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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Nostalgie DU PAYS de RETZ (Bretagne)

Posté par francesca7 le 24 septembre 2014

 

téléchargement (2)MAINTENANT le Pays de Retz est dans mes mains comme un objet menu, ramassé, précieux. Je le tiens tout entier entre mes doigts et je le tourne ainsi qu’une de ces noix sculptées sur lesquelles on découvre des palmiers, des singes, des navires ou les travaux d’Hercule. Il me suffit d’un regard pour l’embrasser, d’un geste pour le parcourir. Si je veux m’arrêter sur un détail, il me faut me baisser. J’ai l’impression d’être un géant chaussé de ces terribles bottes de sept lieues qui nous privent de flâner aux lacis du paysage.

Comme la quarantaine rapetisse le champ de notre enfance ! Cet univers qui m’a dominé, je le domine à mon tour. La rivière n’est plus que ruisseau, la montagne simple mamelon, et la distance s’est repliée sur elle-même à la façon d’un décamètre que l’on met dans sa poche. J’ai grandi en âge, en compréhension, en méthode. Mon service d’imagination est à l’ordre et il suffit d’un déclic pour qu’il déploie ses synthèses. J’ai grandi en moyens aussi, étant armé de l’automobile, arpenteuse implacable des routes.

Montez à côté de moi et je vous emmène à Paimboeuf. Nous n’irons pas en festonnant la côte, par Pornic, Sainte-Marie, Préfailles, et cette baie en croissant - la concha - qui arrondit sa courbe blonde de la pointe Saint-Gildas à Mindin. C’est le trajet du touriste, la route d’émeraude, en bordure des falaises, des sables, des pinèdes, sans quitter le leitmotiv du vieil Océan jongleur qui soutient le film. Non, nous irons au plus court. Nous couperons d’un trait la presqu’île, du sud au nord, en passant par le Clion, Saint-Père-en-Retz. Il y a là des petites routes, empierrées d’une silice blanche, qui éblouissent au soleil et donnent une poussière dure comme de l’émeri, mais qui savent, au gré des ondulations, emmêler aimablement les points de vue aux bocages.

Voilà le pays : des houles successives, très douces, allongées dans le sens de la Loire, dernières rides, semble-t-il, du Sillon de Bretagne. Autour du Clion dont l’église porte clochette à l’extérieure de son bonnet pointu comme une folie, la terre est encore rabougrie par le voisinage de la mer. On franchit le canal de Haute-Perche, couleuvre jaune tapis dans les prés bas, sur un ponceau encadré de platanes malingres. Un carrefour. La route monte, l’humus paraît, roux et fort, chargé de choux bleus, de betteraves vertes ou d’emblavures fleuries de coquelicots. La haie devient plus dense, fournie d’ajoncs, d’aubépines, de genêts au coeur sucré et de saules. Des chênes bien faits, des frênes d’une belle venue, que l’on sent les pieds à l’aise dans une humidité grasse, abritent des fermes puissantes, baignées d’un fumier corsé. Les troupeaux sont nombreux, nets, riches : grands boeufs vendéens couleur froment, vaches claires aux lourdes tétines, baudets fringants et courts de garrot, encombrent les chemins à la douzaine. Une petite fille les mène, ébouriffée, joufflue, en tablier à carreaux, la voix aigre. Elle prend son chien dans ses bras au premier coup de trompe – « Ici, Bas-Blanc ! Ici, Pataud ! » – et se réfugie au fossé, vous laissant tranquillement aux prises avec les cornes.

Soudain la Loire, le paysage déchiré, la presqu’île qui s’abaisse, l’horizon dilué dans une brume opaline, et les beaux nuages bretons, denses et arrondis comme des nefs à l’ancre dans un ciel perlé ! Vous êtes au plus haut de l’échine, sur la butte qui dévale à Saint-Père-en-Retz, village de lait, de beurre et de fourrage, comme Saint-Viaud, Frossay, Vue, dont les pointes saillent dans l’est parmi les vergues blanches des trois-mâts voués à la mort. Le grand fleuve se devine, plutôt qu’il ne se voit, dans l’immense vallée que les prairies, les îles, les marais poussent à plat jusqu’aux premières côtes du Morbihan, et un dernier souffle de l’antique émotion, qui figea la horde à la vue de l’eau qui marche, vous passe encore au visage. La Loire des châteaux et des grâces, la Loire royale, couronnée par la renaissance tourangelle, l’amour des Valois, les grappes angevines, grouille là béante, limoneuse, en gésine. Plus de peupliers tremblants et virginaux, plus de sables en fuseaux d’or, plus de détours bleus sous le roc féodal, plus de mirages rêveurs aux quais d’une province qui file son rouet – Rochefort, Chalonnes, Ancenis, – et bavarde au verre de vin. La Loire, ici, engraisse de ses limons des herbagers millionnaires qui la parfument de foin coupé au mois des roses.

Pour arriver à Paimboeuf il faut reprendre la plaine, et tout, de nouveau, devient gris, ras, amer, comme au revers de la presqu’île, là-bas, au bord de la baie de Bourgneuf. Un soleil d’été foudroie un sol qui craque. Des touffes de ces tamaris ascétiques qui vivent sans eau, sans terre, sans abri, végètent le long de la route en compagnie de joncs flétris. On renifle déjà l’odeur des vases, cette odeur douceâtre et pourrie, que les roseaux cachent en eux comme un vice et qui me rappelle ma petite enfance, – je n’avais pas quatre ans, – du temps que nous habitions Trentemoult, au sud de Nantes, en bordure de ces marécages d’où les osiers étirent leurs fronts vultueux comme des victimes de Dante. La ville est là, basse, sans relief, derrière deux ou trois bouquets d’arbres et des usines rouges hors d’échelle.

Mais c’est une feinte, ces usines, chimie de guerre démobilisée à l’armistice qui n’a pu secouer le sommeil de la cité ! Paimboeuf est morte, à jamais morte, d’une mort légère, muette et poussiéreuse de vieille demoiselle, jadis courtisée, qui a fermé sa porte sur le monde et ses souvenirs. Dès l’abord les ruelles ont froid, le pavé cahote, l’herbe pousse, et vous voyez les façades aveuglées par des rideaux blancs conventuels qu’une main de cire écarte à la dérobée. L’humidité verte coule aux murs ; les mousses prospèrent. Au fond de couloirs tristes vous découvrez des intérieurs quiets, fanés, – comme celui de Tante Bougie, mon cher Octave, – que des capitaines au long cours ont ornés jadis de nattes, de fétiches, de coffrets en bois de santal, de bouddhas et de navires sous voiles insérés dans des bouteilles. Les épices d’Orient, affadies, ont fait place aux relents terreux des moisissures. A peine si l’on retrouve l’écho d’une essence de rose au fond d’un cristal capillaire. Sur les armoires il y a des pots de confiture à la rangette et, au seuil du jardin, une paire de socques, une canne, un chapeau à brides.

téléchargement (3) Le carreau, sous les pieds, est d’une pâleur agonisante à force d’être lavé, tandis que les planchers sont noirs. Même l’été l’atmosphère garde ce goût de fumée qu’elle prend aux âtres d’hiver où le cotret crachote. On écoute. Des fantômes, qui se nomment Zulma, Nathalie, Mariette, traversent le silence aux minces craquements de leurs souliers de soie, et vous n’êtes point tenté de les saisir. Mais, en rêvant, vous nouez autour de leurs ombres quelque roman d’attente, dolent et menu, où l’on voit fondre lentement un coeur en sucre.

Une sirène érafle l’air !… Ah ! le port ! le port de Paimboeuf, un des plus actifs du royaume au temps du Bien-Aimé où les corsaires rentraient des prises en pantenne, les négriers la cargaison des Indes occidentales, sur une rade encombrée de vaisseaux, de brigs, de flûtes, de panses hollandaises, de polacres espagnoles et des frégates de sa Majesté, l’accastillage ras sur les lisses de vibord. Maintenant le désert. Les gabarres, qui déchargeaient les navires pour remonter la rivière de Nantes, ont disparu. Les cargos portent à domicile. Et si on les entend siffler par le vent d’ouest, ce n’est pas qu’ils se soucient de Paimboeuf, mais parce qu’ils demandent un pilote ou l’entrée de Saint-Nazaire.

Les quais, plantés d’ormes magnifiques, regardent à vide le va-et-vient méthodique de la Loire qui, deux fois par jour, remonte vers sa source. L’immense estuaire se déplace d’un bloc, en nappe gaufrée, jaunâtre, que perce par endroits la vrille d’un tourbillon. A perte de vue l’eau coule, toute chargée des boues du vieux continent rodé depuis tant de siècles, absorbant les rives, les îles, les tours, et l’horizon en amont et en aval. Impression de mer plutôt que d’inondation, impression grise, poignante, aggravée par ce mouvement fluide, sans fin, qui étourdit. Les roseaux sont gris, l’herbe est grise, les cales sont grises, sauf les vases, miroir merveilleux des nues fastueuses. En face, dans les buées changeantes, on découvre, inscrites au ciel, les géométries terribles des chantiers de Trignac et le clocher de Donges, guindé sur l’eau comme un menhir. Les porteurs des Ponts et Chaussées, silhouettes déséquilibrées par la machine arrière, circulent d’une drague à l’autre, ces dragues hérissées, montueuses, dont la masse féodale surprend toujours lorsqu’on hante le fleuve au crépuscule.

