EXPRESSION : TIRER A HUE ET A DIA
Posté par francesca7 le 15 décembre 2014
Cette expression vient de notre ami le cheval – La plus noble conquête de l’homme a été mise un peu sur la touche par les temps modernes. A part le prodigieux intérêt pour les courses télévisées, et dans une moindre mesure les randonnées forestières des dimanches d’été, le rôle et le prestige du cheval se sont réduits comme peau de chagrin au cours de ce siècle.
Pourtant, principale source d’énergie pendant un millénaire et moyen de transport presque unique, le cheval qui a révolutionné en son temps aussi bien la manière de cultiver la terre que de se batte aux armées a joué dans le développement de la civilisation occidentale un rôle aussi capital que celui de l’électricité depuis une centaine d’années. Il n’est pas étonnant qu’il soit resté de ses bons et loyaux servies un nombre remarquable de façons de parler.
Ce n’est pas le signe d’une bonne organisation dans aucun domaine que de tirer sans cesse à hue et à dia !…
Ce sont là des termes, dit Furetière, « dont se servent les chartiers pour faire avancer les chevaux par le droit chemin. Il est venu en usage dans cette phrase figurée et proverbiale : Il n’entend ni à dia, ni à hurhaut ; pour dire. C’est un brutal qui n’entend point la raison, quelque parti qu’on lui propose. Les Chartiers se servent de dia pour faire aller leur cheval à gauche, et de hurhaut pour les détourner à droite ». En effet, Roger de Collerye disait très justement au XVIè siècle :
A propos un chartier sans fouet
Qui ne dit dea ni hirehau
Pourrait-il toucher son chevau ?
Droite ou gauche, un choix capital certes, mais souvent difficile à opérer. « Il est normal que les uns tirent à hue et les autres à dia – disait R. Escarpit dans un de ses billets du Monde ; A ne pas vouloir choisir, au mieux on reste immobile, au pire, on est écartelé ».
Dia ! Dia !… criaient donc les cochers, claquant leur fouet en guise d’accélérateur. Da ! Da !… reprenaient les bambins, dès le plus jeune âge. C’est ainsi que le noble animal est devenu dada dans la langue enfantine, dès les temps anciens, comme naguère l‘automobile était devenue « toto ».
Il est naturel qu’un animal à la fois aussi prestigieux pour un enfant et aussi familièrement quotidien ait toujours constitué le jeu favori et obstiné des petits garçons, sous la forme de substituts divers, allant du simple bâton empanaché au cheval de bois, toutes catégories, dont la chaise à bascule ornée d’une tête de bidet constitue la version bébé. Selon Rabelais un ancêtre de Pantagruel avait échappé au Déluge en chevauchant l’arche de Noé dans laquelle vu sa teille, il n’avait pu trouver place ; »Il estoit dessus l’Arche à cheval, jambe deça, jambe delà, comme les petitz enfants sus des chevaux de boys« .
La fascination pour le jouet s’est transportée naturellement sur les amusettes et autres idées fixes du monde adulte, qu’il s’agisse d’une collection de castagnettes andalouses, ou bien des obscures branchements des radio-amateurs. Notons en passant que l’anglais Hobby, de hobby-horse (cheval de petite taille), a exactement le même sens et la même évolution.
Enfourcher son dada est donc à peine une métaphore : « Un homme qui ‘na point de dada ignore tout le parti que l’on peut tirer de la vie » affirme Balzac. Je dirai que dans bien des cas un dada aide à vivre, tout simplement.
issu du livre : « La puce à l’Oreille » aux éditions Stock 1978
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