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  • > Archives pour le Jeudi 30 octobre 2014

Esclave de son Ignorance

Posté par francesca7 le 30 octobre 2014

 

 
 
En 1890, l’écrivain, philosophe et historien Ernest Renan, affirmant que le suffrage universel suppose notamment « que tous sont compétents pour juger les questions gouvernementales » et refusant de reconnaître ce qu’il qualifie de « souveraineté de la déraison », fustige dans L’avenir de la science ceux qui, se refusant à éclairer le peuple, s’appliquent à le maintenir dans l’ignorance afin de s’assurer de son aveuglement pour réussir, socle du système politique actuel

S’interrogeant sur l’avenir de notre civilisation, il conjecture avec une glaçante lucidité l’accueil qui serait réservé par ses congénères au savant et laborieux chercheur qui aurait trouvé, sinon la solution définitive, du moins la solution la plus avancée du grand problème social. Il est à ses yeux incontestable que cette solution serait si compliquée qu’il y aurait au plus vingt personnes au monde capables de la comprendre. « Souhaitons-lui de la patience, s’il est obligé d’attendre, pour faire prévaloir sa découverte, l’adhésion du suffrage universel », lance sans illusion Renan. « Un empirique qui crie bien haut qu’il a trouvé la solution, qu’elle est claire comme le jour, qu’il faut avoir la mauvaise foi de gens intéressés pour s’y refuser, qui répète tous les jours dans les colonnes d’un journal de banales déclamations : celui-là, incontestablement, fera plus vite fortune que celui qui attend le succès de la science et de la raison.

 

200px-Ernest_Renan_by_René_de_Saint-MarceauxErnest Renan (1823-1892)

 

« Qu’il soit donc bien reconnu que ceux qui se refusent à éclairer le peuple sont des gens qui veulent l’exploiter, et qui ont besoin de son aveuglement pour réussir. Honte à ceux qui, en parlant d’appel au peuple, savent bien qu’ils ne font appel qu’a l’imbécillité ! Honte à ceux qui fondent leurs espérances sur la stupidité, qui se réjouissent de la multitude des sots comme de la multitude de leurs partisans, et croient triompher quand, grâce a une ignorance qu’ils ont faite et qu’ils entretiennent, ils peuvent dire : Vous voyez bien que le peuple ne veut pas de vos idées modernes. S’il n’y avait plus d’imbéciles à jouer, le métier des sycophantes et des flatteurs du peuple tomberait bien vite. Les moyens immoraux de gouvernement, police machiavélique, restrictions à certaines libertés naturelles, etc., ont été jusqu’ici nécessaires et légitimes. Ils cesseront de l’être, quand l’État sera composé d’hommes intelligents et cultivés.

« La question de la réforme gouvernementale n’est donc plus politique ; elle est morale et religieuse ; le ministère de l’Instruction publique est le plus sérieux, ou, pour mieux dire, le seul sérieux des ministères. Que l’on parcoure toutes les antinomies nécessaires de la politique actuelle, on reconnaîtra, ce me semble. que la réhabilitation intellectuelle du peuple est le remède à toutes, et que les institutions les plus libérales seront les plus dangereuses, tant que durera ce qu’on a si bien appelé l’esclavage de l’ignorance. Jusque-là le gouvernement a priori sera le plus détestable des gouvernements.

« Au premier réveil du libéralisme moderne, on put croire un instant que l’absolutisme ne reposait que sur la force des gouvernements. Mais il nous a été révélé qu’il repose bien plus encore sur la sottise et l’ignorance des gouvernés, puisque nous avons vu les peuples délivrés regretter leurs chaînes et les redemander. Détruire une tyrannie n’est pas grand chose, cela s’est vu mille fois dans l’histoire. Mais s’en passer… Aux yeux de quelques-uns, cela est la plus belle apologie des gouvernants ; à mes yeux, c’est leur plus grand crime. Leur crime est de s’être rendus nécessaires, et d’avoir maintenu des hommes dans un tel avilissement qu’ils appellent d’eux-mêmes les fers et la honte. M. de Falloux s’étonne que le tiers état de 89 ait songé à venger des pères qui ne s’étaient pas trouvés offenses. Cela est vrai ; et ce qu’il y a de plus révoltant, ce qui appelait surtout la vengeance, c’est que ces pères, en effet, ne se soient pas trouvés offensés.