La vie a deux sens comme la marée. Voiles et fumées montent au flux, descendent au jusant, bref passage analogue à celui d’un vol de canards.  Cargos, lougres, trains de péniches, tout se meut à la file, et les pêcheurs de plies dans leurs canots qui traînent des chapelets de bottereaux et lèchent les berges. La caravane se faufile entre les bouées du chenal, Pierre-à-l’oeil, Brillantes, Saint-Nicolas. Un ressac dur fouette les estacades, remue des croupissures écoeurantes. Paimboeuf contemple de ses vieilles façades rongées ces navires, qui ne toucheront plus jamais sa rade, et dont le choeur des retraités accompagne la manoeuvre. De-ci, de-là, entre les môles en beau granit, surmontés de petits phares blancs comme des cierges, une barque échoue, un homme tend son carrelet, le douanier flâne…

Si vous avez admiré le bel autel Louis XIII de l’abbaye de Busay, réfugié aujourd’hui dans l’église de la ville, avec ses angelots aimables et soufflés, allez vous asseoir sous les ormes et regardez à votre tour passer la vie. Elle va et vient, tout là-bas, sur le grand fleuve, insaisissable, et faisant des gestes que vous finissez par ne plus comprendre. L’eau dérive, sans hâte mais sans répit, avec une force indestructible, les roseaux dodinent, le vent soupire, le ciel bâille. Il faut prêter l’oreille pour discerner le clapotis du flot, le murmure des feuillages dans le silence bruissant où s’épanche parfois l’appel d’un navire. Un engourdissement lent et doux vous envahit. Le grand fleuve jongle devant vos yeux de ses innombrables facettes et vos paupières s’alourdissent. Pas de voix humaines, rien qu’un vieux couple en noir, qui sort du passé, foule les herbes à pas tremblants, s’efface. Derrière vous les mains de cire soulèvent des rideaux blancs, mais vous ne pouvez imaginer qu’un oeil regarde. Une glycine en fleurs, un pot de géraniums roses, et cette minuscule boutique, soigneusement close, qui porte le nom de Banque de France, vous étonnent. L’oubli s’infiltre, vous dissout, oubli du temps, des choses, de soi-même. Ah ! oui, des bateaux s’en vont au loin – vers quoi, Seigneur ! – sur cette eau étourdissante, mais, par bonheur, ils ne feront jamais escale ! Bienheureuse préfigure du néant, Paimboeuf dort et ne rêve pas.

EXTRAIT de ELDER, Marcel Tendron pseud. Marc (1884-1934) : Pays de Retz.- Paris : Emile-Paul, 1928.- 99 p.-1 f. de pl. en front. : couv. ill. ; 20 cm. - (Portrait de la France

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EXPRESSION : La fin des haricots

Posté par francesca7 le 22 septembre 2014

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Quand rien ne vas plus c’est la fin des haricots ; L’expression paraît relativement récent – peut-être fin XIXè. Maurice Rat en fournit l’explication que voici :

« La fin de tout – les haricots étant une nourriture substantielle et fondamentale dans beaucoup de pensionnats, internats, collèges, séminaires, quand leur provision touchait à sa fin, o ne savait plus quoi donner à manger aux internes ». Il aurait pu ajouter les casernes et les prisons. 

Cependant, je ne vois pas bien dans quelles circonstance les provisions de ces divers établissement pouvaient toucher à leur fin, ni surtout pourquoi l’épuisement du stock de fayots aurait causé un chagrin quelconque à leurs pensionnaires. 

A l’origine, le haricot n’était pas un légume mais un ragoût : le haricot de mouton – « fait avec du mouton coupé en morceaux, des pommes de terre et des navets ». En effet haricot vient du vieux verbe « harigoter » qui signifiait tailler ne pièces, « mettre en lambeaux ». Au cas où vous coudriez essayer une recette super-grand-mère, voici celle du XIVè siècle, donnée en 1393 par un brave homme à l’intention de sa jeune femme afin que celle-ci ne soit pas trop démunie lorsqu’il aurait quitté ce bas monde : 

« Hericot de mouton (sic) : despeciez le par petite pieces puis le mettez pouboulir une onde (un instant), puis le friziez en sain de l’art, et frisiez avec des oignons menus minciés et cuis, et deffaitez du bouillon de voeuf, et mettez avec macis (écorce de muscade), perscil, ysope, et sauge, et faites boulis ensemble«  (Ménagier).

 Lorsque le légume, cette espèce de fève exotique venue du Mexique, fit son apparition en France vers le début du XVIIè siècle, on l’appelle d’abord « fève de haricot » probablement parce qu’on s’était aperçu que cette nouvelle « fève blanche » était excellente avec le haricot de mouton. On abrégea peu à peu et la fève devint haricot tout court. 

Ce qui trouble certains étymologiste c’est que le haricot acquérait ainsi un nom qui n’est pas sans rapport sonore avec son appellation aztèque d’origine : ayacotti, mais ce baptême au ragoût ne se fit qu’en français. En occitan par exemple, le nouveau légume se nomma favôl, nom dérivé de celui de la fève ; en certaines régions il prit même le nom du pois – peso – lequel se trouva forcé de devenir alors  « petit pois » – petiôt peso. Toutes choses qui ne se seraient pas produites si le mot aztèque lui avait collé à la gousse. 

Cependant le vieux mot « harigoter » haricoter, « dépecer », semble avoir survécu indépendamment de la cuisine et du potager ; C’est ainsi que Balzac l’emploie en 1844 dans Les Paysans, lesquels « allaient haricotant les restes de Grand I-Vert (un cabaret), ceux des châteaux », etc. Haricoter, dit Littré, c’est « spéculer mesquinement au jeu ou dans les affaires, faire des affaires minimes ». Peut-être aussi parce que lorsqu’on ne joue pas « sérieusement » aux cartes on compte les gains avec des haricots. 

En tout cas il me semble plus logique de penser que la « fin des haricots » s’est créée de ce côté-là – affaires ou parties de cartes – plutôt que dans les collèges ou autres casernes, où loin d’être synonyme de catastrophe elle aurait provoqué un cri de soulagement. En outre, si elle était née en de tels lieux elle avait toutes les chances de venir « la fin des fayots » –  » terme d’argot militaire et scolaire », le mot de la famille de flageolet, date du début du XVIIIè siècle. 

En effet on dit la fin des haricots lorsqu’on envisage une dernière avanie qui viendrait s’ajouter à des difficultés déjà existantes. En période de crise économique s’il survenait une catastrophe quelconque ce serait la fin des haricots ; c’est-à-dire la fin du bricolage avec lequel, tant bien que mal, on fait aller cahin-caha… On ne pourrait même plus haricoter quoi que ce soit. 

C’est là une filiation d’idées qui me paraît raisonnable, mais elle n’est pas prouvée !

 

EXTRAIT de LA PUCE A L’OREILLE de Claude Duneton – Editions Stock 1973 – Anthologie des expressions populaires avec leur origine.

 

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À père avare, enfant prodigue

Posté par francesca7 le 22 septembre 2014

 

 

Cela est vrai pour l’ordinaire, car les enfants d’un père avare et égoïste ayant été soumis à une gêne forcée et à beaucoup de privations, se hâtent de s’en affranchir aussitôt qu’ils sont devenus les maîtres de leur bien

Ils le dissipent presque toujours avec une prodigalité qui ne garde pas plus de mesure que n’en gardait, en sens contraire, la lésinerie exagérée de leur père.

Les Grecs déclaraient infâme tout citoyen ruiné par de folles dépenses. Chez les Romains, la prodigalité était punie par l’exposition publique. On conduisait les dissipateurs sur une estrade dressée au milieu de la cité et là on les abandonnait à la risée du peuple.

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Signification : Le fils prend souvent une attitude contraire à celle du père.

Origine :  Locution proverbiale devenue expression française attestée en anglais depuis le XVIème siècle qui cherche à montrer une symétrie et une opposition entre deux générations. Lepère est généralement avisé, prudent et économe. Il craint l’avenir et travaille pour sa descendance. Le fils, partisan de la révolte veut au contraire dilapider le capital. A père avare, fils prodigue peut dépasser le domaine pécuniaire et s’appliquer à des caractéristiques comportementales qui  opposent deux générations : un père cultivé face à un fils ignare, un père sage et un fils écervelé ; ou un père courtois face à un fils grossier.

Exemple d’utilisation : Le jeune Philippe Belvidéro, son fils devient un espagnol aussi consciencieusement religieux que son père était impie, en vertu peut-être du proverbe : A père avae fils prodigue. (Balzac : L’élixir de longue vie)

 

Le fait de voir de façon régulière des comportements qui relèvent du défaut risque de provoquer chez nous le défaut inverse.

  • Sans doute si l’on suppose une famille dans laquelle l’épargne sera héréditaire de père en fils, sans aucune défaillance, une dynastie de boursicotiers, elle arrivera peut-être à une grosse fortune ; mais cela ne se voit guère, car vous connaissez le dicton : à père avare, fils prodigue ! — (Charles Gide, Propos d’actualité et d’inactualité : 1887-1931, L’Harmattan, 2008, page 192

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EXPRESSION FAIRE SES CHOUX GRAS

Posté par francesca7 le 22 septembre 2014

 

 

téléchargement (5)Pendant tout le Moyen Age, et même plus tard, les légumes ont constitué le plan du pauvre, de tous ceux qui ne pouvaient s’offrir de la viande, l’alimentation noble ; On cultivait les pois, les fèves, les poireaux, les « panais » devenus carottes, les naves, les raves, et le plus commun de tous, le plus abondant, sur qui ont peut toujours compter en cas de disette ; le chou. 

Le chou pommé, vert, vivace, qui ne craint pas la gelée, au contraire qui se rit du mauvais temps, a donné lieu à nombre de locutions qui vont de « bête comme un chou » – forte tête mais peu pensante -  à « aller planter ses choux » symbole du jardinage forcé, par déception. 

Mais le problème avec les légumes, c’est de les assaisonner. Du chou cuit à l’eau n’est pas ce qu’on pourrait appeler un régal. Aussi pauvre que l’on soit, il faut tout de même un bout de lard, un petit morceau de quelque chose – ce que rappelle le proverbe : « Ce n’est pas tout que les choux, il faut encore de la graisse ». Il est donc naturel que faire ses choux gras soit devenu une proposition alléchante, le signe que tout va bien dans la marmite. 

