FILER DU MAUVAIS COTON
Posté par francesca7 le 26 juillet 2015
EXPRESSION FRANCAISE
« On dit proverbialement. Cela jettera un beau coton, pour faire entendre, qu’une chose mal entreprise produira un mauvais effet et qu’elle sera désavantageuse à ceux qui l’on commencée ; Cette façon de parler, quoiqu’elle ait passé de la ville jusqu’à la Cour, est basse et ridicule ». Tel était le sentiment de Furetière sur cette expression et c’est peut-être pour être moins ridicules que nous disons, depuis le XIXè siècle, « filet du mauvais coton ».
P.Guiraud, suivant en cela M.Rat, donne ici une interprétation arboricole : « Filet un mauvais coton, « être dans un mauvais état de santé ou d’affaires », s’explique par la forme primitive de l’expression qui est jeter un mauvais coton. Jeter signifie « émettre une sécrétion ». On dit par exemple jeter sa gourme qui est une sorte d’inflammation boutonneuse qui atteint les petits enfants |…]. Jeter un mauvais coton aura donc pu se dire d’un cotonnier qui produit des boutons maladifs, et coton aura entraîné la pseudo-motivation filer ».
Sans vouloir porter ombrage à l’éminente érudition de M.Guiraud, je trouve assez étonnant que les gens du XVIIè siècle, et le peuple de Paris de surcroit, se soient intéressés d’aussi près aux cotonniers, ces arbres exotiques d’Inde ou d’Egypte, au point de nommer, sans les avoir jamais vus, une de leurs maladies possibles, et d’en faire une locution courante … Tout au plus pouvaient-ils savoir – Olivier de Serres le dit – que les cotonniers « jettent » du coton, et à la rigueur en faire une plaisanterie. Une étoffe vieillissante « jette » en effet une bourre cotonneuse qui est la marque de son usure, et qui laisse prévoir des déchirures, des accros, bref une détérioration complète du tissu dans un proche avenir.
C’est là l’interprétation donnée par G.Esnault, lequel note aussi pour 1692 « jeter un vilain coton ».
Par contre il semble logique que le « coton » de la locution ait conduit à « filer » peut-être à cause des première machines défectueuses au XVIIIè siècle, peut-être aussi par attraction avec une autre expression courant et ancienne : filet sa corde, qui voulait dire se livrer à des activités qui ne pouvaient qu’entraîner une fin désastreuse :
Qui plus despend que n’a vailant
Il faut la corde à quoy se pend (Cotrgrave)
Il y a là une parenté certaine, surtout au sens que relève Furetière de chose « désavantageuse à ceux qui l’ont commencée », qui a pu produire la croisement.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
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