« Le plus grand bien de l’humanité devant être le but de tout gouvernement, il s’ensuit que l’opinion de la majorité n’a réellement droit de s’imposer que quand cette majorité représente la raison et l’opinion la plus éclairée. Quoi ! pour complaire à des masses ignorantes, vous irez porter un préjudice, peut-être irréparable, à l’humanité ? Jamais je ne reconnaîtrai la souveraineté de la déraison. Le seul souverain de droit divin, c’est la raison ; la majorité n’a de pouvoir qu’en tant qu’elle est censée représenter la raison. Dans l’état normal des choses, la majorité sera en effet le criterium le plus direct pour reconnaître le parti qui a raison. S’il y avait un meilleur moyen pour reconnaître le vrai, il faudrait y recourir et ne pas tenir compte de la majorité.

« A entendre certains politiques, qui se disent libéraux, le gouvernement n’a autre chose à faire qu’à obéir à l’opinion, sans se permettre jamais de diriger le mouvement. C’est une intolérable tyrannie, disent-ils, que le pouvoir central impose aux provinces des institutions, des hommes, des écoles, peu en harmonie avec les préjugés de ces provinces. Ils trouvent mauvais que les administrateurs et les instituteurs des provinces viennent puiser à Paris une éducation qui les rendra supérieurs à leurs administrés. C’est là un étrange scrupule ! Paris ayant une supériorité d’initiative et représentant un état plus avancé de civilisation, a bien réellement droit de s’imposer et d’entraîner vers le parfait les masses plus lourdes. Honte à ceux qui n’ont d’autre appui que l’ignorance et la sottise, et s’efforcent de les maintenir comme leurs meilleurs auxiliaires !

 

Esclave de son Ignorance dans HUMEUR DES ANCETRES Ernest-RenanErnest Renan dans les années 1870 

« La question de l’éducation de l’humanité et du progrès de la civilisation prime toutes les autres. On ne fait pas tort à un enfant, en sollicitant sa nonchalance native, pour le plus grand bien de sa culture intellectuelle et morale. Longtemps encore l’humanité aura besoin qu’on lui fasse du bien malgré elle. Gouverner pour le progrès, c’est gouverner de droit divin. Le suffrage universel suppose deux choses : 1° que tous sont compétents pour juger les questions gouvernementales ; 2° qu’il n’y a pas, à l’époque où il est établi, de dogme absolu ; que l’humanité, à ce moment, est sans foi et dans cet état que M. Jouffroy a appelé lescepticisme de fait. Ces époques sont des époques de libéralisme et de tolérance. L’un ne possédant pas plus que l’autre la vérité, ce qu’il y a de plus simple, c’est de se compter ; le nombre fait la raison, du moins une raison extérieure et pratique, qui peut très bien ne pas convertir la minorité, mais qui s’impose à elle.

« Au fond, cela est peu logique. Car le nombre n’étant pas un indice de vérité intrinsèque, la minorité pourrait dire : Vous vous imposez à nous, non pas parce que vous avez raison, mais parce que vous êtes plus nombreux ; cela serait juste, si le nombre représentait la force ; car alors, au lieu de se battre, il serait plus raisonnable de se compter pour s’épargner un mal inutile. Mais, bien que moins nombreux que vous, nous avons de meilleurs bras et nous sommes plus braves ; battons-nous. Nous n’avons pas plus raison les uns que les autres ; vous êtes plus nombreux, nous sommes plus forts, essayons. C’est qu’un tel milieu n’est pas normal pour l’humanité ; c’est que la raison seule, c’est-à-dire le dogme établi, donne le droit de s’imposer, c’est que le nombre est en effet un caractère tout aussi superficiel que la force ; c’est que rien ne peut s’établir que sur la base de la raison.

« Je le dis avec timidité, et avec la certitude que ceux qui liront ces pages ne me prendront pas pour un séditieux, je le dis comme critique pur, en me posant devant les révolutions du présent comme nous sommes devant les révolutions de Rome, par exemple, comme on sera dans cinq cents ans vis-à-vis des nôtres : l’insurrection triomphante est parfois un meilleur criterium du parti qui a raison que la majorité numérique. Car la majorité est souvent formée ou du moins appuyée de gens fort nuls, inertes, soucieux de leur seul repos, qui ne méritent pas d’être comptés dans l’humanité ; au lieu qu’une opinion capable de soulever les masses et surtout de les faire triompher, témoigne par là de sa force. Le scrutin de la bataille en vaut bien un autre ; car, à celui-là, on ne compte que les forces vives, ou plutôt on soupèse l’énergie que l’opinion prête à ses partisans : excellent criterium !

