UNE AUTRE PAIRE DE MANCHES
Posté par francesca7 le 29 mars 2015
EXPRESSION FRANCAISE
Au Moyen Age les manches de la cote étaient le plus souvent amovibles, c’est-à-dire qu’on devait les rattacher le matin au corps de l’habit en les « recousant ». Au cours de leur partie de campagne, le jeune empereur du Guillaume de Dole et ses compagnons vont d’abord faire quelques galipettes dans la nature :
Quand ils furent levés vers tierce
par le bois vont joer grant pièce
toz deschaus, manches descousues
Puis ils font leur toilette dans les fontaines des prêts, parmi les fleurettes, en compagnie des demoiselles avant le déjeuner
Ainçois qu’il cousissent lor manches,
levent lor oils et lor beaus vis
Les puceles, ne m’est avis,
lor atornent fil de filieres
qu’eles ont en lor aumosnierres
(Incidemment, comme ils n’ont rien pour s’essuyer :
As dames, en lieu de touaille
empreuntent lor blanches chemises
per cest ochoison si ont mises
lor mains a mainte blanche cuisse
- c’est un détail)
Autre exemple, Pygmalion parant amoureusement son amie pour leurs noces, dans le Roman de la Rose :
D’une aguille bien afilee
d’or fin, de fil d’or anfilee,
li a, por mieuz estre vestues,
ses deux manches estrait cousues.
Cette méthode vestimentaire avait un grand avantage : on pouvait changer les manches sans changer l’habit. On pouvait aussi les échanger, et il arrivait, dit-on, que les amoureux s’offrent mutuellement leurs manches en gage de bonne amitié.
La mode se continua quand les hommes portèrent des pourpoints aux manches très larges qui servaient de poches où l’on mettait mouchoirs, bourses et autres menus objets, on peut même y avoir quelqu’un. On met quelqu’un d ans sa manche comme plus tard on le mettra dans sa poche. Toujours est-il que les élégants gardèrent longtemps dans un aiguillier pendu à leur ceinture le fil et les aiguilles nécessaires à la mobilité de cet élément de leur parure. Or, des manches nouvelles fixées à un même habit peuvent par leur ampleur, leur couleur etc… le modifier complètement. Il est naturel que l’on ait donné « une autre paire de manches » comme l’image de quelque chose de complètement différent. « On dit à ceux qui font quelque nouvelle proposition, c’es tune autre paire de manches », dit Furetière.
En tout cas, si la manche revenait à la mode, avec la commodité actuelle des boutons-pressions, on pourrait facilement rafraîchir la formule.
Extrait de : La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
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