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Les Premiers canaux artificiels

Posté par francesca7 le 16 septembre 2014

 

 
téléchargement (13)Le creusement de canaux visant à offrir de nouvelles voies navigables et des moyens de communication intérieure, bien que connue de l’Antiquité mais peu pratiquée à grande échelle, fait en France l’objet de projets dès Charlemagne, mais ne trouve sa traduction concrète que dès le XVe siècle, à l’instigation des évêques, puis bientôt de ministres comme Sully ou Colbert, qui y voient une condition sine qua non au développement économique

On a longtemps cru que la force des armes était le principal soutien de la puissance d’un empire ; mais si les combats donnent quelquefois de la gloire, il n’est personne qui ne reconnaisse aujourd’hui qu’on est plus certain de faire découler d’un travail soutenu les sources fécondes de la richesse et du bonheur. Sully fut peut-être le premier qui vit dans la production du sol le principe de la fortune de l’État ; et, en agissant puissamment sur les progrès de l’économie rurale, il chercha à entretenir le labourage et le pastourage, qui étaient à ses yeux les véritables mamelles de la France.

 

Après lui Colbert, sans négliger l’agriculture, trouva la prospérité réelle du pays dans le développement industriel, et ce fut dans ce but qu’il établit ou encouragea la fondation de nouvelles manufactures. Puis, pour faciliter les communications intérieures, qui donnent la vie au commerce et à l’agriculture, il soutint ou provoqua lui-même la création de divers canaux dans l’intérieur du royaume. La France, à cette époque, avait encore peu fait pour la navigation intérieure, et si les voies de communication sont devenues une affaire d’intérêt général de nos jours, au Moyen Age, il s’en fallait de beaucoup qu’il en fût ainsi.

Des îles et des bas-fonds embarrassaient trop souvent le cours des rivières ; des sables et des terres amoncelées formaient presque partout des obstacles à leur embouchure ; enfin les inondations, comme les eaux trop basses, s’opposaient constamment à la navigation. Cependant on savait, au XVIIe siècle, que les canaux artificiels faisaient disparaître une partie de ces inconvénients, puisqu’on possédait deux ou trois canaux, et on n’ignorait pas que les eaux des sources rassemblées et retenues au sommet des montagnes y pouvaient fournir à la navigation dans des temps de pénurie. Aussi s’occupait-on sur tous les points du royaume, soit des moyens de créer des voies navigables, soit de dessécher les marais par l’écoulement des eaux, soit aussi de tracer des petits canaux ou rigoles d’irrigation, pour répandre la fertilité dans les terres desséchées.

Colbert, qui était convaincu de l’utilité de ces travaux, les encouragea puissamment. Non content d’ordonner les réparations nécessaires à diverses rivières, tant pour les retenir dans leur lit que pour les rendre navigables, il autorisa encore la création de quelques canaux, et laissa en ce genre un modèle qui a servi depuis à tous ceux dont on a doté la France.

En voyant les bienfaits répandus autour de nous depuis cette époque par la création des voies navigables, on est vraiment étonné que notre pays en ait été si longtemps privé. Les Égyptiens sont les premiers qui aient établi des canaux comme voies de communication, et encore la plupart de ces travaux avaient surtout pour but d’employer la surabondance des eaux du Nil à l’irrigation des terres desséchées par le soleil brûlant de l’Égypte. Les plus importants de ces canaux furent le grand canal qui réunissait Alexandrie au lac Maréotis, et le canal de l’isthme de Suez. Ces grands travaux se dégradèrent faute d’entretien ; ils ne permettaient même plus la circulation des barques de pêcheurs à la fin du XVIIIe siècle, lorsqu’à l’époque de l’expédition d’Égypte, les ingénieurs français rétablirent le canal d’Alexandrie.

Dans l’antiquité, on ne connaît guère, en fait d’entreprise de ce genre, que le projet de jonction des golfes qui resserrent l’isthme de Corinthe qu’on ait tenté d’effectuer en ouvrant un canal. Les Étrusques procurèrent à leur tour le dessèchement des marais qui avoisinaient le bas Pô, en creusant les célèbres fosses Philistines ; puis Rome creusa le canal des marais Pontins et exécuta les émissaires, pour assurer le niveau de plusieurs lacs en Italie : dans ce nombre, il faut citer celui qui devait abaisser le niveau du lac Albano, près de Veïes. Un autre ouvrage analogue, mais bien plus important, fut exécuté sous le règne de Claude (Ier siècle ap. J.-C.). Il avait pour but d’opérer le dessèchement du lac Fucin. Trente mille hommes furent employés pendant dix ans à cette immense entreprise ; mais Claude, impatient de voir son œuvre, causa la ruine des travaux qu’il avait fait exécuter, en faisant trop tôt ouvrir les digues, qui renversèrent tout sur leur passage.

