Félix Faure sans connaissance
Posté par francesca7 le 12 août 2015
Le médecin : « Monsieur le Président a-t-il toujours sa connaissance ? » Les domestiques : « Non ! On l’a fait sortir par derrière ! » C’est le dialogue qu’on a pu entendre le 16 février 1899 à l’Élysée : le président de la République Félix Faure – très hostile à la révision du procès Dreyfus – vient d’avoir un malaise dans les bras de sa « connaissance » Marguerite Steinhel, une demi-mondaine.
Il ne s’en relèvera pas. Le président Soleil comme on l’appelait à cause de son goût pour le faste – c’est un ancien ouvrier qui a fait fortune – collectionne les conquêtes jusqu’à ce jour fatal. Il n’est pas le seul : Clemenceau affiche lui aussi une robuste santé, multipliant les aventures féminines – son épouse américaine se console dans les bras de ses amants jusqu’au jour où le Tigre la découvre en pleine consolation, et la renvoie aux États-Unis, en troisième classe sur le bateau, après en avoir divorcé !
La palme de la vigueur revient sans doute à Ferdinand de Lesseps : à soixante-quatre ans, il épouse une jeune fille de vingt-deux ans qui lui donnera douze enfants ; ce qui ne l’empêche pas de rendre des visites régulières dans les maisons closes. À quatre-vingt-cinq ans, il manifeste encore sa présence auprès de trois ou quatre de leurs pensionnaires, plusieurs jours par semaine…
Félix Faure, dont on a dit qu’il était plus célèbre par sa mort que par sa vie, mourut au palais de l’Élysée le 16 février 1899, à l’âge de 58 ans. Des quatre présidents morts en fonction, il est le seul à être décédé dans le palais présidentiel.
En 1897, il avait rencontré à Chamonix, Marguerite Steinheil dite « Meg », épouse volage du peintre Adolphe Steinheil, auquel fut confiée la commande officielle d’une toile monumentale intitulée « La remise des décorations par le président de la République aux survivants de la redoute brûlée. ». De ce fait, Félix Faure se rendit souvent à la villa « Le vert logis », au no 6 de l’impasse Ronsin à Paris, où résidait le couple Steinheil. Marguerite devint rapidement sa maîtresse et le rejoignait régulièrement dans le « salon bleu » du palais de l’Élysée.
Le 16 février 1899, Félix Faure téléphona à Marguerite et lui demanda de passer le voir pour 17 heures après son conseil des ministres consacré à l’affaire Dreyfus. Bien qu’elle fût arrivée, les entretiens du président avec l’archevêque de Paris François-Marie-Benjamin Richard et Albert Ier de Monaco, venus intercéder en faveur du capitaine Dreyfus, se prolongèrent, aussi absorba-t-il probablement une trop forte dose de cantharide officinale, puissantaphrodisiaque mais aux effets secondaires importants (à moins qu’il ne s’agît de l’aphrodisiaque à base de quinine qu’il se faisait apporter par son huissier comme à son habitude, afin de se montrer à la hauteur avec sa maîtresse). Peu de temps après que le couple se fut installé dans le « salon bleu » de l’Élysée (ou le « Salon d’Argent » selon d’autres versions), le chef du cabinet Le Gall, alerté par des cris, se précipita et découvrit le président sans autre vêtement qu’un gilet de flanelle, râlant, allongé sur un divan et la main crispée dans la chevelure de sa maîtresse, tandis que Marguerite Steinheil déshabillée réajustait ses vêtements en désordre. Félix Faure mourut vers 22 heures d’une congestion cérébrale comme on disait à l’époque.
Selon Pierre Darmon, historien de la médecine, il s’agirait d’une légende : Félix Faure présentait des signes de tachycardie. Une rencontre houleuse avec le prince de Monaco (dreyfusard demandant que l’Allemagne se portât caution pour l’innocent capitaine) aurait aggravé l’état du président. Celui-ci aurait ensuite passé quelques minutes avec sa maîtresse avant de défaillir et de rejoindre son bureau. C’est entouré de sa famille et de son médecin qu’il serait mort. Mais la presse aurait surenchéri.
Cause du décès
La nouvelle que le président était mort dans les bras de sa maîtresse se répandit rapidement. Si certains journaux affirmèrent, tel le Journal du Peuple du 18 février, qu’il était mort d’avoir « trop sacrifié à Vénus », c’est-à-dire d’avoir abusé de ses forces durant une relation sexuelle, d’autres, tel La Presse du 22 février, se demandèrent s’il « …n’avait pas été victime des dangers inhérents à sa haute fonction, si pour être plus catégorique, il est bien mort de mort naturelle. ». Ce journal évoquait l’hostilité à son égard provoquée par son attitude dans l’Affaire Dreyfus, thèse qui fut reprise par Édouard Drumont dans son journal La Libre Parole, où il affirmait qu’un cachet empoisonné avait été placé par des « Dreyfusards » parmi ceux que prenait le président.
Les circonstances croustillantes du décès prirent rapidement le pas sur la tragédie d’une mort subite. La légende rapporta que l’abbé Herzog, curé de la Madeleine, fut mandé par Mme Félix Faure pour lui administrer les derniers sacrements mais, sans attendre son arrivée, il fut remplacé par un prêtre de passage devant l’Élysée qui, en demandant à son arrivée : « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? » se serait entendu répondre : « Non, elle est sortie par l’escalier de service ! ». Mme Félix Faure habitant l’Élysée et pour éviter le scandale, la maîtresse dut en effet s’éclipser tellement vite qu’elle en oublia son corset – que le chef de cabinet Le Gall gardera en souvenir.
La rumeur populaire colporta que c’était une fellation prodiguée par sa maîtresse qui avait provoqué un orgasme fatal, ce qui valut à Marguerite Steinheil le surnom de « la pompe funèbre ». Les chansonniers de l’époque affirmèrent : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée » allusion au goût du président pour le faste et à la fellation qui provoqua prétendument sa mort. Cette phrase a été attribuée également à Georges Clemenceau, qui ne l’aimait guère. Ce dernier aurait également déclaré à cette occasion : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui. » et « Ça ne fait pas un Français en moins, mais une place à prendre. ».
Le président eut droit à des obsèques nationales, célébrées le 23 février 1899. Elles furent marquées par une tentative de coup d’État de la Ligue des patriotes fomenté par Paul Déroulède, qui essaiera en vain de faire prendre d’assaut le palais présidentiel. Félix Faure est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris, 4e division. Son gisant en bronze, réalisé par le sculpteur René de Saint-Marceaux, le représente couché sous les plis des drapeaux français et russe, pour rappeler son rôle dans l’Alliance franco-russe.
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