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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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  • > Archives pour le Dimanche 12 juillet 2015

Le Radar de 1925

Posté par francesca7 le 12 juillet 2015

Verbalisation-Automobile

 
1925 : la préfecture de police s’apprête à mettre en place un dispositif pour le moins rudimentaire de contrôle de la vitesse des automobiles dans la capitale, suite à la décision du Comité de la circulation

La décision prise mercredi par le Comité de la circulation a jeté la consternation chez les conducteurs d’automobiles. Nous sommes allés demander à la préfecture de police la façon dont seraient relevées les infractions à la limitation de la vitesse.

— Toucher à la vitesse, avons-nous dit à notre interlocuteur, c’est toucher à la déesse du jour que nous adorons tous, selon nos moyens, à l’allure du pas gymnastique, du tramway au ralenti ou du cent à l’heure… La Vitesse (je n’ose plus écrire ce mot qu’avec un grand V)… vous allez la réduire à rien !

— Tant pis pour elle ! C’est une déesse à qui l’on fait trop de sacrifices… humains. Je bouscule l’idole. Désormais, toute vitesse qui dépassera pour l’auto, quarante à l’heure sera réputée dangereuse…

—Et comment saura-t-on qu’une voiture dépasse quarante à l’heure ?

— Nos agents auront des montres à secondes, à l’aide desquelles ils calculeront le temps passé à couvrir un trajet de longueur connue. Un coup d’œil sur la montre, un autre sur le barème, un troisième sur le numéro de l’auto… Et voilà une contravention imposée suivant des constatations mathématiques, chronométriques.

— On ne pourra plus dire qu’il n’y a pas d’heure pour les braves ; mais jusqu’à présent, il n’y avait donc rien de mathématique en ce qui concerne la limitation de vitesse ?

— L’article 7 disait seulement que chaque conducteur doit rester maître de sa vitesse. C’était bien vague, car, lorsqu’il perdait le contrôle de sa vitesse, on ne pouvait s’en apercevoir qu’en cas d’accident. Il était prescrit aussi de ralentir aux carrefours ; mais si l’on va trop vite aux carrefours, c’est que l’on y arrive trop vite.

Certes, des difficultés d’application se dressent : c’est la nuit que, par suite des excès de vitesse, se produisent les plus graves accidents ; or, c’est la nuit que les constatations seront les plus difficiles.

— Y a-t-il d’autres grandes villes où la vitesse des autos soit limitée ?

— A Londres, on ne doit pas dépasser 36 à l’heure ; à New-York 38. Dans toutes les grandes villes de France des arrêtés municipaux modèrent l’ardeur des automobilistes. Paris seul échappait à la règle.

— Votre projet n’a-t-il pas rencontré de graves objections ?

— La plus sérieuse est celle-ci : « la limitation de la vitesse peut ralentir l’écoulement du flot. » Mais à quarante à l’heure le défilé n’est-il pas assez rapide ? Il faut tout de même penser aux piétons ! A certains endroits, il leur est impossible de traverser !…

(D’après « Le Petit Journal », paru en 1925)

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Où sont passés les Patois de France

Posté par francesca7 le 12 juillet 2015

Patois

 
 
De même qu’il y a eu jadis dans chaque pro­vince de France des coutumes, des usages, des costumes particuliers, de même il y eut aussi une grande variété de langages. Frères aînés de la langue française et liés, tels des fruits se nourrissant du sol et du climat, aux contrées au sein desquelles ils prirent racine, constituèrent longtemps autant d’idiomes locaux façonnant les intelligences enfantines : une richesse littéraire et ethnique que l’unicité de notre langue moderne ne doit point éclipser.

Au Moyen Age, le système féodal, essentiel­lement particulariste, ne contribua pas peu à maintenir les différences provinciales dans la langue, aidé en cela par la diversité des intérêts et surtout par les difficultés des communications. Peu à peu cependant, et sous l’influence de causes principalement politiques, ce fut le dia­lecte de l’Ile-de-France qui commença à prédo­miner.

Insensiblement, gagnant de proche en proche, il arriva au rang de langue nationale. Mais les autres dialectes ou patois, ses frères, n’en subsistèrent pas moins autour de lui : un baliveau qui devient un arbre de haute futaie ne fait pas pour autant disparaître le taillis d’où il s’est élevé.

Après la magnifique floraison littéraire du XVIe siècle et les grands écrivains du XVIIe, l’unité de la langue française, de la langue parlée par la noblesse et la haute bourgeoisie, fut à peu près complète. Mais dans la petite bourgeoisie des villes, chez les artisans et les cultivateurs, les dialectes provinciaux demeurèrent d’un usage courant. Au début du XXesiècle, plus de 25 millions de. Français parlaient encore concurremment la langue nationale et un patois. ll était même des contrées reculées où certains habitants, principalement les vieil­lards et les enfants, ne savaient pas un mot de français.