Dés les premiers temps de notre histoire, on s’occupa de creuser des canaux. Ces importants travaux furent poussés avec vigueur par les évêques, alors premiers magistrats du pays, et l’on sait que Félix, évêque de Nantes, détourna le cours d’une rivière en Bretagne, tandis que Sidonius, archevêque de Mayence, arrêta par une digue le débordement des eaux du Rhin. Ces prélats travaillaient ainsi au bien de leur diocèse, et ils rappelaient les pontifes de l’antiquité qui avaient jadis tiré leur nom de la construction des ponts, dont ils s’occupèrent si activement.

Charlemagne conçut le projet d’unir par un canal le Rhin au Danube. Ce canal aurait fait communiquer l’Altmühl, qui se jette dans le Danube, non loin de Ratisbonne, avec la Rezat de Souabe, qui se rend dans la Rednitz, affluent du Mein. Le monarque français voulait ainsi réunir les extrémités de son vaste empire ; mais les guerres perpétuelles qu’il eut à soutenir s’opposèrent à la réalisation de ce projet, et l’anarchie des temps qui suivirent éloigna pour plusieurs siècles l’exécution de travaux qui auraient été si utiles au commerce.

Vers le XIe siècle, les villes de la Lombardie s’attachaient déjà à construire des canaux de navigation et d’irrigation. Elles portaient ainsi l’abondance et la fertilité dans des contrées jusqu’alors assez mal cultivées ; mais il faut arriver jusqu’au roi Charles V (fin du XIVesiècle) pour avoir un premier essai de canalisation en France. Christine de Pisan nous apprend que ce prince avait projeté de relier par un canal la Seine à la Loire. Les études furent commencées ; mais la mort du roi fit abandonner ce dessein, qui ne fut repris qu’après un intervalle de plus de deux siècles. Le plus ancien canal de France, celui de la Loire et du Cher, qui n’avait que quelques centaines de toises de long, ne fut creusé qu’au XVe siècle.

téléchargement (14)Dareste de Chavanne nous apprend dans son Histoire de l’administration en France et des progrès du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste jusqu’à la mort de Louis XIV (Tome II, 1848) que « les premières grandes associations de capitaux pour l’achèvement des travaux publics, dit Dareste de la Chavanne, ne commencèrent que sous les règnes de Charles VII et de Louis XI, et le premier objet qu’elles se proposèrent fut d’améliorer le cours des rivières et de faciliter la navigation. L’Eure fut ainsi rendue navigable en 1472, et la Seine le fut à la remonte jusqu’à Troyes. Ces entreprises étaient l’œuvre de compagnies de marchands qui obtenaient l’autorisation de s’imposer à cet effet, achetaient des droits de péage perçus jusqu’alors par les seigneurs riverains, les percevaient à leur tour et en réglaient l’emploi dans un but d’utilité commune. »

En 1484, les Etats-Généraux assemblés à Tours avaient énoncé le vœu de la construction d’un canal en Berry. Ce projet, longtemps étudié, fut présenté en 1545 et approuvé en 1554. Malheureusement il ne put encore être mis à exécution ; mais, à la même époque, un ingénieur remarquable, le célèbre Adam de Craponne, put entreprendre et terminer en quatre années le canal qui porte encore son nom.

Adam de Craponne, descendant d’une famille originaire de Toscane, avait vu le jour en 1519, dans la petite ville de Salon en Provence. Né avec la plus heureuse aptitude pour les sciences mathématiques, et surtout pour celle de l’hydraulique, il ne tarda pas à se faire connaître comme ingénieur et géomètre. Bientôt, convaincu que la Provence, avec d’assez nombreux cours d’eau, était pourtant privée d’arrosage, il porta tous ses efforts vers les moyens de doter sa patrie d’un canal d’irrigation, et un jour, persuadé de la réalisation possible du projet qu’il avait conçu, il adressa au roi une demande pour obtenir l’autorisation d’établir un canal de jonction de la Durance au Rhône.

Depuis quelque temps, Henri II s’était attaché ce grand ingénieur. Il lui avait donné la direction de tous les travaux considérables qui s’exécutaient alors, et, à ce moment, il présidait au dessèchement de plusieurs marais sur le littoral de la Méditerranée, depuis Arles jusqu’à Nice. Le roi écouta donc favorablement la requête d’Adam de Craponne, et, par lettres patentes de 1554, il lui concéda le droit de faire et d’établir un canal qui réunirait les eaux du Rhône à celles de la Durance, en passant par la ville de Salon et communiquant avec l’étang de Berre. Aussi prompt à exécuter qu’à concevoir, Craponne se mit aussitôt à l’œuvre : il dirigea les travaux , pourvut à tout, et parvint enfin, en moins de quatre ans, à ouvrir son canal depuis la prise d’eau jusqu’au delà du territoire de Salon.

