ignoraient comme les autres. On allait absolument au hasard, c’est-à-dire en plein arbitraire, mais dans un arbitraire qui sentait qu’il n’était pas légitime, et qu’il aurait dû ne pas être. C’est la pire des situations. Le roi savait qu’il devait obéir à quelque chose, et ne savait pas à quoi obéir ; de sorte qu’il y avait dans ce gouvernement un mélange de témérité et de timidité, qui aboutissait à une perpétuelle inquiétude. L’inquiétude est le mal de la France depuis le XVIesiècle jusqu’au XIXe. C’est un état qui n’a pas de base. Savoir ce qu’on est, pour savoir un peu ce qu’on devient, c’est le souhait modeste des Cahiers de 1789, dans l’ordre sociologique.

Car, remarquez, tous demandent que l’on fasse une constitution, aucun ne dit laquelle il faut faire. Nulle indication là-dessus. Sont-ils pour l’ancienne constitution redevenue une vérité, comme la Charte de 1830 ? Sont-ils pour un essai du système anglais ? Sont-ils américains, et veulent-ils cette « démocratie royale » qui fut une idée à la mode parmi les beaux esprits de Paris, de 1789 à 1791 environ ? Ils ne le disent pas. Ils ne disent ni ceci ni cela. Le mot le plus net que je trouve sur ce point dans différents cahiers, entre autres dans celui du clergé de Provins, est celui-ci, ajoute Faguet : « Les abus contre lesquels la nation réclame ont une source commune, le pouvoir arbitraire. Ce n’est qu’en le resserrant dans de justes limites qu’on peut espérer de rétablir l’ordre dans diverses parties de l’administration. »

Resserrer les limites de l’arbitraire, soit ; mais cela, encore, est dire seulement qu’il faut une constitution. Il y a l’arbitraire, c’est-à-dire le chaos ; il faut sortir du chaos ; il faut qu’il y ait quelque chose. C’est tout ce qu’ils demandent. Une constitution, rien de plus. Ils semblent dire : « N’importe laquelle, mais une constitution. » Au fond c’est bien leur état d’esprit. En 1789, on veut que le gouvernement gouverne d’une façon régulière. Voilà tout. Il est vrai que c’est quelque chose.

Le second vœu des hommes de 89, voeu presque aussi unanime, est l’établissement de lois nettes et qui soient les mêmes pour toute l’étendue du royaume. Un peu moins d’unanimité ici. Certaine attache à des franchises ou privilèges locaux dans quelques cahiers. On souhaite bien l’immense avantage d’une législation unique mais on voudrait quelquefois le combiner avec les profits d’une situation privilégiée. C’est très humain. Reconnaissons cependant qu’en général, l’unité et la netteté de législation sont le souhait ardent des hommes de 1789.

J’en suis enchanté, poursuit l’académicien. Mon décentralisationnisme (pardon !) n’en gémit nullement. La pire décentralisation, c’est la décentralisation législative. La décentralisation, c’est une série de mesures, individuelles, locales, provinciales, nationales, pour favoriser le développement, ailleurs qu’au centre, de la vie intellectuelle, commerciale, industrielle. Cela n’a presque aucun rapport avec l’unité de législation. Sous une loi unique, mais bien faite, une immense activité locale peut être permise, encouragée, protégée, et même provoquée.

Du reste nos vénérables pères de 1789 n’entraient point dans ces considérations de haute sociologie. Comme en tous leurs voeux, ici comme ailleurs, leur idée politique était une forme de l’honnête désir de ne pas mourir de faim. Ils désirent la refonte des lois et l’unification de la loi parce que la Picardie n’a pas le droit de faire de l’eau-de-vie avec son cidre, tandis que la Normandie a le droit d’en faire avec le sien ; parce que tel parlement permet de couper le blé comme on l’entendra, ce qui paraît naturel, tandis que tel autre interdit de le couper avec une faux ; parce que le royaume est zébré de douanes intérieures qui rendent tout commerce presque impossible, font la pléthore ici et la famine quatre lieues plus loin ; parce qu’une marchandise expédiée de Guyenne en Provence acquitte sept droits ; parce que sur la route de Paris en Normandie par Pontoise, dans un certain espace de quatre lieues, il y a droit de barrage à Saint-Denis, droit de passage à Épinay, droit de travers à Franconville ; et cela peut s’appeler les droits réunis ; parce que les gens de Toul ne peuvent littéralement pas sortir de chez eux sans rencontrer toutes les lieues des gardes, bureaux, etc. ; parce que l’Alsace et la Lorraine, « provinces à l’instar de l’étranger commercent librement partout, excepté avec la France et la Franche-Comté ; parce qu’on ne peut avoir dans les petites villes avoisinant Paris ni un marché ni un marchand ambulant, crainte qu’ainsi Paris ne soit affamé, et que, pour cette cause, on doit vivre sans manger quand on habite Nanterre ; parce que les routes, sauf quelques-unes, ne sont pas entretenues du tout, les fonds perçus pour leur entretien étant employés à toute autre chose ; parce que tout semble concerté pour rendre impossible la communication entre eux des différents membres du corps territorial.

Si la législation est absurde, l’administration est déplorable. Que voulez-vous que nous fassions de nos enfants ? Des commerçants ? On vient de voir comme le commerce est facile et rémunérateur. Des agriculteurs ? L’agriculture, sans un commerce facile, prompt et libre, est stérilisée, quand il n’y aurait pas dans la mauvaise répartition des impôts et dans les droits féodaux d’autres causes de stérilité que nous verrons ci-après. Des soldats ? Grâce aux nouvelles mesures (car ici le gouvernement de Louis XVI est moins libéral que celui de Louis XIV) ils ne pourront jamais, sinon par des procédés qui sont des fraudes et qui sont dangereux, devenir officiers. Ici la noblesse elle-même est presque aussi desservie que le Tiers. La carrière militaire devient financière tout comme la carrière judiciaire. Un noble pauvre peut tout au plus devenir lieutenant-colonel. Un enfant dont le père est noble, mais surtout riche, « à peine échappé du collège vient avec un étalage de luxe humiliant pour les autres apprendre à un capitaine de grenadiers ce que ce dernier avait enseigné à son père. Les larmes aux yeux, la noblesse supplie Sa Majesté de laisser les grades supérieurs ouverts au mérite. »

(D’après « Questions politiques », paru en 1899)

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L’INTERDICTION A LA MENDICITE

Posté par francesca7 le 21 octobre 2015

 

Mendiante_de_GuémenéAu milieu du XIXe siècle, Cherbuliez, correspondant de l’Institut de France et docteur en droit et en philosophie, remet en question le bien-fondé de l’interdiction de la mendicité, mesure qui selon lui « ne restreint la bienfaisance privée qu’en lui substituant une bienfaisance publique plus coûteuse, plus envahissante, plus dangereuse », fallacieux « cache-misère » traduisant la démission d’un État auquel la notion de justice sociale commanderait plutôt d’assurer le nécessaire à ceux qui en sont réellement dépourvus

Entre le misérable que des vices honteux rendent incapable de pourvoir à ses besoins, d’entretenir sa famille, d’élever ses enfants, et l’ouvrier laborieux qui n’a eu que le tort d’engendrer une famille trop nombreuse, il y a un abîme, dont ni le particulier charitable ni l’Etat ne peuvent faire abstraction, explique Cherbuliez ; le premier, parce que sa conscience ne le lui permet pas ; le second, parce que ses actes ne doivent jamais se trouver en désaccord avec la morale publique.

