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    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Première transfusion sanguine

Posté par francesca7 le 29 septembre 2014

15 juin 1667 : première transfusion
sanguine d’un agneau à un être humain

 
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C’est à Jean-Baptiste Denis que l’on doit la première transfusion sanguine pratiquée sur l’être humain, point culminant de l’histoire de cette science : connaissant les expériences menées par le médecin anglais Richard Lower sur les animaux, il les avait répétées et en avait fait de nouvelles, quand il se décida à injecter, dans les veines d’un jeune malade, huit onces de sang artériel d’un agneau, le 15 juin 1667, et renouvelant, encouragé par ce premier succès, l’expérience sur d’autres sujets

La prudence aurait ce semble exigé du docteur Denis qu’il fît les premières tentatives d’une transfusion, si hasardeuse, sur un criminel condamné à la mort ; quelles qu’en eussent été les suites, personne n’aurait eu lieu de se plaindre ; le criminel voyant une espérance d’échapper à la mort, s’y serait soumis volontiers.

Mais Denis n’opta pas pour cette expérience, dans la crainte qu’un criminel déjà altéré par l’appréhension de la mort, et qui pourrait s’intimider davantage par l’appareil de l’opération, ne la considérant que comme un nouveau genre de mort, ne tombât dans des faiblesses ou dans d’autres accidents que l’on ne manquerait pas d’attribuer à la transfusion. Il aima mieux attendre qu’une occasion favorable lui fournît un malade qui souhaitât cette opération, et qui l’éprouvât avec confiance, parce que un sujet ainsi disposé aiderait par lui-même aux bons effets de la transfusion.

Mais pour pratiquer la transfusion sur les hommes, il avait à choisir, ou du sang d’un autre homme ou du sang des animaux ; vivement frappé de la barbarie qu’il y aurait de risquer d’incommoder un homme, d’abréger ses jours pour en guérir, ou faire vivre plus longtemps un autre. Il se détermina pour le sang des animaux, et il crut d’ailleurs trouver dans ce choix d’autres avantages/

Tout d’abord, il imagina que les brutes dépourvues de raison, guidées par les seuls appétits naturels ou l’instinct, et par conséquent exemptes de toutes les débauches et les excès auxquels les hommes se livrent, sans doute par un effet de la raison, devoient avoir le sang beaucoup plus pur qu’eux.

Ensuite, il pensa que les mêmes sujets dont la chair servait journellement à la nourriture de l’homme, devaient fournir un sang plus analogue et plus propre à se convertir en sa propre substance.

Il compta encore sur l’utilité des préparations qu’il ferait aux animaux avant d’en employer le sang, persuadé qu’il serait plus doux et plus balsamique lorsqu’on aurait eu soin de nourrir pendant quelques jours les animaux plus délicatement ; il aurait dû ajouter qu’on aurait pu par des remèdes convenables, donner à leur sang des qualités plus appropriées aux maladies de ceux qui devaient le recevoir. Il aurait pu s’appyer sur l’histoire de mélampe, à l’égard des filles du roi Prétus, et sur une pratique assez suivie de nourrir les cèvres, dont on fait prendre le lait à des malades avec des plantes salutaires.

Enfin, il sentit que l’extraction du sang se ferait plus hardiment et avec plus de liberté sur les animaux, qu’on pourrait couper, tiller avec moins de ménagement, et prendre, s’il était nécessaire, du sang artériel et en tirer une grande quantité, et enfin les incommoder ou même les faire mourir sans s’en mettre beaucoup en peine.

Toutes ces raisons, moitié bonnes, moitié mauvaises, et toutes fort spécieuses, rengagèrent à se servir du sang des animaux pour en faire la transfusion dans les veines des malades qui voudraient s’y soumettre.

