TENIR LE HAUT DU PAVE
Posté par francesca7 le 25 juin 2015
Le pavé a toujours fait parler de lui. Matériau idéal d’un certain nombre de barricades, il est aussi à l’origine de nombreuses expressions qui, si j’ose dire, courent les rues : battre le pavé c’est naturellement se promener de long en large en le heurtant de la semelle par désoeuvrement : « On appelle un batteur de pavé – dit Furetière – un fainéant, un filou, un vagabond qui n’a ni feu, ni lieu, qui n’a autre emploi que de se promener. «
Brûler le pavé c’est aller grande allure, à cause que les roues cerclées de fer des carrosses, comme les sabots des chevaux, faisaient jaillir des étincelles s’ils allaient bon train. Etre sur le pavé, c’est être sans logement, sans ressources, ruiné et à la rue….
Tenir le haut du pavé par contre est un signe de distinction. On sait que les rues d’autrefois étaient faites en double pente remontant vers les murs des maisons, de sorte à ménager au milieu un ruisseau pour l’écoulement des eaux de pluie, de vaisselle, et de toutes sortes de vidanges ; Il était donc préférable lorsqu’on déambulait sur la chaussée de se tenir le plus loin possible de cet égout à ciel ouvert, donc de marcher sur la partie la plus élevée, c’est-à-dire le plus près possible des façades.
Cela évidemment posait un léger problème de protocole dès que l’on croisait un autre piéton : « Dans les rues l’on me frapait, afin de me faire aller du côté du ruisseau – dit Sorel – et m’appeloit on gueux, si je tesmoignais mon ressentiment par quelque paroles picquante ». Mais le choix se faisait plus généralement sur la parue ; il est certain qu’un important personnage, reconnaissable à la richesse de son habit, ne déviait jamais de son chemin sec – on s’effaçait devant lui, et il tenait toujours, au sens propre, le haut du pavé.
« On dit qu’un homme tient le haut du pavé dans une ville, qu’il n’y a personne qui lui dispute le pavé, pour dire qu’il est dans quelque dignité ou charge qui l’élève au-dessus des autres » (Furetière).
« La marche des carrosses – remarque Voltaire – et ce qu’on appelle le haut du pavé ont été encore des témoignages de grandeur, des sources de prétentions, de disputes et de combats, pendant un siècle entier ».
Les trottoirs furent inventés plus tard et ne se généralisèrent qu’au siècle dernier. Il est curieux de noter qu’ayant pris la place du « haut du pavé » ils en eurent d’abord le prestige. « Etre sur le trottoir ; être dans le chemin de la considération, de la fortune », dit curieusement Littré, qui ajoute ce bel exemple : « Cette fille est sur le trottoir, ancienne locution qui signifiait : elle est bonne à marier, elle attend un mari »… ça alors ! On a raison de dire que l’enfer n’est pavé que de bonnes intentions !
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton








































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