 

D’ailleurs, s’il est vrai que le père de famille qui tombe dans l’indigence puisse toujours l’imputer à un défaut de prévoyance dont il est strictement responsable, peut-on en dire autant des êtres qui dépendent de lui : de sa femme, de ses enfants, qui ne peuvent avoir d’autre volonté que la sienne dans tout ce qui concerne leur intérêt commun, l’intérêt économique de la famille ? N’est-ce pas malgré eux, souvent à leur insu, peut-être en dépit de conseils donnés ou d’efforts tentés par eux en prévision de ce malheur, qu’ils ont été entraînés dans l’indigence avec l’homme à qui incombait le devoir de les en préserver ?

Ici encore la bienfaisance rencontre ce dilemme impitoyable, qui ne lui laisse que le choix entre l’abandon de sa tâche et la violation d’un principe salutaire, entre une inconséquence et un danger. Si elle n’assiste pas les enfants et la femme du père de famille imprévoyant, elle fait injustement peser sur eux la responsabilité qu’il devrait supporter seul ; elle frappe l’innocent avec le coupable. Si elle les assiste, elle affranchit le père de famille imprévoyant d’une grande partie de sa responsabilité ; elle assiste de fait le coupable avec l’innocent ; elle s’expose à produire par là, chez tous les pères de famille pauvres, une attente dont l’effet sera déplorable.

Enfin le critère dont il s’agit, en supposant qu’il fût applicable à la bienfaisance privée, ne devrait pas s’appliquer à la bienfaisance publique, dont le but principal est d’empêcher que l’indigence ne devienne une cause de scandale ou d’insécurité. Les indigents les plus vicieux et les plus pervers sont précisément ceux qu’il importe le plus à l’Etat de soustraire au vagabondage, à l’oisiveté, aux dangereuses suggestions de la misère. Ces indigents-là doivent donc être les premiers, Cherbuliez allant jusqu’à dire qu’ils devraient être les seuls objets de la bienfaisance publique.

Pour l’Etat, l’indigence est une maladie du corps social ; ce qui le concerne et l’intéresse, dans ce fait, ce ne sont pas les privations et les souffrances individuelles des indigents, c’est uniquement l’influence que la somme de ces maux individuels peut exercer sur la vie sociale et sur le développement économique. C’est contre ce malaise social qu’il doit lutter ; c’est ce malaise qu’il a mission de repousser, par tous les moyens dont il dispose, comme il repousserait la peste, la guerre ou l’émeute.

Dans cette lutte contre les effets sociaux de l’indigence, contre le fléau du paupérisme, l’Etat doit sans doute s’abstenir, autant que possible, de favoriser l’accroissement du mal qu’il combat ; mais ce n’est pas à des distinctions morales qu’il doit avoir recours pour cela, puisque ce correctif serait en contradiction avec le but même que l’Etat se propose, avec le service que la société attend de son gouvernement.

Abordant la question de l’interdiction de la mendicité, notre auteur estime qu’avec son cortège inévitable de dispositions et d’habitudes vicieuses, elle devient aisément un mal social, un danger, une menace pour la sécurité générale et l’ordre public, dont la sauvegarde est confiée au gouvernement. L’Etat intervient alors pour la protection de ces grands et légitimes intérêts ; il interdit la mendicité ; il en érige les actes en délits, et les punit de peines plus ou moins graves, selon le degré de civilisation auquel la société est parvenue.

Or, l’Etat ne peut pas appliquer ce correctif à la bienfaisance privée sans s’imposer l’obligation d’assister lui-même les indigents qu’il prive de leur unique ressource. La somme d’indigence qu’a produite la bienfaisance privée, et que révèle la mendicité, est un fait donné, qu’on ne supprimerait pas en le négligeant, une charge actuelle, que la société s’est peu à peu imposée et qu’elle ne saurait secouer tout à coup. L’Etat peut statuer pour l’avenir, selon ses lumières ; mais il doit avant tout pourvoir aux besoins présents, que l’aumône a créés et auxquels l’aumône va être retirée.

 

En lui-même, d’ailleurs, l’acte de mendier n’a rien d’immoral, rien de répréhensible. Quoi de plus naturel et de plus légitime, pour celui qui manque du nécessaire, que d’implorer la pitié ou la charité de ceux qui ont le superflu ? Un tel acte ne devient immoral que si la privation du nécessaire n’existe pas, si elle est simulée et faussement alléguée, en vue d’exploiter la pitié et la bienveillance d’autrui ; car, alors, il prend le caractère d’un mensonge intéressé, d’une fraude calculée, en un mot d’une escroquerie.

Pour que l’Etat puisse ériger en délits tous les actes de mendicité, il faut donc qu’il leur donne à tous ce caractère de mensonge intéressé, en fournissant et en assurant le nécessaire à ceux qui en sont réellement dépourvus. Une justice évidente et une logique rigoureuse imposent donc à l’Etat, qui veut interdire la mendicité, l’obligation d’assister les mendiants. L’obligation ne naîtrait pas si l’interdiction n’était pas prononcée ; mais l’interdiction prononcée ne se réaliserait pas, elle serait nécessairement éludée, violée, bientôt mise en oubli, si l’obligation n’était pas acceptée ou si elle n’était pas remplie.

Or, une fois que la bienfaisance publique est ainsi organisée en vue des besoins présents, elle produit son effet normal, qui est d’entretenir, de perpétuer, d’accroître l’indigence, par conséquent de se perpétuer elle-même et de s’étendre en se rendant de plus en plus nécessaire. L’interdiction de la mendicité ne restreint la bienfaisance privée qu’en lui substituant une bienfaisance publique plus coûteuse, plus envahissante, plus dangereuse ; c’est un correctif illusoire et fallacieux, semblable à certains remèdes, qui, étant appliqués à une éruption locale, refoulent dans la masse du sang l’humeur que cette éruption en faisait sortir, et ne guérissent le mal visible qu’en y substituant des ravages latents, beaucoup plus graves et plus douloureux.

L’état du paupérisme dans un pays est communément apprécié, surtout par les étrangers, d’après le nombre des mendiants qu’on y rencontre. C’est un jugement tout à fait erroné. Les populations de mendiants ne se multiplient point, comme celles qui sont régulièrement assistées par la bienfaisance publique ; elles tendent, au contraire, à décroître.

L’INTERDICTION A LA MENDICITE dans AUX SIECLES DERNIERS 1024px-Mendiant_Saint-Eloy_PloudanielPlus loin, Cherbuliez confie que, bien loin d’admettre que l’étendue relative de l’indigence dans divers pays soit en raison directe du nombre des mendiants qu’on y rencontre, il est porté à croire, sans oser toutefois l’affirmer, qu’elle y est en raison inverse de ce nombre. La mendicité est une chose visible, que l’on mesure de l’œil par le bruit et le mouvement qu’elle occasionne, tandis que l’indigence générale est en grande partie latente et ne se révèle, dans ses proportions véritables, qu’aux regards d’un observateur très patient et très attentif.

Mesurer la seconde par la première, c’est mesurer la profondeur des eaux par l’agitation qui se produit à leur surface. Le bruit même et le mouvement qui accompagnent la mendicité, contribuent à empêcher l’indigence de s’accroître, en tenant l’attention du public constamment éveillée sur les symptômes par lesquels se révèle cet accroissement.

Cherbuliez avertit le lecteur de ne point donner à ses conclusions un sens absolu. L’interdiction de la mendicité n’est point une mesure économique ; c’est une mesure ou une loi d’ordre public, dont les motifs appartiennent à un ordre d’idées très différent de celui dans lequel il se renferme ici, précise-t-il encore.

