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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

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LA COLERE DES MONTAGNES

Posté par francesca7 le 31 octobre 2014

 

 

 
 
Le 22 décembre 2010, peu après 23h, la terre des Hautes-Pyrénées tremble, à Argelès-Gazost notamment. Si de telles secousses agitent régulièrement la chaîne des Pyrénées au cours des siècles – l’obscurité des premiers temps et le défaut d’observation nous en ayant sans nul doute dérobé la connaissance d’un nombre important –, les accidents qu’elles occasionnent sont rares. Retour sur quelques témoignages du temps.

« Le 3 de juillet 1618, il y eut deux terribles tremblements de terre en Béarn, l’un entre cinq et six, et l’autre entre six et sept heures du matin. La grande cloche de l’église de Lescar sonna ; les tours du château de Pau branlèrent, quelques pierres même tombèrent du haut des croisées, et en d’autres lieux, il y eut des personnes qui en marchant tombèrent par terre. On remarqua que ce tremblement ne fut qu’en Béarn, et qu’il y eut en divers endroits plusieurs cheminées et murailles abattues. » (Mercure de France, 1618)

Le 21 juin 1660, un affreux tremblement de terre désola tout le pays compris entre Bordeaux et Narbonne ; voici ce qu’on écrivait de Bayonne : « Le grand tremblement qui s’est fait sentir en tant de lieux, s’est passé si légèrement dans cette ville, que nous n’en avons eu que la peur ; mais il a fait tomber la plupart des cheminées de celle de Pau ; et l’on nous mande de Bagnères en Bigorre, situé au pied des Pyrénées, que plusieurs maisons ont été renversées, et tous ceux qui étaient dedans écrasés ; que les montagnes, d’une hauteur excessive, s’étant ouvertes, une a été abîmée ; et que la vallée de Campan, voisine de ladite ville de Bagnères, et la plus peuplée de tout le pays, en a aussi été endommagée à tel point, et notamment le couvent des capucins de Notre-Dame de Medoux, fondé par la maison de Gramont, que les religieux qui en sont échappés, se sont vus réduits à se hutter aux environs de ce lieu-là ; mais ce qui est encore digne de remarque, les bains chauds qui sont en ladite ville de Bagnères, devinrent tellement frais, par la sortie des feux souterrains, que ceux qui y étaient furent obligés de s’en sortir. Ce tremblement de terre arriva la nuit du 21 juin 1660. » (Recueil des gazettes de France, n°85). Cette même secousse se fit pareillement ressentir à Pau. Voici ce que l’on écrivait de cette ville. « Le 21 juin 1660, sur les cinq heures du matin, on sentit ici un tremblement de terre, qui nous a donné une étrange alarme, pendant demi-heure ; et nous avons appris qu’il y en a eu un semblable en même jour et même heure, en divers endroits de la Navarre. » (Recueil des Gazettes, n°82)

 

Argelès-gazost_hautacam

 

« En juillet 1678, un tremblement de terre fit enfoncer une des plus hautes montagnes » des Pyrénées, qui fit sortir de l’eau avec violence par plusieurs endroits qui formèrent autant de torrents, entraînant rochers et arbres avec eux. L’eau qui avait le goût des minéraux jaillissait partout des flancs de la montagne ; la Garonne s’accrut si fort pendant la nuit, que tous les ponts et les moulins au-dessus de Toulouse furent emportés ; à la même heure, les rivières de l’Adour, du Gave, et autres qui sortent des Pyrénées, se ressentirent de ce débordement imprévu. Les canaux des jardins de M. l’évêque de Lombes, furent remplis d’un limon puant du débordement de la Save ; pendant huit jours, les chevaux et autres bestiaux n’en voulurent point boire. » (Bibliothèque des philosophes Tome 2, par Gauthier)

« Le tremblement de terre qui se fit sentir à Saint-Macaire en Guyenne, la nuit du 14 au 15 de mai 1750, se fit aussi sentir à Bordeaux le 24 à 10 heures du soir ; la secousse fut assez forte, mais dura trop peu pour causer du dommage ; il en fut, à peu près de même, à différentes heures à 12 lieues de Bordeaux, vers l’ouest, au nord-ouest dans le Médoc, à Pons en Saintonge, à 15 lieues de Bordeaux, et beaucoup plus loin, à Toulouse, à Narbonne, à Montpellier, à Rodez ; mais ce phénomène, d’autant plus surprenant, qu’il est rare en France, n’a nulle part été aussi redoutable que vers les Pyrénées ; voici ce que l’on en apprend par des lettres de Pau du 6 juin. Le 24 mai, vers les 10 heures du soir, on entendit dans la vallée de Lavedan, un grand bruit, comme d’un tonnerre sourd ; il fut suivi d’une secousse violente de la terre. A cette première secousse, il en succéda plusieurs autres, jusqu’au lendemain 10 heures du matin ; il y en eut encore quelques-unes, dans le même lieu, les jours suivants ; ce qui donne lieu de croire que le foyer de ces tremblements de terre était entre Saint-Savin et Argelès, où les ébranlements furent plus forts que partout ailleurs ; une pièce de roc ensevelie dans la terre, et dont il ne paraissait qu’une petite partie, fut déracinée et transportée à quelques pas de là ; l’espace qu’elle occupait fut à l’instant rempli par la terre, qui s’éleva de dessous ; un ermite, habitant d’une montagne du voisinage, a rapporté qu’il avait entendu des froissements de roches, qui s’entrechoquaient avec tant de bruit, qu’il avait cru que la terre se déboitait entièrement et que les montagnes allaient être englouties.

« L’alarme fut si grande dans ce canton, que les habitants allèrent loger sous des tentes en rase campagne. Ce fut surtout aux environs de Lourdes que l’on fut le plus alarmé. Il y a dans le château de cette ville une tour dont les murs sont d’une épaisseur immense, et qui fut lézardée d’un bout à l’autre ; la chapelle du même château s’écroula presque entièrement. Dans le village de Goncalès, qui n’est pas loin de là, plusieurs maisons furent renversées et quelques personnes périrent sous les ruines. Les voûtes du monastère et de l’église de l’abbaye de Saint-Pé, de l’ordre de Saint-Benoît, furent entr’ouvertes ; à Tarbes, depuis 10 heures du soir du 24 jusqu’au lendemain 10 heures du matin, il y eut quatre secousses toujours précédées de mugissements souterrains ; et la voûte de la cathédrale se fendit en divers endroits. Le 26, vers une heure après minuit, on sentit dans la même ville une cinquième secousse, qui renversa la moitié du mur d’une ancienne tour placée au coin de la place de Maubourguet ; il y en eut encore deux autres le même jour, entre quatre et cinq heures du matin. » (Gazette de France du 10 juillet 1750)

 

(D’après « Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des Pyrénées
et des pays adjacents », paru en 1815)

Publié dans HISTOIRE DES REGIONS | Pas de Commentaire »

un village pittoresque de Dordogne

Posté par francesca7 le 31 octobre 2014

en 1900 Le Bournat

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Remontez la grande horloge du temps de cent ans en arrière. Tous vos sens seront en fête dans cette reconstitution grandeur nature d’un village périgourdin. Le Village du Bournat se vit autant qu’il se visite.

En 1990, Paul Jean Souriau cherche un lieu pour y reconstruire le village paysan dont il rêve afin de transmettre le patrimoine culturel de la région aux jeunes générations oublieuses des temps anciens. Le site idéal s’impose rapidement en plein coeur du Périgord, au Bugue sur les berges de la Vézère. Le lieu-dit s’appelle « Le Bournat ». Le Village s’étend aujourd’hui sur 7 hectares. C’est une réplique identique et grandeur nature d’un bourg du XIXe siècle, peuplé de ses habitants.

Chaque hâtiment abrite une scène ou l’univers d’un artisan : c’est ainsi que l’on découvre une scène de mariage avec 11 mannequins, la répétition d’un cantique par des enfants de choeur dans la chapelle, l’école du temps du « Petit Chose » avec son préau, sa cloche, ses encriers de porcelaine ; la maison typique avec son cantou, un repas de battage dans la grange, le chai, le séchoir à tabac, le poulailler, la borie, le moulin à huile de noix, le café « chez Paul », le lavoir, la mairie, la toilette des jeunes filles dans leur chambre …. Un café et ses curiosités.

Au gré de la visite, vous rencontrerez également des artisans qui exercent leur art. Sous vos yeux, on forge, on file la laine, on bat la faux, on tourne le bois, la pierre, on récolte le miel. C’est ainsi que l’on croise le sabotier, le feuillardier, le tourneur sur bois, la fileuse, la dentellière, le rempailleur, le forgeron, le bourrelier, le maréchal- ferrant, le gabarrier, les charbonniers, le souffleur de verre, etc… N’hésitez pas à leur poser des questions. Ils se feront un plaisir de partager leur passion.

Le Village du Bournat s’enorgueillit également de collections exceptionnelles. Le hangar à calèches recèle de richesses. Il abrite un cabriolet, une calèche, une charrette, un tonneau, une jardinière, un tombereau, un Milord et même un authentique corbillard.

La brocante rassemble des objets usuels de la paysannerie périgourdine d’il y a cent ans : ustensiles de cuisine, outils agricoles et bien d’autres, mais aussi des trésors que vous pourrez dénicher dans la galerie des jouets anciens (landau en meccano, pistolet, lance parachute, voitures à pédale, youpala, rameur en bois).

L’imprimerie regroupe d’anciennes machines. De temps à autre, des imprimeurs à la retraite viennent au Village pour expliquer les secrets de la xylographie, d’une linotype Heidelberg, d’une composeuse ou d’une plieuse. Au Village du Bournat, la fête est quotidienne : une authentique fête foraine 1900 entièrement gratuite : jeux d’adresse, de massacre, pousse-pousse, balançoires et manèges rétro.

