LES MATS DE COCAGNE ET EXPRESSIONS
Posté par francesca7 le 30 novembre 2014
Il faut parler du pays de cocagne, fabuleuse contrée qui, depuis le Moyen Age, a alimenté les rêves de générations entières de ventres ceux, de pauvres hères, hanté les siècles de famine. Cocagne, archétype de toutes les terres promises où il n’est qu’à tendre la main pour se gorger des friandises les plus douces au palais – où la fortune vient en dormant !
Li païs a nom coquaigne
Qui plus i dort, plus i gaigne.
dit un fabliau du XIIIè siècle, lequel présente à l’envie des maisons dont les murs sont faites de sucreries, des rivières charriant de l’excellent vin, ainsi que des pluies bienfaisantes de galettes chaudes plusieurs fois la semaine.
Décrocher la timbale.
Il faut parler des mâts de cocagne, ces anciens jeux des villages en fête. On dressait sur les places publiques un mât haut et lisse, enduit de suif ou de savon noir pour le rendre plus glissant ; Un cerceau fixé au sommet offrait des victuailles ; jambons, pâtés, bouteilles d e champagne se balançaient en guirlande, aguichant les grimpeurs qui devaient aller les cueillir à la force des bras et des jambes pour la plus grande joie des spectateurs. Dans certains cas, vers le milieu du siècle dernier, on plaçait à la cime du mât une timbale, sans doute en argent, que le plus valeureux champion allait « décrocher » sous les applaudissements de la foule.
Bien sûr les jeux forains sont toujours le reflet naturel des préoccupations ordinaires d’une société, et ces grimpettes des dimanches en fête sont sorties de l’usage. Nous avons des supermarchés, des kilomètres de rayons pliant sous des montagnes de nourriture, des chariots débordants pour la quinzaine … Cocagne cette illumination d’affamés chroniques, nous en venons ! – a panse lourde, du cholestérol plein les vaines, les yeux bouffis… Nous avons beaucoup peiné pour ça, grimpé à des cordes raides, et usé nos reins, blessés nos genoux, accepté bien des peaux de bananes – et peu dormi.
Certes, nous avons décroché la timbale, sous les regards avides et les rires jaunes des peuples immenses et mal nourris du tiers monde … Qui sait ? Ils nous attendent peut-être au pied du mât.
issu du livre : « La puce à l’Oreille » aux éditions Stock 1978
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