(D’après « Précis de la science économique
et de ses principales applications » (Tome 2), paru en 1862)

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LE MARI AUX DEUX FEMMES

Posté par francesca7 le 19 octobre 2015

 

 
 
Mettant en scène Eliduc, vassal du roi de la Petite-Bretagne, un conte du XIIe siècle, récit paradoxal où ce qui dans d’autres circonstances s’appellerait crime est présenté comme le comble de la vertu, présente la belle et amusante légende du mari aux deux femmes, dont les traits essentiels se retrouveront plus tard et notamment en Allemagne avec un bas-relief du Moyen Age immortalisant cette étrange aventure…

Eliduc

Les voyageurs qui visitent la ville allemande d’Erfurt, en Thuringe, s’arrêtent, dans l’église de Notre-Dame, devant un bas-relief du Moyen Age, d’exécution assez grossière, qui est encastré dans le mur ; il était auparavant dans l’église Saint-Pierre, aujourd’hui démolie, et formait, horizontalement posé, le dessus d’une tombe. On y voit un chevalier de haute taille étendu entre deux femmes. Le sacristain ne manque pas d’expliquer que ce chevalier est un comte de Gleichen — le château de Gleichen est près de là, la famille n’existe plus — qui eut une étrange aventure. Gaston Paris, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nous rapporte ainsi cette légende :

 

« Parti pour Jérusalem, il fut fait prisonnier et employé, chez le Soudan, aux travaux du jardinage. La fille du Soudan le vit, fut frappée de sa bonne mine, puis, quand elle eut lié entretien avec lui, charmée de ses discours, touchée du récit de ses malheurs. L’amour la disposait à se faire chrétienne ; les exhortations du comte l’y décidèrent. Elle proposa au prisonnier de l’épouser devant l’Eglise. Grand fut l’embarras du comte, car il avait laissé en Thuringe une épouse aimée. Mais le désir de la liberté l’emporta sur toutes les autres considérations : il fit à la sultane la promesse qu’elle exigeait.

« Elle sut préparer et exécuter son hardi dessein, et bientôt les fugitifs arrivèrent à Rome. Le comte de Gleichen alla trouver le pape et lui exposa le cas. Le mariage promis n’ôtait-il pas sacré ? La princesse qui avait risqué ses jours sur la foi d’un chevalier chrétien et qui demandait le baptême en même temps que le mariage, pouvait-elle être déçue dans sa confiance ? Le pape fut touché de cette situation. C’était peut-être le même pape qu’un miracle avait si sévèrement réprimandé pour n’avoir pas admis à la pénitence le chevalier Tanhauser, qui, désespéré, était retourné chez dame Vénus et s’était damné pour toujours.

« Le pape montra cette fois plus d’indulgence. Il permit au comte de Gleichen de contracter un nouveau mariage sans rompre le premier, et d’avoir en même temps deux femmes légitimes. Nos vieux conteurs n’auraient pas manqué de se demander si c’était en récompense de ses prouesses ou en expiation de ses péchés. Le baptême et le mariage accomplis, le comte reprit le chemin dé la Thuringe, ne sachant trop comment il se tirerait de la seconde partie, et non la moins difficile, de sa tâche. La Sarrasine, habituée à la polygamie, ne voyait rien de choquant dans le fait d’avoir une partenaire ; mais que dirait l’Allemande ?

« Le comte laissa sa compagne un peu en arrière, et vint seul au château de Gleichen, où sa fidèle épouse l’attendait en priant pour lui. Quand les premiers transports de joie furent passés, il lui raconta toutes ses aventures, lui peignit l’horreur de sa captivité, lui apprit par quels prodiges de courage et d’adresse la fille du Soudan l’avait délivré, lui dit qu’elle l’avait suivi et s’était faite chrétienne, enfin lui avoua la promesse de mariage et l’exécution que cette promesse, du consentement du pape, avait reçue à Rome.

« La comtesse, après l’avoir écouté en pleurant, déclara que celle à qui elle devait de revoir son mari s’était acquis sur lui des droits égaux aux siens propres, et demanda à l’embrasser. Il courut la chercher, la comtesse alla au-devant d’elle et se jeta dans ses bras, et la vallée, située au pied du château, où les deux femmes se rencontrèrent, prit alors et a gardé jusqu’à présent le nom de Val de Joie. Ils vécurent longtemps heureux dans cette union à trois que rien ne troubla. Au siècle dernier, on montrait encore à Gleichen le grand lit où le comte reposait entre ses deux femmes, comme il repose en effigie sur la pierre sépulcrale d’Erfurt. »

Cette légende se présente à nous pour la première fois en 1639. Elle était si connue en Allemagne et si peu discutée que Luther l’accepta comme précédent pour autoriser le mariage du landgrave Philippe de Hesse. Les variantes et les incertitudes du récit démontrent, suivant Gaston Paris, que nous avons là un des exemples si nombreux de ce qu’on a nommé la mythologie iconographique ; le peuple éprouve toujours le besoin d’expliquer les œuvres d’art dont le sens est perdu. Le tombeau à trois personnages, parmi les sépultures de la famille de Gleichen, ne portant aucun nom, on imagina que c’était un comte qui avait eu deux femmes, avec l’autorisation du pape, dans des circonstances extraordinaires, et telles que les croisades pouvaient en fournir.

 

hiteSnakeEn 1836, le tombeau fut déplacé, on fouilla le caveau sous-jacent, et un médecin, après avoir examiné les crânes qui s’y trouvaient, déclara que l’un d’eux présentait les caractères anatomiques d’une femme de race orientale. Or, il n’est pas même certain que ce crâne soit celui d’une femme.

On retrouve les traits essentiels de celte légende dans un roman français du XVe siècle ; le héros est un seigneur de Trasignies en Hainaut. La même donnée se rencontre, traitée un peu diversement, dans un conte emprunté au XIIe siècle, par une poétesse française, Marie de France, aux traditions celtiques. Ce conte est le plus beau lai d’Eliduc. Gaston Paris analyse ce récit breton.

Eliduc, vassal du roi de la Petite-Bretagne est disgracié ; il quitte sa dame Guildeluec, bien qu’il l’aimât, et s’embarque pour la Grande-Bretagne. Là, il délivre la belle Guilliadon, qui lui déclare son amour et lui offre sa main. Il n’ose dire qu’il est marié. Ils s’aiment platoniquement. Eliduc est rappelé dans son pays ; il va partir. « Emmenez-moi, dit la belle, ou je me tuerai ! » Il l’emmène. Un orage éclate sur mer pendant le voyage ; elle tombe inanimée. Il ne peut se résoudre à l’enterrer ; une fois à terre, il la place sur un lit.

« Belle, dit-il, à Dieu ne plaise que je continue à vivre dans le siècle ! Douce chère, c’est moi qui ai causé votre mort. Le jour où je vous mettrai en terre, je prendrai l’habit de moine, et je n’aurai d’autre adoucissement à ma douleur que de venir chaque jour à votre tombe. » Puis il gagne son manoir, où sa femme l’accueille avec grande joie ; mais il ne lui montre qu’un visage triste et ne lui dit pas une parole d’amitié. Chaque jour, dès le matin, il s’enfonçait dans la forêt et venait à la chapelle où gisait son amie. Il la contemplait longuement, émerveillé de lui voir toujours les couleurs et l’apparence de la vie, pleurait, priait pour son âme et ne rentrait chez lui qu’à la nuit close.