Au XVè siècle, l’expression avait le sens de se goberger :

Et aussi d’en faire ses choux gras,

Ses grans chierres, ses ralias

De gueulle .. (Coquillard). 

Au XVIIè elle avait à peu près le sens actuel ; »On dit qu’un homme fait ses choux gras de quelque chose, lorsqu’il fait bien ses affaires, qu’il fait de gros profits en quelque chose », dit Furetière. Simplement on a fini par s’apercevoir qu’il y avait toujours quelque abus dans les « bonnes affaires », et sous les grands « profits » des cuisines assez peu avouables. Les fameux choux gras en ont pris un léger goût de scandale.  

Les bonnes choses n’ont qu’un temps, comme le dit également le vieil adage : « Toujours n’aurez vous mie pêches moles, et raisins doux et noix nouvelles ».

 

EXTRAIT de LA PUCE A L’OREILLE de Claude Duneton – Editions Stock 1973 – Anthologie des expressions populaires avec leur origine.

 

 

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EXPRESSION PORTER UN TOAST

Posté par francesca7 le 22 septembre 2014

 

téléchargement (4)Boire à la santé du voisin est sans doute la plus ancienne forme de Sécurité sociale. Selon Rabelais, c’est le grand Gabara, ancêtre de Gargantua, qui fut le premier inventeur de la coutume. En réalité, les Grecs présentaient déjà la coupe à leurs amis en disant : « Voici pour toi ! … »  probablement par imitation et parodie des offrandes sacrées à leurs dieux. Les Romains épelaient galamment le nom de leur maîtresse en avalant d’un t rait à chaque lettre un verre rempli à ras bord.

Ces professionnels de l’orgie récitaient aussi une curieuse formule : « Berne vos, Berne nos, Berne te, Berne me, Berne nostrum etiam Stephanium, que cite Plaute et que je transcrit non pas pour faire savant, mais parce qu’elle doit être à l’origine des note « A la bonne vôtre » (Berne vos), et sans doute aussi par le canal des anciens collèges classiques en la rime aidant, du familier et néanmoins surprenant : « A la tienne Etienne , à la tienne mon vieux  » (Stephanium) ; je ne serais pas surpris qu’elle ait aidé à fournir également par les mêmes beuveries interposées le fameux petit jeu mimé, dérision de la sainte messe : « Au frontibus, au masibus, au mentibus, et à la bouche, et glou, et glou »… ad libitum, qui force les culs secs des fins de goguette !

Quant au toste, qu’il est bien inutile d’écrire « toast », il nous vient d’Angleterre après emprunt au français. Le mot désigne avant tout une rôtie de pain et il n’est que l’adaptation britannique de notre vieux mot tostée qui signifie la même chose : une tranche de pain grillée que l’on mangeait en buvant. « Fais servir ma dame de tostée à l’hypocras blanc » dit un texte du XVè siècle. Mais ce sont les Anglais qui ont transmis le plus longtemps cette habitude du Moyen Age de « pain trempé dans du vin » au moins dans la bonne société car elle s’est aussi conservé ici et là dans les campagnes.

Toujours est-il qu’au XVIIè siècle, quand les Britanniques portaient la santé à une dame, la chope qui passait de convive en convive contenait effectivement un morceau de pain grillé, devenu le symbole de la dame elle-même. L’auteur du vœu la mangeait en dernier ressort… Le mot, sinon l’usage, fut importé par les visiteurs français au XVIIIè siècle. Voltaire, après son séjour, explique : « Les Anglais, qui se sont piqués de renouveler plusieurs coutumes de l’Antiquité, boivent à l’honneur des dames ; c’est ce qu’ils appellent toster ; et c’est parmi eux un grand sujet de dispute si une femme es tostable ou non, si elle est digne qu’on la toste ».

C’est toujours une grosse question ?                                                                                               

EXTRAIT de LA PUCE A L’OREILLE de Claude Duneton – Editions Stock 1973 – Anthologie des expressions populaires avec leur origine.

 

 

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Les Premiers canaux artificiels

Posté par francesca7 le 16 septembre 2014

 

 
téléchargement (13)Le creusement de canaux visant à offrir de nouvelles voies navigables et des moyens de communication intérieure, bien que connue de l’Antiquité mais peu pratiquée à grande échelle, fait en France l’objet de projets dès Charlemagne, mais ne trouve sa traduction concrète que dès le XVe siècle, à l’instigation des évêques, puis bientôt de ministres comme Sully ou Colbert, qui y voient une condition sine qua non au développement économique

On a longtemps cru que la force des armes était le principal soutien de la puissance d’un empire ; mais si les combats donnent quelquefois de la gloire, il n’est personne qui ne reconnaisse aujourd’hui qu’on est plus certain de faire découler d’un travail soutenu les sources fécondes de la richesse et du bonheur. Sully fut peut-être le premier qui vit dans la production du sol le principe de la fortune de l’État ; et, en agissant puissamment sur les progrès de l’économie rurale, il chercha à entretenir le labourage et le pastourage, qui étaient à ses yeux les véritables mamelles de la France.

 

Après lui Colbert, sans négliger l’agriculture, trouva la prospérité réelle du pays dans le développement industriel, et ce fut dans ce but qu’il établit ou encouragea la fondation de nouvelles manufactures. Puis, pour faciliter les communications intérieures, qui donnent la vie au commerce et à l’agriculture, il soutint ou provoqua lui-même la création de divers canaux dans l’intérieur du royaume. La France, à cette époque, avait encore peu fait pour la navigation intérieure, et si les voies de communication sont devenues une affaire d’intérêt général de nos jours, au Moyen Age, il s’en fallait de beaucoup qu’il en fût ainsi.

Des îles et des bas-fonds embarrassaient trop souvent le cours des rivières ; des sables et des terres amoncelées formaient presque partout des obstacles à leur embouchure ; enfin les inondations, comme les eaux trop basses, s’opposaient constamment à la navigation. Cependant on savait, au XVIIe siècle, que les canaux artificiels faisaient disparaître une partie de ces inconvénients, puisqu’on possédait deux ou trois canaux, et on n’ignorait pas que les eaux des sources rassemblées et retenues au sommet des montagnes y pouvaient fournir à la navigation dans des temps de pénurie. Aussi s’occupait-on sur tous les points du royaume, soit des moyens de créer des voies navigables, soit de dessécher les marais par l’écoulement des eaux, soit aussi de tracer des petits canaux ou rigoles d’irrigation, pour répandre la fertilité dans les terres desséchées.

Colbert, qui était convaincu de l’utilité de ces travaux, les encouragea puissamment. Non content d’ordonner les réparations nécessaires à diverses rivières, tant pour les retenir dans leur lit que pour les rendre navigables, il autorisa encore la création de quelques canaux, et laissa en ce genre un modèle qui a servi depuis à tous ceux dont on a doté la France.

En voyant les bienfaits répandus autour de nous depuis cette époque par la création des voies navigables, on est vraiment étonné que notre pays en ait été si longtemps privé. Les Égyptiens sont les premiers qui aient établi des canaux comme voies de communication, et encore la plupart de ces travaux avaient surtout pour but d’employer la surabondance des eaux du Nil à l’irrigation des terres desséchées par le soleil brûlant de l’Égypte. Les plus importants de ces canaux furent le grand canal qui réunissait Alexandrie au lac Maréotis, et le canal de l’isthme de Suez. Ces grands travaux se dégradèrent faute d’entretien ; ils ne permettaient même plus la circulation des barques de pêcheurs à la fin du XVIIIe siècle, lorsqu’à l’époque de l’expédition d’Égypte, les ingénieurs français rétablirent le canal d’Alexandrie.

Dans l’antiquité, on ne connaît guère, en fait d’entreprise de ce genre, que le projet de jonction des golfes qui resserrent l’isthme de Corinthe qu’on ait tenté d’effectuer en ouvrant un canal. Les Étrusques procurèrent à leur tour le dessèchement des marais qui avoisinaient le bas Pô, en creusant les célèbres fosses Philistines ; puis Rome creusa le canal des marais Pontins et exécuta les émissaires, pour assurer le niveau de plusieurs lacs en Italie : dans ce nombre, il faut citer celui qui devait abaisser le niveau du lac Albano, près de Veïes. Un autre ouvrage analogue, mais bien plus important, fut exécuté sous le règne de Claude (Ier siècle ap. J.-C.). Il avait pour but d’opérer le dessèchement du lac Fucin. Trente mille hommes furent employés pendant dix ans à cette immense entreprise ; mais Claude, impatient de voir son œuvre, causa la ruine des travaux qu’il avait fait exécuter, en faisant trop tôt ouvrir les digues, qui renversèrent tout sur leur passage.

Dés les premiers temps de notre histoire, on s’occupa de creuser des canaux. Ces importants travaux furent poussés avec vigueur par les évêques, alors premiers magistrats du pays, et l’on sait que Félix, évêque de Nantes, détourna le cours d’une rivière en Bretagne, tandis que Sidonius, archevêque de Mayence, arrêta par une digue le débordement des eaux du Rhin. Ces prélats travaillaient ainsi au bien de leur diocèse, et ils rappelaient les pontifes de l’antiquité qui avaient jadis tiré leur nom de la construction des ponts, dont ils s’occupèrent si activement.

Charlemagne conçut le projet d’unir par un canal le Rhin au Danube. Ce canal aurait fait communiquer l’Altmühl, qui se jette dans le Danube, non loin de Ratisbonne, avec la Rezat de Souabe, qui se rend dans la Rednitz, affluent du Mein. Le monarque français voulait ainsi réunir les extrémités de son vaste empire ; mais les guerres perpétuelles qu’il eut à soutenir s’opposèrent à la réalisation de ce projet, et l’anarchie des temps qui suivirent éloigna pour plusieurs siècles l’exécution de travaux qui auraient été si utiles au commerce.

