Expression du DIABLE, puissance du malin
Posté par francesca7 le 24 février 2015
L’histoire du diable se confond avec celle des institutions ecclésiastique et politique affirmant une orthodoxie par le rejet des « déviants » qui sont assignés à la puissance du Malin.
C’est pourquoi l’usage de la figure du diable est à son apogée durant la genèse de l’État moderne, depuis le Moyen Âge tardif jusqu’au premier XVIIe siècle.
Dans l’Ancien Testament, Satan n’est qu’une création divine qui met l’homme à l’épreuve. En revanche, dans le Nouveau Testament, le diable et sa cohorte de démons figurent le mal, et s’efforcent d’empêcher le triomphe de l’Église. La théologie chrétienne des premiers siècles intègre Lucifer au dogme - central - du péché originel : l’ange fut chassé du royaume céleste pour s’être rebellé et avoir incité Ève à la désobéissance en ayant parlé par la bouche du serpent. Néanmoins, l’Église primitive considère le démon, principalement incarné dans le paganisme, comme facile à vaincre. Et, jusqu’au XIe siècle, les clercs mettent en garde les fidèles contre ces tentations considérées comme de simples illusions à combattre par la pénitence. Aux XIIe et XIIIe siècles, lorsque se développent les protestations vaudoise et cathare contre la puissance de l’Église de Rome, celle-ci impose un monodémonisme au centre de sa pastorale : le diable devient le seigneur d’une secte de disciples, en vertu d’un pacte librement consenti durant une « messe à l’envers » appelée « synagogue », puis « sabbat » (XIVe siècle).
Le diable projette d’amener le chrétien à renier Dieu, et à œuvrer pour son propre royaume. Bien qu’il soit un être spirituel, il peut prendre une forme corporelle (homme noir, chat ou bouc), ou s’introduire dans un fidèle (possession). La poursuite de ses serviteurs justifie les procès politiques (depuis l’ordre des templiers à Éléonore Galigaï), les persécutions des hérétiques (des albigeois aux calvinistes), la lutte contre la religion populaire (du Dauphiné, au XVe siècle, au Labourd, au XVIIe siècle). L’originalité française procède de la prise en charge de cette « croisade » par le souverain temporel. En effet, les officiers du roi mènent les chasses aux sorcières du premier tiers du XVIIe siècle, et sont aussi les responsables de la disparition de ces dernières. Le retrait du diable s’exprime à travers la construction d’une figure mythique. Le XIXe siècle romantique, qui rêve le Moyen Âge, ou s’insurge contre l’ordre bourgeois, érigera Satan en héros contestataire (la Sorcière, de Michelet, 1862).
Dans le Manichéisme, le « mal » est à égalité avec le principe du « bien », l’un et l’autre correspondant à dieu. Dans la tradition judéo-chrétienne, le « mal » et le « bien » ne sont pas égaux : les anges déchus étaient des créatures de Dieu qui n’ont pas été créés mauvais mais ont chu en se voulant les égaux de Dieu et en le rejetant ; eux et leur chef appelé « le Diable » tentent de répandre le mal en agissant auprès des hommes par la tentation. Ce faisant, le Diable a rejeté le bien et il est à l’origine du mal : « Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge » (Jean chapitre 8 verset 44).
À l’origine du mal, esprit du mal dans le monde, il est représenté sous un aspect qui varie entre l’homme et l’animal réel ou imaginaire (ours, bouc, dragon, rapace, etc.), le plus souvent aux traits hideux et repoussants.
L’existence d’une entité représentant la personnification du mal sous tous ses aspects et combinant les fonctions de maître de l’inframonde, destructeur du cosmos et responsable des pires aspects de l’humanité semble être apparue avec le monothéisme. L’élaboration de cette figure originale emprunte néanmoins aux religions polythéistes pratiquées au Moyen-Orient et aux influences desquelles les auteurs de la Bible furent soumis.
D’un point de vue théologique, le diable est considéré comme un ange révolté contre Dieu, déchu et précipité en enfer (sur terre), qui pousse les humains à faire le mal. Si certaines traditions considèrent que le mal vient aussi de Dieu, et que le diable n’est qu’un de ses aspects ou de ses agents, la plupart lui donnent une dimension autonome. Dans ce cas, selon certains, Dieu laisse dans une certaine mesure le champ libre au diable, tout en conservant la possibilité de le réenchaîner, alors que pour les Manichéens la lutte entre ces deux forces ne peut être arbitrée que par l’Homme.
Au début du xxe siècle, Sigmund Freud apporte un nouvel éclairage à la figure du diable et tente la première approche scientifique des cas de « possession ». En étudiant dans Une névrose démoniaque au xviie siècle un cas de supposée possession démoniaque en pleine chasse aux sorcières, il suggère que les accusations portées expriment en fait le refoulement des pulsions sexuelles que la morale de l’époque réprouve particulièrement. Freud explique que « le diable n’est pas autre chose que l’incarnation des pulsionsanales érotiques refoulées »
Cette interprétation s’inscrit dans le cadre de la théorie qu’il développe selon laquelle les névroses trouvent leur origine dans des désirs sexuels inassouvis. Selon Freud, le diable représente en fait une figure patriarcale et incarne la peur et la défiance vis-à-vis du père, tandis que Dieu en représente l’affection et l’influence protectrice. Dans ce cadre, la religion est vue comme une création psychique permettant à l’individu d’accepter le monde qui l’entoure ainsi que sa propre condition mortelle. Le démon est intégré à l’individu comme faisant partie de son inconscient, luttant à son insu contre sa propre volonté. Jung conteste cette conception en affirmant la consubstantialité du bien et du mal, aussi indissociables que la lumière et l’ombre. Dieu et le diable ne se réduisent donc pas à des métaphores mais constituent des mythes.
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