« Un jour qu’Eliduc avait été obligé de se rendre à la cour du roi, sa femme prit elle-même le chemin de la forêt et arriva dans la chapelle. En apercevant le corps étendu sur le lit, elle comprit tout ; mais quand elle vit la merveilleuse beauté de Guilliadon, encore fraîche comme une rose nouvelle et joignant sur sa poitrine ses mains blanches et ses doigts effilés, la jalousie fit place aussitôt dans son âme à un tout autre sentiment : C’est pour cette femme, dit-elle à l’écuyer qui l’accompagnait, que mon seigneur mène un si grand deuil. Sur ma foi, je le comprends. En voyant une telle beauté en proie à la mort, mon cœur se serre de pitié, en même temps que l’amour le remplit de douleur. Et s’asseyant devant le lit, elle se mit à pleurer celle qui avait été sa rivale. »

Elle est rappelée à la vie. Elle se réveille.

« — Dieu ! que j’ai dormi ! La dame l’embrasse et lui demande qui elle est : Dame, je suis de Logres et fille d’un roi. J’ai aimé un chevalier appelé Eliduc, qui m’a emmenée avec lui et cruellement trompée. Il avait une femme et ne me le dit pas. En l’apprenant, j’ai perdu connaissance, et voilà qu’il m’a abandonnée sans secours dans une terre inconnue. Il m’a trahie, et je n’ai d’autre tort que de l’avoir aimé. Folle est celle qui se fie à un homme !

« — Belle, répond Guildeluec, vous vous trompez. Eliduc, à cause de vous, ne connaît plus de joie dans ce monde. Il vous croit morte, et chaque jour il vient ici vous contempler en pleurant. C’est moi qui suis son épouse. La douleur où je le voyais vivre me brisait le cœur ; j’ai voulu savoir où il allait, je l’ai suivi, je vous ai trouvée, je vous ai rappelée à la vie et j’en ai grande joie. Soyez heureuse : je vous rendrai à celui que vous aimez ; je vous le laisserai et je prendrai le voile.

« Elle fait chercher Eliduc ; en voyant les transports de joie des deux amants qui se retrouvent, elle lui demande de la laisser partir, se faire nonne et servir Dieu, afin qu’il puisse prendre celle qu’il aime ; car il ne convient pas à un homme de garder deux femmes, et la loi ne peut le permettre. Elle se fait construire une abbaye autour de l’ermitage, et s’y enferme avec trente nonnes. Eliduc épouse la belle Guilliadon, et ils vivent longtemps heureux.

« Enfin tous deux sont las du siècle. Eliduc bâtit à son tour un couvent où il se retire ; Guilliadon va rejoindre dans son monastère Guildeluec, qui la reçoit comme une sœur : elles priaient pour leur ami et leur ami priait pour elles. Ainsi tous trois finirent leurs jours. De leur aventure, les anciens Bretons courtois firent un lai, dont Marie a mis le thème en vers dans la douce langue de France. »

Gaston Paris conclut en exprimant l’opinion que la légende a pris naissance dans l’Europe orientale. Il y voit surtout un exemple de vertu féminine et de tendresse conjugale, un pendant à l’histoire célèbre de la patience de Grisélidis. Paris se demande s’il ne serait pas possible de moderniser ce vieux conte si touchant. Il ne le croit guère : Goethe a échoué avec son drame Stella, qui n’était pas autre chose que le Mari aux deux femmes.

« Notre bizarre légende semble donc bien morte, au moins pour la poésie dramatique. Elle contient cependant un élément vraiment poétique, je ne sais quoi de touchant et de rare ; dans le lai de Marie de France, elle nous apparaît belle et fraîche TOMBEAUencore, comme Guilliadon dans la chapelle, et qui sait si la fleur merveilleuse qui lui rendrait la vie est introuvable ? C’est le secret de ces enchanteurs qu’on appelle des poètes. »

Gaston Paris a voulu seulement constater le succès qu’obtint jadis ce récit paradoxal où ce qui dans d’autres circonstances s’appellerait crime, est présenté comme le comble de la vertu, et rapprocher l’une de l’autre les diverses formes qu’il a prises, en se modifiant suivant les temps et les lieux, en Allemagne, en Bretagne et en France.

(D’après « La Tradition », paru en 1888)

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Chèvre noire et divinités des Cimetières

Posté par francesca7 le 19 octobre 2015

 

 

La chèvre étant, de tous les animaux, celui que préfèrent les divinités de la terre féconde et des profondeurs infernales dans les plus anciennes conceptions de la mythologie grecque, et cette idée perdurant à l’époque gallo-romaine ainsi qu’en témoignent les nombreux sarcophages gallo-romains sur lesquels figure l’animal, faut-il y voir une explication à la légende relatant l’apparition d’une chèvre noire lorsqu’une ancienne croix fut mutilée dans un cimetière de la Drôme menacé par l’installation d’une gravière ?

divinité des cimetières

Le Zeus primitif, plus d’une fois symbolisé par des haches en pierre, fut le Dieu des cavernes et fut élevé dans un antre du massif crétois de l’Ida, au coeur de cette montagne qu’Hésiode appelait la Montagne aux Chèvres. Zeus passait pour avoir été nourri par la chèvre Amalthée, dans l’antre de Psychro, situé dans le mont Lassithi, au sud de la ville crétoise de Lyktos. Ce sanctuaire, où l’on a retrouvé de nombreux ossements de chèvres, était beaucoup plus ancien que celui de l’Ida et paraissait avoir été fréquenté surtout aux XIIe et XIe siècles avant notre ère.

Les idées romaines à ce sujet sont encore plus significatives, puisque la chèvre apparaît sur un très grand nombre de sarcophages. Pour ne citer que la Gaule seule, le recueil d’Espérandieu indique à Narbonne un tombeau sur lequel figurent des chèvres ; dans la région de Tarbes, un fragment de stèle avec des chèvres en train de brouter ; à Saint-Cricq, près d’Auch, un sarcophage où deux chèvres s’attaquent à coups de cornes. A Saint-Médard-d’Eyran, deux sarcophages représentent de nombreuses chèvres, isolées ou groupées, en même temps que les divinités chtoniennes (du mot grec signifiant la terre), allongées par terre et tenant à la main des cornes d’abondance. Si l’on ajoute ces innombrables bas-reliefs, où le Mercure gallo-romain est accompagné d’une chèvre, sans doute parce qu’il remplit ici le rôle d’une divinité psychopompe, l’on est obligé de reconnaître que la chèvre a pris, dans l’antiquité polythéiste, une grande importance dans les conceptions funéraires et infernales.

En outre, les dieux infernaux étant également les dispensateurs des richesses, il n’est dès lors pas étonnant : 1° que les cavernes, les puits funéraires et les tombeaux n’aient eu leurs chèvres, gardiennes ou symboles des trésors que renferment la terre et le monde infernal ; 2° que ces animaux, au service ou en rapport avec les dieux de la richesse, aient été représentés, dans l’imagination des peuples, comme étant en or ou en tout autre métal précieux.

En 1917, Anfos Martin, inspecteur de l’enseignement primaire et directeur de la revue Le Bassin du Rhône, rapporte une légende recueillie à l’occasion d’un de ses passages annuels aux abords du cimetière Saint-Paulet, situé à droite du chemin allant de Souspierre à Sallettes, dans la Drôme, et plus précisément entre la route montant à Eyzahut et le ruisseau le Vermenon – sur le terrain enregistré sous le n°117 du plan cadastral de Souspierre, section de Saint-Paulet, quartier de la Blanche. Il est si ancien que le plan cadastral et les matrices qui l’accompagnent n’en font pas mention, le terrain qu’il occupe n’étant au demeurant pas propriété communale.