Également, l’été, un petit train à l’ancienne vous permettra d’avoir une vision d’ensemble du parc. Il vous conduira au « Faubourg en Fête » aménagé de manèges actuels redécorés (ver à soie pour les adolescents avides de sensation,) un pousse-pousse d’autrefois et une chenille pour les enfants et pour toute la famille des chevaux galopants.

Au delà du plaisir pur que procure cette journée, vous pourrez profiter de l’ombre et vous reposer. Un service de restauration rapide est à la disposition des visiteurs, sous le grand chapiteau bleu du cirque du Village. Mais si vous préférez, vous pouvez déguster des spécialités au restaurant « Chez Paul », à vous de choisir !

POUR TOUT RENSEIGNEMENT : 
VILLAGE DU BOURNAT
Tél. 05 53 08 41 99 – Fax 05 53 08 42 01
Web www.lebournat.fr

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Esclave de son Ignorance

Posté par francesca7 le 30 octobre 2014

 

 
 
En 1890, l’écrivain, philosophe et historien Ernest Renan, affirmant que le suffrage universel suppose notamment « que tous sont compétents pour juger les questions gouvernementales » et refusant de reconnaître ce qu’il qualifie de « souveraineté de la déraison », fustige dans L’avenir de la science ceux qui, se refusant à éclairer le peuple, s’appliquent à le maintenir dans l’ignorance afin de s’assurer de son aveuglement pour réussir, socle du système politique actuel

S’interrogeant sur l’avenir de notre civilisation, il conjecture avec une glaçante lucidité l’accueil qui serait réservé par ses congénères au savant et laborieux chercheur qui aurait trouvé, sinon la solution définitive, du moins la solution la plus avancée du grand problème social. Il est à ses yeux incontestable que cette solution serait si compliquée qu’il y aurait au plus vingt personnes au monde capables de la comprendre. « Souhaitons-lui de la patience, s’il est obligé d’attendre, pour faire prévaloir sa découverte, l’adhésion du suffrage universel », lance sans illusion Renan. « Un empirique qui crie bien haut qu’il a trouvé la solution, qu’elle est claire comme le jour, qu’il faut avoir la mauvaise foi de gens intéressés pour s’y refuser, qui répète tous les jours dans les colonnes d’un journal de banales déclamations : celui-là, incontestablement, fera plus vite fortune que celui qui attend le succès de la science et de la raison.

 

200px-Ernest_Renan_by_René_de_Saint-MarceauxErnest Renan (1823-1892)

 

« Qu’il soit donc bien reconnu que ceux qui se refusent à éclairer le peuple sont des gens qui veulent l’exploiter, et qui ont besoin de son aveuglement pour réussir. Honte à ceux qui, en parlant d’appel au peuple, savent bien qu’ils ne font appel qu’a l’imbécillité ! Honte à ceux qui fondent leurs espérances sur la stupidité, qui se réjouissent de la multitude des sots comme de la multitude de leurs partisans, et croient triompher quand, grâce a une ignorance qu’ils ont faite et qu’ils entretiennent, ils peuvent dire : Vous voyez bien que le peuple ne veut pas de vos idées modernes. S’il n’y avait plus d’imbéciles à jouer, le métier des sycophantes et des flatteurs du peuple tomberait bien vite. Les moyens immoraux de gouvernement, police machiavélique, restrictions à certaines libertés naturelles, etc., ont été jusqu’ici nécessaires et légitimes. Ils cesseront de l’être, quand l’État sera composé d’hommes intelligents et cultivés.

« La question de la réforme gouvernementale n’est donc plus politique ; elle est morale et religieuse ; le ministère de l’Instruction publique est le plus sérieux, ou, pour mieux dire, le seul sérieux des ministères. Que l’on parcoure toutes les antinomies nécessaires de la politique actuelle, on reconnaîtra, ce me semble. que la réhabilitation intellectuelle du peuple est le remède à toutes, et que les institutions les plus libérales seront les plus dangereuses, tant que durera ce qu’on a si bien appelé l’esclavage de l’ignorance. Jusque-là le gouvernement a priori sera le plus détestable des gouvernements.

« Au premier réveil du libéralisme moderne, on put croire un instant que l’absolutisme ne reposait que sur la force des gouvernements. Mais il nous a été révélé qu’il repose bien plus encore sur la sottise et l’ignorance des gouvernés, puisque nous avons vu les peuples délivrés regretter leurs chaînes et les redemander. Détruire une tyrannie n’est pas grand chose, cela s’est vu mille fois dans l’histoire. Mais s’en passer… Aux yeux de quelques-uns, cela est la plus belle apologie des gouvernants ; à mes yeux, c’est leur plus grand crime. Leur crime est de s’être rendus nécessaires, et d’avoir maintenu des hommes dans un tel avilissement qu’ils appellent d’eux-mêmes les fers et la honte. M. de Falloux s’étonne que le tiers état de 89 ait songé à venger des pères qui ne s’étaient pas trouvés offenses. Cela est vrai ; et ce qu’il y a de plus révoltant, ce qui appelait surtout la vengeance, c’est que ces pères, en effet, ne se soient pas trouvés offensés.

« Le plus grand bien de l’humanité devant être le but de tout gouvernement, il s’ensuit que l’opinion de la majorité n’a réellement droit de s’imposer que quand cette majorité représente la raison et l’opinion la plus éclairée. Quoi ! pour complaire à des masses ignorantes, vous irez porter un préjudice, peut-être irréparable, à l’humanité ? Jamais je ne reconnaîtrai la souveraineté de la déraison. Le seul souverain de droit divin, c’est la raison ; la majorité n’a de pouvoir qu’en tant qu’elle est censée représenter la raison. Dans l’état normal des choses, la majorité sera en effet le criterium le plus direct pour reconnaître le parti qui a raison. S’il y avait un meilleur moyen pour reconnaître le vrai, il faudrait y recourir et ne pas tenir compte de la majorité.

« A entendre certains politiques, qui se disent libéraux, le gouvernement n’a autre chose à faire qu’à obéir à l’opinion, sans se permettre jamais de diriger le mouvement. C’est une intolérable tyrannie, disent-ils, que le pouvoir central impose aux provinces des institutions, des hommes, des écoles, peu en harmonie avec les préjugés de ces provinces. Ils trouvent mauvais que les administrateurs et les instituteurs des provinces viennent puiser à Paris une éducation qui les rendra supérieurs à leurs administrés. C’est là un étrange scrupule ! Paris ayant une supériorité d’initiative et représentant un état plus avancé de civilisation, a bien réellement droit de s’imposer et d’entraîner vers le parfait les masses plus lourdes. Honte à ceux qui n’ont d’autre appui que l’ignorance et la sottise, et s’efforcent de les maintenir comme leurs meilleurs auxiliaires !

 

Esclave de son Ignorance dans HUMEUR DES ANCETRES Ernest-RenanErnest Renan dans les années 1870 

« La question de l’éducation de l’humanité et du progrès de la civilisation prime toutes les autres. On ne fait pas tort à un enfant, en sollicitant sa nonchalance native, pour le plus grand bien de sa culture intellectuelle et morale. Longtemps encore l’humanité aura besoin qu’on lui fasse du bien malgré elle. Gouverner pour le progrès, c’est gouverner de droit divin. Le suffrage universel suppose deux choses : 1° que tous sont compétents pour juger les questions gouvernementales ; 2° qu’il n’y a pas, à l’époque où il est établi, de dogme absolu ; que l’humanité, à ce moment, est sans foi et dans cet état que M. Jouffroy a appelé lescepticisme de fait. Ces époques sont des époques de libéralisme et de tolérance. L’un ne possédant pas plus que l’autre la vérité, ce qu’il y a de plus simple, c’est de se compter ; le nombre fait la raison, du moins une raison extérieure et pratique, qui peut très bien ne pas convertir la minorité, mais qui s’impose à elle.

« Au fond, cela est peu logique. Car le nombre n’étant pas un indice de vérité intrinsèque, la minorité pourrait dire : Vous vous imposez à nous, non pas parce que vous avez raison, mais parce que vous êtes plus nombreux ; cela serait juste, si le nombre représentait la force ; car alors, au lieu de se battre, il serait plus raisonnable de se compter pour s’épargner un mal inutile. Mais, bien que moins nombreux que vous, nous avons de meilleurs bras et nous sommes plus braves ; battons-nous. Nous n’avons pas plus raison les uns que les autres ; vous êtes plus nombreux, nous sommes plus forts, essayons. C’est qu’un tel milieu n’est pas normal pour l’humanité ; c’est que la raison seule, c’est-à-dire le dogme établi, donne le droit de s’imposer, c’est que le nombre est en effet un caractère tout aussi superficiel que la force ; c’est que rien ne peut s’établir que sur la base de la raison.

« Je le dis avec timidité, et avec la certitude que ceux qui liront ces pages ne me prendront pas pour un séditieux, je le dis comme critique pur, en me posant devant les révolutions du présent comme nous sommes devant les révolutions de Rome, par exemple, comme on sera dans cinq cents ans vis-à-vis des nôtres : l’insurrection triomphante est parfois un meilleur criterium du parti qui a raison que la majorité numérique. Car la majorité est souvent formée ou du moins appuyée de gens fort nuls, inertes, soucieux de leur seul repos, qui ne méritent pas d’être comptés dans l’humanité ; au lieu qu’une opinion capable de soulever les masses et surtout de les faire triompher, témoigne par là de sa force. Le scrutin de la bataille en vaut bien un autre ; car, à celui-là, on ne compte que les forces vives, ou plutôt on soupèse l’énergie que l’opinion prête à ses partisans : excellent criterium !

