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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

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  • > Archives pour le Jeudi 25 décembre 2014

QU’EST-CE QUE PEIGNER LA GIRAFE

Posté par francesca7 le 25 décembre 2014

 

peigner-la-giraffeLa girafe est un des animaux exotiques de première grandeur, si j’ose dire, qui est demeuré le plus longtemps mystérieux, voire carrément fabuleux pour les Français. A la fin du XVIIè siècle Furetière n’hésite pas écrire : « Girafe : animal farouche dont plusieurs auteurs font mention mais que personne n’a vu…. Mais la plupart des curieux croient que c’est un animal chimérique ».  

On imagine donc l’enthousiasme des foules lorsque la première girafe, en chair, et en os et en cou, pose pour la première fois le pied sur notre sol au XIVè siècle. Elle débarque à Marseille le 26 octobre 1826.  Envoyée en présent à Charles C par le pacha d’Egypte, Mohamed Ali. Hébergée tout l’hiver à la préfecture de Marseille, elle fut conduite à Paris à pied, en cortège, dès le printemps suivant, et pendant les quarante jours du voyage, la foule s’amassa sur le parcours dans une préfiguration de ce qui serait plus tard le public du Tour de France. La plupart des auberges où la caravane avait fait halte prirent l‘Enseigne A la girafe.

Elle atteignit Paris en triomphe le 30 Juin 1827 et quelque jours plus tard fut présentée au roi en grand pompe avant de rejoindre ses appartements au Jardin des Plantes. « La France entière – écrit le Dr P.Thévenard – s’éprend alors littéralement de la girafe ; on accourut de tous les points du pays pour la voir ; au Pont d’Austerlitz, dont la traversée était encore payante à l’époque, les recette du péage s’enflent démesurément… Bientôt, d’ailleurs, la girafe ne se contente plus d’attirer à ses pieds les foules admiratives ; elle pénètre en effigie au foyer des citoyens français, et s’y mêle intimement à leur existence quotidienne  l’on fond des plaques de cheminées à son image ; l’on tapisse les appartements de papiers peints dont elle constitue l’élément décoratif essentiel, inlassablement répété ; à ceux qui le préfèrent on propose pour suspendre au mur un tableau en perles aux tons chatoyants ; enfin, les céramistes n’entendant pas demeurer en reste, les services de table font fureur, tandis qu’il n’est pas de coiffeur à la mode qui ne possède son plat à barbe « à la girafe ».

« On rime sur elle, on la chante, elle inspire un vaudeville, et on lui adresse une invocation en chœurs et couplets, que soutient une musique originale ».

Il faut dire aussi qu’à la veille de la révolution de juillet 1830, les commentaires n’étaient pas tous délirants : « Rien n’est changé en France, il n’y a qu’une bête de plus » ironisaient d’aucuns ; La vedette donna également naissance à des MDFnYMvgWFtE5rRitc2PDDl72eJkfbmt4t8yenImKBVaiQDB_Rd1H6kmuBWtceBJcomparaisons et à des quolibets que Littré donne comme « populaires » : « Femme grand et qui a un très long cou. Il dansait avec une grande girafe » De cette époque date sans aucun doute l’expression incongrue « peigner la girafe », qui n’a pas tout de suite voulu dire comme aujourd’hui » ne rien faire », mis d’abord plus logiquement « perdre son temps à ne vaine et fastidieuse besogne ».

Je rappellerai pour terminer que la girafe mourut à Paris en janvier 1845, un peu oubliée. Elle fut néanmoins empaillée avec soin et conservée au Muséum, avant d’être transférée en 1931 au Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle où elle trône toujours, superbe, sur le palier de l’escalier principal, faute d’avoir pu entrer dans aucune des salles.

issu du livre : « La puce à l’Oreille » aux éditions Stock 1978

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ANCIENS METIERS ; SERRURIERS

Posté par francesca7 le 25 décembre 2014

 

téléchargement (8)Le portrait que nous reproduisons orne la première page d’un petit atlas de gravures aujourd’hui fort rare. Le personnage représenté, maître Robert Davesne, s’était vraisemblablement rendu célèbre par l’élégance et la richesse de ses ouvrages de serrurerie. C’était plutôt un artiste qu’un mécanicien. Sa clientèle se composait probablement de seigneurs, et sans doute il travailla pour le roi. La dédicace de son livre semble l’indiquer. Elle est adressée à M. Bruand, architecte ordinaire des bâtiments du roi, et on y sent l’honnête reconnaissance de l’ouvrier pour le protecteur qui lui a procuré de belles « commandes. »

Nous n’avons trouvé aucun renseignement sur le caractère et la vie de cet artisan. Mais il n’est peut-être pas impossible de tirer de son livre quelque lumière. Il est probable que Davesne était riche. La fortune a dû suivre chez lui la réputation, d’autant qu’il vivait à une époque où l’on eut le goût, la manie même des jardins, et la coutume de les entourer, de les diviser par de riches balustrades. Or c’était précisément en cette sorte d’ouvrage que Davesne excellait. Sa fortune est encore prouvée par la publication de son livre.