« On ne se bat pas pour la mort ; ce qui passionne le plus est le plus vivant et le plus vrai. Ceux qui aiment l’absolu et les solutions claires en appellent volontiers au nombre ; car rien de plus clair que le nombre : il n’y a qu’à compter. Mais ce serait trop commode. L’humanité n’y va pas d’une façon aussi simple. On aura beau faire, on ne trouvera d’autre base absolue que la raison. »

(Extrait de « L’avenir de la science : pensées de 1848 », paru en 1890)

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Lorsque l’éclipse de lune faisait peur

Posté par francesca7 le 30 octobre 2014

 

  

Le matin du 21 décembre 2010 connut une éclipse totale de lune, l’astre des légendes les plus singulières se trouvant alors plongé dans l’ombre de la terre. Jadis inexpliqué, plus tard savamment mis à profit, ce phénomène inspira longtemps quelque terreur, voire « pétrifia » les hommes…

Dans son Uranographie, Francoeur explique que l’histoire est pleine des exemples de l’effroi causé par les éclipses, et des dangers que produisent l’ignorance et la superstition. Nicias avait résolu de quitter la Sicile avec son armée ; effrayé par une éclipse de lune et voulant temporiser plusieurs jours, pour s’assurer si l’astre n’avait rien perdu après cet événement, il manqua ainsi l’occasion de la retraite ; son armée fut détruite, Nicias périt, et ce malheur commença la ruine d’Athènes.

 téléchargement

Disque illustrant l’éclipse totale
de lune du 6 octobre 1530
(Extrait de « Astronomicum caesareum », 1540)

 

Souvent on a vu des hommes adroits tirer parti de la frayeur du peuple pour l’amener à remplir leurs desseins. Et Fracoeur d’ajouter que Christophe Colomb, réduit à faire subsister ses soldats des dons volontaires d’une nation sauvage et indigente, était prêt à voir tarir cette ressource et à périr de faim ; il annonce qu’il va priver le monde de la lumière de la lune. L’éclipse commence, et la terreur s’empare des Indiens, qui reviennent apporter aux pieds de Colomb les tributs accoutumés.

Drusus apaisa une sédition dans son armée en prédisant une éclipse de lune. Pline rapporte que Sulpicius Gallus, au IIe siècle av. J.-C., fut le premier romain qui expliqua au vulgaire la raison des éclipses de soleil et de lune. Il fut consul avec Marcus Marcellus en 166 av. J.-C. ; mais il n’était que tribun militaire lorsque la veille de la victoire que Paul Emile remporta sur Persée, son général le fit paraître devant l’armée assemblée, pour lui annoncer l’éclipse qui venait d’arriver, et la délivrer de l’alarme qu’elle aurait pu en concevoir. Il composa bientôt après un volume sur ce sujet.

images (3)Parmi les Grecs, Thalès de Milet dirigea le premier ses recherches sur ce phénomène, et la quatrième année de la 48e olympiade, il prédit l’éclipse de soleil qui eut lieu sous le règne d’Alyatte, le 28 juin 585 av. J.-C. Après eux, Hipparque dressa des tables du cours de ces deux astres pour six cents ans : mois, heures, jours, situations respectives des lieux, aspects du ciel selon les diverses nations, tout y est compris, tout a été vérifié par le temps ; on croirait l’astronome admis au conseil de la nature. « Génies vastes et plus qu’humains, d’avoir ainsi surpris la loi de ces deux grandes divinités, et affranchi d’effroi la malheureuse espèce humaine, qui tremblait en voyant dans chaque éclipse l’annonce de quelque grand crime, ou craignait la mort des astres, ou qui attribuait à des enchantements celles de la lune, et venait à son secours en faisant un bruit discordant », écrit Pline. Périclès, Agatocles, roi de Syracuse, Dion, roi de Sicile, ont failli être victimes de l’ignorance de leurs soldats. Alexandre, près d’Arbelles, est réduit à user de toute son adresse pour calmer la terreur qu’une éclipse avait jetée parmi ses troupes.