Mais dès le milieu du XIXe siècle, depuis la généralisation de l’instruction à l’ensemble des communes, les patois commencèrent de décliner ; le service militaire et la fréquence des communications leur portèrent de terribles coups. Néanmoins, un demi-siècle plus tard, dans aucune région, quoique moins em­ployés, ils n’avaient complètement disparu. Même dans les villes, on rencontrait une foule de mots, de locutions, d’idiotismes qui n’étaient que des survivances des patois parlés autrefois par tout le monde.

Y a-t-il lieu de s’affliger de cette persistance, de cette vitalité extraordinaire de ces parlers locaux ? s’interroge en 1903 l’historien et député du Doubs Charles Beauquier. Nous ne le pensons pas, répond-il. Du moment que la langue nationale ne leur est pas sacrifie, du moment que tous nos paysans sans exception auront passé par l’école et parleront clairement le français, nous ne voyons que des avantages dans le maintien des patois.

Les patois ne sont pas, comme on le croit généralement, des jargons infâmes, grossiers, desdéformations du français, comme on l’a dit trop souvent, ajoute Beauquier. Ce sont de véritables langues qui ont leur syntaxe, leurs conjugaisons, leurs règles sou­vent plus rationnelles que celles de notre langue nationale. Nous aimons à le répéter, nos patois sont les frères du français ; celui-ci ne saurait mieux être comparé qu’à un enfant qui, seul d’une nombreuse famille, aurait réussi à faire une brillante fortune ; c’est le hasard, c’est la chance qui l’a servi : ne méprisons donc pas ces dia­lectes modestes qui auraient pu aussi bien de­venir langue nationale si, par exemple, un grand écrivain avait choisi l’un d’eux pour en revêtir sa pensée.

Cette situation modeste, effacée, du patois vis-à-vis de la langue française, sa grande sœur, lui donne un charme intime, familial, naïf, qui n’est pas fait pour déplaire. Si le français est la lan­gue académique, officielle, protocolaire, la langue des discours au Parlement, la langue de la Politique, des intérêts généraux, la langue de la centralisation, le patois, plus local, plus près du sol natal, du terroir, du berceau, est bien la langue de la décentralisation !

Quand nous parlons du français, sérieux, guindé, haut en cravate, nous devrions dire qu’il est notre langue paternelle et réserver le mot de langue maternelle pour ce parler intime et familier avec lequel nous avons été bercés, poursuit l’historien. N’est-ce pas avec une chanson patoise que la femme des champs endort son nourrisson ? Et les premiers mots que le petit paysan entend et comprend, ne sont-ce pas des mots patois ? Pourquoi mépriserions-nous ces idiomes locaux qui servent au développement des intelligences enfantines, qu’ils marquent de leur empreinte spéciale, auxquelles ils doivent donner un ca­ractère tout particulier ?

Patois-2

Cette variété extraordinaire de dialectes se transformant non seulement de province à pro­vince, mais souvent de village à village, doit certainement provenir des conditions différentes du sol, du climat, de la nourriture, etc., qui, mo­difiant l’organisation physique cérébrale des hommes, modifient par suite leur langage. Comme la parole et la pensée sont unies par des liens si étroits qu’elles se confondent presque, il en résulte qu’un certain parler doit donner une tournure spéciale à la pensée, à l’esprit, et réciproquement. Il y a là une action et une réaction forcées, indéniables, de l’intellect sur la langue et de la langue sur l’intellect.

A ce point de vue psycho-physiologique, les patois jouent un rôle considérable comme élé­ments de différenciation entre les habitants de nos provinces. C’est pourquoi, avance Beauquier, nous devons en tenir grand compte, nous, les régionalistes, qui cherchons à maintenir et à faire renaître les ori­ginalités ethniques au moyen de la décentrali­sation littéraire.

Il ne suit pas de là que nous ayons l’idée folle et antipatriotique de dresser un patois quel­conque — fût-ce le provençal qui est du reste un dialecte parlé dans une vaste région — en face du français, pour combattre et essayer de le détrôner de sa situation de langue nationale. Les plus enragés régionalistes n’ont d’ailleurs jamais caressé sérieusement une pareille idée. Le point raisonnable et soutenable, c’est de dire que les idiomes locaux peuvent avoir leur utilité au point de vue même de la littéra­ture française parce qu’ils renferment des tré­sors d’expressions neuves, hardies, fraîches, savoureuses, piquantes, qu’un écrivain habile peut mettre en œuvre au grand bénéfice de son renom ; et aussi, parce qu’ils expriment nette­ment et sincèrement la tournure d’esprit des ha­bitants de chaque région.

Ces influences locales du terroir ne peuvent que servir à diversifier notre littérature, menacée d’uniformité par la centralisation et la domination tyrannique de la capitale. Une des conditions essentielles du Beau n’est-ce pas la variété dans l’unité ? conclut Charles Beauquier.

(D’après « L’Idéal du foyer », paru en 1903)

Publié dans HISTOIRE DES REGIONS, HUMEUR DES ANCETRES | Pas de Commentaire »

 

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