À table Louis-Dieudonné
Posté par francesca7 le 30 juin 2015
Midi ! Le roi s’installe devant sa petite table carrée, dans sa chambre, face à la fenêtre. La foule des courtisans est accourue, elle n’a rien dans l’estomac, elle !
Elle va se nourrir du spectacle du monarque attrapant de ses mains prestes les viandes qui vont être portées à sa bouche avec une gourmandise gloutonne inégalable. Point de fourchette, ça se passe comme ça chez Louis XIV ! Et pourtant, ce n’est pas une restauration rapide : près de 400 personnes ont préparé le repas royal qui va être convoyé jusqu’à la table à grands renforts de fifres, de tambourins, de maîtres d’hôtel, de gentilshommes servants, de gentilshommes tranchants, d’écuyers, d’échansons…
Et que mange le roi ? Retenez un instant votre souffle… Devant vous, le roi va manger – en partie, mais quand même ! – du potage de tortue, de la bisque de pigeonneaux, du potage de mouton aux navets, de la queue de mouton aux figues, de la cuisse de chevreuil, du poulet d’Inde à la framboise, du cochon à la dombe, du poupeton – du ris de veau avec des crêtes de coq et de la viande hachée – ; du héron, du faisan, de la gelinotte, du dos de sanglier, du faon, du héron ; voici les entremets, c’est-à-dire ce qui est servi entre les mets plus copieux : de la tétine de vache, de l’oreille de cerf, du foie de chevreuil, des beignets de moelle !
Attendez, ce n’est pas terminé, il reste le dessert !
On apporte des confitures au parfum, des tourtes au musc, de la crème à l’ambre, des pralines. Fin du repas du midi. Le roi mangera-t-il ce soir ? Bien sûr, à dix heures : douze pigeons, trois chapons, six poulets, du veau, des poulardes, un faisan, des perdrix… Tout cela est arrosé des vins les plus fins ! Et presque tous les matins, Louis se plaint d’avoir fait des cauchemars dans la nuit !
Louis XIV dit Louis le Grand ou le Roi-Soleil, né le 5 septembre 1638 à Saint-Germain-en-Laye et mort le 1er septembre 1715 à Versailles, est un roi de France et de Navarre. Il règne sur le royaume de France du14 mai 1643 à sa mort le 1er septembre 1715.
Né Louis-Dieudonné, il monte sur le trône de France au décès de son père Louis XIII, le 14 mai 1643, quelques mois avant son cinquième anniversaire. Il est le 64e roi de France, le 44e roi de Navarre et le troisième roi de France issu de la dynastie des Bourbons. Son règne de 72 ans est l’un des plus longs de l’histoire d’Europe, et le plus long de l’Histoire de France.
Il marque l’apogée de la construction séculaire d’un absolutisme de droit divin. Après une minorité troublée par la révolte de la Fronde de 1648 à 1653, Louis XIV assume personnellement le gouvernement à la mort du cardinal Mazarin en 1661 en ne prenant plus de ministre principal. Son autorité se déploie avec la fin des grandes révoltes nobiliaires, parlementaires, protestantes et paysannes qui avaient marqué les décennies précédentes. Le monarque impose l’obéissance à tous les ordres et contrôle les courants d’opinion (y compris littéraires ou religieux), parmi lesquels le jansénisme à partir de 1660 et le protestantisme au travers de la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Louis XIV construit un État centralisé, où son rôle direct est encore accentué après le décès des ministres Colbert en 1683 et Louvois en 1691.
Par la diplomatie et la guerre, il accroît sa puissance en Europe, en particulier contre les Habsbourg. Sa politique du « pré carré » cherche à agrandir et rationaliser les frontières du pays, protégée par la « ceinture de fer » de Vauban qui fortifie les villes conquises. Pour obtenir une prédominance économique, un effort de développement commercial et colonial est conduit, notamment par son ministre Colbert.
À partir de 1682, Louis XIV dirige son royaume depuis le vaste château de Versailles, modèle architectural de nombreux palais européens et dont il a dirigé la construction. Sa cour soumet la noblesse, étroitement surveillée, à une étiquette très élaborée. Le prestige culturel s’y affirme grâce au mécénat royal en faveur d’artistes tels que Molière, Racine, Boileau, Lully, Le Brun et Le Nôtre, ce qui favorise l’apogée du classicisme français, qualifié, dès son vivant, de « Grand Siècle », voire de « Siècle Louis XIV ».
Le soleil comme emblème
Louis XIV choisit pour emblème le soleil. C’est l’astre qui donne vie à toute chose mais c’est aussi le symbole de l’ordre et de la régularité. Il régna en soleil sur la cour, les courtisans et la France. En effet, les courtisans assistaient à la journée du roi comme à la course journalière du soleil. Il apparaît même déguisé en soleil lors d’une fête donnée à la cour.
