ETRE DANS DE BEAUX DRAPS : d’où vient cette expression
Posté par francesca7 le 1 avril 2015
Les beaux draps c’est la pagaille, les gros embarras, situations réellement délicates, fâcheuses postures dans lesquelles d’ailleurs on a tendance à se loger soi-même : « Nous nous sommes mis dans de beaux draps » Habituellement on explique la chose en disant qu’il s’agit d’une antiphrase ; on appelle ainsi une tournure ironique du genre « léger comme un sac de plomb », ou « nous voilà propres », etc.
S’ils sont effectivement ressentis ainsi de nos jours, ce n’est pas là l’origine des beaux draps.
Pour remonter aux sources de cette expression curieuse il faut d’abor savoir qu’elle s’est raccourcie en chemin. Autrefois, on annonçait en plus la couleur, on disait « de beaux draps blancs ». « Ah coquines que vous êtes, vous nous mettez dans de beaux draps blancs à ce que je vois » dit Molière.
L a blancheur on le sait a toujours été symbole de pureté, de chasteté, d’innocence, de la candeur de l’âme. Les druides et les prêtres étaient vêtus de blanc ; le deuil même parfois étant en blanc, comme il l’est encore en Asie, signe d’espoir et de résurrection… A l’origine de ces draps blancs on trouve une ancienne forme de pénitence, en fait une « amande honorable » pour le péché d’incontinence : le péché de la chair. Afin de se purifier de sa luxure, celui ou celle qui avait à se repentir d’un fatal abandon devait entre autres choses assister à la messe, devant tous les fidèles, enveloppé d’un drap blanc – ou plus vraisemblablement « vêtu » de blanc. Les « draps », en effet, ont longtemps désigné les habits :
Et uns autres de Chaalons
qui eut vestu uns biaus dras verts
rechante d’autre part cest vers (Guillaume de Dole)
Cela explique le pluriel de la locution, habituel lorsqu’il s’agit des vêtements, et aussi l’insistance sur le « blanc » – les draps de lit que l’on appelait au début « draps linges » ne pouvaient guère être tissés d’une autre couleur.
La notion d’habits se raréfiant vers le XVè siècle, la locution d’un usage oublié demeura figée, avec un glissement de sens vers les draps de lit. Il reste comme un souvenir mal compris de son utilisation première, relative à la pénitence, dans cette phrase de la Satyre Ménippée de 1594 : « Et y eussiez esté couché en blancs draps, pour une marque ineffaçable de vos déloyauté ».
L’expression a conservé longtemps son sens de « jugement » avant de prendre l’allure ironique que nous lui connaissons – jusqu’à la fin du XVIIè, si on en juge par la définition de Furetière : « On dit, mettre un homme en beaux draps blanc, c’est à dire, en faire bien des médisances, en découvrir tous les défauts ». C’est dans ce contexte d’être en butte aux critiques et aux railleries qu’il faut comprendre cette apostrophe de Scarron à Mazarin vers 1650 :
Te souviens tu bien, Seigneur Jule,
du raisonnement ridicule
Que tu fis un jour sur les glans ?
Cela te mis en beaux draps blancs.
Par les samedis de printemps les mariées s’en vont en longues traînes. Aux porches des églises il arrive que les badauds désabusés murmurent : « Encore une qui s’est mise dans de beaux draps… » C’est curieux la vie des mots.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton







































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