Combien de fables établies d’après l’opinion que les éclipses sont l’effet du courroux céleste, qui se venge des iniquités de l’homme en le privant de la lumière ! Tantôt Diane va trouver Endymion dans les montagnes de Carie ; tantôt les magiciennes de Thessalie font descendre la lune sur les herbes qu’elles destinent aux enchantements. Ici c’est un dragon qui dévore l’astre et qu’on cherche à épouvanter par des cris ; là Dieu tient le soleil enfermé dans un tuyau, et nous ôte, ou nous rend la vue de cet astre à l’aide d’un volet, etc. Le progrès des sciences a fait reconnaître le ridicule de ces opinions et de ces craintes, depuis qu’on a vu qu’il était possible de calculer par les Tables astronomiques, et de prévoir longtemps d’avance, l’instant où la colère du ciel devait éclater. Cependant naguère encore, l’épouvante a causé le revers des armées de Louis XIV près de Barcelone, lors de l’éclipse totale de 1706.

 

(D’après « Histoire naturelle de Pline », et « Uranographie
ou Traité élémentaire d’astronomie » 3e édition, paru en 1821)

 

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LE DETRONEMENT DE L’HOMME

Posté par francesca7 le 30 octobre 2014

 

  

 
images (1)Témoin et acteur des bouleversements politiques de son temps, préhistorien, Jacques Boucher de Perthes, l’un des fondateurs de sa discipline et dont la Société d’anthropologie de Paris dira qu’il fut en toutes choses un initiateur, nous livre en 1850 sa vision sans concession et sans illusion d’un gouvernement, raillant plus particulièrement la démocratie : « La seule différence du despotisme à cette liberté nouvelle, c’est qu’ici la masse est sacrifiée à l’égoïsme ou à l’insouciance d’un seul, et que là elle l’est à celui de quelques-uns »

Comment se fait-il que depuis le commencement du monde, après tant de méditations, d’essais, de livres et de paroles, on n’ait pas pu trouver un moyen, même passable, pour conduire les hommes et les rendre heureux, et ceci, pas plus chez un grand peuple que dans un couvent de capucins ? 

Vous, par exemple, mes chers compatriotes, vous avez passé, depuis 1790, par toutes les nuances de gouvernements réputés possibles ; vous avez essayé de tout : royauté pure, royauté constitutionnelle, royauté républicaine, république, convention, terreur, directoire, consul, empereur, roi légitime, roi philosophe, roi très chrétien, roi citoyen ; et pendant chacun de ces règnes, vous avez changé vingt fois de ministres et tout autant de systèmes. En résultat, où a été le bénéfice pour la majorité ? Qu’y a gagné la masse ? Vous avez déplacé la misère et peut-être les vices : celui qui était pauvre est devenu riche, celui qui était riche est devenu pauvre. Mais, encore une fois, qu’y a gagné la nation en aisance et en moralité ? Y voyez-vous un pauvre de moins et un honnête homme de plus ?

Vos nobles étaient corrompus, aujourd’hui ce sont vos bourgeois. Votre peuple était superstitieux et fanatique, aujourd’hui il est ivrogne et turbulent. Il tuait un homme parce qu’il était protestant, il le tuera aujourd’hui parce qu’il est républicain ou henriquinquiste.

En résumé, il n’y a pas moins de misère, pas moins de débauches, pas moins de vices, pas moins de préjugés, pas moins de crimes, pas moins de turpitudes qu’avant 1790 ; et si nous ajoutons que vous avez plus d’impôts, plus de charges de toute nature et la conscription qui, à elle seule, vous coûte plus que la corvée, la dîme, la gabelle, le servage et l’esclavage ; si, avec toutes ces choses, il est de fait que vous n’êtes pas plus riches, plus instruits, plus prévoyants, plus moraux, plus sains de corps et d’esprit, en un mot, plus heureux moralement et physiquement que vous ne l’étiez jadis, je vous demanderai, pour la dixième fois : quel profit avez-vous donc fait, et qu’avez-vous gagné à vos révolutions ?

Si vous ne pouvez le dire, comment voulez-vous que ce peuple le sache ? Il n’entend rien à vos démonstrations bavardes, à vos combinaisons stériles. Ce qu’il entendrait, c’est un résultat ; et ce résultat, pour lui, est du travail tous les jours, et du travail qui le fasse vivre tous les jours aussi : c’est du pain qu’il veut, et du pain assuré. Or, ce travail ou ce pain, car l’un doit représenter l’autre, l’a-t-il, ou comptez-vous le lui donner ? S’il ne l’a pas, si vous n’avez pas encore trouvé le moyen de le lui faire avoir, vous n’êtes donc pas plus avancés que le premier jour ; et toutes vos améliorations prétendues, tous vos soi-disant progrès ne sont que déceptions et mensonges.

