ON SE DEMANDE BIEN POURQUOI METTRE A L’INDEX
Posté par francesca7 le 8 mars 2015
EXPRESSION FRANCAISE
Mettre quelqu’un à l’index ce n’est pas exactement le montrer du doigt ; c’est l’exclure, le rejeter. L’Index, celui qui a donné naissance à la locution, est un « catalogue des livres suspects dont le Saint Siège interdit la lecture » (Littré). L’institution de cette liste d’ouvrages à odeur de soufre date d’un décret du concile du Trente de 1563. Il visait aussi bien les livres de sorcellerie que les publications hérétiques, lascives ou obscènes, dont les auteurs comme les lecteurs éventuels étaient également à fuir par quiconque voulait assure le salut de son âme.
Le monde évolua. Au XIXè siècle les ouvriers organisés en sociétés qui préfiguraient les organisations syndicales reprirent l’expression à leur compte. Ils pratiquaient la mise à l’indes, des patrons qui n’appliquaient pas les conventions de salaires d’une profession donnée, en refusant de travailler pour eux. Voici la description qu’en fait E.Boutmy, racontant les luttes des adhérents de la Société typographique en 1868 :
« Un petit nombre de maisons à l’index, c’est-à-dire dans lesquelles aucun sociétaire ne pouvait accepter de travail sous peine de déchéance, employèrent les typographes qui n’étaient pas entrés dans l’association ou qui pour un motif ou pour un autre, en étaient sortis ; d’autres en petit nombre aussi, occupèrent des femmes ».
Bientôt, un mot venu d’Angleterre allait prendre le relais de l’expression d’Eglise ; dans son numéro du 3 octobre 1897 Le Père Peinard, citant un rapport du congrès de la Sociale à Toulouse, donne l’évolution du mot boycottage, lequel ne doit plus rien au Vatican :
« Le bycottage n’est autre chose que la systématisation de ce que nous appelons en France la mise à l’index (…). Ses origines sont connues. En Irlande, le régisseur des énormes domaines de lord Erne, dans le comté de Mayo, le capitaine Boycott, s’était tellement rendu antipathique par des mesures de rigueur envers les paysans que ceux-ci le mirent à l’index : lors de la moisson de 1879, Boycott ne put trouver un seul ouvrier pour enlever et rentrer ses récoltes ; partout, en outre, on lui refusa les moindres services, tous s’éloignèrent de lui comme d’un pestiféré.
Le gouvernement, émotionné, intervint, envoya des ouvriers protégés par la troupe, mais il était trop tard ; les récoltes avaient pourri sur pied. Boycott vaincu, ruiné, se réfugia en Amérique »
Les mots sont des actes : le verbe boycotter connut un succès fulgurant. Dès l’année suivante, 1830, il passait en français.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
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