L’EXPRESSION : Poser un lapin
Posté par francesca7 le 17 janvier 2015
Poser un lapin c’est ne pas venir à un rendez-vous, et laisser attendre l’autre au lieu fixé. Certes le lapin est un animal instable, qui bondit dès qu’on veut l’approcher, mais cela n’explique guère la création de cette tournure qui date environ de la fin du siècle dernier, et dont le mystère demeure à peu près entier. L’hypothèse avancée par certains selon laquelle le lapin serait celui que produit le prestidigitateur devant son public ne paraît pas convaincante dans la mesure où il crée une agréable surprise et non une méchante blague.
On trouve par contre, dans le passé du lapin, si j’ose dire, trois significations annexes qui peuvent jeter quelque lueur sur ce délicat problème de paternité. D’abord au XVIIIè siècle on appelait « lapin » un passager en surnombre qui montait sur le siège à côté du cocher d’une diligence, et voyageait ainsi plus ou moins gratuitement au bon gré de son hôte. « Sur le devant de cette voiture, il existait une banquette de bois, le siège de Pierrotin, et où pouvaient tenir trois voyageurs, qui placés là, prennent comme on le sait le nom de lapins. Par certains voyages, Pierrotin y plaçait quatre lapins »… explique Balzac dans Un début dans la vie.
Deuxièmement un « lapin » a eu également le sens d’histoire fausse. Esnault cite pour 1718 : « Celui-là est de garenne, votre récit est incroyable ». Enfin il est bien connu que le « lapin » en terme de prostitution es – était déjà en 1880 – le client qui se sauve sans avoir rétribué les faveurs d’une fille. Il est évident que ces deux derniers sens – sui sont peut-être liés – paraissent se rapprocher du contexte d’un rendez-vous manqué, sans toutefois l’expliquer de façon tout à fait satisfaisante.
Personnellement, je crois qu’il faut aussi prendre en compte un vieux sens de « poser », ou « faire poser », qui est « faire attendre quelqu’un ». « Depuis trois mois, elle le faisait poser, jouant à la femme comme il faut, afin de l’allumer davantage » (Zola, Nana). Le mot était en usage en 1897 où G.Darien l’emploie dans un sens étrangement proche de celui de la locution ; « Je t’ai laissé poser hier soir ; excuse-moi car je n’ai pas pu faire autrement », dit un personnage du Voleur qui n’a pu se rendre à un rendez-vous.
Y a-t-il eu croisement entre le lapin insolvable et l’action de « poser » dans l’attente ? … Evidemment on peut imaginer qu’une fille, pour se venger d’un client sans scrupule lui donne de faux rendez-vous, auquel cas elle « ferait poser un lapin » – mais rien n’indique que l’expression se soit ainsi abrégée, et avec des « si » on mettrait Paris en bouteille.
issu du livre : « La puce à l’Oreille » aux éditions Stock 1978
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