« – Mais l’industrie, mais le commerce sont prospères, me répondrez-vous ; voyez nos produits et comparez-les à ceux de l’autre siècle. II ne s’agit pas de produits, il s’agit d’hommes. »

Je vous dirai, moi : voyez ces hommes, voyez ce qu’ils étaient et voyez ce qu’ils sont. Visitez vos villes dites industrielles, entrez dans les ateliers : qu’y trouvez-vous ? Une race pâle, hâve, décharnée, mourant de consomption et de rachitisme, êtres étiolés que cette industrie que vous vantez saisit en naissant pour les accoler à toutes les misères, à tous les vices et à toutes les infirmités humaines. Oui, vos étoffes ont gagné, j’en conviens ; elles sont plus fines et plus belles. Mais votre population, osez dire qu’elle s’est embellie, qu’elle s’est civilisée, qu’elle est plus robuste, plus saine, plus vivace qu’elle n’était !

Ce peuple riche, ce peuple fort, ce peuple d’hommes que vos institutions dites libérales devaient produire, où est-il donc ? Je le cherche en France, je le cherche en Europe ; je le demande à tous, et c’est en vain. Je vois bien, de loin à loin, quelques masques dorés, puis quelques corps bien gras et regorgeant de plénitude et de santé, mais ce n’est pas un sur cent, pas un sur mille. Ce que partout j’aperçois, ce sont des groupes de mendiants que la faim décime au bruit de la voix des sophistes.

« – Mais ce peuple était serf, il est libre ; il était soumis au bon plaisir, il ne l’est plus qu’à la loi ! »

Le bon plaisir qui nourrit vaut-il moins que la loi qui dévore ? Et si, depuis soixante ans et sous tant de régimes, cette loi dévore toujours ; si toujours l’état de ce peuple est la pauvreté même ; si sa santé, sa moralité, son bien-être présent ou à venir ne sont rien dans vos codes ; si vous ne lui offrez enfin aucune garantie contre la faim et contre lui-même, c’est-à-dire aucune certitude de vivre et de vivre honnêtement, quel intérêt peut-il prendre à vos lois ou à un gouvernement qui ne le rend ni plus heureux ni moins vicieux ? Pourquoi voulez-vous qu’il l’aime, qu’il le respecte, qu’il l’étudie, qu’il le conçoive ? Comment prétendez-vous qu’il ne le renverse pas au premier caprice ?

Eh ! qu’importe à ce maçon, à ce couvreur, à ce cocher de fiacre, à cet ouvrier de fabrique, à ce matelot, à ce laboureur, que vous ayez un roi ou un empereur, qu’il s’appelle roi de France ou roi des Français, qu’il règne d’après une charte ou selon sa fantaisie ? En quoi la différence des régnants le touche-t-il ? Que ce soit l’un ou l’autre, en aura-t-il, lui pauvre ouvrier, plus d’aisance ou plus de liberté ? En est-il moins valet, en est-il moins soldat ? En végètera-t-il moins dans sa mansarde ou dans vos ateliers ? En mourra-t-il moins de misère ou d’ivrognerie ?

« – Mais cette pauvreté et cette corruption de la masse sont une nécessité : partout où il y a beaucoup d’hommes, il y aura beaucoup de pauvres et de vagabonds. C’est la conséquence naturelle de la vie en société et de la civilisation ; c’est la suite de l’entassement des populations dans les villes. »

Alors, démolissez vos villes et renoncez à la civilisation, car elle serait pire que la barbarie. Mais ce n’est pas ce que je vous conseille. Non, la cause du mal n’est pas là : la terre est assez grande pour ses habitants, et l’Europe assez fertile pour faire vivre tous les siens, pour les rendre tous riches et heureux.

Savez-vous pourquoi, sous vos institutions si savamment élaborées, sous vos dix gouvernements tous reconnus parfaits par leurs auteurs, la masse est constamment restée si abjecte et si malheureuse ? C’est que les intérêts de cette masse n’y ont jamais été pris en sérieuse considération, c’est que vos législateurs ont songé à tout, hors à sa moralisation ; c’est qu’il n’y a pas dans vos codes un seul mot qui assure du pain à celui qui n’en a pas, ni même qui lui ouvre la voie d’en gagner. Et pourtant ne devrait-ce pas être la première préoccupation de tout législateur ?