« On ne se bat pas pour la mort ; ce qui passionne le plus est le plus vivant et le plus vrai. Ceux qui aiment l’absolu et les solutions claires en appellent volontiers au nombre ; car rien de plus clair que le nombre : il n’y a qu’à compter. Mais ce serait trop commode. L’humanité n’y va pas d’une façon aussi simple. On aura beau faire, on ne trouvera d’autre base absolue que la raison. »

(Extrait de « L’avenir de la science : pensées de 1848 », paru en 1890)

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Lorsque l’éclipse de lune faisait peur

Posté par francesca7 le 30 octobre 2014

 

  

Le matin du 21 décembre 2010 connut une éclipse totale de lune, l’astre des légendes les plus singulières se trouvant alors plongé dans l’ombre de la terre. Jadis inexpliqué, plus tard savamment mis à profit, ce phénomène inspira longtemps quelque terreur, voire « pétrifia » les hommes…

Dans son Uranographie, Francoeur explique que l’histoire est pleine des exemples de l’effroi causé par les éclipses, et des dangers que produisent l’ignorance et la superstition. Nicias avait résolu de quitter la Sicile avec son armée ; effrayé par une éclipse de lune et voulant temporiser plusieurs jours, pour s’assurer si l’astre n’avait rien perdu après cet événement, il manqua ainsi l’occasion de la retraite ; son armée fut détruite, Nicias périt, et ce malheur commença la ruine d’Athènes.

 téléchargement

Disque illustrant l’éclipse totale
de lune du 6 octobre 1530
(Extrait de « Astronomicum caesareum », 1540)

 

Souvent on a vu des hommes adroits tirer parti de la frayeur du peuple pour l’amener à remplir leurs desseins. Et Fracoeur d’ajouter que Christophe Colomb, réduit à faire subsister ses soldats des dons volontaires d’une nation sauvage et indigente, était prêt à voir tarir cette ressource et à périr de faim ; il annonce qu’il va priver le monde de la lumière de la lune. L’éclipse commence, et la terreur s’empare des Indiens, qui reviennent apporter aux pieds de Colomb les tributs accoutumés.

Drusus apaisa une sédition dans son armée en prédisant une éclipse de lune. Pline rapporte que Sulpicius Gallus, au IIe siècle av. J.-C., fut le premier romain qui expliqua au vulgaire la raison des éclipses de soleil et de lune. Il fut consul avec Marcus Marcellus en 166 av. J.-C. ; mais il n’était que tribun militaire lorsque la veille de la victoire que Paul Emile remporta sur Persée, son général le fit paraître devant l’armée assemblée, pour lui annoncer l’éclipse qui venait d’arriver, et la délivrer de l’alarme qu’elle aurait pu en concevoir. Il composa bientôt après un volume sur ce sujet.

images (3)Parmi les Grecs, Thalès de Milet dirigea le premier ses recherches sur ce phénomène, et la quatrième année de la 48e olympiade, il prédit l’éclipse de soleil qui eut lieu sous le règne d’Alyatte, le 28 juin 585 av. J.-C. Après eux, Hipparque dressa des tables du cours de ces deux astres pour six cents ans : mois, heures, jours, situations respectives des lieux, aspects du ciel selon les diverses nations, tout y est compris, tout a été vérifié par le temps ; on croirait l’astronome admis au conseil de la nature. « Génies vastes et plus qu’humains, d’avoir ainsi surpris la loi de ces deux grandes divinités, et affranchi d’effroi la malheureuse espèce humaine, qui tremblait en voyant dans chaque éclipse l’annonce de quelque grand crime, ou craignait la mort des astres, ou qui attribuait à des enchantements celles de la lune, et venait à son secours en faisant un bruit discordant », écrit Pline. Périclès, Agatocles, roi de Syracuse, Dion, roi de Sicile, ont failli être victimes de l’ignorance de leurs soldats. Alexandre, près d’Arbelles, est réduit à user de toute son adresse pour calmer la terreur qu’une éclipse avait jetée parmi ses troupes.

Combien de fables établies d’après l’opinion que les éclipses sont l’effet du courroux céleste, qui se venge des iniquités de l’homme en le privant de la lumière ! Tantôt Diane va trouver Endymion dans les montagnes de Carie ; tantôt les magiciennes de Thessalie font descendre la lune sur les herbes qu’elles destinent aux enchantements. Ici c’est un dragon qui dévore l’astre et qu’on cherche à épouvanter par des cris ; là Dieu tient le soleil enfermé dans un tuyau, et nous ôte, ou nous rend la vue de cet astre à l’aide d’un volet, etc. Le progrès des sciences a fait reconnaître le ridicule de ces opinions et de ces craintes, depuis qu’on a vu qu’il était possible de calculer par les Tables astronomiques, et de prévoir longtemps d’avance, l’instant où la colère du ciel devait éclater. Cependant naguère encore, l’épouvante a causé le revers des armées de Louis XIV près de Barcelone, lors de l’éclipse totale de 1706.

 

(D’après « Histoire naturelle de Pline », et « Uranographie
ou Traité élémentaire d’astronomie » 3e édition, paru en 1821)

 

Publié dans AUX SIECLES DERNIERS, FONDATEURS - PATRIMOINE | Pas de Commentaire »

LE DETRONEMENT DE L’HOMME

Posté par francesca7 le 30 octobre 2014

 

  

 
images (1)Témoin et acteur des bouleversements politiques de son temps, préhistorien, Jacques Boucher de Perthes, l’un des fondateurs de sa discipline et dont la Société d’anthropologie de Paris dira qu’il fut en toutes choses un initiateur, nous livre en 1850 sa vision sans concession et sans illusion d’un gouvernement, raillant plus particulièrement la démocratie : « La seule différence du despotisme à cette liberté nouvelle, c’est qu’ici la masse est sacrifiée à l’égoïsme ou à l’insouciance d’un seul, et que là elle l’est à celui de quelques-uns »

Comment se fait-il que depuis le commencement du monde, après tant de méditations, d’essais, de livres et de paroles, on n’ait pas pu trouver un moyen, même passable, pour conduire les hommes et les rendre heureux, et ceci, pas plus chez un grand peuple que dans un couvent de capucins ? 

Vous, par exemple, mes chers compatriotes, vous avez passé, depuis 1790, par toutes les nuances de gouvernements réputés possibles ; vous avez essayé de tout : royauté pure, royauté constitutionnelle, royauté républicaine, république, convention, terreur, directoire, consul, empereur, roi légitime, roi philosophe, roi très chrétien, roi citoyen ; et pendant chacun de ces règnes, vous avez changé vingt fois de ministres et tout autant de systèmes. En résultat, où a été le bénéfice pour la majorité ? Qu’y a gagné la masse ? Vous avez déplacé la misère et peut-être les vices : celui qui était pauvre est devenu riche, celui qui était riche est devenu pauvre. Mais, encore une fois, qu’y a gagné la nation en aisance et en moralité ? Y voyez-vous un pauvre de moins et un honnête homme de plus ?

Vos nobles étaient corrompus, aujourd’hui ce sont vos bourgeois. Votre peuple était superstitieux et fanatique, aujourd’hui il est ivrogne et turbulent. Il tuait un homme parce qu’il était protestant, il le tuera aujourd’hui parce qu’il est républicain ou henriquinquiste.

En résumé, il n’y a pas moins de misère, pas moins de débauches, pas moins de vices, pas moins de préjugés, pas moins de crimes, pas moins de turpitudes qu’avant 1790 ; et si nous ajoutons que vous avez plus d’impôts, plus de charges de toute nature et la conscription qui, à elle seule, vous coûte plus que la corvée, la dîme, la gabelle, le servage et l’esclavage ; si, avec toutes ces choses, il est de fait que vous n’êtes pas plus riches, plus instruits, plus prévoyants, plus moraux, plus sains de corps et d’esprit, en un mot, plus heureux moralement et physiquement que vous ne l’étiez jadis, je vous demanderai, pour la dixième fois : quel profit avez-vous donc fait, et qu’avez-vous gagné à vos révolutions ?

Si vous ne pouvez le dire, comment voulez-vous que ce peuple le sache ? Il n’entend rien à vos démonstrations bavardes, à vos combinaisons stériles. Ce qu’il entendrait, c’est un résultat ; et ce résultat, pour lui, est du travail tous les jours, et du travail qui le fasse vivre tous les jours aussi : c’est du pain qu’il veut, et du pain assuré. Or, ce travail ou ce pain, car l’un doit représenter l’autre, l’a-t-il, ou comptez-vous le lui donner ? S’il ne l’a pas, si vous n’avez pas encore trouvé le moyen de le lui faire avoir, vous n’êtes donc pas plus avancés que le premier jour ; et toutes vos améliorations prétendues, tous vos soi-disant progrès ne sont que déceptions et mensonges.

« – Mais l’industrie, mais le commerce sont prospères, me répondrez-vous ; voyez nos produits et comparez-les à ceux de l’autre siècle. II ne s’agit pas de produits, il s’agit d’hommes. »

Je vous dirai, moi : voyez ces hommes, voyez ce qu’ils étaient et voyez ce qu’ils sont. Visitez vos villes dites industrielles, entrez dans les ateliers : qu’y trouvez-vous ? Une race pâle, hâve, décharnée, mourant de consomption et de rachitisme, êtres étiolés que cette industrie que vous vantez saisit en naissant pour les accoler à toutes les misères, à tous les vices et à toutes les infirmités humaines. Oui, vos étoffes ont gagné, j’en conviens ; elles sont plus fines et plus belles. Mais votre population, osez dire qu’elle s’est embellie, qu’elle s’est civilisée, qu’elle est plus robuste, plus saine, plus vivace qu’elle n’était !