Vers le XIe siècle, les villes de la Lombardie s’attachaient déjà à construire des canaux de navigation et d’irrigation. Elles portaient ainsi l’abondance et la fertilité dans des contrées jusqu’alors assez mal cultivées ; mais il faut arriver jusqu’au roi Charles V (fin du XIVesiècle) pour avoir un premier essai de canalisation en France. Christine de Pisan nous apprend que ce prince avait projeté de relier par un canal la Seine à la Loire. Les études furent commencées ; mais la mort du roi fit abandonner ce dessein, qui ne fut repris qu’après un intervalle de plus de deux siècles. Le plus ancien canal de France, celui de la Loire et du Cher, qui n’avait que quelques centaines de toises de long, ne fut creusé qu’au XVe siècle.

téléchargement (14)Dareste de Chavanne nous apprend dans son Histoire de l’administration en France et des progrès du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste jusqu’à la mort de Louis XIV (Tome II, 1848) que « les premières grandes associations de capitaux pour l’achèvement des travaux publics, dit Dareste de la Chavanne, ne commencèrent que sous les règnes de Charles VII et de Louis XI, et le premier objet qu’elles se proposèrent fut d’améliorer le cours des rivières et de faciliter la navigation. L’Eure fut ainsi rendue navigable en 1472, et la Seine le fut à la remonte jusqu’à Troyes. Ces entreprises étaient l’œuvre de compagnies de marchands qui obtenaient l’autorisation de s’imposer à cet effet, achetaient des droits de péage perçus jusqu’alors par les seigneurs riverains, les percevaient à leur tour et en réglaient l’emploi dans un but d’utilité commune. »

En 1484, les Etats-Généraux assemblés à Tours avaient énoncé le vœu de la construction d’un canal en Berry. Ce projet, longtemps étudié, fut présenté en 1545 et approuvé en 1554. Malheureusement il ne put encore être mis à exécution ; mais, à la même époque, un ingénieur remarquable, le célèbre Adam de Craponne, put entreprendre et terminer en quatre années le canal qui porte encore son nom.

Adam de Craponne, descendant d’une famille originaire de Toscane, avait vu le jour en 1519, dans la petite ville de Salon en Provence. Né avec la plus heureuse aptitude pour les sciences mathématiques, et surtout pour celle de l’hydraulique, il ne tarda pas à se faire connaître comme ingénieur et géomètre. Bientôt, convaincu que la Provence, avec d’assez nombreux cours d’eau, était pourtant privée d’arrosage, il porta tous ses efforts vers les moyens de doter sa patrie d’un canal d’irrigation, et un jour, persuadé de la réalisation possible du projet qu’il avait conçu, il adressa au roi une demande pour obtenir l’autorisation d’établir un canal de jonction de la Durance au Rhône.

Depuis quelque temps, Henri II s’était attaché ce grand ingénieur. Il lui avait donné la direction de tous les travaux considérables qui s’exécutaient alors, et, à ce moment, il présidait au dessèchement de plusieurs marais sur le littoral de la Méditerranée, depuis Arles jusqu’à Nice. Le roi écouta donc favorablement la requête d’Adam de Craponne, et, par lettres patentes de 1554, il lui concéda le droit de faire et d’établir un canal qui réunirait les eaux du Rhône à celles de la Durance, en passant par la ville de Salon et communiquant avec l’étang de Berre. Aussi prompt à exécuter qu’à concevoir, Craponne se mit aussitôt à l’œuvre : il dirigea les travaux , pourvut à tout, et parvint enfin, en moins de quatre ans, à ouvrir son canal depuis la prise d’eau jusqu’au delà du territoire de Salon.

Voici comment l’historien de la Provence, César de Nostredame, rend compte de l’œuvre de ce célèbre ingénieur : « Adam de Crappone entreprend une entreprise l’an cinquante-septième du siècle, dont l’histoire doit faire compte et mémoire à tout jamais. En ce temps ce gentilhomme cognoissant que sa ville estoit en une extrême nécessité de moulins, et que son territoire (…) par les pointes aspres et violentes des mois plus bruslants et des plus violentes chaleurs, souffrait maintes fois des soifs et sécheresses extrêmes, dont les fruits et les herbages se trouvoient tout eslangorez, arides, transis et sans liqueur, perte aux habitans inestimable, pensa de suppléer au deffaut des eaux et pluyes du ciel, et par l’art de subvenir à la nature. Et comme il estoit d’un vif et très noble entendement, il s’advisa de tirer de l’immaniable, turbulente et limoneuse Durance, un petit bras d’eau au lieu de la Roque, qu’il mena par un petit canal environ trois ou quatre lieues jusques aux portes de Salon.

« Là tout le peuple assemblé (…) receut cette eau avec applaudissement, estonnement, et joye autant croyable qu’inespérée. En ce principalement que plusieurs sages avoient creu, voire mesme semé que Crappone avoit entrepris l’infaisable et l’impossible. Ce premier et noble essay fut apperceu un dimanche 23 de may, et peu après conduit par un fossé de huit à dix pans de large, de diverse profondeur, selon les lieux plans ou montueux et les diverses tortuosités et volume de son passage, tellement à son niveau que le dernier jour d’avril de l’an cinquante-neufviesme, il fut à sa perfection, et passa dans Salon, à l’usage d’infinis moulins et d’innombrables, plaisants et fructueux arrousements qui furent construits et tirés dès lors par mille diverses branches, ruisselets et saignées du maistre et principal canal. Pour l’excellence de son esprit et de ses ouvrages, le roy fit un don de ceste eau, comme d’un fief perpétuel à Crappone et aux siens. Ce canal qui porte encore aujourd’huy le propre nom de son autheur, le mit en telle estime et tel bruit qu’il ne se parloit que de luy. »

Mais il arriva que le fondateur du canal avait alors épuisé ses ressources. Manquant de fonds, ne pouvant plus emprunter, il aliéna sa propriété, moyennant de très faibles sommes d’argent comptant, et abandonna à ses créanciers les principales concessions d’eau qui devaient en faire un jour le revenu. Ainsi, cet homme de génie, qui de prime abord s’était placé au rang des plus célèbres ingénieurs de son temps, se trouva obéré par sa première entreprise. Il fut forcé de l’abandonner inachevée, et ses créanciers, s’étant réunis longtemps après, formèrent, par transaction du 20 octobre 1571, une société par laquelle ils répartirent entre eux les bénéfices du canal, en s’engageant également à fournir les frais nécessaires tant à sa continuation qu’à son entretien.

téléchargement (15)Ce fut à peu près vers le temps où il venait de traiter de la cession de ses droits qu’Adam de Craponne fut envoyé à Nantes par Henri II, pour y vérifier des travaux qu’on avait dû faire à la citadelle. Le savant ingénieur crut devoir remplir sa mission loyalement et en véritable sujet dévoué au roi. Il examina avec conscience, repoussa les offres des entrepreneurs pour garder sa liberté, et n’hésita pas à signaler des vices de construction et des matériaux défectueux qui réclamaient impérieusement la démolition des ouvrages. Mais ce rapport trop consciencieux lui fut fatal. A quelque temps de là, un peu après la mort d’Henri II, en 1559, il fut empoisonné par ceux mêmes dont il avait dénoncé l’ignorance et la mauvaise foi.

Ainsi mourut Adam de Craponne, dont Henri II avait su apprécier le caractère et les talents. Il était à peine âgé de quarante ans, et déjà il avait créé une œuvre qui devait transmettre son nom à la postérité. Il avait en outre conçu la pensée de joindre les deux mers en unissant la Saône à la Loire par un canal qui aurait traversé le Charolais. Cette entreprise, adoptée par Henri II, fut abandonnée à la mort de ce prince, et remplacée sous Henri IV par le canal de Briare. Il forma aussi le projet du grand canal de Provence, qui devait porter les eaux de la Durance, depuis le rocher de Cante-Perdrix, au-dessus du village de Peyroles, jusqu’à l’étang de Berre, en passant, par la ville d’Aix.

Ce projet, repris sous Louis XIII et sous Louis XIV, était un des plus utiles et des plus grands qui eussent pu illustrer un règne ; mais l’exécution n’en fut commencée qu’en 1752, et bientôt on dut l’abandonner faute de fonds.

(D’après « Histoire anecdotique de l’industrie française » paru en 1861 et « Histoire de l’administration en France et des progrès du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste jusqu’à la mort de Louis XIV » (Tome II) paru en 1848)

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Les glaces à l’assaut de la capitale

Posté par francesca7 le 16 septembre 2014

Cruelle crue de la Seine en janvier 1677 :

 
images (10)Si l’idée de crue exceptionnelle de la Seine à Paris est aujourd’hui associée à l’année 1910, un autre débordement faisant date dans l’histoire de ce fleuve et ayant inquiété le plus les Parisiens, sinon par l’abondance des eaux, du moins par l’importance du volume des glaces charriées et des dégâts qu’elles causèrent, fut celui de janvier 1677, qui entraîna des morts par suffocation,certaines victimes ayant étant écrasées par l’un de ces immenses glaçonsfaisant office de « rochers » fracassant les ponts

Belgrand ne dit mot de cette crue dans son ouvrage La Seine. Etudes hydrologiques(1872) ; Champion lui réserve une mention très discrète dans son livre Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu’à nos jours. Recherches et documents en 6 volumes : « Dans la seconde moitié du XVIIe siècle où les débordements ne furent pas aussi désastreux, où on négligea de les mettre par écrit, car nous ’en trouvons que quelques indications sommaires qui ne sont guère que des dates. (…) Au mois de janvier 1677, l’inondation mit les ponts en péril et l’eau alla jusqu’à Saint-Esprit en Grève » ; De La Mare, dans son Traité de la Police, se contente de dire : « Les inondations des mois de janvier 1665 et 1677 mirent encore les ponts dans un péril évident »

Mais trois pièces du Département des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale ont trait à la crue de 1677. Deux sont datés du 16 janvier 1677 et portent la signature du lieutenant de police de la Reynie ; le troisième, plus étendu et plus précis, est du 18 janvier de la même année et est l’œuvre du sieur de Ryandt, qui était très probablement, à cette époque, Procureur du Roi au Châtelet. Ces trois documents se trouvent réunis dans le tome 174 des « Mélanges Colbert », depuis le folio 160 jusqu’au folio 1725, et semblent constituer une sorte de dossier dressé par le ministre de Louis XIV, sur un événement auquel le pouvoir royal ne resta pas indifférent.

