LES JOURS OUVRABLES
Posté par francesca7 le 13 juin 2015
EXPRESSION FRANCAISES
Contrairement à ce que l’on pourrait croire le monde du travail n’a pas donné grand-chose à la langue, du moins dans le domaine des locutions courantes. L’artisanat a eu beau fourmiller en façons de parler pittoresques, en images, en comparaison alertes prises aux outils, aux gestes quotidiens, c’est une parole qui, en France, n’a jamais été reconnue. Au fond, c’est assez logique ; à aucun moment le langage du travail ne s’est trouvée en contact étroit avec les deux pôles extrêmes qui ont été les véhicules majeurs de notre langue ; le monde des voyous d’une part, plus hostile encore aux travailleurs qu’à quiconque parce qu’ils en étaient plus proches et aussi les victimes les plus ordinaires – et à l’opposé celui de la bonne société, le beau monde qui ne pouvait avoir que mépris souverain à l’égard des besogneux.
Il faut ajouter que la langue du travail a été longtemps le domaine de prédilection des langues régionales, chez les paysans de toute évidence, mais aussi chez les artisans de tout bois et de tout poil – langues régionales, ou français dialectal dans les régions franciennes, la verve des travailleurs n’avait aucune chance de passer la rampe. Comme le dit P.Guiraud : « Il y a un tiers état du langage qui a toujours été soigneusement maintenu à l’écart ; on ne mélange pas les torchons et les serviettes ».
Il est significatif qu’à part quelques généralités, je n’ai pu grouper, parmi les expressions les plus courantes, que des résidus du domaine du tissage et de la couture, le seul (avec celui du commerce bien sûr, traité indépendamment) qui se soit constamment mêlé aux préoccupations du beau monde.
J’ai ajouté quelques locutions venues du théâtre, activité un peu particulière, et dont le contact avec la société polie est, je puis dire, une raison d’être.
LES JOURS OUVRABLES
Dans les anciennes coutumes, les loirs, et par conséquent le travail, se réglaient sur l’observance des fêtes religieuses. Outre les dimanches, consacrés au Seigneurs, donc aux offices, donc intouchable pour la productivité, il existait au fil de l’année un nombre assez coquet de fêtes de saints de haut renon qui étaient elles aussi obligatoirement chômées.
Chaque paroisse avait un saint patron et il aurait été offensant de ne pas l’honorer dignement par le repos et la fête.
Seuls les plus célèbres de ces « chômages » nous sont restés : le 15 août, fête de la Vierge, le jeudi de l’Ascension, les lundis de Pâques et de Pentecôte, ainsi bien sûr que la Nativité du 25 décembre : Noël. Heureusement certaines fêtes laïques et nationales sont venues renforcer le lot, suppléant aux Saint Michel et aux Saint Martin défaillantes … « Il n’est pas de bonne fête sans lendemain » dit un vieux proverbe qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd ; nous avons repris récemment l’habitude salutaire de faire, dès que l’occasion se présente, d’agréable ponts pour relier les fêtes aux dimanches. Nos ancêtres doivent se frotter les phalanges dans leur tombe de nous voir revenus à des coutumes aussi raisonnables.
Donc, dans la pratique on peut dire que les « jours ouvrables » sont aujourd’hui ceux om les bureaux de poste et les banque sont ouverts, où l’Administration en général reçoit ses administrés. Le mot ouvrable s’en trouve rapproché naturellement du verbe « ouvrir » comme sur les pancartes des issues secondaires du métro parisien : »Ouvert de 5 h 30 à 20 heures les jours ouvrables » Pourtant ce n’est pas du tout son sens véritable. Ouvrable est un dérivé de l’ancien verbe ouvrer, qui signifie travailler. Le mot a donné ouvrage, ouvroir, dans le sens d’atelier, œuvre, et bien entendu ouvrier. La malheureuse enfant du vilain comte d’Anjou et sa vaillante camarade, recueillis par une brave femme à Orléans, ne restent pas les deux pieds dans le mêmes sabot :
Leur ouvrouer ont apresté
Et se mectent a faire ouvrage
Si en font de maintes mennieres,
Quer molt en sont bonnes ouvrieres
Nes, quant par jor ouvré avoient
Par nuit oiseuses pas n’estoient.
Ouvrer a donc été le mot usuel jusqu’au XVIè siècle, où il a été remplacé par travailler.
Vers la fin du XVIIè « ouvrable » était lui aussi tombé en désuétude, et avait déjà son sens réduit actuel ; « Ne se dit qu’en cette phrase, Jour ouvrable, et signifie les jours ordinaires de la semaine où il n’est pas fête, où il est permis de travailler, d’ouvrir les boutiques. On dit aussi jours ouvriers » ‘Furetière).
Et tandis qu’il est jour ouvrier,
Le temps perd quand à vous devise.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.