Voici comment l’historien de la Provence, César de Nostredame, rend compte de l’œuvre de ce célèbre ingénieur : « Adam de Crappone entreprend une entreprise l’an cinquante-septième du siècle, dont l’histoire doit faire compte et mémoire à tout jamais. En ce temps ce gentilhomme cognoissant que sa ville estoit en une extrême nécessité de moulins, et que son territoire (…) par les pointes aspres et violentes des mois plus bruslants et des plus violentes chaleurs, souffrait maintes fois des soifs et sécheresses extrêmes, dont les fruits et les herbages se trouvoient tout eslangorez, arides, transis et sans liqueur, perte aux habitans inestimable, pensa de suppléer au deffaut des eaux et pluyes du ciel, et par l’art de subvenir à la nature. Et comme il estoit d’un vif et très noble entendement, il s’advisa de tirer de l’immaniable, turbulente et limoneuse Durance, un petit bras d’eau au lieu de la Roque, qu’il mena par un petit canal environ trois ou quatre lieues jusques aux portes de Salon.

« Là tout le peuple assemblé (…) receut cette eau avec applaudissement, estonnement, et joye autant croyable qu’inespérée. En ce principalement que plusieurs sages avoient creu, voire mesme semé que Crappone avoit entrepris l’infaisable et l’impossible. Ce premier et noble essay fut apperceu un dimanche 23 de may, et peu après conduit par un fossé de huit à dix pans de large, de diverse profondeur, selon les lieux plans ou montueux et les diverses tortuosités et volume de son passage, tellement à son niveau que le dernier jour d’avril de l’an cinquante-neufviesme, il fut à sa perfection, et passa dans Salon, à l’usage d’infinis moulins et d’innombrables, plaisants et fructueux arrousements qui furent construits et tirés dès lors par mille diverses branches, ruisselets et saignées du maistre et principal canal. Pour l’excellence de son esprit et de ses ouvrages, le roy fit un don de ceste eau, comme d’un fief perpétuel à Crappone et aux siens. Ce canal qui porte encore aujourd’huy le propre nom de son autheur, le mit en telle estime et tel bruit qu’il ne se parloit que de luy. »

Mais il arriva que le fondateur du canal avait alors épuisé ses ressources. Manquant de fonds, ne pouvant plus emprunter, il aliéna sa propriété, moyennant de très faibles sommes d’argent comptant, et abandonna à ses créanciers les principales concessions d’eau qui devaient en faire un jour le revenu. Ainsi, cet homme de génie, qui de prime abord s’était placé au rang des plus célèbres ingénieurs de son temps, se trouva obéré par sa première entreprise. Il fut forcé de l’abandonner inachevée, et ses créanciers, s’étant réunis longtemps après, formèrent, par transaction du 20 octobre 1571, une société par laquelle ils répartirent entre eux les bénéfices du canal, en s’engageant également à fournir les frais nécessaires tant à sa continuation qu’à son entretien.

téléchargement (15)Ce fut à peu près vers le temps où il venait de traiter de la cession de ses droits qu’Adam de Craponne fut envoyé à Nantes par Henri II, pour y vérifier des travaux qu’on avait dû faire à la citadelle. Le savant ingénieur crut devoir remplir sa mission loyalement et en véritable sujet dévoué au roi. Il examina avec conscience, repoussa les offres des entrepreneurs pour garder sa liberté, et n’hésita pas à signaler des vices de construction et des matériaux défectueux qui réclamaient impérieusement la démolition des ouvrages. Mais ce rapport trop consciencieux lui fut fatal. A quelque temps de là, un peu après la mort d’Henri II, en 1559, il fut empoisonné par ceux mêmes dont il avait dénoncé l’ignorance et la mauvaise foi.

Ainsi mourut Adam de Craponne, dont Henri II avait su apprécier le caractère et les talents. Il était à peine âgé de quarante ans, et déjà il avait créé une œuvre qui devait transmettre son nom à la postérité. Il avait en outre conçu la pensée de joindre les deux mers en unissant la Saône à la Loire par un canal qui aurait traversé le Charolais. Cette entreprise, adoptée par Henri II, fut abandonnée à la mort de ce prince, et remplacée sous Henri IV par le canal de Briare. Il forma aussi le projet du grand canal de Provence, qui devait porter les eaux de la Durance, depuis le rocher de Cante-Perdrix, au-dessus du village de Peyroles, jusqu’à l’étang de Berre, en passant, par la ville d’Aix.

Ce projet, repris sous Louis XIII et sous Louis XIV, était un des plus utiles et des plus grands qui eussent pu illustrer un règne ; mais l’exécution n’en fut commencée qu’en 1752, et bientôt on dut l’abandonner faute de fonds.

(D’après « Histoire anecdotique de l’industrie française » paru en 1861 et « Histoire de l’administration en France et des progrès du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste jusqu’à la mort de Louis XIV » (Tome II) paru en 1848)

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Les glaces à l’assaut de la capitale

Posté par francesca7 le 16 septembre 2014

Cruelle crue de la Seine en janvier 1677 :

 
images (10)Si l’idée de crue exceptionnelle de la Seine à Paris est aujourd’hui associée à l’année 1910, un autre débordement faisant date dans l’histoire de ce fleuve et ayant inquiété le plus les Parisiens, sinon par l’abondance des eaux, du moins par l’importance du volume des glaces charriées et des dégâts qu’elles causèrent, fut celui de janvier 1677, qui entraîna des morts par suffocation,certaines victimes ayant étant écrasées par l’un de ces immenses glaçonsfaisant office de « rochers » fracassant les ponts