Ainsi, la crue semble s’annoncer dans la journée du vendredi 15 janvier par le gonflement et la débâcle de la Bièvre. Cette modeste rivière, en effet, commença alors à déborder, avec une rapidité et une violence telles que, en dépit des mesures prises par les officiers de police, elle traversa sur sa rive gauche la « Vieille rue St-Jacques », s’avança « jusques aux portes de l’église St-Médard », abattit « un pan de muraille » de l’hôpital de la Pitié, sans épargner les maisons voisines, condamna enfin « quelques corps morts que l’on portait de l’Hôtel-Dieu » à rester en route « sans être inhumés ». Cette inondation de la Bièvre n’était, elle-même, qu’une avant-coureuse d’une crue beaucoup plus forte et beaucoup plus grave, provoquée par une débâcle de la Seine supérieure et de la Marne. Les quelques glaçons charriés par la rivière des Gobelins étaient bien modestes en comparaison de ceux qui allaient les rejoindre et désoler les riverains de la Seine elle-même.

Dans la nuit du 15 au 16 janvier, l’arrivée des premières eaux de crue de la Seine et de la Marne est si rapide que, « dans un instant », vers quatre heures du matin, le niveau du fleuve se trouve augmenté « de six à sept pieds » ; ses eaux charrient des glaçons qui, venant se briser contre les piles des ponts, provoquent un bruit semblable à celui du canon ; un peu plus de deux heures après, « nombre de bateaux », entraînés par la violence du courant, renforcent l’action de la glace et contribuent à détruire « cinq palées » et « six travées » représentant la moitié du pont des Tuileries, dont la police venait à peine d’interdire l’accès.

A ce moment, la violence des eaux et le danger causé par les glaces s’annonçaient tels que « les plaines d’Ivry et autres endroits » étaient déjà inondés et couverts de glaçons « d’une grosseur prodigieuse ». Cette inondation de la banlieue immédiate de Paris avait, du moins, pour effet d’atténuer un peu « le désordre » qui allait survenir dans la capitale.

En effet, les glaçons qui pénétraient dans Paris devinrent bien vite plus nombreux et plus importants ; ils s’y accumulèrent en véritables « rochers ». Plusieurs de ces blocs immenses s’élevèrent en quelques heures « jusqu’au second étage de la Tournelle », où l’on enfermait les galériens. Plusieurs arcades du pont voisin furent obstruées par ces amoncellements ; deux arcades seules restèrent libres pour le passage des eaux et pour celui des glaçons restés mouvants. Pendant ce temps, les arches du pont Marie, qui unissait l’île Saint-Louis à la rive droite, comme le pont de la Tournelle la rattachait à la rive gauche, étaient fermées par « plusieurs bateaux et des glaçons d’une épaisseur de deux à trois pieds ».

Cette masse énorme réussit pourtant à se faire ouverture, et, quelques instants après, on pouvait voir « quantité de bateaux », arrachés à leurs amarres, venir se briser « aux arches du pont Notre-Dame et du Pont-Neuf ». A huit heures du soir, la plupart des arches des ponts qui traversaient Paris étaient bouchées « jusques au haut du ceintre », et la rivière coulait toujours avec violence sous les arches que la quantité des glaçons avait épargnées. Le lendemain 17, la crue n’avait encore rien perdu, semble-t-il, de sa violence et de son intensité.

Cette crue provoqua chez les habitants une grande frayeur et laissa après elle de graves dégâts. Tout d’abord, plusieurs ponts furent endommagés, et deux arrêts du Conseil d’État, l’un daté du 1er avril 1677 , l’autre du 17 avril de la même année, nous apprennent que, quelques semaines plus tard, le pont des Tuileries et le pont de bois qui conduisait de l’île Saint-Louis au cloître Notre-Dame étaient remplacés provisoirement par des services de bacs.

D’autre part, si les flots ne réussirent pas à emporter la Samaritaine, grâce aux précautions dont cet édifice fut l’objet, ils entraînèrent avec eux « trois moulins appartenant à l’Hôtel-Dieu » et à un conseiller de la Grand’Chambre. Une galerie, qu’un riverain avait fait construire pour passer de sa maison jusqu’à une pompe élevée sur le pont Notre-Dame, subissait le même sort. Enfin, tous les bateaux qui se trouvaient dans les ports étaient fracassés.

images (11)Ces dégâts matériels furent encore aggravés par des pertes humaines. On cite notamment le cas de plusieurs femmes qui, occupées à laver du linge sur des bateaux, furent surprises par le torrent. Sept d’entre elles furent assez heureuses pour être sauvées, grâce au dévouement d’un batelier ; les autres, au nombre de huit ou neuf, périrent, « suffoquées par les eaux » ou « brisées par les glaces ». On a noté aussi le sort réservé à quelques personnes qui, occupées dans les moulins emportés par le fleuve, périrent « pour n’avoir pas exécuté assez tôt les ordres qu’on leur avait donnés de se retirer ».

N’oublions pas, enfin, que la plupart des ponts étaient alors occupés par des maisons de plusieurs étages, et que l’épouvante des habitants fut telle que, dès la nuit du 15 au 16, presque tous avaient abandonné leur domicile ; les autres les imitèrent dans la journée du lendemain.

D’une manière générale, cette crue de janvier 1677 semble avoir frappé les contemporains à la fois par la violence exceptionnelle de ses eaux et l’épaisseur toute particulière de ses glaces. De Ryandt va jusqu’à dire qu’on n’avait pas souvenance d’en avoir vu de semblable depuis la crue de l’année 1608, celle du grand hiver, « dans laquelle, observe-t-il, Mathieu remarque qu’il s’était levé sur la rivière de grandes et hautes montagnes de glaces assez fortes pour ruiner non seulement des ponts mais des villes entières », Pierre Mathieu étant l’auteur en 1631 d’une Histoire de France de François Ier jusqu’à Louis XIII.

Voici la première pièce des Mélanges Colbert, vol. 174, folio 160 :

« Ce 16 de janvier 1677.

Monsieur,

Bien que le dégel ait été extrêmement doux, la rivière ayant grossi, elle a fait beaucoup de désordre cette nuit à Paris par les glaces qu’elle a entraînées. Presque tous les bateaux qui se sont trouvés dans les ports ont été fracassés ; le pont Rouge a été emporté ce matin à six heures par la seule glace qui était entre ce pont-là et le Pont Neuf et il y a encore présentement un très grand sujet de craindre pour tous les autres ponts de Paris et surtout pour les ponts de la Tournelle et petit Pont, pour le pont Marie et pour le pont au Change, parce qu’il s’y est arrêté des montagnes de glace que ces ponts auront peine à soutenir longtemps et ils seront infailliblement emportés s’il vient un surcroît d’eau capable de pousser avec impétuosité les glaces qui sont entassées à la tête et au milieu de la rivière d’une manière tellement extraordinaire que le peuple y accourt de tous côtés pour voir ces amas de glace dont l’épaisseur et la quantité ont quelque chose de prodigieux.

« C’est, Monsieur, sur les deux heures après minuit que le plus grand désordre est arrivé et le bruit a été si grand que ceux qui logent sur les ponts et sur les bords de la rivière ont été sur pied et en crainte tout le reste de la nuit. On a appréhendé que la Tournelle où sont les galériens ne fût emportée et il est vrai que la glace qui s’y est élevée jusques au premier étage par l’effort de celle qui est au-dessus pouvait donner quelque appréhension.

« La rivière des Gobelins a été aussi, Monseigneur, extrêmement débordée, mais comme la rivière de Seine ne l’a pas été à proportion, ce torrent, qui a eu son cours et sa décharge par ce moyen, n’a fait d’autre désordre dans le faubourg où il a passé que celui d’abattre quelques murs à l’hôpital de la Miséricorde. Les officiers font ce qu’ils peuvent, Monsieur, pour le secours de tous ceux qui en ont besoin. Je suis, avec tout le respect que je vous dois,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur.

De la Reynie. »

La deuxième pièce, vol. 174, folio 162 est encore une lettre du lieutenant de police de La Reynie :

« Ce samedi au soir 16 de janvier 1677.

Monsieur,

La rivière étant crue de plusieurs pieds environ, sur les trois heures de cette après-dînée, les glaces qui étaient entassées dans le canal au-dessus de Paris ont été jetées en partie dans la plaine et le reste avec ce qui en était retenu par les ponts a été emporté et brisé d’une furie qui a épouvanté tous ceux qui l’ont vu. Quelques arches des ponts de la Tournelle, de celui de l’Hôtel-Dieu et de Petit-Pont ont été d’abord bouchées depuis le fond de l’eau jusques en haut du ceintre et elles sont encore au même état à huit heures du soir ; mais le péril ne semble pas avec cela, Monsieur, être tel à présent qu’il paraissait être tout ce matin parce que les ponts ont souffert les plus rudes chocs qu’ils pussent avoir et parce que la rivière coule toujours cependant sous les arches qui sont libres, quoique ce soit avec plus de rapidité.

« Les habitants des maisons qui sont sur le pont Marie avaient commencé, dès cette nuit à se retirer et ils ont quitté entièrement. Ceux de Petit-Pont les ont imités ce matin et tout ce qui restait sur tous les autres ponts habités a été si effrayé du bruit et du fracas de cette après-dînée qu’il n’y est resté personne. J’en ai donné avis à Mr le chevalier du guet et à Mr Blondot afin qu’ils prennent des précautions pour cette nuit dans ces quartiers-là et afin, Monsieur, qu’elles se puissent étendre, s’il y a moyen, jusques à la pointe du jour.

