L’abbaye de Bouches-du-Rhône
Posté par francesca7 le 18 janvier 2015
Montmajour – dans la vieille cité d’Arles
Le touriste qui visite la vieille cité d’Arles ne manque pas d’accomplir un pèlerinage à Montmajour. C’est un plateau de rochers, à 3 kilomètres de la ville, où croissent en abondance les plantes aromatiques, exhalant un agréable et tonique parfum, où les fleurettes naissent sous vos pas, où des arbustes de forme variée, l’olivier, le lilas, le pin, le laurier, le frêne et le jasmin font le contraste le plus charmant en mêlant leur feuillage et leur ombre. Le génie chrétien a jeté ici des monuments bien dignes de fixer l’attention, des cryptes silencieuses et sombres, où les premiers disciples du Christ venaient prier, une église dont le style n’est pas sans intérêt pour l’artiste, un monastère aux formes imposantes dont les ruines ont une certaine grandeur.
Le peuple d’Arles aime d’instinct Montmajour : il en est fier. Il a comme un sentiment de respect et presque d’affection pour cette tour gigantesque du XIVe siècle. La légende affirme que saint Trophime venait s’y reposer des travaux de son apostolat, au début du Ve siècle.
Trophime était un grec d’Ephèse converti par saint Paul, qui parle de lui avec tant d’affection dans ses épîtres ; bravant le martyre, il accourut à travers mille dangers, porter l’Evangile, labonne nouvelle, à la Rome des Gaules (Arles), idolâtre, orgueilleuse de sa puissance et de sa splendeur, « rendez-vous de tous les peuples qui habitaient sur les bords du Rhône et de la Méditerranée », suivant les termes même d’un édit impérial. Abbaye de Montmajour au début du XXe siècle
Bien souvent, après sa prédication, le saint Missionnaire se retirait dans sa cellule de Montmajour. Les disciples vinrent en foule, et grâce à lui le christianisme conquit à Arles le droit de cité. Saint Trophime devint ainsi le premier évêque d’Arles.
En 502, saint Césaire quitta le monastère de Lérins pour accepter l’évêché d’Arles. Il résista aux menaces des rois Alaric et Théodoric, maintint dans sa province l’intégrité de la foi. Ses travaux, ses luttes, les pénibles fonctions de son ministère ne lui faisaient pas oublier sa chère retraite de Montmajour, où son éloquence et sa réputation de sainteté attirèrent autour de lui de nombreux disciples. C’est lui qui posa la première pierre du monastère. Bientôt, le lieu devint une colonie de pieux cénobites vivant là en commun, s’appelant du nom de frères, et obéissant à une règle, expression sévère de la loi nouvelle qui avait fait de la vie de chrétien une continuelle préparation à la mort. La piété et la science fleurirent longtemps dans ce sanctuaire jusqu’à l’époque de l’invasion sarrasine.
Les Sarrasins avaient envahi la Provence et la tenaient sous le joug. Dans la tourmente du combat que Charlemagne leur livra, le monastère de Montmajour disparut, mais grâce à la munificence du souverain, ses murailles furent bientôt debout. Charlemagne avait vaincu par la croix ; il ordonna de bâtir une chapelle dédiée à la Sainte-Croix, ce signe de la victoire et du salut. On prétend que quelques-uns de ses preux, dignes compagnons de ce Roland que la légende a rendu si célèbre, reçurent la sépulture dans ce lieu consacré.
Rien de remarquable dans la petite église souterraine de Montmajour, qui fut l’asile de saint Trophime et de saint Césaire. Mais ces quarante-cinq marches que l’on descend, des héros, des saints, des princes les ont descendues ; Charlemagne les descendit aussi avec ses douze pairs, quand il vint s’agenouiller dans ce sanctuaire dont les murs ont tant d’éloquence. Cette caverne naturelle, avec sa nef de trois ou quatre arceaux uniformes, son long corridor étroit et sombre, qui se termine par une grotte allongée, est une des plus belles pages de l’histoire du christianisme.
C’est en 1016 que fut fondée la basilique de Montmajour. A cette date l’oeuvre n’était que commencée ; elle avança avec lenteur et il est facile de voir aux différents genres de style qui se mêlent dans cette construction que, pendant plus de deux cents ans, du XIe au XIIIe siècle, des ouvriers, des artistes, la plupart inconnus les uns aux autres, y ont successivement déposé le fruit de leur talent. Quant à l’église qui sert de support à la basilique, elle a été faite d’un seul jet. On trouve dans le manuscrit de l’abbé Bonnemant une description de l’abbaye de Montmajour au XIIIe siècle. Il ne reste de cet édifice que le cloître avec ses tombeaux et ses inscriptions. Là dorment les générations de plusieurs siècles : prélats, seigneurs, chevaliers, dames de haute lignée, moines obscurs. L’abbaye de Montmajour, comme le monastère de Lérins son modèle, fut longtemps une école permanente de vertus et de dévouement, un asile contre la persécution, un atelier où les arts et les lettres étaient cultivés avec succès. On cite ce moine, Hugues de Saint-Césaire qui avait fait un recueil de poésies provençales. Il était troubadour comme le fut plus tard saint François d’Assise.
Malgré les guerres qui éprouvèrent si cruellement la Provence au Moyen Age, les invasions des peuples qui se disputaient cette belle contrée comme une proie, Montmajour fut, surtout au XIVe siècle, une demeure somptueuse, enrichie qu’elle fut de bonne heure par les dons des fidèles. Cette magnificence devait lui être fatale. Du Guesclin gagnant l’Espagne avec ses routiers, voulut rançonner Arles qui résista.
Alors l’orage alla crever sur Montmajour que le grand capitaine ne put défendre contre les vexations d’une soldatesque effrénée ; le trésor fut mis au pillage ; l’incendie projeta au loin de sinistres lueurs.
Cette rude épreuve servit de leçon. L’abbé Pons de Ulmon fit construire la belle tour de défense, ornée de bossages et couronnée de mâchicoulis. Cette tour supporta plus d’un assaut ; fièrement campée en avant du monastère pour le protéger, elle ne put, au XVIe siècle, détourner ce torrent dévastateur qu’on appela les guerres de religion. Montmajour finit par succomber et ne fut plus qu’un monceau de ruines. Sur l’emplacement de la vieille abbaye, on bâtit cent ans plus tard une habitation spacieuse et romantique. C’était un château plutôt qu’un couvent et l’abbé, très richement doté, menait là une vie de grand seigneur. A contempler les ruines qui jonchent aujourd’hui le sol, ces larges corridors, ces élégantes salles, ces vastes appartements déserts, ces beaux escaliers de pierre, cette charmante terrasse qui plonge sur le paysage, on sent le luxe, le confortable, les habitudes de bien-être. Tout cela disparut sous les coups de la Révolution. Demeuré seul sur son rocher, l’antique donjon semble regretter son isolement et son impuissance.
(D’après « Revue de l’Agenais » paru en 1875)
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.