L’inspecteur explique que ce cimetière est en passe d’être ruiné depuis qu’on vient y extraire du gravier pour les chemins. La coupe de terrain de la gravière montre, entre la couche de terre arable et le gravier que l’on extrait, une rangée de tombes ouvertes par où sortent des crânes, des tibias et divers ossements. Ces tombes sont constituées sur les côtés par de larges pierres plates posées de champ, les unes à la suite des autres, et, à la partie supérieure, de pierres semblables disposées de la même façon, mais posées à plat.

imagesDans la terre provenant de la couche arable, on trouve, avec les débris d’ossements, de petits vases en poterie bleutée. Le piédestal assez original d’une ancienne croix dont le bras horizontal manque, occupe l’angle du chemin de Salettes et de la nouvelle route d Eyzahut. Depuis neuf ans, je passe chaque année en cet endroit, et je m’y arrête dans l’intention de voir s’il n’y a rien à glaner pour l’histoire du pays, ajoute notre Anfos Martin. Je n’y ai encore recueilli jusqu’ici qu’une légende. Cette légende est d’autant plus intéressante que les fermiers des environs la tiennent pour un fait véritable.

En voyant la vieille croix mutilée, je demandai, il y a quatre ans, au propriétaire actuel du terrain, M. Chavagnac, qui habite dans une ferme à côté, s’il connaissait l’auteur de cette mutilation et de la mutilation d’ailleurs de toutes les croix des environs. Il me répondit qu’il ne le connaissait pas. Je le questionnai alors, et c’est là que je voulais en venir, sur l’ancienneté de la croix et sur le cimetière. Nous causâmes longuement. Je lui fis remarquer combien il était attristant, pour un homme qui avait un peu de cœur, de voir profaner un cimetière, de voir des squelettes humains foulés aux pieds et broyés par les roues des tombereaux ; je gagnai sa confiance et il me raconta ce qui suit.

« Mon père, lorsqu’il acheta, peu après la guerre de 1870, la propriété que je possède, trouva la vieille croix complètement démolie. Il la releva avec le concours des fermiers voisins et cela, à la suite de l’apparition mystérieuse, la nuit, sur le cimetière, d’une chèvre noire, qui sautait, bondissait, lançait des coups de cornes terribles dans l’air, puis disparaissait subitement, lorsqu’on voulait s’en approcher. » Cette Chèvre qui lui était apparue plusieurs fois ainsi qu’à d’autres personnes, ne se montra plus dans le cimetière dès que la croix en eut été relevée.

Mais… « Ah ! Monsieur quelle affaire ! Depuis que cette croix a été mutilée, la chèvre est revenue. Je l’ai vue, il y a peu de temps encore, une nuit de clair de lune, en rentrant un peu tard de la foire de La Bégude, où j’étais allé vendre des bestiaux. Elle était au-dessus des tombes et regardait dans la gravière. Tout à coup elle se retourna, tournoya dans les touffes de buis, se cabra et fonça tête basse dans la nuit. Je hâtai le pas pour être, au plus tôt, en sécurité, au milieu de ma famille. »

Ce récit d’un paysan que je jugeai superstitieux, poltron et sujet à des hallucinations après avoir bu, peut-être, plus que de coutume les jours de foire, aurait certainement disparu à mon esprit, si la lecture de l’article de notre collègue M. Guénin, de Brest, sur « La Chèvre en Préhistoire » ne me l’avait rappelé, poursuit Anfos Martin. Pensant que la chèvre du cimetière de Saint-Paulet pouvait bien être celle qui accompagne, sur les bas-reliefs, le Mercure gallo-romain, ou bien une de celles qui sont représentées sur les sarcophages de la Narbonnaise, et certainement une des chèvres légendaires qui peuplent les cimetières gallo-romains, j’ai profité, aujourd’hui, de mon passage annuel à Salettes pour faire une enquête sur ses apparitions.

 

Le secrétaire de mairie, M. Brès, qui s’est mis aimablement à ma disposition pour l’examen du cadastre, n’en avait jamais entendu parler ; mais il s’est rappelé, qu’il y a environ quatre ans, époque qui correspond a mon entretien avec M. Chavagnac, les gens de Souspierre et des environs furent bien surpris de voir, un beau jour, appendu à la vieille croix, un magnifique pain au-dessous duquel avait été placés quelques sous, cinq, dit-il, en menue monnaie. Ce pain et ces sous restèrent plus de trois semaines sur la croix. On ne sut jamais qui les avait mis. M. Brès pense maintenant qu’il y a un rapport entre ce fait et celui de l’apparition de la chèvre à cette époque. A son avis le pain et les sous étaient une offrande pour apaiser la chèvre irritée par la profanation du cimetière, et dont l’apparition était rendue possible par la mutilation de la croix.

Cette offrande, par sa nature, semble d’ailleurs bien être elle-même la survivance d’une coutume gallo-romaine. Le propriétaire de la ferme qui est un peu avant d’arriver au vieux cimetière, M. Armand, un homme de 73 ans, qui a tout son bon sens m’a déclaré qu’il n’avait jamais aperçu la chèvre, mais que son voisin, M. Thomas qui demeurait dans une ferme au dessus de la sienne et dont les trois enfants vivent encore, avait vu dans le cimetière, par une belle nuit étoilée, trois ou quatre chèvres qui se poursuivaient et se battaient, qu’il avait voulu s’en approcher, mais qu’elles avaient disparu tout aussitôt.

M. Armand était parmi ceux qui, vers 1873, relevèrent la vieille croix du cimetière ; il ne se permet pas de douter du dire de ses voisins, Thomas et Chavagnac. Questionné sur le pain et les sous qui se trouvaient sur la croix il y a environ quatre ans, M. Armand, assez embarrassé, m’a dit à peu près textuellement : « Ah ! Monsieur, vous savez, c’est là un vieil usage. Des gens qui avaient ou qui redoutaient un malheur dans leur maison, ont placé là ce pain et ces quelques sous pour que quelqu’un, en les emportant, emportât aussi avec lui le malheur ». Cette explication de M. Armand n’est pas en contradiction avec celle de M. Brès ; elle paraît au contraire la confirmer. Quoi qu’il en soit, j’ai été bien intéressé par mon enquête dont les résultats montrent, une fois de plus, combien, pour tout ce qui touche surtout au culte des morts, le passé, malgré les apparences, est encore vivant parmi nous.

Marcel Baudouin, membre de la Société préhistorique française, explique à la suite de ce témoignage d’Anfos Martin que selon lui, l’origine de toutes ces affaires de chèvre est relative au signe du Zodiaque, bien connu, qui est le Capricorne. Celui-ci était au solstice d’hiver, quand, 1500 ans avant J.-C, le Bélier était à l’équinoxe de printemps et fut lui-même à l’équinoxe d’automne au Néolithique supérieur (8000 ans av. J.-C.). Or qui dit équinoxe d’automne, ajoute Baudouin, dit – Flammarion l’a reconnu il y a longtemps – Fête de la Toussaint, Fête des Sépultures, Fête des Morts ! D’où l’histoire des chèvres dans les cimetières… Et de conclure : on a une preuve matérielle : « Les Représentations de Mercure [le Dieu-Soleil de l’équinoxe], qui, pour le printemps, est accompagné du Bélier et du Coq, et qui, pour l’automne, est accompagné de la Chèvre, comme vient de le redire M. Anfos Martin.

(D’après « Bulletin de la Société préhistorique française »,
n° de mars 1916 et février 1917)

 

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LA RECETTE DES GOBE-MOUCHES

Posté par francesca7 le 18 octobre 2015

 

Quelques campagnards méchants et madrés ont peut-être encore la recette des gobe-mouton, espèces de pilules destinées à faire mourir le troupeau du voisin.