« Quelques moulins et le reste des bateaux ont été emportés. On prétend qu’il y a eu jusques à vingt-cinq ou trente personnes qui se sont laissées surprendre et qui ont péri ; mais le nombre n’en est pas bien assuré. Je suis, avec tout le respect que je vous dois, Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

De la Reynie. »

Enfin, la troisième pièce est extraite du vol. 174, folios 168-172 :

« Le vendredi 15 de ce mois, la rivière des Gobelins commença à se déborder avec beaucoup d’impétuosité et, sans les soins que les officiers de police y ont apportés, elle aurait fait un bien plus grand dégât. Il y a eu un pan de muraille de la Pitié et des maisons voisines qui ont été abattues par son débordement qui fut tel que quelques corps morts que l’on portait de l’Hôtel-Dieu y demeurèrent sans être inhumés, ce qui donna beaucoup de crainte aux habitants des faubourgs de Saint-Marcel et Saint-Victor.

Mais la grande crue des eaux des rivières de Seine et de Marne n’étant pas encore arrivée, cela donna plus de facilité à l’écoulement des eaux, ce qui garantit ces faubourgs du déluge dont ils étaient menacés, l’eau ayant déjà été jusques aux portes de l’église de Saint-Médard. Ce torrent ayant détaché quantité de glaces et la crue des eaux des rivières de Seine et de Marne étant survenue emporta nombre de bateaux qui, allant donner contre les arches du pont des Tuileries avec les débâcles de bateaux de bois et grande hauteur de glace, ont entraîné cinq palées et, par même moyen, six travées dudit pont qui en font la moitié.

« Samedi 16, six heures du matin, quelque temps auparavant la chute, Mr de Vendôme y avait passé, quelque soin que Mr le lieutenant de police eût pris pour empêcher que l’on ne passât sur ce pont. Personne ne périt dans ce rencontre, quoique l’on ait fait courir le bruit qu’un garçon boucher conduisant de la viande était tombé dans la rivière. Et, sur ce que nous vîmes plusieurs personnes sur les lices du reste du pont pour voir les glaces, nous les fîmes retirer et fermer la porte qui restait du côté des Tuileries avec ordre à des archers d’en empêcher l’entrée. Le bruit que fit la rupture des glaces fut si grand qu’il semblait que ce fût autant de coups de canon et la crue des eaux fut si violente sur les quatre heures que, dans un instant, elle se trouva augmentée de six à sept pieds.

« Le désordre aurait été bien plus grand si les eaux ne se fussent point débordées dans les plaines d’Ivry et autres endroits où elles ont jeté des glaces d’une grosseur prodigieuse. C’était chose affreuse de voir la quantité de ces glaces qui s’étaient amassées en rochers. Il y en eut qui allèrent jusques au second étage de la Tournelle où l’on met les galériens et qui, s’élevant au-dessus les unes des autres, barrèrent plusieurs arcades dudit pont, de telle sort qu’il n’en resta que deux de libres pour le passage de l’eau, ce qui donna appréhension pour les ponts de l’Hôtel-Dieu et de Notre-Dame et pour le maisons voisines. Mais ce qui augmentait la frayeur était que plusieurs bateaux et des glaçons d’une épaisseur de deux à trois pieds avaient fermé les arches du pont Marie, qui en empêchèrent le cours pendant un très long temps et qui, se faisant ensuite ouverture, emportèrent quantité de bateaux qui s’allèrent briser aux arches du pont Notre-Dame et du Pont-Neuf.

« Sans le soin que l’on a pris de la Samaritaine, elle aurait pu être emportée par la force des flots qui entraînèrent après eux trois moulins appartenant à l’Hôtel-Dieu et à Mr Lecocq, conseiller de la Grand’Chambre et trois bateaux, dans lesquels il se trouva quelques femmes qui lavaient du linge. Il y en eut sept qui furent assez heureuses de se sauver du naufrage par le prompt secours qu’un batelier apporta dans le dessein qu’il eut sauver sa belle-mère qui périt avec huit ou neuf femmes dont les uns furent suffoquées par les eaux, les autres brisées parles glaces, mais d’une différente manière, l’une ayant eu la tête coupée par un glaçon et une autre les deux cuisses.

téléchargement (12)« Il y a eu quelques personnes dans lesdits moulins qui ont péri pour n’avoir pas exécuté assez tôt les ordres qu’on leur avait donnés de se retirer et le débris des bateaux, la violence des eaux : et des glaces emportèrent, sur les cinq heures du soir, deux arches du pont des Tuileries de six qui restaient. L’épouvante a été si grande que la plupart des habitants qui logeaient sur les ponts au Change, Notre-Dame et pont Marie ont emporté tous leurs meubles et l’on donne tous les ordres nécessaires pour empêcher les carrosses et les charrettes d’y passer.

Le dimanche 17, l’impétuosité de l’eau emporta une galerie que le sieur Dange a fait construire pour passer de sa maison à la pompe qui est sur le pont Notre-Dame. La violence des eaux a été si grande et l’épaisseur des glaces si forte que l’on n’avait point entendu parler de semblable depuis l’année 1608 qui est celle du grand hiver, dans laquelle Mathieu remarque qu’il s’était élevé sur la rivière de grandes et hautes montagnes de glaces assez fortes pour ruiner non seulement des ponts, mais des villes entières. Il remarque que l’on appréhendait si fort pour le pont de Lyon que, pour le fortifier, on le chargea de pierres de sépultures antiques et de pièces de fer.

« Je prends la liberté de vous envoyer l’extrait comme il se trouve dans son histoire et vous supplie, Monseigneur, d’être persuadé que personne au monde n’est avec plus de respect et de passion,

Votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

De Ryandt.

Le pont de bois qui va de l’île à Notre-Dame a beaucoup souffert. Je crois néanmoins qu’il se pourra garantir. Nous n’avons pas laissé de faire fermer les portes pour empêcher le monde d’y passer…

Ce lundi 18 janvier 1677. »

(D’après « Annales de géographie », paru en 1910)

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La Rivière désertée

Posté par francesca7 le 16 septembre 2014

en 1912 : le Bief-Rouge, dans le Doubs

(D’après « Le Figaro », paru en 1913)

 
 
téléchargement (11)Fin 1912, et suite aux travaux de percement d’un tunnel du Mont-d’Or(Doubs), la stupeur frappe les habitants de la commune de Métabief : le Bief-Rouge, leur charmante petite rivière, a déserté pour aller couler en Suisse ! Et en dépit d’un discours des autorités se voulant rassurant, l’hydrologue ayant prévu 10 ans plus tôt les désastreuses conséquences des travaux, persiste : penser dompter le cours d’eau est illusoire, et le Doubs lui-même est menacé

Les habitants de Métabief (Doubs) ne sont pas contents, parce qu’ils ont perdu leur rivière, écrit, quelques jours après le « drame » et après une visite sur les lieux, l’écrivain et journaliste Louis Latzarus en janvier 1913. C’était une charmante petite rivière. Elle ne faisait pas d’embarras, ne roulait pas de gros cailloux, et n’avait jamais englouti personne.

Pour la connaître, il fallait être du pays. Elle sortait de terre à l’entrée du village, et aussitôt s’ingéniait à se rendre utile. Elle faisait donc tourner les quatre roues de quatre usines. Puis elle vagabondait un peu à travers la campagne, et allait se jeter dans le Doubs, comme une fillette lassée d’avoir trop couru, et qui vient se réfugier dans le giron maternel.

Elle s’appelait le Bief-Rouge. Il n’y a plus guère que les sculpteurs pour croire encore aux divinités des sources et des rivières. Si l’un d’eux avait voulu représenter la naïade du Bief-Rouge, il lui aurait, je pense, donné les traits et le costume d’une brave petite campagnarde, déjà bonne ménagère, et qui joue à cache-cache après qu’elle a fait cuire la soupe.

Or, un drame est survenu. La rivière, soudain, a jeté son bonnet, par-dessus les montagnes. Depuis fin décembre 1912, elle coule en Suisse. Vous pensez bien qu’elle n’a pas renoncé ainsi à toute une vie de labeur tranquille sans y avoir été fortement sollicitée. Encore ce mot est-il trop doux. Il a fallu employer les moyens les plus violents pour détourner cette honnête personne de ses devoirs. C’est un rapt. C’est un enlèvement.

On est en train de percer un tunnel, le tunnel de Frasne-Vallorbe, à travers le Mont-d’Or, la plus haute montagne du département. Or, au moment même où les habitants de Métabief constataient la disparition de leur rivière, les ouvriers du tunnel voyaient une énorme masse d’eau envahir leur chantier. Il faut en conclure qu’ils avaient, sans le savoir, crevé une poche d’eau et coupé ainsi un cours d’eau souterrain important. Par le trou qu’ils avaient percé, les eaux coulèrent dans le tunnel, et se précipitèrent, suivant la pente, en territoire suisse. A l’heure actuelle, les eaux du Bief-Rouge, au lieu d’aller grossir le Doubs français, vont grossir l’Orbe suisse.

Il y eut une grande émotion. Le Conseil municipal de Métabief ne manqua pas de se réunir et de faire constater officiellement que les sources du Bief-Rouge étaient taries. En temps de crue, elles débitaient quatre à cinq mètres cubes d’eau à la seconde. Aux époques les plus sèches, un quart de mètre cube environ. De grandes pluies étant survenues, quelques gouttes d’eau revinrent dans le lit de la rivière. Et puis elles s’en allèrent. A l’heure où j’écris, les sources du Bief-Rouge ne sont plus représentées que par quelques cailloux polis. Je les ai vues le 8 janvier sans plaisir. Les quatre usines sont arrêtées, et l’un des usiniers, M de Lénoncour, ne fait pas placer une turbine qu’il venait d’acheter au moment où l’événement s’est produit.