Tirer de l’homme le plus possible en lui rendant le moins possible, voilà l’esprit, l’intention, le but plus ou moins mal déguisé de toutes les constitutions, chartes, codes, contrats, en un mot, de tous les gouvernements, y compris même ceux que vous nommez démocratiques. La seule différence du despotisme à cette liberté nouvelle, c’est qu’ici la masse est sacrifiée à l’égoïsme ou à l’insouciance d’un seul, et que là elle l’est à celui de quelques-uns.

La propriété doit être l’une des bases fondamentales de toute constitution, c’est ce qu’on ne saurait mettre en doute. Que cette propriété soit représentée par le propriétaire, rien de plus juste encore. Que celui-ci soit appelé à faire les lois, de préférence à bien d’autres, je n’y vois aussi rien que de très logique, parce que celui qui a sa fortune faite présente plus de garantie que celui qui veut la faire. Ainsi, tout est bien jusque là. Mais ce qui l’est moins, c’est qu’oubliant trop souvent qu’il est le représentant de tous, il songe beaucoup à lui et assez peu aux autres.

Il en résulte que si vous analysez les codes des divers peuples européens, vous y verrez que la loi a moins mission de faire vivre ceux qui sont pauvres que d’enrichir encore ceux qui sont riches ; et quand le législateur propriétaire a tout fait pour ne jamais mourir de faim, lui et ses enfants, il ne prend aucun souci pour que les autres n’en meurent pas, parce qu’en effet, sauf un petit nombre de cas, ces autres étant inutiles à son bien-être, il lui importe peu qu’ils vivent ; et c’est précisément pourquoi, parmi tant de savantes constitutions, il n’en est pas une seule qui garantisse la vie du grand nombre.

Néanmoins, cette constitution, cette charte, qui ne confère rien au peuple, qui ne lui ouvre aucune voie de gagner quelque chose, s’arroge le droit de prendre sur ce que ce peuple parvient à gagner sans elle. Elle fait plus, elle s’empare de ce peuple lui-même, elle l’arrache à sa famille, à son atelier, à sa liberté ; elle le fait soldat et le fait égorger pour la défense d’intérêts qui ne sont pas les siens, c’est-à-dire d’un territoire où il ne possède rien et d’un gouvernement qui ne le protège ni ne le nourrit.

La plupart des chartes humaines peuvent donc se résumer ainsi : « Les deux tiers de la nation travailleront pour défendre, nourrir et enrichir l’autre tiers. Le tiers nourri, défendu et enrichi ne doit rien aux deux autres tiers. Il n’est responsable ni de leur moralité, ni de leur bonheur ni de leur vie. » En indiquant le tiers, j’ai pris l’acception la plus large, car il est de fait que chez la grande majorité des nations, ce n’est pas le tiers qui prospère aux dépens des deux autres, c’est le dixième, c’est le vingtième. Analysez et commentez vos lois européennes et pesez-en les conséquences, voyez ce qui est, non dans les discours de vos rhéteurs, mais dans la réalité des choses, et comptez le nombre des heureux et des malheureux, des pauvres et des riches ; comptez-les chez vous, comptez-les partout, et dites en conscience si j’exagère.

images (2)J’en reviens donc encore à ces conclusions : ce que nous nommons gouvernement ou administration n’est, de fait, ni l’un ni l’autre, mais l’exploitation de la majorité par la minorité. Dès lors, de tous les gouvernements européens aujourd’hui existants, il n’en est aucun qui intéresse essentiellement la multitude, par la raison que dans tous la masse souffre, et que le nombre des malheureux n’est pas moindre dans ce qu’on appelle un bon gouvernement que sous celui qu’on nomme un mauvais.

Conséquemment, les prétendues améliorations qui ont eu lieu dans les institutions européennes depuis soixante ans, n’ayant donné ni plus de travail, ni plus d’aisance, ni plus de moralité, ni plus d’avenir, ni plus de lumière, ni plus de liberté au peuple, ces améliorations n’existent pas de fait ; et, de même que l’oiseau dans sa cage, nous avons fait beaucoup de mouvements sans avancer d’un pas. Si la civilisation consiste à écarter de l’humanité l’ignorance, le vice et la pauvreté, cette civilisation n’existe donc réellement point en Europe où la très grande majorité des individus est pauvre, ignorante et vicieuse. 

 

(Extrait de « Hommes et choses. Alphabet des passions et des sensations.
Esquisses de mœurs faisant suite au petit glossaire » (Tome 2), paru en 1850)

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