Ce peuple riche, ce peuple fort, ce peuple d’hommes que vos institutions dites libérales devaient produire, où est-il donc ? Je le cherche en France, je le cherche en Europe ; je le demande à tous, et c’est en vain. Je vois bien, de loin à loin, quelques masques dorés, puis quelques corps bien gras et regorgeant de plénitude et de santé, mais ce n’est pas un sur cent, pas un sur mille. Ce que partout j’aperçois, ce sont des groupes de mendiants que la faim décime au bruit de la voix des sophistes.

« – Mais ce peuple était serf, il est libre ; il était soumis au bon plaisir, il ne l’est plus qu’à la loi ! »

Le bon plaisir qui nourrit vaut-il moins que la loi qui dévore ? Et si, depuis soixante ans et sous tant de régimes, cette loi dévore toujours ; si toujours l’état de ce peuple est la pauvreté même ; si sa santé, sa moralité, son bien-être présent ou à venir ne sont rien dans vos codes ; si vous ne lui offrez enfin aucune garantie contre la faim et contre lui-même, c’est-à-dire aucune certitude de vivre et de vivre honnêtement, quel intérêt peut-il prendre à vos lois ou à un gouvernement qui ne le rend ni plus heureux ni moins vicieux ? Pourquoi voulez-vous qu’il l’aime, qu’il le respecte, qu’il l’étudie, qu’il le conçoive ? Comment prétendez-vous qu’il ne le renverse pas au premier caprice ?

Eh ! qu’importe à ce maçon, à ce couvreur, à ce cocher de fiacre, à cet ouvrier de fabrique, à ce matelot, à ce laboureur, que vous ayez un roi ou un empereur, qu’il s’appelle roi de France ou roi des Français, qu’il règne d’après une charte ou selon sa fantaisie ? En quoi la différence des régnants le touche-t-il ? Que ce soit l’un ou l’autre, en aura-t-il, lui pauvre ouvrier, plus d’aisance ou plus de liberté ? En est-il moins valet, en est-il moins soldat ? En végètera-t-il moins dans sa mansarde ou dans vos ateliers ? En mourra-t-il moins de misère ou d’ivrognerie ?

« – Mais cette pauvreté et cette corruption de la masse sont une nécessité : partout où il y a beaucoup d’hommes, il y aura beaucoup de pauvres et de vagabonds. C’est la conséquence naturelle de la vie en société et de la civilisation ; c’est la suite de l’entassement des populations dans les villes. »

Alors, démolissez vos villes et renoncez à la civilisation, car elle serait pire que la barbarie. Mais ce n’est pas ce que je vous conseille. Non, la cause du mal n’est pas là : la terre est assez grande pour ses habitants, et l’Europe assez fertile pour faire vivre tous les siens, pour les rendre tous riches et heureux.

Savez-vous pourquoi, sous vos institutions si savamment élaborées, sous vos dix gouvernements tous reconnus parfaits par leurs auteurs, la masse est constamment restée si abjecte et si malheureuse ? C’est que les intérêts de cette masse n’y ont jamais été pris en sérieuse considération, c’est que vos législateurs ont songé à tout, hors à sa moralisation ; c’est qu’il n’y a pas dans vos codes un seul mot qui assure du pain à celui qui n’en a pas, ni même qui lui ouvre la voie d’en gagner. Et pourtant ne devrait-ce pas être la première préoccupation de tout législateur ?

Tirer de l’homme le plus possible en lui rendant le moins possible, voilà l’esprit, l’intention, le but plus ou moins mal déguisé de toutes les constitutions, chartes, codes, contrats, en un mot, de tous les gouvernements, y compris même ceux que vous nommez démocratiques. La seule différence du despotisme à cette liberté nouvelle, c’est qu’ici la masse est sacrifiée à l’égoïsme ou à l’insouciance d’un seul, et que là elle l’est à celui de quelques-uns.

La propriété doit être l’une des bases fondamentales de toute constitution, c’est ce qu’on ne saurait mettre en doute. Que cette propriété soit représentée par le propriétaire, rien de plus juste encore. Que celui-ci soit appelé à faire les lois, de préférence à bien d’autres, je n’y vois aussi rien que de très logique, parce que celui qui a sa fortune faite présente plus de garantie que celui qui veut la faire. Ainsi, tout est bien jusque là. Mais ce qui l’est moins, c’est qu’oubliant trop souvent qu’il est le représentant de tous, il songe beaucoup à lui et assez peu aux autres.

Il en résulte que si vous analysez les codes des divers peuples européens, vous y verrez que la loi a moins mission de faire vivre ceux qui sont pauvres que d’enrichir encore ceux qui sont riches ; et quand le législateur propriétaire a tout fait pour ne jamais mourir de faim, lui et ses enfants, il ne prend aucun souci pour que les autres n’en meurent pas, parce qu’en effet, sauf un petit nombre de cas, ces autres étant inutiles à son bien-être, il lui importe peu qu’ils vivent ; et c’est précisément pourquoi, parmi tant de savantes constitutions, il n’en est pas une seule qui garantisse la vie du grand nombre.

Néanmoins, cette constitution, cette charte, qui ne confère rien au peuple, qui ne lui ouvre aucune voie de gagner quelque chose, s’arroge le droit de prendre sur ce que ce peuple parvient à gagner sans elle. Elle fait plus, elle s’empare de ce peuple lui-même, elle l’arrache à sa famille, à son atelier, à sa liberté ; elle le fait soldat et le fait égorger pour la défense d’intérêts qui ne sont pas les siens, c’est-à-dire d’un territoire où il ne possède rien et d’un gouvernement qui ne le protège ni ne le nourrit.

La plupart des chartes humaines peuvent donc se résumer ainsi : « Les deux tiers de la nation travailleront pour défendre, nourrir et enrichir l’autre tiers. Le tiers nourri, défendu et enrichi ne doit rien aux deux autres tiers. Il n’est responsable ni de leur moralité, ni de leur bonheur ni de leur vie. » En indiquant le tiers, j’ai pris l’acception la plus large, car il est de fait que chez la grande majorité des nations, ce n’est pas le tiers qui prospère aux dépens des deux autres, c’est le dixième, c’est le vingtième. Analysez et commentez vos lois européennes et pesez-en les conséquences, voyez ce qui est, non dans les discours de vos rhéteurs, mais dans la réalité des choses, et comptez le nombre des heureux et des malheureux, des pauvres et des riches ; comptez-les chez vous, comptez-les partout, et dites en conscience si j’exagère.

images (2)J’en reviens donc encore à ces conclusions : ce que nous nommons gouvernement ou administration n’est, de fait, ni l’un ni l’autre, mais l’exploitation de la majorité par la minorité. Dès lors, de tous les gouvernements européens aujourd’hui existants, il n’en est aucun qui intéresse essentiellement la multitude, par la raison que dans tous la masse souffre, et que le nombre des malheureux n’est pas moindre dans ce qu’on appelle un bon gouvernement que sous celui qu’on nomme un mauvais.

Conséquemment, les prétendues améliorations qui ont eu lieu dans les institutions européennes depuis soixante ans, n’ayant donné ni plus de travail, ni plus d’aisance, ni plus de moralité, ni plus d’avenir, ni plus de lumière, ni plus de liberté au peuple, ces améliorations n’existent pas de fait ; et, de même que l’oiseau dans sa cage, nous avons fait beaucoup de mouvements sans avancer d’un pas. Si la civilisation consiste à écarter de l’humanité l’ignorance, le vice et la pauvreté, cette civilisation n’existe donc réellement point en Europe où la très grande majorité des individus est pauvre, ignorante et vicieuse. 

 

(Extrait de « Hommes et choses. Alphabet des passions et des sensations.
Esquisses de mœurs faisant suite au petit glossaire » (Tome 2), paru en 1850)

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Vertus de nos superstitions

Posté par francesca7 le 27 octobre 2014

 

 

 
 
images (2)Quand on quittait la gare de Sanary, sur le chemin de fer de Nice à Marseille, à neuf kilomètres environ de Toulon, et qu’on se dirigeait vers le village d’Ollioules, on rencontrait à la fin du XIXe siècle, à une centaine de mètres de la voie, sur le bord d’un petit sentier rural, un chêne, qui était d’ailleurs d’une assez belle venue, mais dont le tronc présentait une disposition assez bizarre

Un témoignage de l’époque relate qu’à un endroit donné de sa hauteur, il est partagé en deux, par une fente de plus d’un mètre de longueur, de 3 à 8 centimètres d’ouverture, comme s’il était constitué par deux branches qui, après s’être séparées, se seraient réunies de nouveau. Cette disposition n’est pas un jeu de la nature, mais bien l’œuvre de l’intervention humaine ; en y regardant de près, on voit que, primitivement, le tronc de cet arbre a été fendu en deux, et que l’hiatus est le résultat de la cicatrisation accidentelle d’une partie de la fente.

 

Il n’est pas rare de rencontrer dans les champs, en Provence, des arbres qui présentent cette disposition. C’est le plus souvent des chênes, mais cependant on constate que des frênes, des noyers, des ormes, des peupliers, des pins même, ont été ainsi fendus intentionnellement, puis ont été entourés d’un lien, pour que les parties séparées se réunissent.

Quand on cherche à savoir pourquoi certains arbres ont été ainsi traités, on ne tarde pas à apprendre que c’est parce qu’ils ont servi à la pratique d’une vieille superstition des paysans provençaux, qui croient fermement qu’en faisant passer, à un moment donné, un enfant à travers un tronc d’arbre fendu, on peut le guérir de telle ou telle maladie.

