BATTRE A PLATE COUTURE
Posté par francesca7 le 5 août 2015
Les étoffes robustes et épaisses d’autrefois n’étaient pas d’un maniement aisé, particulièrement les draps de laine dans lesquels on taillait les vêtements. Les coutures neuves se pliaient mal et formaient des bourrelets qu’il fallait aplatir et assouplir en les battant vigoureusement à l’aide d’une courte latte. Bel exutoire sans doute pour le tailleur, que cette raclée assenée symboliquement au client pour justaucorps interposé. De là probablement rabattre les coutures à quelqu’un, lui passer la bastonnade, et rabaisser son orgueil, comme si l’on exécutait le travial de finition sur le dos même de la personne.
Quant à battre à plate couture, le passage est moins évident. L’expression semble s’être appliquée de bonne heure à une troupe ou à une armée « défaite ». On trouve au XVè siècle chez Ph. de Commynes : « Ceux là furent rompus à plate couture et chassés jusque au charroy ».
Plus tard, Furetière dira : « On dit figurément qu’une armée a été défaite à plate couture ; pour dire, entièrement et sans ressource ».
Or, il arrive que dans la bataille l’habit maltraité se rompe, que les coutures, à force d’être « battues à plat » s’écartèlent, sur le bonhomme ; Rutebeuf, au XIIIè siècle fait cette curieuse description :
Toute est deroute (la robe) par devant
N’i resmest mes cousture entière
Ne pas devant ne par derrière.
Il est possible qu’il y ait surimposition d’images entre la dislocation d’un habit et le démantèlement d’une armée « défaite ». De plus, il existait dans l’ancienne langue un verbe coutre qui à côté de cosdre voulait dire aussi bien « coudre » que « se jeter dans la mêlée », ainsi que cotir, pour « heurter de front ». Dans le Romain de la Rose, un rocher est ainsi battu par la mer :
Li flot la hurtent et debatent,
qui toujouz a lui se conbatent,
que toute en mer l’ensevelissent.
Je pense que les costures, « désarrois », et les coustures « bien battues » ont dû ainsi que les déroutes faire s’emmêler quelque part les gestes brutaux du tailleur avec les assauts de ceux qui, non moins brutalement, « en décousent ». Cela aura rapproché par jeu de mots les défaites à plate couture et les écrasements sans merci.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
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