Ces pilules se composent, dit-on, de bourre ou de filasse roulées en boulettes que l’on fait frire, ou que l’on enduit de poix de beurre, ou de miel. L’innocent animal, affriandé par l’enveloppe, GOBE avidement les pilules meurtrières placées le long du chemin, ou cachées cautereusement sous l’herbe par l’ennemi de son maître.

laboureursOn a ouvert des moutons soupçonnés d’avoir été GOBÉS ; leur estomac contenait en effet les fatales boulettes qui paraissaient confectionnées comme nous venons de l’expliquer.

En 1792, un laboureur des environs d’Evreux, accusé d’avoir détruit ainsi un troupeau, fut condamné à la flétrissure et à six années de galères. Cet homme appela du jugement. Le tribunal d’appel crut devoir consulter la société royale d’agriculture, sur la question de savoir si le gobe-mouton était en effet un moyen d’empoisonnement.

Il résulta du rapport de cette société que les prétendus gobe-mouton n’étaient que des égagropiles, c’est-à-dire des pelottes de poils ou de laines que l’on trouve dans la panse de plusieurs animaux ruminants, qui sont recouverts d’un enduit visqueux produit par les sucs de l’estomac, et qui en effet peuvent causer leur mort. (Egagropile est formé des mots grecsaïx, chèvre ; agrios, sauvage ; pilos, balle de laine).

Le séjour des poils et de la laine dans l’estomac en altère la couleur, de sorte qu’on peut les prendre pour de la vieille bourre. La société d’agriculture expliqua ainsi la formation des égagropiles.

Les animaux, en léchant leurs petits et se léchant eux-mêmes, ramassent sur leur langue des poils et des filaments de laine qui passent dans l’estomac ; les moutons particulièrement avalent de la laine ; en hiver, les plus avides s’enfonçant dans les rateliers, couvrent leur toison de fragments de fourrages que les autres s’empressent de brouter en arrachant de la laine qu’ils avalent en même temps ; en été, des flocons de laine s’accrochent aux broussailles, et les bêtes les mangent en broutant.

La société d’agriculture fortifia son avis d’un certificat du maître de poste de Nonancourt, qui avait plusieurs fois placé des gobe-mouton sur les chemins où paissait son troupeau et qui n’avait vu aucun animal y toucher.

Le malheureux laboureur ne fut point marqué du fer rouge, il n’alla pas aux galères, il fut absous. Mais on peut croire qu’avant lui, d’autres accusés moins heureux avaient été condamnés au supplice pour le même délit par des tribunaux qui avaient jugé sans un examen aussi approfondi.

 

D’après un article paru en 1835)

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Un fabuleux parcours sur nos terres de Légendes

Posté par francesca7 le 18 octobre 2015

 

 TERRES DE LEGENDES

 
Du vœu de Philippe-Auguste lui permettant de braver la mort, à la fontaine du Réveillon dont l’eau assure à qui la boit de revenir au toit natal sans périrsur des terres étrangères, en passant par l’invocation d’un saint Paterne ouvrant miraculeusement une chapelle murée aux fidèles qui se voient guéris de la peste, ou bien la tour de la Reine-Blanche juchée sur un souterrain recelant un trésor jamais découvert, le pays de Gisors est fertile en touchantes légendes

Dans ses Souvenirs et impressions de voyage, le vicomte Walsh décrit sa découverte de Gisors, explique s’être rendu, guidé par son ami Théodore de Ronaud, sur un pont, jeté au travers de l’Epte, qui coupe la ville en deux : sur un des parapets, consigne-t-il, s’élève une statue de la sainte Vierge.

Elle est là pour apprendre qu’un de nos plus vaillants rois, Philippe-Auguste, a failli périr dans cette petite rivière, dans une rencontre qu’il eut avec Richard Cœur de lion. Après avoir été privé de l’aide des chevaliers les plus renommés de son armée, accablé par le nombre, il avait été forcé de chercher un refuge dans Gisors ; mais, si pour charger l’ennemi, Philippe était toujours un des premiers, quand il s’agissait d’abandonner du terrain aux Anglais, il était loin d’être en tête…

 

Beaucoup de fuyards avaient donc passé avant le roi, sur le pont qui donnait alors entrée dans la ville… Et tout ce monde et tous ces chevaux l’avaient tellement ébranlé, que lorsque Philippe-Auguste fut au milieu, la voûte s’écroula , et le roi vêtu de son armure, et son cheval recouvert de son caparaçon de bataille, et les chevaliers bardés de fer qui se pressaient auprès du monarque, tombèrent pêle-mêle dans la rivière, dont les pluies d’automne avaient beaucoup grossi les eaux. Au moment d’être noyé, Philippe fit vœu à la sainte Vierge que, s’il échappait à ce péril, il lui élèverait une statue ; le vœu a été tenu.

Une croyance du pays, superstitieuse et touchante, a trait à la fontaine du Réveillon. Quand, après avoir visité le cachot du prisonnier, je me rendis à la tour de la Reine-Blanche sur le coteau de Neaufle-Saint-Martin, explique Walsh. Il faisait une extrême chaleur et, dans cette exploration, mon vieil ami me montra une source dont il vanta la fraîcheur des eaux, et m’invita à m’y désaltérer. Je suivis son conseil, et bus à longs traits à cette jolie fontaine, qui n’a pas d’autre nom dans le pays, que celui de Réveillon. Et quand je relevai la tête comme le soldat de Gédéon qui vient de boire au torrent, Théodore de Ronaud me dit :

– Je suis bien aise que tu aies bu de cette eau.

– Pourquoi ?

Un fabuleux parcours sur nos terres de Légendes dans FONDATEURS - PATRIMOINE 220px-Capitulation_de_Rouen_du_1er_juin_1204– Parce que cette eau est merveilleuse en ce point qu’il faut, quand on en boit, forcément revenir à Gisors, quelque part que l’on aille : du temps des croisades, raconte la tradition populaire, les pèlerins du canton qui avaient fait vœu de visiter la Palestine ne manquaient jamais d’aller boire au Réveillon, pour revenir au toit natal et ne pas mourir aux terres étrangères.

Du temps de l’Empire, alors que les jeunes Français étaient mis en coupe réglée, et que la gloire les emportait au loin, sur les pas du grand empereur, les mères des conscrits menaient leurs fils à la source qui rappelle, et leur faisaient boire de ses eaux. Touchante superstition que celle-là ! et si par hasard je m’étais trouvé sur le chemin d’une de ces femmes naïves et crédules, je n’aurais pas voulu, pour tout au monde, démontrer à la pauvre mère que les eaux du Réveillon n’avaient point de vertu particulière, point de puissance surnaturelle pour faire revenir au pays natal celui qui s’en est éloigné.

Quittant Gisors et Théodore, Walsh nous rend ainsi compte de la suite de son périple : je passai devant le beau château de Saint-Paër, qui appartenait naguère au vicomte d’Arlincourt, et qui va être démoli par la bande noire. Cette bande noire, mes jeunes amis, vous ne la connaissez peut-être pas, et si elle n’a rien détruit de vos souvenirs, rien abattu de vos manoirs de famille, je vous en félicite. Il y a en France, et un peu partout aujourd’hui, toute une classe d’hommes qui placent l’argent avant tout, et qui n’adorent qu’un Dieu : l’or !