Belgrand ne dit mot de cette crue dans son ouvrage La Seine. Etudes hydrologiques(1872) ; Champion lui réserve une mention très discrète dans son livre Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu’à nos jours. Recherches et documents en 6 volumes : « Dans la seconde moitié du XVIIe siècle où les débordements ne furent pas aussi désastreux, où on négligea de les mettre par écrit, car nous ’en trouvons que quelques indications sommaires qui ne sont guère que des dates. (…) Au mois de janvier 1677, l’inondation mit les ponts en péril et l’eau alla jusqu’à Saint-Esprit en Grève » ; De La Mare, dans son Traité de la Police, se contente de dire : « Les inondations des mois de janvier 1665 et 1677 mirent encore les ponts dans un péril évident »

Mais trois pièces du Département des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale ont trait à la crue de 1677. Deux sont datés du 16 janvier 1677 et portent la signature du lieutenant de police de la Reynie ; le troisième, plus étendu et plus précis, est du 18 janvier de la même année et est l’œuvre du sieur de Ryandt, qui était très probablement, à cette époque, Procureur du Roi au Châtelet. Ces trois documents se trouvent réunis dans le tome 174 des « Mélanges Colbert », depuis le folio 160 jusqu’au folio 1725, et semblent constituer une sorte de dossier dressé par le ministre de Louis XIV, sur un événement auquel le pouvoir royal ne resta pas indifférent.

Ainsi, la crue semble s’annoncer dans la journée du vendredi 15 janvier par le gonflement et la débâcle de la Bièvre. Cette modeste rivière, en effet, commença alors à déborder, avec une rapidité et une violence telles que, en dépit des mesures prises par les officiers de police, elle traversa sur sa rive gauche la « Vieille rue St-Jacques », s’avança « jusques aux portes de l’église St-Médard », abattit « un pan de muraille » de l’hôpital de la Pitié, sans épargner les maisons voisines, condamna enfin « quelques corps morts que l’on portait de l’Hôtel-Dieu » à rester en route « sans être inhumés ». Cette inondation de la Bièvre n’était, elle-même, qu’une avant-coureuse d’une crue beaucoup plus forte et beaucoup plus grave, provoquée par une débâcle de la Seine supérieure et de la Marne. Les quelques glaçons charriés par la rivière des Gobelins étaient bien modestes en comparaison de ceux qui allaient les rejoindre et désoler les riverains de la Seine elle-même.

Dans la nuit du 15 au 16 janvier, l’arrivée des premières eaux de crue de la Seine et de la Marne est si rapide que, « dans un instant », vers quatre heures du matin, le niveau du fleuve se trouve augmenté « de six à sept pieds » ; ses eaux charrient des glaçons qui, venant se briser contre les piles des ponts, provoquent un bruit semblable à celui du canon ; un peu plus de deux heures après, « nombre de bateaux », entraînés par la violence du courant, renforcent l’action de la glace et contribuent à détruire « cinq palées » et « six travées » représentant la moitié du pont des Tuileries, dont la police venait à peine d’interdire l’accès.

A ce moment, la violence des eaux et le danger causé par les glaces s’annonçaient tels que « les plaines d’Ivry et autres endroits » étaient déjà inondés et couverts de glaçons « d’une grosseur prodigieuse ». Cette inondation de la banlieue immédiate de Paris avait, du moins, pour effet d’atténuer un peu « le désordre » qui allait survenir dans la capitale.

En effet, les glaçons qui pénétraient dans Paris devinrent bien vite plus nombreux et plus importants ; ils s’y accumulèrent en véritables « rochers ». Plusieurs de ces blocs immenses s’élevèrent en quelques heures « jusqu’au second étage de la Tournelle », où l’on enfermait les galériens. Plusieurs arcades du pont voisin furent obstruées par ces amoncellements ; deux arcades seules restèrent libres pour le passage des eaux et pour celui des glaçons restés mouvants. Pendant ce temps, les arches du pont Marie, qui unissait l’île Saint-Louis à la rive droite, comme le pont de la Tournelle la rattachait à la rive gauche, étaient fermées par « plusieurs bateaux et des glaçons d’une épaisseur de deux à trois pieds ».

Cette masse énorme réussit pourtant à se faire ouverture, et, quelques instants après, on pouvait voir « quantité de bateaux », arrachés à leurs amarres, venir se briser « aux arches du pont Notre-Dame et du Pont-Neuf ». A huit heures du soir, la plupart des arches des ponts qui traversaient Paris étaient bouchées « jusques au haut du ceintre », et la rivière coulait toujours avec violence sous les arches que la quantité des glaçons avait épargnées. Le lendemain 17, la crue n’avait encore rien perdu, semble-t-il, de sa violence et de son intensité.

Cette crue provoqua chez les habitants une grande frayeur et laissa après elle de graves dégâts. Tout d’abord, plusieurs ponts furent endommagés, et deux arrêts du Conseil d’État, l’un daté du 1er avril 1677 , l’autre du 17 avril de la même année, nous apprennent que, quelques semaines plus tard, le pont des Tuileries et le pont de bois qui conduisait de l’île Saint-Louis au cloître Notre-Dame étaient remplacés provisoirement par des services de bacs.