Cependant, les ingénieurs du tunnel sont aussi ennuyés d’avoir de l’eau que les riverains du Bief-Rouge sont ennuyés d’en manquer. Et déjà ils prennent des mesures pour tenter de ramener en arrière la rivière séduite. Un homme prétend que leurs efforts seront probablement inutiles. Et on ne saurait négliger sa voix. M. Fournier est professeur de géologie à la Faculté des sciences de Besançon. Disciple de Martel, il explore depuis vingt ans le sous-sol du département, et en étudie l’hydrologie souterraine. En outre, il a prédit, voici dix ans, ce qui arrive aujourd’hui. En novembre 1903, il écrivait, une fois de plus : « Le percement du Mont-d’Or aura pour effet de faire tarir les sources qui alimentent les villages de Jougne, Saint-Antoine, Métabief et Les Hôpitaux. »

Alors, puisque l’événement lui donne raison en ce qui concerne Métabief, il n’est personne, dans le département du Doubs, qui ne conçoive des craintes pour Jougne et Saint-Antoine. Et les habitants des Hôpitaux ne sont pas rassurés. D’autant que M. Fournier n’hésite pas à proclamer aujourd’hui que le Doubs lui-même est menacé. « L’existence de la rivière le Doubs est en danger » , écrit-il en lettres capitales dans le Pontissalien, qui est un journal de Pontarlier.

J’ai vu M. Fournier. Ce n’est pas un savant vêtu d’une sévère redingote, et qui professe cérémonieusement. Quand il descend de sa chaire, c’est pour aller ramper dans les grottes. Aussi portait-il un petit veston de velours jaune, et avait-il de fortes chaussures. Il me parla avec une clarté que je désespère d’égaler.

« — Le tunnel du Mont-d’Or, me dit-il, est un tunnel d’altitude. C’est-à-dire qu’il traverse la région des eaux souterraines. Par opposition, un tunnel de base est creusé au-dessous de cette région, à la base de la montagne, et ne peut amener aucun trouble hydrologique.

« Du moment où l’on décidait de percer un tunnel d’altitude, il était facile de prévoir ce qui surviendrait. Je l’ai prévu. Je n’y ai pas grand mérite. J’ai prévu que les perceurs rencontreraient des cours d’eau souterrains, et que plusieurs villages seraient ainsi privés de leurs sources. En effet, on connaît aujourd’hui les lois de la circulation des eaux dans les terrains calcaires, principalement dans ceux du Jura, à quoi appartient le Mont-d’Or.

« Il n’y a, dans ces terrains, ni lacs souterrains, ni nappes d’eau continues. Mais partout, il y a des fissures parfois très profondes, et remplies d’eau sous pression. On a recoupé une de ces fissures, située à 70 mètres au-dessous du niveau du Bief-Rouge. Il s’agit de savoir si cette fissure est simplement un trou vertical, ce que nous appelons diaclase, ou bien si elle affecte la forme d’un siphon renversé. Dans ce dernier cas, il y a un remède. Dans le premier cas, il n’y en a point, et le Bief-Rouge est perdu.

« — Cependant, dis-je, les ingénieurs du tunnel se flattent de ramener le Bief-Rouge dans son lit.

« — Ils s’en flattent, en effet, me répondit M. Fournier. Et voici quel programme ils ont établi. D’abord ils vont élever un barrage pour maintenir l’eau. La partie achevée du tunnel étant ainsi préservée de l’inondation, ils pourront établir une galerie latérale au tunnel. Cette galerie ira rejoindre la nappe d’eau, pour en assurer l’écoulement.

« Mais l’écoulement de quel côté ? Du côté de la Suisse. Il ne s’agit pas en ce moment, pour les ingénieurs, de renvoyer le Bief-Rouge dans son lit. Il s’agit de se débarrasser de l’eau. Donc, on laisse l’eau s’écouler en Suisse. Et on continue le tunnel. Lorsqu’il sera achevé, on fermera la galerie d’écoulement des eaux, lesquelles, selon les ingénieurs, remonteront alors vers leur ancien écoulement.

« Eh bien ! Premièrement, le percement de la galerie d’écoulement est une entreprise dangereuse. Il y a des risques nombreux de rencontrer, là aussi, des cours d’eau souterrains ou des fissures, c’est-à-dire de provoquer de nouveaux écoulements. Au lieu de diminuer le mal, on l’aggrave.

 « En outre, il faudra huit mois au moins pour l’achèvement du tunnel. Croit-on que pendant ce long délai, les eaux n’emploieront pas leurs forces ? S’imagine-t-on qu’elles sont enfermées dans des vases étanches ? Comment ! J’ai constaté parfois des pressions de 30 atmosphères dans les siphons naturels des eaux souterraines. Je suis descendu à 253 mètres de profondeur dans le lit d’une rivière souterraine dont l’eau remonte jusqu’à la surface, en temps de grandes eaux. Je sais que les rivières souterraines deviennent, à certaines époques, des torrents d’un débit colossal et d’une puissance dynamique considérable.

« Et l’on voudrait me faire admettre que toutes ces forces se laisseront annihiler par un barrage, qu’elles n’agiront point, qu’elles ne chercheront point une autre issue que celle de la galerie, qu’aucun drainage ne se produira, et enfin que les phénomènes de capturecesseront de jouer ! On déplace le niveau d’équilibre de plusieurs cours d’eau. On modifie leur équilibre même. Et c’est pourquoi j’ai pu dire que le Doubs lui-même est en danger. Les ingénieurs jouent avec des forces qu’ils ignorent.

« Mais ce n’est pas tout. Les parois du tunnel pourront-elles résister aux pressions formidables des eaux qu’elles devront maintenir ? C’est encore un problème. On annonce qu’elles seront renforcées. Tant mieux.

« — Alors, ai-je dit, à votre avis, le Bief-Rouge est définitivement perdu ?

« — On ne pourra le savoir qu’après avoir exploré la fissure et reconnu si elle est une diaclase ou un siphon renversé. Ceux qui affirment, avant cette constatation, qu’ils ramèneront le Bief-Rouge dans son lit, n’entendent rien à l’hydrologie.

« — Et tous les cours d’eau voisins sont menacés ?

« — Oui, si l’on ne prend pas des mesures immédiates. J’entends bien que les moyens que les ingénieurs veulent employer sont des palliatifs, et que, pendant quelques années, peut-être, certaines rivières reprendront ou garderont leur cours et leur débit normal. Mais nul ne sait ce qui arrivera après ce délai. On entreprend une œuvre dangereuse, et j’ai voulu la signaler. Ce serait méconnaître toutes les lois de l’hydrologie que de penser que les rivières céderont aux vœux des ingénieurs.

« — Alors, que faut-il faire ?

« — Explorer la fissure. Et si l’on reconnaît qu’on ne peut faire revenir l’eau à son cours ancien, construire un aqueduc pour l’amener à Vallorbe, en Suisse. Le tunnel du Mont-d’Or est creusé — j’ai écrit cette phrase — à peu près à l’endroit que j’aurais choisi, si j’avais voulu amener à Vallorbe des eaux aussi abondantes que possible. »

J’allais quitter M. Fournier, reprend Louis Latzarus, quand on lui apporta une dépêche. Elle était signée du maire de Malbuisson, village sis à peu de distance de Métabief. Elle disait ceci : « Débit de deux sources diminué de moitié. Eau louche. Venez le plus tôt possible. »

Note : aujourd’hui, le Bief-Rouge coule toujours à Métabief

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Les Demoiselles de la campagne

Posté par francesca7 le 14 septembre 2014

 

 

téléchargement (10)Vous voyez voler de tous côtés ces beaux insectes à quatre ailes de gaze, si connus sous le nom de Demoiselles. Leur appétit carnassier contraste singulièrement avec la forme élégante et gracieuse qui leur a mérité ce nom.

Avec quelle ardeur elles poursuivent dans les airs la proie ailée qui rarement peut leur échapper ; portées sur leurs ailes rapides, elles parcourent en un clin d’œil un espace considérable, et saisissent au vol la mouche qu’elles dévorent sans s’arrêter. Tout en elles est approprié à cette vie de rapine ; leurs ailes sont d’une grandeur démesurée, et leurs pieds sont courts et robustes, leurs mandibules sont très fortes, et leurs yeux, plus grands que ceux d’aucun autre insecte, leur permettent de voir dans toutes les directions.

Elles font parties de l’ordre des névroptères, dont elles sont le type ; leurs antennes sont en forme d’alène, composées de sept articles au plus, dont le dernier plus effilé dépasse à peine la tête ; leurs mandibules et leurs mâchoires sont entièrement couvertes par le labre et la lèvre ; elles ont trois petits yeux lisses les deux gros yeux à réseau, et leurs tarses ont trois articles.

On les partage en trois genres : les libellules, les aeshnes et les agrions. Les libellules et les aeshnes ne diffèrent guère que par la forme de l’abdomen, qui est court et aplati chez les premières, et, au contraire, cylindrique, grêle et allongé chez celles-ci. On remarque aussi une certaine différence dans les nervures des ailes, dont les antérieures présentent, près de leur base, chez les libellules seulement, une cellule triangulaire bien remarquable avec la pointe dirigée en arrière. Leurs larves ne diffèrent que par leur forme plus ou moins allongée ; elles ont toutes l’abdomen terminé par cinq lames dures et pointues.