La dédicace, dont j’ai déjà parlé, trahit le défaut d’éducation première. On y voit un homme ignorant des choses étrangères à son art, qui n’a acquis dans les relations avec sa belle clientèle qu’une bien légère idée de la littérature et du goût : « Monsieur, dit-il à Bruand, l’admirable et renommée qui vous appelle et donne le titre glorieux du plus sublime perscrutateur des choses nécessaires à la conservation et embellissement des bâtiments de Sa Majesté, me fait craindre de vous présenter ce petit ouvrage, quoique de soy trop indigne et trop rampant pour être mis au nombre de ceux qui s’offrent journellement à votre grand esprit. »

On s’attendrait, d’après le titre, à trouver dans le corps du livre des recettes, des secrets, des descriptions de pièces plus ou moins compliquées. Il n’en est rien. Le livre se compose uniquement de douze planches représentant ses serrures, des clefs, des panneaux, des grilles, des balustrades, dont le dessin a été inventé par maître Robert, qui confirme le jugement que nous avons énoncé plus haut sur son genre de mérite.

L’ornementation de quelques-unes de ces pièces est très remarquable. Leur caractère est une richesse un peu lourde, un peu massive. L’élément principal consiste en rinceaux à feuilles larges et développées. Les figures d’hommes et d’animaux n’y ont qu’une place secondaire, et fort heureusement, car l’infériorité de notre artiste, comparé à ceux de la renaissance, est surtout sensible en ce point. Il y a quelque mauvais goût, du reste, commun à tous les artistes du temps. On peut leur reprocher, par exemple, certains pots à feu et pots à fleurs qu’ils plantent ordinairement sur les grilles et qui n’ont rien d’heureux.

Tout le texte se compose de la dédicace, dont nous avons cité le commencement, d’une autre au public, conçue à peu près dans la même langue, et d’une table explicative des planches, où chaque pièce (même la plus compliquée) finit invariablement par ces mots : « Fort agréable et facile à vuider et à graver. »

Ajoutons, pour être tout à fait exact, un quatrain qui se trouve à la dernière page, sous une rampe d’escalier d’un dessin très léger, par exception, et très réussi. Voici ce quatrain. Il ne dit pas grand chose sur la vie de Davesne ; mais il témoigne de l’esprit, des habitudes et de l’orthographe de l’époque.

Quatrain sur l’ouvrage, par Claude Prieurs.
Entre tous les ouvrages que produict la nature,
Je n’en é jamais veu un qui fust parfait.
La pointe du burin é les traicts d’écriture
Ensemble n’ont forgé ce que Davesne a faict.

Profitons de l’occasion de maître Davesne pour dire quelques mots sur la corporation des maîtres serruriers à Paris. Elle datait sans doute du quinzième siècle, puisque les premiers statuts qu’on rencontre, et qui suivirent de près probablement la formation de la communauté, sont du mois de novembre 1411. Ces statuts, corrigés et augmentés, furent confirmés par Louis XIV, en 1652.

676LkXVjZn0gSV84uCiuq4eHZnQComme dans presque toutes les corporations de Paris, la surveillance des travaux du métier est confiée à quatre jurés élus par tous les maîtres pour deux années. Ce qu’il y a de particulier à ce métier, c’est que les visites des jurés y sont rares. Ils ne font que cinq inspections par an, tandis que dans certains autres métiers, notamment dans celui des tailleurs, il y avait des inspections chaque semaine.

Ce qui est particulier encore, c’est la durée de l’apprentissage, cinq ans en moyenne, et celle du compagnonnage, autres cinq ans, dix ans en tout avant d’être admis à faire son chef-d’œuvre et à demander la maîtrise. Mais ce qui malheureusement n’est pas particulier, ce qui est commun à ce métier et à presque tous les autres, c’est la disposition assez peu équitable par laquelle les fils de maîtres, et même les gendres de maîtres, sont dispensés de tout apprentissage. « Ils ne sont tenus que d’une simple expérience », disent les statuts.

Il ne faut pas croire, d’après leur nom, que les serruriers fissent surtout des serrures. Il en était déjà de cette profession comme aujourd’hui. La plupart des serrures étaient faites hors Paris ; on tirait les meilleurs de Picardie, principalement de la ville d’Eu, dont les habitants étaient presque tous voués à la serrurerie, et les plus communes du Forez.