Ces hommes ne tiennent aucun compte de ce qui ne rapporte pas, et n’estiment que ce qui augmente leur revenu ; vous leur diriez : N’ensemencez pas ce morceau de terre, n’y mettez pas à paître vos bestiaux, c’est de la terre sainte, c’est sous cette herbe que sont les cercueils de votre père et de votre mère ; ils la laboureraient !.. Cette église, que le temps et les prières des fidèles ont consacrée depuis six siècles ; cette antique et noble demeure, que la chevalerie a illustrée ; ne leur dites pas qu’elles doivent être conservées au pays, à cause de leurs vieux souvenirs, car ils se mettraient à éclater d’un stupide rire, et vous demanderaient ce que rapportent les souvenirs.

La bande noire se compose de ces hommes, et depuis quarante ans ce qui est tombé sous ses pics de fer est immense !… Ces impitoyables travailleurs ont couvert la France de la poussière qu’ils faisaient en abattant, en démolissant palais, églises, tombeaux, arcs de triomphe, oratoires des chemins, et hôpitaux des pauvres ! Ces hommes vont se mettre à l’ouvrage à Saint-Paër, et n’y laisseront pas pierre sur pierre. Alors le cœur du noble écrivain qui a vécu là saignera cruellement, et les pauvres seront tout déroutés dans leur misère, parce qu’ils n’y trouveront plus la Providence qui les y avait longtemps secourus !…

Voici ce que la tradition raconte de la chapelle de Saint-Paër, qui, ainsi que le château, va être démolie. Le saint sous l’invocation duquel était placé cet oratoire, était saint Paterne, fameux dans la contrée par les miracles qu’il y a faits, toujours en faveur des pauvres, des malades et des affligés.

Or, il arriva une année, que le pays de Normandie fut ravagé par de cruelles maladies ; il y avait tant de morts, que les cimetières devenaient trop petits, et que dans bien des paroisses il n’y avait plus de prêtres pour administrer les mourants, plus de fossoyeurs pour enterrer les morts. Ceux que le mal n’avait pas encore atteints, ceux qui souffraient déjà, mais qui pouvaient encore marcher, les femmes, les enfants, les vieillards, les riches chevauchant, les pauvres à pieds, venaient en pèlerinage à la chapelle de Saint-Paër.

Au commencement du fléau, le seigneur châtelain avait ouvert les barrières de son avenue et le porche de sa cour à cette pieuse affluence… Mais, au bout de quelques semaines, l’enceinte de son château devint semblable à celle d’un hôpital. Couchés sur de la paille, abrités par des draps tendus sur des perches coupées dans les bois, on voyait les moribonds luttant contre le mal, et les trépassés attendant la charrette des morts ; puis l’on entendait les cris et les gémissements de toute cette multitude affligée et souffrante. Ce spectacle était si attristant, et la contagion était tellement à craindre, qu’un jour le châtelain prit le parti de faire fermer aux pèlerins les cours, les grilles et la chapelle.

Alors, la foule s’irrite et maudit l’homme riche et sans entrailles qui la repousse, et qui ne veut pas qu’elle puisse prier saint Paterne, à l’endroit même où il a été enterré, et là où se sont opérés le plus de miracles. Une affreuse sédition allait éclater et ces hommes qui ressemblaient déjà à des spectres, s’étaient levés de leur paille, hideux et menaçants, quand un vieillard leur cria :

 

« Pour que Dieu nous guérisse, souvenons-nous de ses commandements ; il a dit : Tu ne tueras pas… Et si l’un de nous portait la main sur le riche qui nous ferme sa demeure, son sang versé nous serait non seulement une cause de mort, mais encore de damnation. Soyons donc résignés, pour ne pas mourir… et allons demander à nos prêtres de venir intercéder pour nous. » Les paroles du vieillard produisirent leur effet ; la colère des moribonds s’apaisa, et bientôt le châtelain n’entendit plus les cris de menace retentir sous ses fenêtres ; tous les pèlerins avaient quitté Saint-Paër… et le silence était venu s’établir là où s’étaient élevés des gémissements, des plaintes et des malédictions.

Mais le lendemain, dès l’aube du jour, le seigneur suzerain aperçut du haut de son donjon une longue procession qui s’avançait au milieu des champs que la maladie du pays avait fait laisser sans culture depuis plus de six mois. Les croix brillaient au soleil levant, et les bannières flottaient au vent du matin ; plus de dix paroisses s’étaient réunies pour venir implorer saint Paterne. Elles cheminaient en chantant les litanies, et quand la multitude chrétienne répondait, au nom de chaque saint, priez pour nous ! toutes les croix réunies n’en semblaient plus qu’une seule… Puis, par moments, des silences succédaient aux chants, et puis des chants aux silences !

Le doyen des prêtres, le curé de Bézu, marchait en tête de la procession… Il savait un sentier pour arriver à la chapelle sans passer par les cours du château, et c’était par ce côté qu’il avait dirigé la marche de gens qui, pour la plupart, semblaient être sortis du sépulcre, tant la maladie les avait rendus pâles, faibles et amaigris… O surprise ! ô douleur ! la grande porte de la chapelle est murée… et les petites portes latérales clouées, verrouillées et fermées par des barres de fer… Le curé ne perd pas courage, car il a mis sa confiance en Dieu. Il s’agenouille donc devant les grandes portes que les maçons ont bouchées pendant la nuit ; la procession entière l’imite ; et les voilà prosternés, priant ce même Seigneur qui fit jadis tomber les murs de Jéricho.

téléchargementSaint Paterne, priez pour nous ! crie le curé. Saint Paterne, guérissez-nous, répète la foule. Aussitôt la porte murée s’écroule, les petites portes s’ouvrent d’elles-mêmes, les mourants se précipitent dans la chapelle, y prient devant la sainte image du patron de la contrée, et en ressortent guéris… Mais, voyez la justice de Dieu !… La noble épouse du châtelain avait deux enfants jumeaux, entrant dans leur septième année. Jusqu’à ce moment , elle les avait préservés du mal contagieux qui désolait la province.

Ce matin-là même, elle était allée toute tremblante dire à son seigneur et maître : « Messire, vous empêchez ceux qui souffrent de venir prier dans notre chapelle, prenez garde que Dieu ne nous fasse souffrir… Hier au soir, une pauvre femme que vous avez, avec tant d’autres, renvoyée de la cour et de la porte de l’oratoire, où elle avait porté sa fille… s’est levée du seuil sacré, avec le désespoir dans l’âme, et, m’apercevant avec nos enfants à travers les vitraux, elle a haussé sa fille dans ses bras, toute raide et toute violâtre, et m’a crié : Dame châtelaine, ma fille ne serait pas morte, si ton mari ne nous avait pas chassés ; prends garde à tes enfants, car Dieu est juste ! – Laissez-moi, avait répondu rudement le seigneur de Saint-Paër, nos enfants se portent bien, cette femme n’est point prophétesse, et ces paroles ne leur porteront point malheur. »

Le châtelain se trompait quand il parlait ainsi, car soudain la femme qui avait soin du petit garçon et de la petite fille, entra dans la galerie, en s’écriant :

– Miséricorde ! miséricorde ! voilà le mal qui vient de prendre aux enfants de Messire et de Madame !…

– Je cours les porter à l’autel de saint Paterne, dit la mère effrayée…

– J’ai fait murer la porte, répondit le père.

– Vous avez voulu empêcher le saint de guérir les autres… Maintenant voudra-t-il guérir nos enfants ?

– Allez, vous qui êtes pure et pieuse comme un ange… allez ; moi, pendant ce temps, je vais prier ici, en me frappant la poitrine.

– Venez avec moi, Messire.

– Non, voyez tout ce peuple, il m’en veut de l’avoir renvoyé de notre enceinte, il me maudira et peut-être que ses malédictions retomberont sur ma fille et mon fils !