C’est surtout contre les hernies des petits enfants que ce passage à travers le tronc d’un arbre est considéré comme efficace ; et voici comment la crédulité publique conseille de procéder : il faut prendre un jeune arbre d’apparence bien vigoureuse, le fendre dans sa longueur, sans l’arracher ni pousser la fente jusqu’aux racines ; puis, écartant les deux parties de l’arbre, faire passer entre elles, à trois ou sept reprises différentes, dans une même séance, le petit hernieux. Une fois cela fait, les deux portions de la tige sont rapprochées très exactement et maintenues en contact à l’aide d’un lien très fortement serré. Si ces parties se recollent bien, et que l’année d’après l’arbre a repris la solidité de sa tige, l’enfant est guéri ; si, au contraire, la fente ne s’est pas soudée, on peut prédire que l’enfant restera hernieux toute sa vie.

Les hernies ne sont pas seules susceptibles de guérir sous l’influence de cette pratique bizarre ; nombre d’autres maladies sont traitées de la même manière en Provence ; et la crédulité populaire n’est pas encore disposée à penser que le moyen manque d’efficacité. J’ai trouvé dans mes investigations touchant les Provençaux, d’autres pratiques thérapeutiques qui me paraissent être des variantes de celles dont je viens de parler et se rattacher à la même idée. C’est ainsi, par exemple, que dans un grand nombre de villages, à Signes, à La Cadière, etc., le jour de la fête patronale, pendant qu’on porte processionnellement le saint de la localité à travers les rues, les mères font passer leurs enfants au-dessous de la châsse, pour les fortifier ou les guérir des maladies futures qui pourraient les atteindre.

Dans d’autres cas, on place un enfant débile sous la châsse d’un saint, pendant que le prêtre chrétien dit la messe ; absolument comme on faisait dans la cérémonie du taurobole, chez les anciens Romains, pendant que le prêtre païen faisait un sacrifice. Enfin, dans quelques-uns, comme, par exemple, au village de La Garde, près de Toulon, le jour de la fête de saint Maur, les valétudinaires, les mères de famille qui veulent fortifier leur enfant, et même les jeunes femmes qui veulent être fécondes, se placent aussi près que possible de la niche du saint pendant la messe.

Le nom du saint chrétien invoqué est quelquefois si spécial, qu’on voit d’une manière transparente l’adaptation d’une idée thérapeutique à la cérémonie religieuse. Féraud affirme ainsi, dans son Histoire des Basses-Alpes, que dans l’église de Ganagobie, dans les Basses-Alpes, il y a une tribune où se trouve un autel de saint Transi. Les mères, dont les enfants étaient valétudinaires, déposaient le pauvret sur cet autel, pendant l’invocation ; elles suspendaient un de ses vêtements, en guise d’ex-voto, sur le mur voisin, lorsque la guérison avait été obtenue.

Il est une autre manière d’agir qui est encore plus singulière, et qui cette fois ne touche en rien, en apparence, aux choses de la religion. Je veux parler du remède populaire de quelques Provençaux pour guérir le Coburni (la coqueluche) d’une manière certaine et infaillible, si on en croit les bonnes femmes. Pour obtenir cette guérison de la coqueluche, il faut faire passer l’enfant sept fois de suite sous le ventre d’un âne, en allant de droite à gauche, et sans jamais aller de gauche à droite ; car si on oubliait cette précaution, les passages en sens inverse se neutralisant, on n’obtiendrait pas le résultat désiré.

Dans certains villages, il y a des ânes plus ou moins renommés pour leur vertu curative. Il y a quelques années, il y en avait un au Luc qui jouissait d’une telle réputation, que, non seulement il servait à tous les enfants de la localité, mais encore les enfants de Draguignan et même de Cannes, étaient, maintes fois, amenés au Luc, c’est-à-dire faisaient un voyage de plus de soixante kilomètres, pour bénéficier du traitement.

téléchargement (2)Enfin, je ne dois pas oublier de rapporter ici une variante de la donnée que nous étudions et qui ne manque pas d’originalité. Dans beaucoup de villages de Provence, le jour de Saint-Eloi, après avoir fait bénir les bêtes, il y a une procession dans laquelle la statue du saint est portée sur l’épaule de quatre vigoureux gaillards. Pendant que cette procession est en marche, on voit nombre de paysans et de paysannes armés d’un bâton au bout duquel ils ont attaché un petit bouchon de paille, s’approcher de la statue, se glisser entre les quatre porteurs et, passant leur bâton par dessous le brancard, vont frotter la face du saint avec ce bouchon de paille, habituellement des brins d’avoine sauvage.

Cette paille a dès lors la propriété de guérir les animaux malades ; aussi est-elle conservée avec soin dans la maison comme un remède miraculeux. Dans le village de Signes, de La Cadière, etc., près de Toulon, c’est à la procession de l’Ascension, dite procession des vertus, que cette pratique se fait.

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Au jeu de la Tarasque

Posté par francesca7 le 27 octobre 2014

 

la-tarasque-300x212Relatant les jeux de la Tarasque se déroulant en 1846, un chroniqueur du temps nous explique qu’alors, au milieu de cette population en rumeur, à entendre ces cris de fête, à voir ces costumes d’un autre temps, l’on pourrait se croire en plein Moyen Age. Et d’ajouter : « Vous auriez beau ressusciter à Paris le dragon de saint Marcel, à Vendôme le dragon de saint Bienheuré, à Rouen la gargouille, à Reims la kraulla, à Poitiers la grande Gueule ou la bonne sainte Vermine, à Troyes la Chair salée, à Metz la Grouille, etc., vous n’exciteriez pas le délire et l’enthousiasme qui exaltent ces imaginations méridionales, quand on leur crie que la tarasque va courir !

Il semblerait que c’est hier qu’ils ont été délivrés, par un miracle, du monstre antédiluvien qui ravageait le littoral des Bouches-du-Rhône, rapporte encore ce témoin des réjouissances de l’année 1846 liées à l’ancestrale légende de la Tarasques ; que c’est hier que sainte Marthe est venue exprès de la Palestine pour éteindre ses fureurs avec quelques gouttes d’eau bénite ; et que, dans la procession qui aura lieu plus tard pour célébrer les vertus de leur céleste libératrice, les Tarasconais seront persuadés qu’ils la voient elle-même conduire en laisse, avec un ruban, cette espèce de crocodile ou de saurien, dont l’appétit ne pouvait se satisfaire qu’avec de petits enfants, voire même avec des adultes.

Le monstre a existé, poursuit notre chroniqueur ; vous avez au moins une de ses vertèbres dans les fossiles de Cuvier. Sans croire pieusement à tous les détails de la légende de sainte Marthe, je crois au monstre avec tous les géologues modernes ; et je ne consens nullement à partager l’opinion de ces savants archéologues qui voient dans les jeux de la tarasque une allégorie mystique, où le paganisme est représenté par un dragon, et le christianisme par une vierge armée de l’aspersoir.

Le roi René arrangea en roi littérateur ces divertissements populaires ; il y ajouta quelques scènes, et les remit en faveur, comme fit Shakespeare pour les vieilles pièces du théâtre anglais ; mais il respecta la tradition, et n’inventa rien ; il n’inventa surtout pas la tarasque, serpent de l’espèce de celui que le chevalier Gozon détruisit à Rhodes, qui avait réellement habité les environs de Tarascon, et qui, d’après une autre légende manuscrite, fut tué par un chasseur artésien ; exploit qui valut à la famille d’Arlatan le privilège de prélever un droit sur la récolte annuelle du kermès.

Quelle que soit l’origine de ces jeux, nous apprend encore l’auteur de ce récit paru dans l’Illustration à la demande du rédacteur de la revue, ils ont été exécutés cette année à Tarascon avec une pompe extraordinaire. On eût dit que les Tarasconais, en voyant les rails de deux chemins de fer se croiser sur leur ville, pressentaient que c’en était fait des vieilles traditions, des vieux usages, des vieilles fêtes, et qu’avec la civilisation nouvelle il n’y aurait bientôt plus place pour la tarasque elle-même sur la place publique ; ils semblaient lui adresser un solennel adieu ; et quelque jour, nous le pensons nous-même, le spectacle que nous voudrions esquisser ne conservera d’autres vestiges que les lithographies de l’Illustration. Mais déjà on entend les fifres et les tambourins ; allons voir défiler la bravade : c’est le prologue de la pièce, la revue préliminaire des personnages principaux.

Où nous placer ? Il n’est que neuf heures du matin, et la foule encombre toutes les rues : les fenêtres sont garnies de dames, les toits ont leurs spectateurs, et tous les gradins des échafauds attestent, par la diversité des costumes, que plus de trente mille curieux sont arrivés de vingt lieues à la ronde : la belle juive d’Avignon n’a pas eu peur d’être insultée, comme la Rébecca de Walter Scott au tournoi d’Ashby-la-Zouche ; la protestante des Cévennes a oublié ses rigueurs puritaines ; elle a les yeux aussi animés que l’Arlésienne, qui est doublement fière de se sentir la plus belle de toutes par ses charmes naturels et l’élégance de sa toilette.

Ce serait une douce occupation d’étudier ces spectatrices si fraîches et si bien parées… ; Mais voici le cortège. En tête marchent les héros du jour, les tarascaïres ou chevaliers de la tarasque, sur deux rangs ; ils sont trente environ, précédés de leur chef qui porte le bâton du commandement, et suivis de leur drapeau, sur lequel est représentée la tarasque. Leur costume brille par la dentelle et la soie ; à leur écharpe en sautoir pend l’image de la tarasque, décoration dont ils sont plus glorieux qu’un grand d’Espagne de l’image de la Toison d’or ; leur cocarde est rouge et bleue, ce sont les couleurs de la tarasque.

A la grande satisfaction des fabricants de Nîmes et de Saint-Étienne, il s’est débité depuis la veille je ne sais combien de mètres de rubans de cette nuance : chaque tarascaïre en décore le nerf de bœuf et la longue fusée qui arment ses mains ; il en distribue a ses amis et à ses hôtes, aussi prodigue de ces faveurs bicolores que les héritiers constitutionnels de l’empereur du ruban de sa Légion d’honneur.