D’autre part, si les flots ne réussirent pas à emporter la Samaritaine, grâce aux précautions dont cet édifice fut l’objet, ils entraînèrent avec eux « trois moulins appartenant à l’Hôtel-Dieu » et à un conseiller de la Grand’Chambre. Une galerie, qu’un riverain avait fait construire pour passer de sa maison jusqu’à une pompe élevée sur le pont Notre-Dame, subissait le même sort. Enfin, tous les bateaux qui se trouvaient dans les ports étaient fracassés.

images (11)Ces dégâts matériels furent encore aggravés par des pertes humaines. On cite notamment le cas de plusieurs femmes qui, occupées à laver du linge sur des bateaux, furent surprises par le torrent. Sept d’entre elles furent assez heureuses pour être sauvées, grâce au dévouement d’un batelier ; les autres, au nombre de huit ou neuf, périrent, « suffoquées par les eaux » ou « brisées par les glaces ». On a noté aussi le sort réservé à quelques personnes qui, occupées dans les moulins emportés par le fleuve, périrent « pour n’avoir pas exécuté assez tôt les ordres qu’on leur avait donnés de se retirer ».

N’oublions pas, enfin, que la plupart des ponts étaient alors occupés par des maisons de plusieurs étages, et que l’épouvante des habitants fut telle que, dès la nuit du 15 au 16, presque tous avaient abandonné leur domicile ; les autres les imitèrent dans la journée du lendemain.

D’une manière générale, cette crue de janvier 1677 semble avoir frappé les contemporains à la fois par la violence exceptionnelle de ses eaux et l’épaisseur toute particulière de ses glaces. De Ryandt va jusqu’à dire qu’on n’avait pas souvenance d’en avoir vu de semblable depuis la crue de l’année 1608, celle du grand hiver, « dans laquelle, observe-t-il, Mathieu remarque qu’il s’était levé sur la rivière de grandes et hautes montagnes de glaces assez fortes pour ruiner non seulement des ponts mais des villes entières », Pierre Mathieu étant l’auteur en 1631 d’une Histoire de France de François Ier jusqu’à Louis XIII.

Voici la première pièce des Mélanges Colbert, vol. 174, folio 160 :

« Ce 16 de janvier 1677.

Monsieur,

Bien que le dégel ait été extrêmement doux, la rivière ayant grossi, elle a fait beaucoup de désordre cette nuit à Paris par les glaces qu’elle a entraînées. Presque tous les bateaux qui se sont trouvés dans les ports ont été fracassés ; le pont Rouge a été emporté ce matin à six heures par la seule glace qui était entre ce pont-là et le Pont Neuf et il y a encore présentement un très grand sujet de craindre pour tous les autres ponts de Paris et surtout pour les ponts de la Tournelle et petit Pont, pour le pont Marie et pour le pont au Change, parce qu’il s’y est arrêté des montagnes de glace que ces ponts auront peine à soutenir longtemps et ils seront infailliblement emportés s’il vient un surcroît d’eau capable de pousser avec impétuosité les glaces qui sont entassées à la tête et au milieu de la rivière d’une manière tellement extraordinaire que le peuple y accourt de tous côtés pour voir ces amas de glace dont l’épaisseur et la quantité ont quelque chose de prodigieux.

« C’est, Monsieur, sur les deux heures après minuit que le plus grand désordre est arrivé et le bruit a été si grand que ceux qui logent sur les ponts et sur les bords de la rivière ont été sur pied et en crainte tout le reste de la nuit. On a appréhendé que la Tournelle où sont les galériens ne fût emportée et il est vrai que la glace qui s’y est élevée jusques au premier étage par l’effort de celle qui est au-dessus pouvait donner quelque appréhension.

« La rivière des Gobelins a été aussi, Monseigneur, extrêmement débordée, mais comme la rivière de Seine ne l’a pas été à proportion, ce torrent, qui a eu son cours et sa décharge par ce moyen, n’a fait d’autre désordre dans le faubourg où il a passé que celui d’abattre quelques murs à l’hôpital de la Miséricorde. Les officiers font ce qu’ils peuvent, Monsieur, pour le secours de tous ceux qui en ont besoin. Je suis, avec tout le respect que je vous dois,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur.

De la Reynie. »

La deuxième pièce, vol. 174, folio 162 est encore une lettre du lieutenant de police de La Reynie :

« Ce samedi au soir 16 de janvier 1677.

Monsieur,

La rivière étant crue de plusieurs pieds environ, sur les trois heures de cette après-dînée, les glaces qui étaient entassées dans le canal au-dessus de Paris ont été jetées en partie dans la plaine et le reste avec ce qui en était retenu par les ponts a été emporté et brisé d’une furie qui a épouvanté tous ceux qui l’ont vu. Quelques arches des ponts de la Tournelle, de celui de l’Hôtel-Dieu et de Petit-Pont ont été d’abord bouchées depuis le fond de l’eau jusques en haut du ceintre et elles sont encore au même état à huit heures du soir ; mais le péril ne semble pas avec cela, Monsieur, être tel à présent qu’il paraissait être tout ce matin parce que les ponts ont souffert les plus rudes chocs qu’ils pussent avoir et parce que la rivière coule toujours cependant sous les arches qui sont libres, quoique ce soit avec plus de rapidité.