Les agrions, au contraire, se distinguent bien par l’écartement des yeux, par leurs ailes plus étroites, plus faibles, qui sont rapprochées et appliquées les unes contre les autres au lieu d’être étalées. Leurs larves diffèrent aussi beaucoup ; ce sont celles que vous voyez plus effilées et plus délicates ; elles sont vertes et leur corps est toujours terminé par trois lames en nageoire, ce qui leur permet de nager dans l’eau et de se mouvoir avec un peu plus d’agilité. En donnant quelques coups de filet dans les marais, nous allons avoir toutes ces larves en quantité. Elles sont vraiment bien remarquables par la forme singulière de la pièce qui remplace la lèvre inférieure ; cette pièce, que Réaumur nommait la Mentonnière, recouvre, comme un masque, tout le dessous de la tête ; elle est allongée, un peu plus large en avant où elle porte deux crochets mobiles, et s’articule en arrière sur un pédicule presque aussi long et mobile qui leur permet de s’avancer beaucoup. La larve, dont les mouvements sont trop lents pour lui permettre de poursuivre sa proie, se sert de cette pièce pour atteindre le petit insecte téléchargement (11)qui passe à sa portée. Cette longue palette se déploie subitement comme un ressort qui se détend ; elle saisit la proie avec ses tenailles ou crochets, et la rapporte contre les mâchoires.

Une autre singularité de ces larves, c’est leur manière de respirer. Elle font entrer une grande quantité d’eau dans leur intestin, qui est garni à l’intérieur de douze rangées de petites taches noires, symétriques, composées de petits tubes respiratoires ; puis quand cette eau est épuisée de l’air qu’elle contient, elles la lancent avec force, et se procurent ainsi un moyen de changer de lieu, à la manière des pièces d’artifices ou d’artillerie, qui reculent par l’effet de l’inflammation de la poudre.

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Insectes baromètres et thermomètres

Posté par francesca7 le 14 septembre 2014

pressentant pluie, grêle et vent

(D’après « Le Mois littéraire et pittoresque », paru en 1901)

 

téléchargement (8)Sur la seule foi d’observations, nos ancêtres considéraient certains insectes comme excellents thermomètres-baromètres dont il suffisait de scruter le comportement pour prévoir pluie, orage, vent ou encore grêle, tels les grillons, rainettes ou géotrupes

Déjà chez les Anciens — maints passages d’auteurs grecs ou latins l’attestent — on cherchait à prédire le temps, et, comme les observations scientifiques manquaient alors, le peuple érigea en principes des coïncidences fortuites. Virgile, par exemple, va nous renseigner sur les préjugés météorologiques en honneur chez ses superstitieux contemporains. Citons donc quelques vers du chantre de Mantoue traduits par Delille.

Voici d’abord les signes précurseurs de l’orage :

La grue avec effroi s’élançant des vallées
Fuit ces noires vapeurs de la terre exhalées ;
Le taureau hume l’air par ses larges naseaux ;
La grenouille se plaint au fond de ses roseaux ;
L’hirondelle en volant effleure le rivage ;
Tremblante pour ses oeufs, la fourmi déménage.

La pluie se pronostique également avec facilité :

Quand la jeune Phébé rassemble sa lumière,
Si son croissant terni s’émousse dans les airs,
La pluie alors menace et la terre et les mers.

Il faudra craindre les vents :

Quand des feux du soleil, l’Occident se colore
Si de taches semé, sous un voile ennemi,
Son disque renaissant se dérobe à demi.

La grêle s’abattra :

Si de son lit de pourpre on voit l’Aurore en pleurs
Sortir languissamment sans force et sans couleurs.

Au contraire, lorsque l’arc de la lune brille le quatrième jour, le beau temps se maintiendra un mois durant :

Le ciel sera sans eau, l’aquilon sans haleine.
L’océan sans tempêtes…

A quelques-uns de ces pronostics, nos populations rurales accordent encore certaine confiance, et les indications que les hommes des champs tirent des végétaux ou des animaux se sont multipliées au cours des âges. Ainsi on admet que la corolle du liseron se ferme aux approches de la pluie, que le mouron, ce « baromètre du pauvre homme », comme on le surnomme dans les campagnes, tient également ses fleurs closes dans des circonstances atmosphériques analogues, et si la rose de Jéricho contracte ses branches, on peut compter sur la sécheresse. Mais la prédiction du temps basée sur la gent animale paraissait jusqu’ici assez illusoire malgré l’intérêt que lui témoignèrent de grands savants.

 

Rainette de Göldi et rainette verte méridionale

téléchargement (9)Sous ce rapport, l’exemple de la rainette est typique. Le naturaliste Dumeril n’écrivait-il pas, en 1863, à propos de cette jolie petite grenouille verte : « On se fait un hygromètre ou un baromètre vivant en mettant une de ces bestioles dans un vase où l’on a soin de lui donner de l’eau et des insectes pour sa nourriture. Munie dans sa prison de verre d’une petite échelle, son ascension indique que le temps sera sec. » Le maréchal Vaillant soutenait la même thèse, lors d’une discussion relative à l’établissement d’observatoires météorologiques sur toute l’étendue de nos possessions africaines : « La grenouille du père Bugeaud, disait-il, égayé encore aujourd’hui les bivouacs de nos soldats en Afrique. Ce grand homme de guerre consultait sa rainette avant de mettre ses troupes en marche pour une expédition » et, poursuivait l’orateur, il faut se livrer à des observations analogues dans notre colonie afin de démontrer ou d’infirmer leur exactitude. Eh bien, l’expérience a prononcé aujourd’hui. La rainette ne saurait donner un renseignement atmosphérique sérieux.

Au début du XXe siècle, une revue américaine estimée, Popular science monthly, proposa de déterminer la température de l’air par un procédé assez singulier reposant sur le nombre de cris lancés par le grillon dans l’espace d’une minute, nombre variable suivant les oscillations thermométriques. Mlle W. Brooke y formula, en effet, la règle mathématique suivante. Adoptez 72 stridulations par minute à 60° Fahrenheit (15,5°C) et pour chaque série de quatre stridulations en plus, ajoutez 1° Farhenheit ; pour chaque période de quatre stridulations en moins, diminuez de la même quantité et vous obtiendrez une concordance parfaite entre les températures ainsi déterminées et celles relevées au thermomètre — du moins la Broooke nous l’affirme.

Vers le même temps, l’entomologiste avignonnais bien connu J.-H. Fabre, a montré que les géotrupes étaient de distingués météorologistes. Voyons à l’œuvre ces sagaces insectes, et d’abord un mot sur leurs mœurs. Parmi les assainisseurs des champs, les uns, tels que les mouches, les dermestes et les nécrophages, sont chargés de disséquer les cadavres. Une taupe gît-elle éventrée sur le chemin, au pied de la haie, un enfant sans pitié a-t-il lapidé un lézard qu’avril venait de revêtir de sa splendide parure d’émeraude, vite ces petits croque-morts accourent, attirés par le fumet du morceau. Ils charcutent, ils dissèquent et en une journée les minuscules fossoyeurs ont accompli leur tâche. La place est nette.

La seconde catégorie d’insectes préposés par la Nature à la salubrité rurale ne met pas moins d’empressement à faire disparaître les bouses de vaches, le crottin du cheval ou autres déjections d’animaux, et les géotrupes se distinguent entre tous. Ils épurent, ces pauvres « bousiers », avec toute l’ardeur de leurs mandibules, de leurs pattes, et nous n’accordons à ces utiles auxiliaires qu’un regard dédaigneux.

 

 

images (16)Les géotrupes abandonnent seulement leurs repaires vers le crépuscule et, à condition toutefois que l’atmosphère soit calme et chaude, ils se mettent à la recherche des matériaux nauséabonds dont ils vont se repaître avec délice. En une séance nocturne, la souillure choisie par chaque groupe sera enfouie. Mais si la pluie menace ou si le vent souffle, nos stercoraires restent tranquilles, car ils ont amassé sous terre des victuailles suffisantes pour un long chômage.

Fabre décrit dans son mémoire les curieuses expériences qui lui ont permis de tirer ces conclusions et il en résume les grandes lignes en trois cas généraux.

Premier exemple : soirée magnifique. Les géotrupes s’agitent dans la cage où le naturaliste les a enfermés et se montrent impatients d’accomplir leur tournée vespérale, signe de beau temps pour le lendemain. Effectivement, le jour suivant, l’atmosphère fut d’une remarquable pureté.

Deuxième observation : nuit superbe encore. Selon les indications du baromètre et l’état du ciel, le savant naturaliste croit à la continuation du beau temps. Les bousiers ne partagent pas cet avis. Ils ne mettent pas le nez dehors contrairement à leur habitude. L’insecte, plus subtil que l’homme, avait senti l’averse qui tomba un peu avant l’aurore.

Troisième fait, non moins typique. Cette fois, le ciel est couvert et la venue d’une forte ondée semble prochaine. Cependant, grâce à la subtilité de leurs organes, les géotrupes pensent sans doute le contraire puisqu’ils bourdonnent dans leur geôle. La justesse de leur pronostic s’affirme du reste bientôt, les nimbus menaçants se dissipent et, dès son lever, le soleil se montre radieux.

De même, l’état électrique de l’atmosphère influence beaucoup les bousiers. Aux approches de l’orage, par de lourdes et chaudes soirées, ils s’agitent et s’inquiètent plus que de coutume. A cet égard, J.-H. Fabre relate une expérience bien remarquable. Les 12, 13, 14 novembre, les géotrupes de ses volières firent preuve d’une extraordinaire agitation. Quelle était donc le pourquoi ? Une bourrasque avait éclaté sur le nord de la France, et la forte dépression barométrique, cause de la tempête, se répercutait dans la région d’Avignon. Comme le constate le sagace entomologiste, les géotrupes lui parlaient de l’ouragan « avant son journal » ! Faut-il regarder ces constatations comme des coïncidences fortuites ?

Cependant Fabre a vu de même les chenilles processionnaires du pin subir l’influence des perturbations atmosphériques. Bien mieux, elles paraissent pourvues d’organes curieux, véritable arsenal d’instruments météorologiques. Alors, tandis que la rainette serait impuissante à prédire le temps, les géotrupes et les processionnaires constitueraient de merveilleux insectes-baromètres dont la délicatesse laisserait bien loin les indications brutales de la colonne de mercure.

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