Expression : Les dés sont pipés
Posté par francesca7 le 9 décembre 2014
Autre vieille technique de chasse ; imiter le cri des animaux pour les attirer vers soi. « Le braconnier – dit P.Vialar – se sert aussi des appeaux, des chanterelles. Il faut s’y connaître bien pour faire venir à soi en les appelant certains gibiers afin de les tuer ensuite au fusil, et imiter à la perfection la caille comme la perdrix, ou mieux, la chevrette afin qu’accoure le mâle ».
Autrefois on attirait les oiseaux sur des branches d’arbres que l’on avait préalablement enduites de glu. On prenait ainsi les oiseaux « à la pipée » – le mot étant de la famille de pipeau. « La saison de piper au bois as oyseaulx si commence après la Saint Michel archange et dure tant que les feuilles sont as arbres », dit un texte du XIVè siècle.
Furetière explique plus tard comment la méthode est passée à d’autres domaines : « Au figuré il s’emploie communément pour dire tromper, et particulièrement au jeu. Les filous font métier de piper les dés, de les charger de mercure ou de plomb, d’y marquer de faut points. Ils pipent les cartes en y faisant quelques marques pour les connaître ou en les escamotant ». Scarron, visitant la foire de Saint Germain, commente à ce propos :
Icy le bel art de piper
Très-impunément sa pratique :
Icy tel se laisse attraper
Qui croit faire aux pipeurs la nique.
Un pipeur est un filou. Ils abondent. « On peut dire au féminin pipeuse – dit Littré qui ne doute de rien – et, dans le style un peu élevé ou poétique, piperesse ».
Si l’on considère tous les pièges où l’on peut tomber, les embûches de la vie courant, les traquenards qui nous attendent, si l’on songe à tous les appeaux vers lesquels on court, les leurres, miroirs aux alouettes, attrape-nigauds de tous bords – sans parler des peaux de bananes et des planches pourries – on se dit qu’un homme averti en vaut une bonne demi-douzaine !
issu du livre : « La puce à l’Oreille » aux éditions Stock 1978
Publié dans EXPRESSION FRANCAISE | Pas de Commentaire »