« Les habitants des maisons qui sont sur le pont Marie avaient commencé, dès cette nuit à se retirer et ils ont quitté entièrement. Ceux de Petit-Pont les ont imités ce matin et tout ce qui restait sur tous les autres ponts habités a été si effrayé du bruit et du fracas de cette après-dînée qu’il n’y est resté personne. J’en ai donné avis à Mr le chevalier du guet et à Mr Blondot afin qu’ils prennent des précautions pour cette nuit dans ces quartiers-là et afin, Monsieur, qu’elles se puissent étendre, s’il y a moyen, jusques à la pointe du jour.

« Quelques moulins et le reste des bateaux ont été emportés. On prétend qu’il y a eu jusques à vingt-cinq ou trente personnes qui se sont laissées surprendre et qui ont péri ; mais le nombre n’en est pas bien assuré. Je suis, avec tout le respect que je vous dois, Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

De la Reynie. »

Enfin, la troisième pièce est extraite du vol. 174, folios 168-172 :

« Le vendredi 15 de ce mois, la rivière des Gobelins commença à se déborder avec beaucoup d’impétuosité et, sans les soins que les officiers de police y ont apportés, elle aurait fait un bien plus grand dégât. Il y a eu un pan de muraille de la Pitié et des maisons voisines qui ont été abattues par son débordement qui fut tel que quelques corps morts que l’on portait de l’Hôtel-Dieu y demeurèrent sans être inhumés, ce qui donna beaucoup de crainte aux habitants des faubourgs de Saint-Marcel et Saint-Victor.

Mais la grande crue des eaux des rivières de Seine et de Marne n’étant pas encore arrivée, cela donna plus de facilité à l’écoulement des eaux, ce qui garantit ces faubourgs du déluge dont ils étaient menacés, l’eau ayant déjà été jusques aux portes de l’église de Saint-Médard. Ce torrent ayant détaché quantité de glaces et la crue des eaux des rivières de Seine et de Marne étant survenue emporta nombre de bateaux qui, allant donner contre les arches du pont des Tuileries avec les débâcles de bateaux de bois et grande hauteur de glace, ont entraîné cinq palées et, par même moyen, six travées dudit pont qui en font la moitié.

« Samedi 16, six heures du matin, quelque temps auparavant la chute, Mr de Vendôme y avait passé, quelque soin que Mr le lieutenant de police eût pris pour empêcher que l’on ne passât sur ce pont. Personne ne périt dans ce rencontre, quoique l’on ait fait courir le bruit qu’un garçon boucher conduisant de la viande était tombé dans la rivière. Et, sur ce que nous vîmes plusieurs personnes sur les lices du reste du pont pour voir les glaces, nous les fîmes retirer et fermer la porte qui restait du côté des Tuileries avec ordre à des archers d’en empêcher l’entrée. Le bruit que fit la rupture des glaces fut si grand qu’il semblait que ce fût autant de coups de canon et la crue des eaux fut si violente sur les quatre heures que, dans un instant, elle se trouva augmentée de six à sept pieds.

« Le désordre aurait été bien plus grand si les eaux ne se fussent point débordées dans les plaines d’Ivry et autres endroits où elles ont jeté des glaces d’une grosseur prodigieuse. C’était chose affreuse de voir la quantité de ces glaces qui s’étaient amassées en rochers. Il y en eut qui allèrent jusques au second étage de la Tournelle où l’on met les galériens et qui, s’élevant au-dessus les unes des autres, barrèrent plusieurs arcades dudit pont, de telle sort qu’il n’en resta que deux de libres pour le passage de l’eau, ce qui donna appréhension pour les ponts de l’Hôtel-Dieu et de Notre-Dame et pour le maisons voisines. Mais ce qui augmentait la frayeur était que plusieurs bateaux et des glaçons d’une épaisseur de deux à trois pieds avaient fermé les arches du pont Marie, qui en empêchèrent le cours pendant un très long temps et qui, se faisant ensuite ouverture, emportèrent quantité de bateaux qui s’allèrent briser aux arches du pont Notre-Dame et du Pont-Neuf.

