PARLER A LA CANTONADE
Posté par francesca7 le 7 septembre 2015
EXPRESSION FRANCAISE
Parler à la cantonade c’est parler haut dans une assistance où l’on ne s’adresse à personne en particulier ; « La patronne du café parut à la porte de l’arrière-salle et cria à la cantonade : « On demande Thibault au téléphone » (Martin du Gard).
L’expression vient du langage du Théâtre. Un acteur lance une réplique à la cantonade lorsqu’il s’adresse à des personnages qui ne sont pas en scène, et que l’on suppose évoluer en coulisse, au-delà du décor. En effet on appelait autrefois cantonade « l’un et l’autre côté du théâtre, où une partie des spectateurs était assise sur des bancs » – Pourquoi ce mot ?…
En occitan, la cantonada (prononcé « cantounada ») désigne l’angle extérieur des murs d’un bâtiment, formé de l’imbrication des grosses pierres de taille qui en assurent la solidité – autrement dit le coin de la maison. C’est la même famille angulaire qu’un canion (« cantou ») un coin, spécialisé quelque fois en « coin du feu ».
L’usage de l’expression remonte à la fin du XVIIè siècle : « Le mot a probablement été introduit en français par une des nombreuses troupes qui ont joué temporairement dans le Midi » (Bloch et Wartburg). Cette hypothèse me paraît d’autant mieux fondée que ces troupes dressaient comme aujourd’hui les soirs d’été, leurs tréteaux en plein air, adossés à une maison ou une grange du village, et que la scène se trouve alors délimitée de chaque côté par les deux cantounadas de la façade ou du pignon qui servent de « fond du théâtre ».
Beaucoup de gens lancent aujourd’hui leurs propos à la foule ; hommes politiques, harangueurs, prêcheurs et échotiers télévisuels s’adresse, en quelque sorte, à la cantonade … Délicate ironie des sources ; souvent cela veut dire qu’ils parlent, en fait, à des coins de murs.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
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