Après les chevaliers de la tarasque vient un corps de musique, c’est-à-dire, de tambourins et de fifres appartenant à la corporation des vignerons, que vous voyez avec les ustensiles de leur travail, des ceps de vignes, des gourdes, des barillets, etc. Les derniers de ces enfants de Noé traînent une corde qui servira à la cérémonie. Ils sont suivis de quatre hommes, dont deux portent un baril connu sous le nom de bouto embriagou (le tonneau d’ivresse) ; les deux autres ont sur l’épaule de longues barres.

La coiffure des deux premiers est burlesquement composée avec le fond de leurs sacs, que les deux autres ont plié autour du buste. Après eux se déploie encore une bannière, et puis vous reconnaissez les jardiniers, qui se sont munis de toute espèce de plantes potagères, de choux monstres, d’artichauts ; quelques-uns ont préféré des faisceaux de fleurs ; celui-ci porte un arrosoir, celui-là une pompe, et les trois derniers ont tressé une longue guirlande en rameaux de buis. Qui prend rang après les horticulteurs ? La houlette indique que ce sont les bergers, dont l’un porte un barillet rempli de cette espèce d’huile qu’on extrait du genévrier, et appelée ici oli de cadi.

Aux bergers succèdent les ménagers ou agriculteurs, y compris les charretiers et les garçons de ferme. Un second groupe de tambours et de fifres complète le cortège, qui, avant de défiler, est allé entendre la messe à Sainte-Marthe. Un repas de corps attend les diverses corporations ; mais quand une heure sonnera, elles seront toutes à leur poste.

A une heure après-midi, a lieu la première course de la tarasque. Lagadeou, lagadeou ! la tarascou, la tarascou ! Lagadeou, lagadidadeou, la tarascou, lou casteou ! (le château) Lagadeou ! est le cri traditionnel qui annonce l’approche du monstre : lagadeou ! mot sacramentel qui ferait tressaillir un Tarasconais, n’importe dans quel lieu du monde vous le prononceriez ; lagadeou ! mot talismatique dont se servira l’ange du jugement dernier, pour ressusciter toutes les générations qui dorment dans le cimetière de Tarascon. Le château (lou casteou !) est encore un cri local, le château de Tarascon étant l’unique monument de la ville, un modèle d’architecture militaire qui, par sa date et son style, appartient au règne du bon roi René.

Une explosion d’artifices annonce bientôt la tarasque elle-même sur la place de la Mairie, où la foule frémissante l’appelle par ses cris. A son aspect, les acclamations redoublent. Les mères montrent à leurs enfants cet animal extraordinaire, masse informe, abritée sous une carapace d’où sort une tête de dragon, jetant par les naseaux des gerbes de feu.

Quelques tarascaïres, cachés dans les entrailles de la tarasque, ont soin d’entretenir ce souffle infernal avec leurs fusées ; d’autres, poussant le monstre, lui prêtent une agilité extraordinaire ; mais il faut se garder surtout de sa queue, longue poutre qui se meut en tout sens, et qui a plus d’une fois cassé bras et jambes ; car ce jeu est sérieux pour ceux sur qui la tarasque se retourne tout à coup à l’improviste ; et c’est alors que la tarasque a bien fait (a ben fa), comme on dit du taureau qui blesse ou tue un toréador ; c’est alors qu’on crie plus haut : Lagadeou ! la tarascou !…

Heureusement, cette année, le nombre des boiteux et des manchots de Tarascon ne s’est pas augmenté. La tarasque a décrit toutes ses évolutions avec toute sa fureur traditionnelle ; mais les fuyards ont couru plus vite qu’elle ; ceux qui l’ont poursuivie se sont toujours écartés à propos, ou ils en ont été quittes pour, quelques contusions.

La bouto-embriagou n’a pas non plus envoyé beaucoup d’estropiés à l’hôpital. Pendant que la tarasque se repose de sa première sortie, les hommes aux sacs et aux barres, qui sont des portefaix, courent avec leur tonnelet suspendu à la corde ; ils renversent tous ceux qui se laissent toucher par leurs barres et par la bouto-embriagou, dont l’oscillation continuelle rend cette course assez originale.

Un épisode invite tout à coup au recueillement au milieu du tumulte. Notre-Dame des Pâtres vient en personne assister à la fête, escortée de ceux que nous avons vus défiler avec leurs houlettes. Notre-Dame se présente sur l’animal qui eut l’honneur de servir de monture à la sainte famille lorsqu’elle se réfugia en Egypte. Notre-Dame elle-même a pris la forme d’une petite fille toute rayonnante, d’une innocente beauté, d’une petite fille jolie comme on raconte que l’était Marie enfant, dans l’évangile apocryphe de la Vierge.

Deux gracieuses figures du même âge, que la coquetterie maternelle a couvertes de bijoux, sont assises avec elle sur le trône en baldaquin qu’on a artistement fixé sur l’ânesse. Admirez-les sans profane indiscrétion ; car, dans le cortège des bergers, il en est un de qui il faut vous défier, celui qui porte la provision d’huile visqueuse avec laquelle on goudronne la laine des moutons hargneux. Pendant que vous êtes là à vous ébahir, le nez au vent, il trempe une baguette dans son huile et vous la passe sur la lèvre supérieure, de manière à y laisser une sale et puante moustache. Les rieurs ne seront pas de votre côté, si vous êtes la victime de cette grossière malice.

Tenez-vous aussi à une distance prudente des ouvriers qui viennent piocher la terre et y planter leurs ceps. Il en est deux qui traînent chacun un bout de la corde dont ils se sont servis pour délimiter le champ du travail. Au moment où la foule se serre autour de ces vignerons, la corde se déploie, et ses replis tendus s’ouvrent pour fouetter les jambes des badauds, qui se renversent les uns sur les autres.

La musique annonce une autre scène : c’est l’enfant Jésus qui a voulu, lui aussi, comme sa mère, venir voir les jeux de la tarasque. En l’absence de l’ânesse, il a accepté l’offre du robuste personnage à qui sa complaisance pour l’enfant divin a valu le nom grec de Christophe (Christo-Phore) et le titre de patron des portefaix. Saint Christophe, avec sa robe de soie fanée, semble avoir été autrefois un grand seigneur ruiné ; le petit Jésus, intronisé sur ses larges épaules, a tout le luxe d’un enfant de sang royal, le diadème sur le front, et en main la croix qui a sauvé le monde.

L’enfant se sert de sa croix pour bénir les fidèles ; mais saint Christophe, dont la statue herculéenne est placée ordinairement au vestibule des églises, se conduit en vrai saint d’antichambre : il s’est armé d’un balai terminé par une touffe d’orties, et, sous prétexte de nettoyer la voie publique pour son divin fardeau , il s’adresse aux jambes dés curieux. Les cris de la mauvaise humeur des patients, comme les joyeux éclats de rire, se perdent, dans la musique des tambourins et des fifres qui précèdent l’enfant au céleste sourirent le géant goguenard.

Les jardiniers ont aussi leur intermède : ils ont orné une charrette d’un dôme de feuillage et de fleurs, sous lequel ils s’abritent ; vraie décoration à l’italienne, digne de la ville où l’on admire à bon droit la tonnelle de M. Audibert, le Vilmorin et le Loudon de la Provence. A ce char triomphal sont attelées des mules, animal employé ici à tous les travaux agricoles. Tout à coup elles partent au galop. Malheur à ceux qui se trouvent sur leur passage ! ce n’est pas seulement qu’ils risquent d’être écrasés, mais les jardiniers, qui ont avec eux leurs arrosoirs et leurs pompes, font tomber au loin une pluie d’orage.

A l’averse déterre succède la trombe marine, lorsqu’un autre char en forme de bateau, connu sous le nom de l’Esturgeon, signale la présence des mariniers du Rhône dans la fête. Les pompes des bateaux lancent leur déluge plus haut que les pompes des jardiniers. Si vous n’avez été qu’arrosé une première fois, vous êtes noyé une seconde.

Les malices des ménagers sont plus innocentes, et dignes de l’âge d’or. Il en est bien parmi eux qui, feignant de prendre votre soif en pitié, vous invitent à donner l’accolade à leur calebasse, et, l’approchant eux-mêmes de vos lèvres, vous inondent au lieu de vous désaltérer ; mais la plupart se contentent de figurer sur leurs mules dans la promenade de saint Sébastien, distribuant çà et là des petits pains. A leur tête marche un timbalier, qui bat la mesure à la musique. Cette cavalcade fait sourire les spectateurs venus de Montpellier, qui disent tout bas qu’ils préfèrent à la tarasque lou Chivalé, comme on l’appelle, dans le département de l’Hérault, le cheval de la danse mauresque que j’ai vu exécuter autrefois sur la place de la Canourgue.

tarasque_1Peut-être les Tarasconais abandonneraient-ils à votre critique quelques détails de leurs fêtes ; mais gardez-vous bien de médire de la tarasque qui a fourni ses trois courses entre les scènes d’intermèdes ! Vous seriez traité de sacrilège et expulsé de la ville, si vous n’y étiez pendu ; car la tarasque est à la fois, pour Tarascon, ce qu’était le Palladium pour la ville de Priam, le Veau d’or pour Israël idolâtre, le dieu Bel pour les Babyloniens.

Attaquer la tarasque, c’est attaquer le Tarasconais dans ses affections, son honneur, sa religion même. Lorsque, sous la Restauration, le comte d’Artois (Charles X) passa à Tarascon, le royalisme local se manifesta en offrant au prince une petite tarasque en or !

source (D’après « L’Illustration », paru en 1846)

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LES BONBONS DU PAS DE CALAIS

Posté par francesca7 le 25 octobre 2014

« A la Saint-Luc, la betterave devient sucre ». La Saint-Luc, c’est samedi et c’est traditionnellement la date qui marque l’apogée de la campagne betteravière…

Le Nord Pas-de-Calais est la troisième région sucrière de France et la première pour la production de bonbons.