« Sans le soin que l’on a pris de la Samaritaine, elle aurait pu être emportée par la force des flots qui entraînèrent après eux trois moulins appartenant à l’Hôtel-Dieu et à Mr Lecocq, conseiller de la Grand’Chambre et trois bateaux, dans lesquels il se trouva quelques femmes qui lavaient du linge. Il y en eut sept qui furent assez heureuses de se sauver du naufrage par le prompt secours qu’un batelier apporta dans le dessein qu’il eut sauver sa belle-mère qui périt avec huit ou neuf femmes dont les uns furent suffoquées par les eaux, les autres brisées parles glaces, mais d’une différente manière, l’une ayant eu la tête coupée par un glaçon et une autre les deux cuisses.

téléchargement (12)« Il y a eu quelques personnes dans lesdits moulins qui ont péri pour n’avoir pas exécuté assez tôt les ordres qu’on leur avait donnés de se retirer et le débris des bateaux, la violence des eaux : et des glaces emportèrent, sur les cinq heures du soir, deux arches du pont des Tuileries de six qui restaient. L’épouvante a été si grande que la plupart des habitants qui logeaient sur les ponts au Change, Notre-Dame et pont Marie ont emporté tous leurs meubles et l’on donne tous les ordres nécessaires pour empêcher les carrosses et les charrettes d’y passer.

Le dimanche 17, l’impétuosité de l’eau emporta une galerie que le sieur Dange a fait construire pour passer de sa maison à la pompe qui est sur le pont Notre-Dame. La violence des eaux a été si grande et l’épaisseur des glaces si forte que l’on n’avait point entendu parler de semblable depuis l’année 1608 qui est celle du grand hiver, dans laquelle Mathieu remarque qu’il s’était élevé sur la rivière de grandes et hautes montagnes de glaces assez fortes pour ruiner non seulement des ponts, mais des villes entières. Il remarque que l’on appréhendait si fort pour le pont de Lyon que, pour le fortifier, on le chargea de pierres de sépultures antiques et de pièces de fer.

« Je prends la liberté de vous envoyer l’extrait comme il se trouve dans son histoire et vous supplie, Monseigneur, d’être persuadé que personne au monde n’est avec plus de respect et de passion,

Votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

De Ryandt.

Le pont de bois qui va de l’île à Notre-Dame a beaucoup souffert. Je crois néanmoins qu’il se pourra garantir. Nous n’avons pas laissé de faire fermer les portes pour empêcher le monde d’y passer…

Ce lundi 18 janvier 1677. »

(D’après « Annales de géographie », paru en 1910)

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La Rivière désertée

Posté par francesca7 le 16 septembre 2014

en 1912 : le Bief-Rouge, dans le Doubs

(D’après « Le Figaro », paru en 1913)

 
 
téléchargement (11)Fin 1912, et suite aux travaux de percement d’un tunnel du Mont-d’Or(Doubs), la stupeur frappe les habitants de la commune de Métabief : le Bief-Rouge, leur charmante petite rivière, a déserté pour aller couler en Suisse ! Et en dépit d’un discours des autorités se voulant rassurant, l’hydrologue ayant prévu 10 ans plus tôt les désastreuses conséquences des travaux, persiste : penser dompter le cours d’eau est illusoire, et le Doubs lui-même est menacé

Les habitants de Métabief (Doubs) ne sont pas contents, parce qu’ils ont perdu leur rivière, écrit, quelques jours après le « drame » et après une visite sur les lieux, l’écrivain et journaliste Louis Latzarus en janvier 1913. C’était une charmante petite rivière. Elle ne faisait pas d’embarras, ne roulait pas de gros cailloux, et n’avait jamais englouti personne.

Pour la connaître, il fallait être du pays. Elle sortait de terre à l’entrée du village, et aussitôt s’ingéniait à se rendre utile. Elle faisait donc tourner les quatre roues de quatre usines. Puis elle vagabondait un peu à travers la campagne, et allait se jeter dans le Doubs, comme une fillette lassée d’avoir trop couru, et qui vient se réfugier dans le giron maternel.

Elle s’appelait le Bief-Rouge. Il n’y a plus guère que les sculpteurs pour croire encore aux divinités des sources et des rivières. Si l’un d’eux avait voulu représenter la naïade du Bief-Rouge, il lui aurait, je pense, donné les traits et le costume d’une brave petite campagnarde, déjà bonne ménagère, et qui joue à cache-cache après qu’elle a fait cuire la soupe.

Or, un drame est survenu. La rivière, soudain, a jeté son bonnet, par-dessus les montagnes. Depuis fin décembre 1912, elle coule en Suisse. Vous pensez bien qu’elle n’a pas renoncé ainsi à toute une vie de labeur tranquille sans y avoir été fortement sollicitée. Encore ce mot est-il trop doux. Il a fallu employer les moyens les plus violents pour détourner cette honnête personne de ses devoirs. C’est un rapt. C’est un enlèvement.

On est en train de percer un tunnel, le tunnel de Frasne-Vallorbe, à travers le Mont-d’Or, la plus haute montagne du département. Or, au moment même où les habitants de Métabief constataient la disparition de leur rivière, les ouvriers du tunnel voyaient une énorme masse d’eau envahir leur chantier. Il faut en conclure qu’ils avaient, sans le savoir, crevé une poche d’eau et coupé ainsi un cours d’eau souterrain important. Par le trou qu’ils avaient percé, les eaux coulèrent dans le tunnel, et se précipitèrent, suivant la pente, en territoire suisse. A l’heure actuelle, les eaux du Bief-Rouge, au lieu d’aller grossir le Doubs français, vont grossir l’Orbe suisse.