La première expérience se fit le 15 juin 1667 sur un jeune homme, âgé de 15 ou 16 ans, qui avait essuyé depuis peu une fièvre ardente dans le cours de laquelle les médecins peu avares de son sang, l’avaient fait couler abondamment à vingt différentes reprises, ce qui n’avait sans doute pas peu aidé à la rendre plus opiniâtre ; cette fièvre dissipée, le malade resta pendant longtemps valétudinaire et languissant, son esprit semblait émoussé, sa mémoire auparavant heureuse, était presque entièrement perdue, et son corps était pesant, engourdi, et dans un assoupissement presque continuel.

Denis imagina que ces symptômes devaient être attribués à un sang épaissi et dont la quantité était trop petite ; il crut sa conjecture vérifiée, parce que le sang qu’on lui tira, avant de pratiquer la transfusion, était si noir et si épais, qu’il ne pouvait pas former un filt en tombant dans le plat. On lui en tira environ cinq onces, et on introduisit par la même ouverture faite au bras, trois fois autant de sang artériel d’un agneau dont on avait préparé la carotide.

Après cette opération, le malade se couche et se relève, suivant le rapport de Denis, parfaitement guéri, ayant l’esprit gai, le corps léger et la mémoire bonne, et se sentant de plus très soulagé d’une douleur qu’il avait aux reins à la suite d’une chute faite le jour précédent. Il rendit le lendemain trois ou quatre gouttes de sang par le nez, et se rétablit ensuite de jour en jour, disant n’avoir senti autre chose pendant l’opération qu’une chaleur très considérable le long du bras.

Ce succès, dit Denis, l’engagea à tenter une seconde fois cette opération ; on choisit un homme robuste et bien portant, qui s’y soumit pour de l’argent ; on lui tira dix onces de sang, et on lui en remit le double pris de l’artère crurale d’un agneau. Le patient n’éprouva comme l’autre, qu’une chaleur très vive jusqu’à l’aisselle, conserva pendant l’opération sa tranquillité et sa bonne humeur, et après qu’elle fut finie, il écorcha lui-même l’agneau qui y avait servi, alla le reste du jour employer au cabaret l’argent qu’on lui avait donné, et ne ressentit aucune incommodité (lettre de Denis à M. de Montmor, 25 juin 1667).

II se présenta bientôt une autre occasion de pratiquer cette opération, mais où son efficacité ne fut pas aussi démontrée, de l’aveu même des transfuseurs, que dans les cas précédents. Le baron Bond, fils du premier ministre du roi de Suède, se trouvant à Paris, fut attaqué d’un flux hépatique, diurétique et bilieux, accompagné de fièvre. Les médecins, après avoir inutilement employé toutes sortes de remèdes que la prudence leur suggéra, c’est-à-dire nombre de saignées du pied et du bras, des purgations et des lavements, le malade fut, comme on l’imagine aisément, si affaibli qu’il ne pouvait plus se remuer, perdit la parole et la connaissance, et un vomissement continuel se joignit à ces symptômes : les médecins en désespérèrent.

On eut recours à la transfusion, comme à une dernière ressource. Le docteur Denis et le chirurgien Emmeretz ayant été mandés, après quelques légers refus, lui transfusèrent environ deux palettes de sang de veau. Le succès de cette opération ne fut point, selon eux, équivoque. Le malade revint à l’instant de son assoupissement, les convulsions dont il était tourmenté cessèrent, et son pouls enfoncé et fourmillant parut se ranimer ; le vomissement et le flux lientérique furent arrêtés.

images (13)Mais après être demeuré environ 24 heures dans cet état, tous ces accidents reparurent avec plus de violence. La faiblesse fut plus considérable, le pouls se renfonça, et le dévoiement revenu jeta le malade dans des syncopes fréquentes. On crut qu’il était alors à-propos de réitérer la transfusion ; après qu’on l’eut faite, le malade parut reprendre un peu de vigueur, mais le flux lien-térique persista toujours, et sur le soir la mort termina tous ces accidents. Les transfuseurs firent ouvrir le cadavre, et rejetèrent le succès incomplet de leur opération sur la gangrène des intestins, et sur quelques autres dérangements qu’on trouva dans les différents viscères.

(D’après « Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines » (Tome 41), paru en 1775)

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