La fin de Leonora Galigaï
Posté par francesca7 le 19 juin 2015
Toujours là, la foule anonyme et vorace, qui, le lendemain des obsèques discrètes de Concini, s’en va déterrer son cadavre, le suspend à un gibet au Pont-Neuf, puis se met à le découper en morceaux qui sont distribués même aux enfants ; ils s’en vont un peu plus loin, tenter de les brûler.
Certains charognards en emportent même chez eux afin de les exhiber comme un trophée. On cherche comment éliminer Leonora Galigaï. Quel motif trouver ?
On se rappelle qu’elle avait fait ouvrir vivantes des volailles qu’elle mettait sur sa tête pour guérir de ses migraines. Sorcellerie ! Le mot est lâché, et la sentence arrive tout aussitôt : la mort par décapitation ! L’exécution a lieu en place de Grève le 8 juillet 1617.
Innombrable la foule ! Prête aussi à la dépecer, après… Mais il se passe un phénomène étrange : Leonora Galigaï se montre digne et forte devant la mort, elle étonne. En regardant la foule, elle murmure : « Tant de personnes ici pour une pauvre malheureuse ! »
Le bourreau prépare ses instruments. Leonora attend, et sa façon d’être sereine, patiente et résignée lui gagne la sympathie de cette foule qui la haïssait. Elle meurt admirée ! Ce qui ne l’empêche pas d’être brûlée immédiatement après sur le bûcher qui a été préparé à cet effet. Ses cendres sont dispersées au vent.
« Son courage aussi constant et ferme comme si la mort lui eût été une récompense agréable et que la vie lui eût tenu lieu d’un supplice cruel. Le cœur le plus envenimé ne put se tenir de fondre en larmes; de sorte qu’il est vrai de dire qu’elle fut autant regrettée à sa mort qu’elle avait été enviée durant sa vie. La seule vérité m’oblige à faire cette remarque, et non aucun désir de favoriser cette femme aussi malheureuse qu’innocente ».
De son véritable nom Léonora Dori, mais appelée généralement du nom de Galigaï, nous allons aborder dans cet article un personnage sombre de l’Histoire de France. Cette femme, haïe de son vivant, née vers 1571 à Florence, en Italie, était l’amie d’enfance et la dame d’atour de la reine Marie de Médicis. On se souvient d’elle pour deux raisons principales : elle aurait eu une forte influence sur l’épouse d’Henry IV, et aurait dilapidé avec son époux Concino Concini, maréchal d’Ancre, le royaume de France pendant la régence précédent la majorité du roi Louis XIII. Lorsque ce dernier arriva au pouvoir, Léonora fut accusée de sorcellerie et son époux fut assassiné. L’historiographie nous a généralement laissé le portrait d’une femme calculatrice et impitoyable, qui aurait eu une influence néfaste sur Marie de Médicis et sur le royaume de France. Seul Richelieu, dans ses Mémoires, lui reconnaît une grande intelligence et un grand courage lors des derniers instants de sa vie (soulignons cependant que Concino Concini, époux de Léonora, participa à l’élévation du cardinal). Qu’en est-il donc réellement de celle que l’on surnomme couramment la Galigaï?
Née à Florence vers 1571. Elle grandit à partir de 1584 au palais Pitti avec Marie de Médicis, fille du grand duc de Toscane. Léonora fait alors office de camarade de jeu et de dame de compagnie auprès de la princesse. Ses origines sont mal connues. Bien que possédant le nom de Galigaï, celui d’une famille de la noblesse florentine, il semblerait que Léonora soit en fait la fille d’un menuisier français, Jacques de Bastein, et de l’Italienne Catherine Dori.
D’après les témoignages de ses contemporains, Léonora n’est pas belle. Le portrait de François Quesnel, la représentant nous montre une femme aux cheveux sombres, mais dont les traits du visage sont fins et assez agréables. Par laide, il faut sans doute comprendre que Léonora, mince et de petite taille, ne correspond pas aux critères de beauté de l’époque, où l’on apprécie la blondeur et les femmes en chair, comme Marie de Médicis notamment.
A la Cour de France, Léonora devient la dame d’atour de Marie de Médicis. Elle est ainsi chargée de l’habillage et de la coiffure de la reine. Cependant, Henry IV n’apprécie pas beaucoup la suivante de son épouse, qui ne possède pas d’origines nobles. Ceci change lorsque Léonora épouse Concino Concini, intégrant ainsi la noblesse.
Installée au Louvre dans un appartement de trois pièces (qui communique avec ceux de Marie de Médicis), Léonora dispose de revenus confortables. Comme le mariage avec Concino s’est effectué sous le régime de la séparation de biens, la jeune femme dispose d’une grande fortune. Elle achète notamment l’hôtel particulier de Picquigny, rue de Tournon, qu’elle fait entièrement réaménager par l’architecte italien Francesco Bordoni. De plus, si Léonora est une femme discrète, solitaire (elle fréquente très peu la Cour) et qui ne vit pas au dessus de ses moyens, son époux passe en revanche pour un homme prétentieux et arrogant, qui ne manque pas de faire étalage de ses richesses.
Qu’en est-il donc de l’influence de Léonora sur Marie de Médicis? L’imagerie populaire nous la montre intriguante et dictant ses moindres volontés à la reine. Or, contrairement à son époux, Léonora fait preuve d’une grande discétion. Si elle intercéda probablement en faveur de l’ascension politique de Concino pendant la régence de la reine, il est en revanche très incertain qu’elle ait eu une influence en matière de politique au niveau du royaume. On peut également affirmer que l’impopularité des Concini était sans doute due à une forme de mépris de la noblesse de la Cour envers leurs origines italiennes -La méfiance envers des étrangers aussi proches de l’entourage de la reine et du pouvoir- mais aussi envers leur ascendance sociale. Léonora est on l’a vue, probablement fille de roturiers, alors que Concino est issu de la petite noblesse italienne. Rien à voir donc avec les grandes familles de la noblesse française.
Léonora est un personnage des plus ambigus : Sa personnalité d’une part est fascinante, car celle décrite comme une intrigante sans scrupules et avide de richesses n’en démontra pas moins un courage admirable lors de son exécution. C’est probablement cette force de caractère qui lui permit sa formidable ascension sociale. Etrangère, femme de basse extraction, sorcière pour ses détracteurs, on ne peut pourtant que saluer son charme, son intelligence et sa vivacité d’esprit qui lui permirent sans nul doute de mener une vie bien au-delà de ses espérances.
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