Fête du travail et jour de lutte
Posté par francesca7 le 12 mars 2015
• À la fin du XIXe siècle se développe une intense réflexion sur le travail, aussi bien chez les socialistes et les marxistes, qui considèrent qu’il doit se transformer « de fardeau en joie » (Kautsky), que chez les catholiques, pour lesquels l’encyclique Rerum novarum (15 mai 1891) renouvelle la pensée sur les liens entre le travailleur et le capitaliste. Dans ce contexte, le 1er mai s’affirme comme un moment de cristallisation de toutes les revendications de l’heure pour améliorer le sort du travailleur et signifier la force de ses défenseurs. Le 1er mai 1906 symbolise cette rencontre réussie entre une revendication précise - « les huit heures » - et un syndicalisme organisé représenté par la CGT - avec des formes d’action radicales comme la grève générale (qui réunit près de 50 % des grévistes de l’année) et les défilés avec drapeau rouge. Désormais, pour les classes dirigeantes et le patronat, le 1er mai appartient au légendaire de la révolution prolétarienne.
Premier Mai
Le 1er mai 1920, la CGT lance une grève générale à partir du mouvement des cheminots de Paris. Mais son déroulement laisse percer les premiers « déchirements du monde ouvrier » (Annie Kriegel), entre les hésitations de la masse et l’impatience de la fraction révolutionnaire. Après les grandes manifestations de mai 1936, symbole des espoirs représentés par la gauche, et en attendant celles de 1947, où éclatent les désillusions de l’après-guerre, le 1er mai connaît une récupération officielle sous le régime de Vichy qui le décrète « fête du travail », alors même qu’il est choisi en 1942 pour l’organisation de vastes manifestations patriotiques anti-allemandes en zone libre. En 1955, le choix fait par le pape Pie XII de célébrer au 1er mai la fête de saint Joseph « charpentier » participe de cet effort de dépolitisation.
Devenu la fête officielle du travail, le 1er mai (chômé et payé) reste encore aujourd’hui pour nombre de travailleurs un moment symbolique où se jaugent l’unité syndicale, la popularité des partis traditionnels de représentation ouvrière, ou le poids des tensions sociales.
En France, dès 1890, les manifestants du 1er mai ont pris l’habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge. Celui-ci est quelques années plus tard remplacé par la fleur d’églantine (Rosa canina ou Rosa rubiginosa), reprenant peut-être les coutumes de l’arbre de mai. En 1907, à Paris, le muguet, remplace cette dernière. Le brin de muguet est porté à la boutonnière avec un ruban rouge.
Au début du xxe siècle, il devient habituel, à l’occasion du 1er mai, d’offrir un brin de muguet, symbole du printemps en Île-de-France. Aujourd’hui, une tolérance de l’administration fiscale dans certaines communes permet aux particuliers et aux organisations de travailleurs de vendre les brins de muguet sans formalités ni taxes sur la voie publique en respectant toutefois les autres obligations légales (il s’agit par exemple de muguet du jardin ou des bois et non pas de muguet acheté, sinon ce serait de la revente).
Le 23 avril 1919, le Sénat ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant une journée chômée.
Le 24 avril 1941, le maréchal Pétain instaure officiellement par la loi Belin le 1er mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale », appliquant ainsi la devise Travail, Famille, Patrie : par son refus à la fois du capitalisme et du socialisme, le régime pétainiste recherche une troisième voie fondée sur le corporatisme, débaptisant « la fête des travailleurs » qui faisait trop référence à la lutte des classes. À l’initiative de René Belin, ancien dirigeant de l’aile anticommuniste de la CGT (Confédération générale du travail) devenu secrétaire d’État au travail dans le gouvernement de François Darlan, le jour devient férié, chômé et payé. La radio ne manque pas de souligner que le 1er mai coïncide aussi avec la fête du saint patron du maréchal, saint Philippe. L’églantine rouge, associée à la gauche, est remplacée par le muguet. Cette fête disparaît à la Libération.
En avril 1947, sur proposition du député socialiste Daniel Mayer et avec le soutien du ministre communiste du Travail Ambroise Croizat, le 1er mai est réinstitué jour chômé et payé dans le code du travail, sans être une fête nationale (mais il n’est pas officiellement désigné comme fête du Travail). Ce n’est que le 29 avril 1948 qu’est officialisée la dénomination « fête du Travail » pour le 1er mai.
Beaucoup à gauche voudraient que la fête du Travail redevienne la fête des Travailleurs, rejetant les mesures de Pétain. Par contre l’églantine rouge (d’origine révolutionnaire) n’est plus vraiment une revendication, d’autant que la vente libre du muguet par tous ce jour-là donne l’occasion aux syndicats de rencontrer la population et de faire connaître leurs activités et revendications.
Cette fête disparaît dans les années 1950 et 1960, les défilés étant interdits lors des guerres d’Indochine et d’Algérie, il faut attendre le 1er mai 1968 pour que la CGT organise une grande manifestation dans les rues de Paris.
Des manifestations syndicales, voire intersyndicales ou unitaires (selon les années, les revendications et les mouvements sociaux en cours), ont lieu dans les grandes villes de France le 1er mai, les plus importantes d’entre elles ayant traditionnellement lieu à Paris. Alors que la SFIO a abandonné au mouvement syndical la maîtrise du 1er mai dès sa naissance, certains partis tentent de se réapproprier cette fête, tel le Front national qui y défile depuis 1988 pour rendre hommage à Jeanne d’Arc ou l’UMP du président de la République Nicolas Sarkozy qui rassemble ses partisans en 2012 en se réclamant de la fête du « vrai travail ».
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