Saisir l’occasion aux cheveux
Posté par francesca7 le 4 mars 2015
EXPRESSION :
Les Romains, qui en laissaient rarement passer une, représentaient l’Occasion sous la forme d’une déesse nue, aux pieds ailés, chauve sur le derrière de la tête, tenant un rasoir d’une main et de l’autre un voile tendu au vent. Mais une longue tresse de cheveux lui pendait par-devant, seul endroit par où on pouvait la saisir au passage.
Le symbole est évident qui sous-tend le dicton : « L’occasion est chauve ».
En effet les cheveux constituent chez l’homme une prise facile, c’est un peu la poignée du couvercle ou l’anse du panier. De la tignasse des écoliers aux longues nattes des belles martyres des premiers temps de notre ère on a toujours largement utilisé ce point d’ancrage pour forcer les gens à faire ce qu’ils refusaient de faire.
S’il (l’amour) nel veut reprendre
Por ce ne l’irai-je pas prendre
Par ses biaus cheveux.
dit un texte du XIIIè. On a même vu que pour plus de commodité on attachait les gens à la queue d’un cheval de trait pour les traîner sur le sol jusqu’à ce que mort s’en suive.
Quand une chose est tirée par les cheveux c’est qu’elle n’arrive pas de bonne grâce ; « On dit qu’un passe, qu’une comparaison sont tirés par les cheveux lorsqu’ils ne viennent pas naturellement au sujet – dit Furetière – qu’ils sont tirés de trop loin, et amener par force et par machine ». Amyot, perlant au XVIè siècle des interprétations bizarres que l’aucuns veulent à tout prix tirer des œuvres des poètes, disait : « Quelques uns les tordant à force, et les tirant, come l’on dit, par les cheveux, en exposition allégoriques » .
On rapporte que les musulmans se rasaient le crâne, en laissant qu’une seule mèche afin qu’après leur mort Mahomet puisse les empoigner par là pour les hisser vers son paradis. On a dit également que c’était le sens de la mèche des Indiens rasés d’Amérique, lesquels, avec un sens de la courtoisie dont nous n’avons plus aucune idée, se laissaient une poignée de cheveux sur le scalp afin que s’ils venaient à être tués au combat leur ennemi ait moins de mal à le leur arracher.
Malheureusement, selon des historiens avertis, l’habitude de scalper son prochain ne serait pas du tout un trait de a culture indienne. Elle aurait au contraire été introduite par les conquérants qui, pour encourager les autochtones à s’entre-tuer, payaient le cadavre d’Indien à la pièce, sur présentation de la peau du crâne, comme on offre une prime par queue de renard abattu.
Comme dit le Coran : « Un cheveu même a son ombre » – les plus petits détails ont leur importance.
Extrait de La Puce à l’Oreille de Claude Dunetton
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.