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50.000 tonnes de bonbons
Avec près de cinq millions de tonnes de betteraves produites, qui donneront pas loin de 800.000 tonnes de sucre, le Nord-Pas de Calais est la troisième région sucrière de France. Par effet de la photosynthèse chlorophyllienne, le sucre se forme et est stocké au cœur des betteraves…

Grâce à ces betteraves, grâce à tout ce sucre, la région se positionne même comme la première région de France pour la production de confiserie avec près de 50.000 tonnes de bonbons ! 1kg de sucre sur 6 et 1 bonbon sur 4 consommés en France sont produits en Nord-Pas de Calais !

Fleuron de l’agro-alimentaire
L’histoire du sucre en Nord-Pas de Calais se confond avec l’Histoire de France : le blocus continental au début du XIXème siècle, qui entraîne une pénurie de sucre de canne… Napoléon qui encourage la production de sucre et Benjamin Delessert qui lui présente un procédé pour extraire le sucre de la betterave… L’industrie sucrière deviendra ainsi un fleuron des industries agro-alimentaires du Nord de la France.

Confiseries et gastronomie
Le sucre ou plutôt les sucres : cristallisé, en morceaux, sucre en poudre ou sucre glace, sucre candi ou vergeoise… Derrière ces sucres, se cache un seul et même produit : le saccharose. Ce glucide contribue aux besoins quotidiens de l’organisme. Il fournit notamment l’organisme en glucose, nutriment énergétique indispensable au bon fonctionnement des muscles et du cerveau. Il possède une valeur calorique de 4 kcal/g soit deux fois moins que celle des lipides…Le sucre c’est aussi très bon…

Outre les confiseries (et le Nord n’est pas en reste : Babeluttes de Lille, Chiques de Bavay, Bêtises de Cambrai, Carambar), le sucre est fortement présent dans notre gastronomie régionale : le sucré-salé si typique ou encore les fameux desserts que sont les gaufres, l’emploi de vergeoise (ne pas confondre avec la cassonade), les cramiques, les pains d’épices et bien entendu la fameuse tarte au sucre !

La recette du chef : la Tarte au sucre
Pour 8 personnes
Pour la pâte :
200 g de farine,
8 g de levure de boulangerie délayée dans un peu de lait tiède,
90 g de beurre,
1 œuf,
15 g de sucre en poudre,
1 pincée de sel.

Pour la garniture :
80 g de vergeoise brune,
50 g de beurre,
2 jaunes d’œufs,
4 cuillères à soupe de crème fraîche épaisse.

Dans un saladier, mettre farine, sucre, sel, œuf, beurre ramolli (mais non fondu) et levure. Rassembler rapidement pour en faire une boule de pâte homogène et non collante. Réserver au frais au moins une heure. Garnir le fond d’une tourtière avec cette pâte et la piquer à l’aide d’une fourchette.

Disposer la garniture : étaler le beurre et saupoudrer généreusement de vergeoise. Recouvrir du mélange crème fraîche et œuf battu. Faire cuire 30 minutes à 180°C (therm. 6). Démouler et consommer légèrement tiède.

Astuce du chef : on peut également agrémenter la tarte de quelques petits morceaux de carambar.

Marie-Agnès Bourgain
France 3 Nord Pas-de-Calais

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L’appétit des GEANTS

Posté par francesca7 le 25 octobre 2014

 

    images (5)Les normes européennes et l’appétit des géants de l’agroalimentaire bousculent la tradition du fromage au lait cru.

En 1962, Charles de Gaulle remarquait qu’il était impossible de gouverner un pays qui compte autant de fromages. La France est peut-être tout aussi difficile à gouverner aujourd’hui, mais ce n’est plus à cause de ses fromages, puisque 90 % des producteurs ont soit mis la clé sous la porte, soit fini entre les mains des géants de l’industrie laitière.

Et cela grâce à un cocktail de mesures sanitaires draconiennes prises à Bruxelles contre les produits au lait cru et de rachats hostiles par ceux qui veulent accaparer le marché. Le lait non pasteurisé, qui donne un goût unique au fromage, a été peu à peu marginalisé sous des prétextes fallacieux de santé publique après un lobbying acharné de l’industrie agroalimentaire, mené au détriment du consommateur mais à l’immense avantage de ceux qui fabriquent des fromages pasteurisés. Ces derniers pourront rester jusqu’à un mois dans les rayons des supermarchés, alors que beaucoup de fromages au lait cru risquent fort de ne plus être consommables au bout de dix jours.

La France produit plus de 1 000 sortes de fromages et elle est le deuxième consommateur de fromages en Europe après la Grèce. Mais les produits au lait cru ne représentent plus aujourd’hui que 10 % du marché, contre 100 % il y a soixante-dix ans. La guerre du fromage est particulièrement féroce autour du village de Camembert, où il ne reste plus que cinq producteurs locaux authentiques.

 

La région n’a pas résisté à une culture qui favorise les chaînes de fabrication capables de débiter 250 000 camemberts par jour. « Les gros industriels ne tolèrent pas l’existence d’autres modes de production », explique Véronique Richez-Lerouge, fondatrice de l’association Fromages de terroirs, qui lutte pour protéger les fromages traditionnels au lait cru et a récemment publié un livre intitulé France, ton fromage fout le camp. « Ils sont déterminés à imposer une homogénéité fade au consommateur, des objets en forme de fromage au goût médiocre et de mauvaise qualité, car le processus de pasteurisation tue le produit. Les multinationales se fichent complètement des petits producteurs et, avec l’entière coopération des pouvoirs en place, elles ont balayé deux mille ans de savoir-faire », poursuit-elle.

« Les grands fromages français sont aujourd’hui en voie d’extinction. Les petits producteurs sont tout simplement écrasés par des compagnies comme Lactalis et ses 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires ou Bongrain (4,4 milliards d’euros). Ce qui est en jeu ici, ce n’est rien d’autre que le patrimoine culturel français et la liberté de choix du consommateur. »

Variétés disparues Les fromagers industriels ont également réussi, par la voie juridique, à détourner l’appellation d’origine protégée (AOP). Résultat : les fromages pasteurisés et fabriqués à la chaîne représentent presque 50 % de cet espace protégé, menaçant encore plus une espèce en voie de disparition. Aujourd’hui, 70 % du cantal AOP est pasteurisé, ainsi que 80 % de l’ossau-iraty du Pays basque.

Pour la fourme d’Ambert, on atteint le taux ahurissant de 97 %. Où est le problème, me direz-vous ? Pourquoi le fromage fabriqué par un géant alimentaire ne serait-il pas aussi bon qu’un vacherin des Bauges ou qu’un colombier des Aillons, pour ne citer que deux nobles noms de la liste de plus en plus longue des variétés disparues ? « Pour commencer, presque tout le prix du fromage d’un petit producteur sert à couvrir le coût du matériel utilisé », explique Romain Olivier, maître fromager affineur à la fromagerie Philippe Olivier à Boulogne-sur-Mer, du nom de son père, président du syndicat des 3 200 derniers détaillants de fromage en France.

images (7)« Pour les gros producteurs, les coûts logistiques du fromage au lait cru sont beaucoup trop élevés, parce qu’il faut collecter le lait, le transporter, l’analyser (il est parfois refusé) avant d’entamer le processus de fabrication. C’est pourquoi ils préfèrent le lait pasteurisé. » Les détaillants de fromage sont eux aussi une espèce en voie de disparition. Les fromages français sont vendus pour 95 % dans les supermarchés, et même là les comptoirs spécialisés disparaissent les uns après les autres en faveur de rayons débordant de produits tartinables, chimiques et aux arômes artificiels. Une vraie lueur d’espoir vient de Chine.

Selon Romain Olivier, après les réticences qu’ils montraient par le passé à consommer du fromage, les Chinois viennent de découvrir qu’il se marie à merveille avec le vin rouge, qu’ils importent aujourd’hui par pièces entières.

Ana Pouvreau et Mark Porter Courrier international

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UN SPECTRE NOCTURNE EN MOSELLE

Posté par francesca7 le 25 octobre 2014

 

téléchargement (6)La très ancienne petite ville de Boulay (BolagiumBolaBolchen), en Moselle, fut de temps immémorial le théâtre de nombreuses apparitions d’êtres surnaturels, et les revenants s’y donnaient volontiers rendez-vous, notamment la Massue. Dans le premier quart du XIXe siècle, on recueillit les récits de quantité de faits étranges qui s’y étaient passés et s’y passaient encore journellement à cette époque.

Un de ces spectres nocturnes était la Massue ou Masse. La Massue apparaissait sous la forme d’une bête ayant la taille d’un veau à très longs poils de couleur sombre, sous lesquels disparaissait la tête dont on n’apercevait que les yeux gros et flamboyants et deux pointes d’oreilles émergeant de l’épaisse fourrure. On ne distinguait pas les pattes, et cette espèce d’être présentait l’apparence d’une masse informe, d’où lui était probablement venu son nom, soit du français masse, soit de l’allemand massiv. La Massue traînait des chaînes dont on entendait le cliquetis ; parfois elle passait sans bruit, et si elle venait à toucher quelqu’un en se serrant contre lui, son contact ne semblait que le frôlement d’un vent léger. Cette bête immonde se présentait tout à coup, sortant de l’obscurité, sans qu’on pût voir d’où elle venait. Elle semblait affectionner certaines rues de la ville.