Le Roi-Soleil domestiqua définitivement tous ceux qui lui contestaient le pouvoir en faisant de sa vie de monarque un théâtre perpétuel où tout, de son coucher à son lever, de ses repas à ses frasques amoureuses, de ses vêtements à ses animaux de compagnie, de ses divertissements à ses plaisirs intimes, était suivi par des courtisans anxieux.
Concernant une éventuelle tendance du souverain à l’égocentrisme, Mme de Maintenon rapportait que Louis XIV, qui avait eu à affronter en peu de temps les décès de plusieurs proches et membres de sa famille, notamment son fils, voyait ces évènements comme une affaire entre Dieu et lui, et qu’il se lamentait sur son propre sort. Elle expliqua : « Le roi était si habitué à ce que l’on vécut pour lui qu’il n’imaginait pas que l’on put mourir pour soi ».
Il fut un amateur fervent de la danse, du spectacle de ballets et du jeu de paume et comme presque tous ses ancêtres, un passionné de chasse et d’équitation. Cela fut surtout vrai dans sa jeunesse car s’il a pu paraître robuste et insensible à la fatigue, ne se plaignant ni du chaud ni du froid, ni de la pluie ni de la grêle et feignait de s’étonner qu’on puisse en souffrir, Louis XIV fut avant tout un homme d’une grande endurance physique et morale. Et s’il eut un règne d’une longueur exceptionnelle, il fut paradoxalement toute sa vie d’une santé déficiente et maintes fois mise en péril, aussi fut-il suivi quotidiennement par cinq médecins, Jacques Cousinot de 1643 à 1646, François Vautier en 1647, Antoine Vallot de 1648 à 1671, Antoine d’Aquin de 1672 à 1693, enfin Guy-Crescent Fagon jusqu’à la mort du roi, tous usant et abusant de la saignée, des purgations et des lavements auxclystères (le roi ayant reçu plus de 5 000 lavements en 50 ans). Par ailleurs, comme l’expliquent des notes sanitaires, il eut de nombreux ennuis peu « royaux ». Ainsi, il arriva à Louis d’avoir fort mauvaise haleine à cause de ses ennuis dentaires apparus en 1676 selon le journal de son dentiste Dubois : il arrivait alors à ses maîtresses de placer un mouchoir parfumé devant leur nez (et ce d’autant plus que le roi ne supportait pas les parfums, à l’exception de la fleur d’oranger) et en 1685, alors qu’on lui arrachait un des nombreux chicots de son maxillaire gauche, une partie de son palais fut arrachée, provoquant une « communication bucco-nasale ».
Sa psychologie présentait des tendances mégalomanes comme en témoignent sa grande collection de chaussures de ballet ornées de rubans somptueux dont certains témoignages l’évaluait à 2 500 paires. Il avait une obsession pour sa vaste collection qui l’a porté toute sa vie à chercher la deuxième pièce d’une paire qui ne sera jamais reconstituée.
La lecture du journal de santé de ce monarque, minutieusement entretenu, est édifiante : il se passe peu de jours sans que le souverain soit l’objet d’une purgation, d’un lavement, d’un emplâtre, d’une pommade ou d’une saignée.
Si l’on veut connaître en détail de quelle manière, sous Louis XIV, une maîtresse de maison ordonnait le service de sa table les jours où elle avait des invités, il faut lire les ouvrages spéciaux du temps.
Parmi ceux-ci, il en est un, publié en 1655, dont le succès fut immense, écrit par Nicolas de Bonnefons, valet de chambre du roi, et intitulé : Les délices de la campagne, où est enseigné à préparer pour l’usage de la vie tout ce qui croît sur terre et dans les eaux. On y découvre par exemple l’instruction pour une table d’une dimension à peu près égale à celle que représente la gravure reproduite ici.
« La grande mode est de mettre quatre beaux potages dans les quatre coins, et quatre porte-assiettes entre deux, avec quatre salières qui toucheront les bassins des potages en dedans. Sur les porte-assiettes on mettra quatre entrées dans des tourtières à l’italienne ; les assiettes des conviés seront creuses aussi, afin que l’on puisse se représenter du potage, ou s’en servir à soi-même ce que chacun désirera manger, sans prendre cuillerée à cuillerée dans le plat, à cause du dégoût que l’on peut avoir les uns des autres, de la cuiller qui, au sortir de la bouche, puiserait dans le plat sans l’essuyer. » Cette recommandation est assez singulière et prouve que, même dans les grandes maisons, en plein dix-septième siècle, lorsque l’on prenait le repas en famille ou entre amis, tous les conviés puisaient le potage à même la soupière ; en un mot, on mangeait encore à la gamelle.
