OBTENIR UN CORDON BLEU
Posté par francesca7 le 11 juillet 2015
EXPRESSION FRANCAISE
La disparition lente mais sûr de la femme au foyer, c’est-à-dire de la femme aux fourneaux, entraîne la raréfaction progressive d’une espèce domestique jadis hautement appréciée en France ; la ménagère aux petits plats mitonnés, aux recettes personnelles jalousement gardées ; l’orgueil de toute une famille : le cordon bleu.
On se demande parfois, entre le dessert et le café, de quel cordon singulier peut venir cette expression élogieuse mais au premier abord assez obscure. S’agirait-il de celui, qui nouait les célèbres tabliers, bleus, des vieilles cuisinières de la tradition bourgeoise ?…
Non, le cordon bleu originel était sous l’Ancien Régime la plus illustre des décorations, l’insigne des chevaliers du Saint Esprit, un ordre institué en 1578 par Henri III pendant les guerres de Religion afin de regrouper les principaux chefs du parti catholique contre les protestants.
Aboli à la Révolution le cordon bleu constitua pendant deux siècles la distinction suprême dans l’aristocratie française, quelque chose comme les plus hauts grades de l’actuelle Légion d’honneur, qui n’a fait d’ailleurs que lui succéder. La locution pouvait don s’appliquer par métaphore à tout ce qui est d’une rare élévation ; ainsi un poète du XVIIè siècle qui souhait se faire admettre à l’Académie française déclara que cette assemblée était « le cordon bleu des beaux esprits ». Il fut élu.
Cependant, selon certains, l’application culinaire est fondée sur des faits plus précis : certains seigneurs de haut parage, le commandeur de Souvé, le comte d’Olonne et quelques autres, tous dignitaires du Saint Esprit et porteurs du cordon de l’ordre, avaient pris l’habitude de se réunir en une sorte de club gourmand pour cultiver l’art du bien-boire et du bien-manger. Leurs déjeuners devinrent célèbres et l’on employa un temps l’expression faire un repas de cordons bleus. Façon de parler qui a passé des gourmets tombés dans l’oubli aux préparateurs de s plats eux-mêmes, tous cuisiniers et cuisinières de haute volée.
A la réflexion, il est juste que le mot soit ainsi rattaché à la gastronomie ; l’ordre du Saint Esprit n’avait-il pas été créé à l’origine, si j’ose me permettre, par « bouffer du pasteur ».
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
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