Quand Margot etc
Posté par francesca7 le 10 juin 2015
Ravissante, élancée, élégante, brune, mais portant une perruque presque rousse – la mode étant au blond –, Margot, la reine Margot, l’épouse d’Henri de Navarre, le futur Henri IV, n’a pas son pareil pour séduire et faire chavirer le coeur des hommes. De plus, elle est cultivée, écrit des vers, des nouvelles. Ses liaisons amoureuses ne se comptent plus – on prétend même à l’époque que le bel Henri de Guise le catholique ferait partie de la liste. Trop, c’est trop ! Elle est exilée à Nérac, en Navarre, à la cour de son mari. Là-bas, elle se lasse d’une vie conjugale houleuse, et décide de devenir nomade : elle se fait recevoir de château en château, jusqu’au jour où, considérant déplacé son comportement, notamment ses frasques amoureuses, la reine la fait placer en résidence forcée à Usson en Auvergne.
Elle y poursuit en toute tranquillité ses excès. Elle divorce en 1599, revient en 1605 à Paris d’où elle avait été chassée. Accueillie à bras ouverts par Marie de Médicis, sa remplaçante auprès d’Henri IV, elle est d’autant mieux acceptée par les Parisiens qu’elle se montre aimable et surtout charitable en toute occasion. Elle perd ses cheveux, ses dents, mais on lui prête encore des aventures galantes, jusqu’au jour de sa mort, le 27 mars 1615, avant sa résurrection sous la plume de Dumas au XIX e siècle. Dumas qui lui attribue l’hypocoristique dont nous usons, attendris et fascinés : Margot !
L’expression devient bientôt synonyme d’habileté. Cependant, elle prend à partir du Dictionnaire de Trévoux (fin du xviiie siècle, publié par les Jésuites, alors que Jarnac était protestant) un sens péjoratif, qu’elle a encore parfois aujourd’hui. Émile Littré rétablit l’acception d’origine, un coup habile et fort loyal :
« Gui de Chabot Jarnac, dans un duel, le 10 juillet 1547, fendit d’un revers de son épée le jarret à son adversaire François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraie. Ce coup fut trouvé très habile et fournit une expression proverbiale, qui a pris un sens odieux ; mais c’est un tort de l’usage, car le coup de Jarnac n’eut rien que de loyal, et le duel se passa dans toutes les règles de l’honneur. À la suite de cela, un jarnac s’est dit aussi pour un poignard. »
Dans « Petites Misères de la vie conjugale » de Honoré de Balzac, le premier chapitre s’appelle ainsi
Guy Chabot de Saint-Gelais, futur deuxième baron de Jarnac, s’était marié en mars 1540 à Louise de Pisseleu, sœur de la duchesse d’Étampes, maîtresse de François Ier. Celle-ci était en constante rivalité avec Diane de Poitiers, maîtresse du Dauphin, le futur Henri II. Un jour qu’on demandait à Guy Chabot d’où lui venait la richesse de ses vêtements, celui-ci répond qu’il la devait à la générosité de sa belle-mère, Madeleine de Puyguyon, seconde épouse de son père, le baron Charles Chabot. Ces propos, tenus devant Diane de Poitiers et le Dauphin, sont opportunément déformés pour ridiculiser un proche de la duchesse d’Étampes. Le Dauphin fait courir le bruit que cette générosité cachait des faveurs bien spéciales.
Quand ces rumeurs parviennent aux oreilles de Guy Chabot, il oppose un fort démenti, doit convaincre son père de son innocence et de celle de sa belle-mère, et demande réparation. Il n’était pas pensable qu’il pût provoquer le Dauphin en duel. C’est François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraie, ami du Dauphin et redoutable bretteur, qui se dévoue pour dire qu’il était l’auteur de ces bruits, et qu’il n’avait d’ailleurs fait que répéter ce que Guy Chabot lui avait dit.
Chabot ne peut, à son tour, que demander au roi la permission de venger son honneur, mais François Ier la refuse toute sa vie, bien conscient qu’il ne s’agissait là que de « querelles de femmes jalouses ».
En 1547, à l’avènement d’Henri II, Chabot renouvelle sa demande, qui est alors accueillie favorablement. Mais la réputation de La Châtaigneraie en tant qu’escrimeur était telle que Chabot prend dans l’intervalle des leçons avec un spadassin italien, qui lui enseigne un coup de revers inconnu jusque-là. Jarnac n’est donc pas l’inventeur du coup qui porte son nom. Selon le neveu de François de Vivonne, ce maître d’escrime conseille également à Chabot, qui avait le choix des armes, d’imposer un équipement qui allait gêner les mouvements de son adversaire.
Le duel a lieu le 10 juillet 1547, dans un champ clos de bataille dans le pré au-devant du château. Au deux bouts du champs, on construisit deux loges en bois ou chacun des deux combattants se tint après avoir reçu une épée, un poignard et après avoir choisi chacun leurs parrains et leurs écuyers. Tous les préparatifs terminés, le Roi avec toute sa cour se plaça sur un amphithéâtre et fit signe à un héraut de proclamer le combat. Celui-ci annonça cette proclamation : « De par le Roi, laissez aller les vaillants combattants et, sous peine de la vie qu’il soit fait aucun signe de la main, du pied, de l’œil, de la voix ou en toussant, ni autre faveurs de l’un et de l’autre ».
« Cette proclamation terminée, la Châtaigneraie, comme agresseur, sorti le premier de sa loge, Jarnac sorti ensuite de la sienne, l’un et l’autre s’avancèrent d’un pas égal et assuré. D’abord, ils se portèrent plusieurs coups sans se toucher, cependant la Châtaigneraie ayant porté la jambe droite un peu trop en avant, Jarnac lui atteignit le jarret, et l’ayant terrassé d’un coup qu’il lui donna, il le tenait sous lui en se tournant vers le Roi, pour demander s’il n’aurait pas assez satisfait à son honneur, appela aussitot messire Anne de Montmorency, pour prendre son avis. Mais pendant leur discours, la Châtaigneraie ayant fait quelques efforts pour se remettre sur ses pieds, Jarnac le désarma et allait le tuer, si le Roi, pour faire cesser le combat, n’eut jeté son bâton dans le champ en signe de hola. Jarnac fut déclaré vainqueur aux applaudissements de toute l’assemblée. Son adversaire fut emporté grièvement blessé et mourut quelque temps après, tant de sa blessure que de la douleur d’avoir été vaincu en présence du Roi ».
On dit que La Châtaigneraie, s’attendant à remporter facilement le duel, avait prévu de donner un superbe repas le jour même du duel. Humilié de cette défaite, il arrache les pansements de sa blessure, et meurt le lendemain.
Le roi fut si touchée, de la mort de la Châtaigneraie que sur l’heure même, il indiqua que jamais il ne permettrait de duels publics. Ce duel est donc le dernier exemple, en France, de duel judiciaire autorisé par la magistrature.
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