C’est ainsi qu’on l’a vue le plus souvent dans la rue du Four Banal (Banngasse), la rue de la Halle (Hallegasse) et la rue de l’Eglise (Kirchegasse) d’où peut-être elle se rendait au cimetière ou, plus vraisemblablement par la rue du Pressoir (Keltergasse) et la rue de Saint-Avold, vers un lieu situé hors de la ville et appelé Stromerich. Cette bête n’a d’ailleurs jamais, de son propre mouvement, fait de mal à personne, se permettant seulement de barrer le passage au bon bourgeois attardé en s’asseyant sur son chemin à la façon des ours, et fixant sur lui ses yeux ronds et luisants ; une fois même elle empêcha un vol de s’exécuter.

Le témoignage d’une ancienne maîtresse d’école à Boulay vers la fin du XVIIIe siècle, Mlle Barbarat, nous fournit des détails quant à l’existence de cette apparition. « Une soirée, assez tard, je sortais avec ma sœur de nos écuries, et, pour rentrer chez nous, il fallait traverser la rue de la Halle. Voilà la Massue qui se présente : elle montait la rue. Ma sœur me crie : Retire-toi ! J’ai cru qu’elle voulait badiner ; mais tout à coup cette bête s’est trouvée près de moi et, en passant, s’est serrée contre mes jupons sans que je la sente. Elle était plus noire que grise et de la grosseur d’un chien dogue. C’est en 1770 que cela m’est arrivé. Depuis ma sœur l’a vue à cette même place à trois reprises différentes. M. Lefort, allant un soir chez M. de Villers et suivant la rue du Four Banal, la vit sortir du coin derrière la maison Coignard et venir au devant de lui.

« Au commencement de la Révolution, un garçon de Boulay faisait la cour à une fille qui habitait la grande maison située rue du Four Banal au-dessus de celle de M. Limbourg et se rendait chez elle. C’était à l’entrée de la nuit et plusieurs personnes étaient encore à prendre le frais du soir sur la porte. Ce garçon vit la Massue semblant sortir du cul-de-sac qui est derrière la maison Rimmel. Il courut frapper à une porte en criant : Vite ! Vite ! Ouvrez-moi. On ouvrit la porte et, se précipitant dans l’allée, il y tomba en faiblesse. C’était la seconde fois qu’il voyait cette bête. Un soir, le boucher qui demeurait alors dans la même rue sortit pour aller à sa boutique. Mais il revint aussitôt, les cheveux hérissés, et dit qu’il venait de voir une effroyable bête qui en gardait l’entrée. C’était la Massue.

« Un jour de l’hiver 1760, le vent avait renversé un gros arbre dans la forêt de Crombesch (défrichée depuis la Révolution). Des pauvres femmes, qui faisaient métier d’aller chercher des branches sèches au bois pour leur ménage, complotèrent d’aller la nuit suivante en couper en fraude à cet arbre. Mais il fallait s’assurer que le fortier (garde-forestier) n’était pas en tournée. Elles furent regarder à la fenêtre de sa cuisine sur le derrière de sa maison, située rue du Four Banal, et le virent assis près du feu. Mais quand elles s’en retournèrent pour aller accomplir leur vol, la Massue était là qui leur barrait le chemin. Quand elles voulaient passer d’un côté, la Massue s’y trouvait ; si elles essayaient de prendre l’autre côté, elle y était encore, et ce manège dura jusqu’à quatre heures du matin où la Massue s’éloigna ; mais l’envie et l’heure de mal faire étaient parties aussi !

« Un soir de l’année 1700, des garçons de Boulay se promenaient sur la place. La Massue est venue passer près d’eux ayant à peu près l’apparence d’un petit cheval. L’un d’eux, nommé Ritz, sauta dessus ; mais il tomba aussitôt à terre où il resta raide mort. Une nuit, un homme passait en Muehlenbach (lieu situé au sortir de la ville entre la route de Metz et celle de Roupeldange), avec une hotte sur le dos. La Massue le suivit et sauta sur sa hotte. Il la porta ainsi bien loin, mais il tombait sous le poids. Mlle Bettinger, qui habitait aussi la rue du Four Banal, vit, un soir de l’été 1820, une bête de grande taille avec des yeux étincelants s’arrêter vis-à-vis ses fenêtres. Elle le raconta le lendemain à ses voisins. Mme Weiss, un soir de la même année, et plusieurs personnes, étaient assises sur les escaliers d’une maison située vers le bout de la même rue d’où l’on peut voir la place. Tout à coup elles entendirent un bruit de chaînes et, en même temps, virent la Massue apparaître, comme si elle sortait de terre. Un petit chien la suivait en ne cessant d’aboyer. Sans s’en inquiéter, la bête descendit jusqu’au bout de la place et puis revint sur ses pas. En voyant cela toutes les personnes qui l’observaient se sauvèrent, et l’une d’elles, qui avait un plus long trajet à faire que les autres, demanda de l’eau bénite pour s’assurer contre les rencontres du chemin.

« Une soirée, Colin Coignard revenait de route avec sa charrette. Arrivé au fossé de Barenbach, derrière la montagne, il s’y trouva tout à coup embourbé et la Massue était près de lui qui le regardait. Son neveu alla chercher des chevaux pour le tirer de ce mauvais pas et quand, vers minuit seulement, ils arrivèrent près de la ville, au ruisseau de Muehlenbach, la Massue était dans le ruisseau qui dlatschait (de l’allemand flatsehen, barboter dans l’eau) et tapotait dans l’eau. Elle les accompagna jusque dans l’intérieur de la ville ».

Enfin voici le témoignage d’un homme fort honorable qui habitait Boulay au commencement du XIXe siècle : ancien professeur à Boulay, il avait été, avant la Révolution, précepteur dans la maison du comte de Clermont Mont-Saint-Jean, dans le midi de la France. Il écrit, dans une note adressée au comte de Bony de la Vergne : « Hier, 29 janvier 1823, à six heures du soir sonnées à l’hôtel de ville et sur le point de sonner à la paroisse, je sortais de chez nous pour aller donner une leçon dans la rue du Pressoir. J’apercevais déjà les lumières de vos fenêtres et je marchais sur le haut du pavé lorsque j’entendis un bruit de chaînes à ma gauche. Je regardai et je vis à mon côté une masse informe à poils longs sans que je la sentisse. Je crus d’abord que c’était le chien du moulin neuf ; mais me rappelant que celui-ci a des oreilles coupées ras, je cherchai à voir la tête de cette bête et j’aperçus un bout d’oreille saillant du poil. Je suivis de l’œil cette monstruosité jusque devant la maison Coignard, mais sans pouvoir distinguer une tête. Elle paraissait avoir des reins d’environ deux pieds de large et au moins la longueur du chien du moulin. C’est ce que j’ai vu de mes yeux sans être endormi ni ivre. Je n’avais pas encore vu cette bête et je vous en parle comme l’ayant vue ; croyez si vous le jugez à propos ».

Suivant la croyance populaire, cette Massue n’était autre que la propre personne d’un ancien gouverneur de Boulay, condamné par la justice divine à revenir sous cette forme odieuse, en expiation d’un crime. Le capitaine Dithau, ou Dithrau, gouverneur à Boulay pour le duc de Lorraine, en 1635, avait une tante nommée Sunna Roden, dont il convoitait les biens, 108 jours de terre sur le ban de Boulay et 9 fauchées de prés. Pour s’en emparer, le capitaine Dithau accusa sa tante de sorcellerie et la fit emprisonner. Le procès dura huit semaines et, sur les dépositions de son neveu, la pauvre dame fut condamnée à être brûlée vive, ses cendres jetées au vent et ses biens confisqués. Cette horrible sentence eut son exécution et la malheureuse femme fut brûlée sur le ban de Boulay, le 17 juillet 1635, en un lieu appelé Stromerich, à gauche du chemin de Machern et non loin du bois de Buch. Le cupide Dithau ne put cependant pas s’emparer des biens de sa tante, qui passèrent, dit-on, aux domaines et furent ensuite aliénés. Malheureusement, les pièces du procès ont été, dès l’origine, soustraites des archives de l’hôtel de ville, et la tradition seule a conservé jusqu’en ces derniers temps le souvenir d’un crime abominable, dont le sentiment populaire a fait justice en condamnant son auteur au sinistre châtiment relaté plus haut.

téléchargement (7)Les traditions populaires de plusieurs provinces de France et d’autres pays dépeignent aussi les allures analogues d’une bête qui se présente la nuit au voyageur, le suit ou lui barre le passage, quelquefois se fait porter par lui, épouvante les animaux, etc. Telles sont la Galipotedans le Poitou et la Saintonge, la Grand’Bête et la Bête qui se fait porter dans le Berry, lePoulain sans tête à Gondrecourt, la Bête de Brielles, la Bête de Béré, la Birette, le Birherou, la Bête de la Loyère en Haute-Bretagne, le Chien noir d’Alversdorf dans le Schleswig-Holstein, etc. Néanmoins la Massue bolagienne, quoique parente de ces fantastiques créatures, offre avec elles une assez grande différence. La Galipote, quoique plus innocente que le loup-garou, se rapproche de la nature de ce dernier en ce qu’elle est quelquefois le dédoublement d’une personne vivante, tandis que notre Massue est un véritable revenant. Elle a plus d’affinité avec la Grand’Bête, malgré les formes plus nombreuses qu’affecte cette dernière ; elle n’a pas la méchanceté de la Birette ; elle ressemble un peu au Poulain de Gondrecourt, comme elle, a la tête indécise, et au Chien noir d’Alversdorf, car ces derniers se font voir aussi, le plus souvent, dans l’intérieur d’une ville. Mais ce qui caractérise surtout notre Massue, c’est sa personnalité connue dans sa première et dans sa seconde existence et l’idée de l’expiation attachée à ses pérégrinations nocturnes.

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