« Le second service, poursuit notre auteur, sera de quatre fortes pièces dans les coins, soit court-bouillon, la pièce de boeuf, ou du gras rôti, et, sur les assiettes, les salades. Au troisième service, la volaille et le gibier, rôti, sur les assiettes le petit rôti, et ainsi tout le reste. Le milieu de la table sera laissé vide, d’autant que le maître d’hôtel aura peine à y atteindre, à cause de sa largeur ; si l’on veut remplir, on y pourra mettre les melons, les salades différentes, dans un bassin, sur de petites assiettes, pour la facilité de se les présenter, les oranges et citrons, les confitures liquides dans de petites abaisses de massepan, aussi sur des assiettes. » L’instruction pour les repas de cérémonie, les festins, donne une grande idée de la profusion et de la variété des mets en ces occasions.
« A une compagnie de trente personnes de haute condition, et que l’on voudra traiter somptueusement, je suis d’avis que l’on fasse dresser une table d’autant de couverts à la distance l’un de l’autre l’espace d’une chaise, en mettant quatorze d’un côté, une au bout d’en haut et une ou deux au bas ; que la table soit large ; que la nappe traîne jusques à terre de tous côtés ; qu’il y ait plusieurs salières à fourchon et porte-assiettes dans le milieu pour poser des plats volants.
« - Premier service. A l’entrée de table, on servira trente bassins dans lesquels il n’y aura que des potages, hachis et panades ; qu’il y en ait quinze où les chairs paraissent entières, et, aux autres quinze, les hachis sur le pain mitonné ; qu’on les serve alternativement, mettant au haut bout d’un côté un bon potage de santé, et, de l’autre côté, un potage à la Reine fait de quelque hachis de perdrix ou faisan. Après, et dessous le potage de santé ou autre hachis sur les champignons, artichauts ou autres déguisements, et vis-à-vis une bisque. Sous l’autre hachis, un potage garni ; sous la bisque, une jacobine, ou autre, et ainsi alternativement jusques au bas bout, mettant toujours après un fort, un autre faible.
« - Second service. Il sera composé de toutes sortes de ragoûts, fricassées, court-bouillons, venaisons rôties et en pâte, pâtés en croûte feuilletée, tourtes d’entrée, jambons, langues, andouilles, saucisses et boudins, melons et fruits d’entrées… Le maître d’hôtel ne posera jamais un bassin chargé de grosses viandes devant les personnes plus considérables, à cause qu’il leur boucheroit la vue du service, et que cette personne seroit obligée de dépecer pour présenter aux autres.
« - Troisième service. Il sera tout de gros rôti, comme perdrix, faisans, bécasses, ramiers, dindons, poulets, levrauts, lapins, agneaux entiers, et autres semblables ; avec oranges, citrons, olives, et saucières dans le milieu. – Quatrième service. Ce sera le petit rôti, comme bécassines, grives, alouettes, et fritures de toutes sortes, etc. – Cinquième service. Saumons entiers, truites, carpes, brochets, et pâtes de poissons, entremêlés de fricassées de tortues avec les écailles par-dessus, et des écrevisses.
« - Sixième service. Il sera de toutes sortes d’entremets au beurre et au lard, de toutes sortes d’oeufs, tant au jus de gigot qu’à la poêle, et d’autres au sucre, froids et chauds ; avec les gelées de toutes les couleurs et les blanc-mangers, en mettant les artichauts, cardons et céleri au poivre, dans le milieu, sur les salières. – Septième service. Il n’y faudra que des fruits, avec les crèmes et peu de pièces de four. On servira sur les porte-assiettes les amandes et les cerneaux pelés. – Huitième service. L’issue sera composée de toutes sortes de confitures liquides et sèches, de massepans, conserves et glacés, sur les assiettes, les branches de fenouil poudrées de sucre de toutes les couleurs, armées de cure-dents, et les muscadins ou dragées de Verdun dans les petites abaisses de sucre musqué et ambré.
« Le maître d’hôtel donnera ordre que l’on change les assiettes au moins à chaque service, et les serviettes de deux en deux. Pour desservir, il commencera à lever par le bas bout, et à mesure son second lèvera les assiettes, les salières et tout ce qui sera sur table, à la nappe près, finissant par le haut bout, où il donnera à laver, pendant que son second jettera les assiettes.
« J’ai écrit pour les hommes raisonnables, dit l’auteur en terminant, comme sont ceux qui s’ingèrent de la conduite des festins, qui est peut-être un des emplois les plus difficiles à mettre à exécution, de tous ceux auxquels l’homme s’applique, d’autant que l’on dépend de tant de sortes de gens, différents d’esprit et d’humeur, qu’il faut à poinct nommé, et à l’heure précise, que tout se rencontre ainsi que l’on l’a projeté ; et aussi que l’on est à la censure d’autres de plus grande condition, à qui leur peu d’appétit ou leur mauvaise humeur fera blâmer ce qui serait très agréable aux autres (qui, sur leur seul rapport de quelque plat, lequel ne leur semblera pas bon), n’oseront y goûter, crainte d’être obligés d’approuver ce qu’ils improuvent, ou bien de se dégoûter eux-mêmes, si par malheur l’assaisonnement ne se rencontrait pas être à leur goût. ».
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