– Pour que Dieu et saint Paterne vous soient en aide, mettez, mettez l’orgueil de côté, et venez à l’oratoire.

– Allez chercher les enfants ; je vais vous suivre, dit le seigneur suzerain ;

Et, enveloppé de son manteau, le chapeau rabattu sur les yeux, il descendit les degrés de pierres de l’escalier tournant. Arrivé dans la cour, un de ses gens lui apprit comment les portes de la chapelle s’étaient miraculeusement ouvertes. « Dieu est pour eux, murmura le baron, sera-t-il pour moi ? » et il avança. Oh ! il fallait que l’amour paternel fût bien fort, bien avant dans son cœur, car alors son orgueil le faisait horriblement souffrir…

Un homme de la campagne lui barra le passage :

– Tu m’as renvoyé avant-hier de la chapelle, dit-il au châtelain, tu m’as empêché de prier, maintenant moi et tout ce peuple t’empêcherons d’aller porter tes enfants au saint qui guérit.

Hier j’ai péché, mon frère, repartit le seigneur de Saint-Paër… Laissez passer mes enfants avec leur mère… Et moi, qui ai fait murer la porte de la chapelle, je me punirai moi-même, je n’y entrerai pas, je me prosternerai en dehors, je m’humilierai pour que Dieu me pardonne et guérisse mon fils et ma fille.

Alors l’esprit de la multitude changea, la haine et l’exaspération s’en allèrent de toutes les âmes, et la foule, redevenant tout à coup respectueuse, se fendit pour laisser un passage au baron et à sa famille. Et, comme il venait de le dire, il n’entra point dans l’oratoire ; sa femme ses enfants, et les gens du château y pénétrèrent seuls, lui se prosterna au milieu des pierres éboulées du mur qu’il avait fait élever la veille, s’humiliant le front jusque dans la poussière, se frappant la poitrine, et priant avec ardeur.

Or, ce baron de Saint-Paër avait été jusqu’à ce jour le plus superbe, le plus orgueilleux de tous les châtelains du pays normand ; mais voyez-vous, dans le cœur d’un homme qui a des enfants, il y a quelque chose de plus fort que l’orgueil, c’est l’amour paternel… L’histoire que je viens de vous raconter vous le prouve, conclut Walsh.

Quittant le château de Saint-Paër, notre vicomte poursuit son récit. Entre Saint-Paër et Neaufles-Saint-Martin, il y a, de l’autre côté de la grande route de Paris à Rouen, une riche et belle vallée. On dit que Neaufles, en 856, était une ville considérable ; aujourd’hui, il n’en reste plus que la moitié d’une tour, mais cette moitié est encore de toute son ancienne hauteur ; on dirait que, depuis sa plate-forme jusqu’au sol, elle a été fendue en deux ; j’ai vu peu de ruines de cet effet, précise Walsh

Cette tour passe dans le pays pour avoir été habitée par la Reine Blanche, non la mère de Louis IX, mais Blanche d’Évreux, la princesse la plus accomplie de son temps, que Philippe de Valois, âgé de cinquante-six ans, épousa, alors qu’elle n’en avait que dix-sept ; cette union ne dura pas deux années, Blanche demeura veuve cinquante ans, et vécut loin des intrigues de la cour dans le château de Naufles-Saint-Martin, dont il ne reste que le débris dont je vous ai parlé, et qui s’aperçoit de bien loin au-dessus des bois qui recouvrent le coteau.

 

On prétend qu’entre la tour de Neaufles et le château de Gisors, il existait une communication souterraine. Pendant mon séjour chez mon ami Théodore de Ronaud, voici ce que j’ai lu dans le Mémorial des sciences et des arts : « La reine Blanche, assiégée dans Gisors par une armée formidable, fit une vigoureuse sortie contre les assaillants ; mais cernée par eux, et ne pouvant rentrer dans la ville, elle se réfugia au coucher du soleil, avec les chevaliers qui la suivaient, sur la montagne et dans le fort démantelé de Neaufles, à une lieue de la place. Les ennemis, campés dans la plaine, environnaient de toutes parts la tour, où ils étaient certains, au point du jour, de faire la reine prisonnière.

« L’aurore paraît, ils s’élancent impatients vers la citadelle ruinée, où Blanche ne peut s’échapper. Oh ! surprise ! Ils montent sans obstacle ; les murs sont déserts ! L’écho répond seul à leurs cris de guerre ; pas un soldat, pas une arme, pas un drapeau : les guerriers de Blanche et Blanche elle-même se sont évanouis avec l’aurore, comme les vapeurs de la vallée.

« Qui peindrait l’étonnement des soldats désespérés ? Les uns se persuadent que Blanche, protégée par les enfers, a été invisiblement enlevée avec ses troupes par les esprits du noir abîme ; les autres s’imaginent que la veille, à la chute du jour, en la poursuivant dans la vallée, ils ont été abusés parles brouillards de la rivière, qui, sans doute, à leurs yeux avaient pris la forme fantastique d’un bataillon fuyant. Tandis que sous les remparts solitaires de Neaufles, leur imagination se nourrit de fantômes et se perd en conjectures, Blanche soudain s’élance hors des murs de Gisors, fond comme la foudre sur l’ennemi épouvanté de ces sortilèges, et remporte une victoire complète.

« Comment expliquer le miracle ? Rien de plus facile ; la tour de Neaufles-Saint-Martin et la citadelle de Gisors, quoiqu’à plus d’une lieue l’une de l’autre, se communiquaient sous la vallée et la rivière qui les sépare, au moyen d’un long souterrain, et ce souterrain était inconnu à l’ennemi. »

Le long souterrain de Naufles existe encore, écrit le vicomte Walsh en 1842 : on y entrait il y a peu d’années. Dans une note d’un de ses ouvrages, le vicomte d’Arlincourt a écrit qu’un ouvrier qui a travaillé dans ces souterrains l’a assuré avoir vu et touché de belles grilles de fer ; dans le pays, parmi les gens de la campagne et parmi bien des habitants des petites villes, on prétend que d’immenses trésors sont cachés derrière ces portes de fer.

Louis Antoine François de Marchangy.pngMarchangy en avait entendu parler, et dans son Tristan le Voyageur, on lit : « Il est à savoir, mes beaux seigneurs, que de la citadelle de Gisors au château de Neaufles est un souterrain immense. On voit de loin la belle tour de la Reine-Blanche, au-dessus des bois de Saint-Eloi et de Bézu-le-Long. Aujourd’hui, ces lieux dévastés par les guerres que se firent sans cesse les rois de France et d’Angleterre sur ces frontières de leurs États, sont rendus à une nature sauvage, qui de toutes parts revient sur les plateaux agrestes, dont elle était expulsée. Les créneaux s’écroulent dans les fossés et se cachent sous la mousse et les fleurs ; l’érable perce les fortes murailles que n’avaient pu renverser les béliers ennemis ; le souterrain, fermé de vingt portes à barreaux de fer, recèle des trésors qui feraient la fortune de bien des rois.

« Il est un jour, une heure, un moment dans l’année où il est possible de pénétrer dans cette caverne profonde ; c’est tandis que le prêtre lit la généalogie de Jésus-Christ, à la messe de minuit… J’entendis des femmes qui, ne sachant ce qu’étaient devenus leurs maris, pensaient qu’ils étaient engouffrés dans cet abîme, et les appelaient à l’entrée avec des cris épouvantables. On nous raconta des aventures sinistres, qui nous firent perdre l’envie de descendre dans ce souterrain. »

(D’après « Souvenirs et impressions de voyage », paru en 1842)               

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