Les quincailliers de Paris les achetaient en gros dans ces deux pays et les revendaient au détail aux ébénistes, aux serruriers, etc. Ces derniers ne faisaient eux-mêmes que les serrures commandées, ou les serrures à dix fermetures pour les coffres-forts, les caisses des négociants et des joailliers. C’était généralement une serrure de cette espèce qu’on donnait à faire, comme chef-d’œuvre, aux compagnons qui demandaient la maîtrise.

Les véritables ouvrages des serruriers étaient les pièces nécessaires aux charpentes, ancres, crampons, boulons, etc. ; les ustensiles de ménage en fer, les loquets, gonds, pivots et pièces de même genre ; mais surtout les grilles et balustrades, que le goût du temps voulait aussi riches et ornementées que possible.

Un autre ouvrage, qui devait plus tard être assez lucratif pour les artisans de ce métier, était à peine connu en France à la fin du siècle dont nous parlons : c’est l’espagnolette. On fermait les volets, les fenêtres et les contrevents avec des verrous ou même avec des serrures. L’espagnolette, qui, grâce à sa barre de fer longitudinale, a l’avantage de fermer plus également, plus complètement, nous fut apportée d’Espagne à la suite de la guerre qui mit sur le trône de ce pays Phillipe V, fils de Louis XIV. Elle devint bientôt d’un usage général. Au reste, on peut dire que l’espagnolette est ce que nous avons gagné de plus clair dans cette guerre de la succession d’Espagne, qui nous coûta si cher et nous mit assez longtemps à deux doigts de notre perte.

(D’après un article paru au XIXe siècle)

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POURQUOI MENAGER LA CHEVRE ET LE CHOU

Posté par francesca7 le 25 décembre 2014

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A vouloir plaire aux uns on s’attire souvent la colère des autres, et il est parfois difficile de ménager la chèvre et le chou :…. Dans cette curieuse locution il faut comprendre le verbe ménager, non pas dans le sens actuel d’épargner, mais dans celui qu’il avait autrefois de « conduire, diriger » – que l’anglais a conservé sous la forme quasi internationale de manager et management. Une « bonne ménagère » est étymologiquement celle qui dirige bien les affaires de sa maison. « Le fait d’un bon mesnager – dit La Boétie au XVIè siècle – c’est de bien gouverner sa maison.  » On comprend que l’on soit passé de là au sens d’économie domestique.

C’est donc « conduire la chèvre et le chou » qu’il faut entendre à l’origine de l’expression, ces deux antagonistes ancestraux, prototypes du dévoreur et du dévoré, du faible et du fort, du couple dominant-dominé qui a toujours besoin d’un arbitre, d’un gardien, d’un législateur ; le duo a donné aussi mi-chèvre, mi-chou, moitié agressif, moitié soumis, donc incertain, hésitant à pencher vers un bord ou un autre.

En tout cas il faut être habile pour faire cohabiter ces deux ennemis, ou les emmener en voyage. Une histoire fort ancienne illustre la difficulté de leur « conduite » : c’est le fameux problème du passage d’un loup, d’une chèvre et d’un chou.

Un homme doit faire traverser une rivière à ces trois « personnages », mais le pont est tellement étroit, ou la barque si frêle, qu’il ne peut en passer qu’un seul à la fois. Bien sûr il ne saurait à aucun moment laisser ensemble sans surveillance ni le loup avec la chèvre, ni la chèvre avec le chou. Il doit donc faire appel à une astuce particulière, sujet de la devinette, et vous pouvez mettre la sagacité de vos amis à l’épreuve de ce classique qui a fait la joie de nos aïeux. Solution ; on passe d’abord la chèvre, le loup et le chou restant seuls ne se feront aucun mal. On la laisse de l’autre côté et on revient « à vide » chercher le chou. Une fois celui-ci sur l’autre rive – c’est là l’astuce – on ramène la chèvre avec soi. On la laisse seule à nouveau, pendant que l’on fait traverser le loup que l’on ré-abandonne avec le chou, mais sur l’autre bord. On a alors tout le loisir, dans un aller-retour supplémentaire, d’aller recherche la chèvre, afin que les trois protagonistes se retrouvent sans dommage sur la rive opposée, en compagnie de leur habile gardien.

Cette histoire était déjà célèbre au XIIIè siècle, où savoir « passer la chèvre et le chou » était déjà une expression figurée d’habileté dans la discussion, comme en témoigne ce passage du Guillaume de Dole en 1228 :

Si lui fait lors un parlement

De paroles où il lui ment :

Pour passer les chèvres, les choux,

Sachez que il n’estoit mie fou

 

Comme on voit, la locution ne date pas des dernières neiges !

issu du livre : « La puce à l’Oreille » aux éditions Stock 1978

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