A la rencontre de Cartouche le délinquant
Posté par francesca7 le 22 avril 2015
Louis Dominique Gartauszien, dit voleur (Paris 1693 ).
Né en 1693 à Paris, rue du Pont-aux-Choux, fils de Jean Garthauzsien, un ancien mercenaire allemand originaire de Hambourg devenu marchand de vins dans le quartier de la Courtille après avoir été valet chez le marquis de Beuzeville de la Luzerne (en Normandie), Louis Dominique est appelé Cartouche, par francisation de son patronyme en Gartouse puis Gartouche. Enfant, il est élève au collège de Clermont, chez les Jésuites, avant d’en être rapidement chassé. Il s’entraîne alors à couper quelques bourses et, jeune amoureux, dérobe pour sa belle des présents qu’il lui offre : tabatières, mouchoirs, bonbonnières, boîtes à mouches, gardes d’épée… À l’âge de onze ans, à la suite d’une sévère réprimande de la part de son père très pointilleux sur l’honnêteté (il aurait obtenu une lettre de cachet pour le faire interner dans une maison de redressement après un vol), le jeune Cartouche quitte le domicile parental.
Il est recueilli par une bande de Tsiganes qui lui enseignent tours de cartes, bonne aventure et technique des petits larcins. Avec un certain Galichon (qui sera bien vite arrêté), il vole flacons de vins et d’eau-de-vie et s’entraîne à l’épée. Un temps laquais chez monsieur de La Cropte, marquis de Saint-Acre et lieutenant général des armées du roi, il brille par sa dextérité au jeu. Le tricheur est néanmoins congédié. Avec tous ces petits exploits, il devient localement célèbre et prend la tête d’une petite bande en Normandie. Repéré par les autorités, il exerce un temps le rôle d’informateur pour le lieutenant de police d’Argenson, avant de partir pour l’armée. Après avoir servi quelque temps, notamment en tant que racoleur militaire, il s’entoure d’anciens soldats qui forment le noyau de sa nouvelle bande lors de son retour à Paris. Il prend alors la tête d’une troupe d’une centaine de bandits, hommes et femmes, qui commettent quotidiennement des vols et des assassinats dans la capitale.
Issu d’un milieu populaire donc, il devient, pendant la Régence, l’un des délinquants les plus actifs de la capitale, commettant pour l’essentiel des vols peu élaborés et violents (agression et effraction nocturnes). Sa renommée doit beaucoup au retentissement que les autorités donnèrent à son procès : profondément discrédité par la faillite du système de Law, le pouvoir politique se devait de démentir les rumeurs qui attribuaient la responsabilité d’une vague d’assassinats crapuleux à des agioteurs de haut rang. Pour faire pièce à cette vision polémique de la criminalité, les autorités dévoilent, à l’occasion d’un procès spectaculaire, l’existence d’une puissante organisation clandestine de voleurs recrutant dans les bas-fonds. En état d’arrestation, Cartouche sert ce projet en dénonçant près de 90 personnes, avant d’être exécuté (novembre 1721), déclenchant ainsi une dynamique de la délation. La justice peut alors entreprendre une vaste opération d’éradication de la pègre parisienne qui, de 1721 à 1724, permet d’arrêter plus de 350 délinquants.
Le procès de Cartouche et de ses complices, qui sera scandé par des vagues d’exécutions publiques, n’eut cependant pas l’effet escompté. Petit truand sans vocation justicière, Cartouche y gagna une envergure de grand criminel, fédérateur et chef suprême des voleurs parisiens. Il suscita curiosité et fascination, et celui qui n’aurait dû être qu’un bouc émissaire devint un héros. La littérature qui entoura l’affaire participa à cette « héroïsation », sans toutefois outrepasser les limites imposées par la censure.
Ainsi, l’Histoire de la vie et du procès du fameux Louis Dominique Cartouche, livret anonyme publié en 1722, justifie la répression en décrivant une bande strictement organisée qui n’exista jamais. Cette biographie, largement imaginaire, offre cependant un portrait très ambivalent du bandit, meurtrier sanguinaire mais doté de qualités qui font les hommes d’exception : audace, intelligence, sens de l’organisation et du commandement. Appartenant à la bibliothèque bleue, cet ouvrage, qui connut un énorme succès dès sa parution, permit à Cartouche de s’inscrire dans la mémoire collective. Constamment réédité jusqu’en 1856, il servit par la suite de source principale aux érudits de la fin du XIXe siècle, qui reprirent à leur compte l’image mythique du bandit parisien.
La Complainte de Cartouche |
Enfin Cartouche est pris Avecque sa maîtresse On dit qu’il s’est enfui Par un tour de souplesse Un chien l’a fait r’pincer Dès le matin ! |
On l’a mis au cachot Avec un fort bon drille, Sans couteau ni ciseau Ni marteau ni faucille Leurs mains ont fait un trou Chez le voisin ! |
Il dit à la question « Je ne suis pas Cartouche Je suis Jean Bourguignon Je ne crains point vos douches Je suis Lorrain de nation Je suis Lorrain » |
On le mena Jeudi En place de Grève Tout était si rempli Que tout le monde y crève. Puis on l’a fait sortir De sa prison |
En montant l’escalier De l’Hôtel de Ville Il dit au gonfalier « Ami je suis débile Donne moi un verre de vin Mon cher ami » |
On dit qu’il accusa Grand nombre de personnes Des pays étrangers Des femmes, aussi des hommes Il fut exécuté Le vendredi. |
Plus récemment, le cinéma a contribué à réactiver la renommée de Cartouche en lui conférant, sous les traits de Jean-Paul Belmondo, une image plus franchement positive de bandit au grand cœur.
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