Quand la prostitution était garante de l’ordre social
Posté par francesca7 le 16 mars 2015
La prostitution est aujourd’hui considérée, par certains, comme un fléau social, alors que les sociétés anciennes l’ont tolérée, voire organisée.
Si, dans l’Orient antique, des chefs de famille offraient les femmes de la maison à leurs hôtes, la Grèce et Rome tentèrent de limiter la prostitution à des quartiers urbains circonscrits afin de préserver la moralité des familles. La prostitution était cependant jugée nécessaire, particulièrement pendant le Moyen Âge.
• Si les sources de l’époque « barbare » sont très lacunaires sur le sujet, il n’en est pas de même pour le reste du Moyen Âge : les chercheurs d’aujourd’hui abordent l’histoire de la prostitution par le biais des édits royaux, mais aussi à travers des documents municipaux, judiciaires ou notariés et des miniatures de manuscrits.
Aux XIe et XIIe siècles, la prostitution est plus ou moins contrôlée par l’Église ; au XIIIe siècle, elle est boutée hors de la ville, sans que les prostituées encourent de peines. Tout change aux XIVe et XVe siècles lorsque les « malheurs des temps » (peste, guerres, famines, etc.) amènent à la ville de nombreuses filles de la campagne, venues chercher un emploi ou cacher une grossesse accidentelle, consécutive à un viol le plus souvent. Les statuts de ville réglementent alors la prostitution : des quartiers ou pâtés de maisons sont réservés aux prostituées ; les bains publics et tavernes ne doivent pas se trouver à proximité d’une église, et les « bordelages », dirigés par une « abbesse », recueillent les filles mères ou des veuves dans l’impossibilité de subvenir à leurs besoins ; des lois somptuaires leur interdisent de se vêtir comme les honnêtes femmes, de manière à éviter des confusions : leurs vêtements doivent avoir une certaine longueur ou couleur. C’est l’époque d’une véritable institutionnalisation de la prostitution. Un rôle social important lui est conféré : sortir de la misère quelques marginales, mais surtout endiguer les violences sexuelles des célibataires, limiter la sodomie et l’adultère. Le prostibulum publicumdevient un lieu de sociabilité cimentant les groupes d’âges et les groupes sociaux. Aussi, les filles reconquièrent-elles les centres villes et des consuls font-ils construire des bordels sur les deniers publics (Tarascon, en 1357 ; Castelnaudary, en 1445).
Le temps de l’exclusion.
• Les mentalités évoluent au XVIe siècle et, certains facteurs d’équilibre ayant disparu, la prostitution, ou plutôt ce qu’elle engendre (jeux, meurtres, etc.), finit par incommoder et par être considérée comme amorale. À cause de ces débordements, la fonction sociale de la « fille bordeleuse » ou « amoureuse » est oubliée. « Filles de joie », de plus en plus souvent maquerellées par leur famille pour faire face à une paupérisation excessive, et riches courtisanes nouvellement apparues, qui trouvent clientèle et protecteur auprès des plus fortunés (ainsi Agnès Sorel avec François Ier), s’attirent la vindicte des prédicateurs, qui haranguent les foules urbaines. La population demande alors leur expulsion de nombreuses villes et, en 1560, l’édit d’Amboise promulgue la fermeture définitive des maisons publiques.
Toute la période classique condamne ouvertement la prostitution. L’État chasse les filles de « mauvaise vie », après avoir imprimé dans leurs chairs, au fouet ou au fer rouge, les marques de l’infamie. La prostitution ne disparaît pas pour autant, se cachant dans les étuves ou s’étalant dans certains quartiers : les courtisanes n’ont jamais quitté les salons ou les bals fréquentés par les grands hommes de chaque époque et, au début duXXe siècle encore, il existe, en France comme ailleurs, de nombreuses maisons closes privées où les prostituées sont sous surveillance médicale. Certains de ces établissements ont une réputation presque « irréprochable », tel Le Chabanais, dans le IIe arrondissement de Paris, connu depuis 1820 ; d’autres sont connus pour les mauvais traitements que les patrons infligent aux pensionnaires. Aussi, en 1945, Marthe Richard, conseillère de Paris, dépose un projet de loi devant son conseil municipal pour la fermeture des maisons closes de la capitale ; tout d’abord fermées pendant trois mois, celles-ci le sont définitivement à partir d’avril 1946, date à laquelle la loi Marthe-Richard est votée à l’Assemblée et étendue à toute la France. On assiste alors à la fermeture d’environ 1 400 établissements, dont 180 à Paris. Beaucoup de tenanciers deviennent propriétaires d’hôtels de passe, tandis que les prostituées redescendent dans la rue et les bars. Des œuvres, comme celle du Père Talvas, fondée en 1937, reçoivent des « repenties ». Depuis, du fait de la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles (sida) et de la toxicomanie, l’idée d’une réouverture des maisons closes a été évoquée à plusieurs reprises : en 1990, Michèle Barzach, ancien ministre de la Santé, soutenue par Bernard Kouchner, a fait une proposition dans ce sens afin de mieux contrôler l’état de santé des prostituées et d’encourager le port du préservatif. En 1992, on a interdit les promenades nocturnes dans les allées du bois de Boulogne, fréquentées, depuis une trentaine d’années, par des prostituées et des travestis.
Si la prostitution est une activité libre aux revenus imposables par le fisc, son organisation est, elle, sévèrement punie (de six mois à dix ans d’emprisonnement). La répression du proxénétisme est effectivement organisée depuis 1960 et les souteneurs, autrefois appelés « ruffians » et « impunis », sont considérés comme exploitants d’esclaves : pour l’ONU et dans le droit français, la prostitution figure encore parmi les formes persistantes de l’esclavage. Il y aurait en France entre 15 000 et 30 000 prostituées professionnelles, dont une sur cent quitte chaque année le métier et entreprend une démarche de réinsertion.
Sources encyclopédiques
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.