Il y eut une grande émotion. Le Conseil municipal de Métabief ne manqua pas de se réunir et de faire constater officiellement que les sources du Bief-Rouge étaient taries. En temps de crue, elles débitaient quatre à cinq mètres cubes d’eau à la seconde. Aux époques les plus sèches, un quart de mètre cube environ. De grandes pluies étant survenues, quelques gouttes d’eau revinrent dans le lit de la rivière. Et puis elles s’en allèrent. A l’heure où j’écris, les sources du Bief-Rouge ne sont plus représentées que par quelques cailloux polis. Je les ai vues le 8 janvier sans plaisir. Les quatre usines sont arrêtées, et l’un des usiniers, M de Lénoncour, ne fait pas placer une turbine qu’il venait d’acheter au moment où l’événement s’est produit.

Cependant, les ingénieurs du tunnel sont aussi ennuyés d’avoir de l’eau que les riverains du Bief-Rouge sont ennuyés d’en manquer. Et déjà ils prennent des mesures pour tenter de ramener en arrière la rivière séduite. Un homme prétend que leurs efforts seront probablement inutiles. Et on ne saurait négliger sa voix. M. Fournier est professeur de géologie à la Faculté des sciences de Besançon. Disciple de Martel, il explore depuis vingt ans le sous-sol du département, et en étudie l’hydrologie souterraine. En outre, il a prédit, voici dix ans, ce qui arrive aujourd’hui. En novembre 1903, il écrivait, une fois de plus : « Le percement du Mont-d’Or aura pour effet de faire tarir les sources qui alimentent les villages de Jougne, Saint-Antoine, Métabief et Les Hôpitaux. »

Alors, puisque l’événement lui donne raison en ce qui concerne Métabief, il n’est personne, dans le département du Doubs, qui ne conçoive des craintes pour Jougne et Saint-Antoine. Et les habitants des Hôpitaux ne sont pas rassurés. D’autant que M. Fournier n’hésite pas à proclamer aujourd’hui que le Doubs lui-même est menacé. « L’existence de la rivière le Doubs est en danger » , écrit-il en lettres capitales dans le Pontissalien, qui est un journal de Pontarlier.

J’ai vu M. Fournier. Ce n’est pas un savant vêtu d’une sévère redingote, et qui professe cérémonieusement. Quand il descend de sa chaire, c’est pour aller ramper dans les grottes. Aussi portait-il un petit veston de velours jaune, et avait-il de fortes chaussures. Il me parla avec une clarté que je désespère d’égaler.

« — Le tunnel du Mont-d’Or, me dit-il, est un tunnel d’altitude. C’est-à-dire qu’il traverse la région des eaux souterraines. Par opposition, un tunnel de base est creusé au-dessous de cette région, à la base de la montagne, et ne peut amener aucun trouble hydrologique.

« Du moment où l’on décidait de percer un tunnel d’altitude, il était facile de prévoir ce qui surviendrait. Je l’ai prévu. Je n’y ai pas grand mérite. J’ai prévu que les perceurs rencontreraient des cours d’eau souterrains, et que plusieurs villages seraient ainsi privés de leurs sources. En effet, on connaît aujourd’hui les lois de la circulation des eaux dans les terrains calcaires, principalement dans ceux du Jura, à quoi appartient le Mont-d’Or.

« Il n’y a, dans ces terrains, ni lacs souterrains, ni nappes d’eau continues. Mais partout, il y a des fissures parfois très profondes, et remplies d’eau sous pression. On a recoupé une de ces fissures, située à 70 mètres au-dessous du niveau du Bief-Rouge. Il s’agit de savoir si cette fissure est simplement un trou vertical, ce que nous appelons diaclase, ou bien si elle affecte la forme d’un siphon renversé. Dans ce dernier cas, il y a un remède. Dans le premier cas, il n’y en a point, et le Bief-Rouge est perdu.

« — Cependant, dis-je, les ingénieurs du tunnel se flattent de ramener le Bief-Rouge dans son lit.

« — Ils s’en flattent, en effet, me répondit M. Fournier. Et voici quel programme ils ont établi. D’abord ils vont élever un barrage pour maintenir l’eau. La partie achevée du tunnel étant ainsi préservée de l’inondation, ils pourront établir une galerie latérale au tunnel. Cette galerie ira rejoindre la nappe d’eau, pour en assurer l’écoulement.

« Mais l’écoulement de quel côté ? Du côté de la Suisse. Il ne s’agit pas en ce moment, pour les ingénieurs, de renvoyer le Bief-Rouge dans son lit. Il s’agit de se débarrasser de l’eau. Donc, on laisse l’eau s’écouler en Suisse. Et on continue le tunnel. Lorsqu’il sera achevé, on fermera la galerie d’écoulement des eaux, lesquelles, selon les ingénieurs, remonteront alors vers leur ancien écoulement.

« Eh bien ! Premièrement, le percement de la galerie d’écoulement est une entreprise dangereuse. Il y a des risques nombreux de rencontrer, là aussi, des cours d’eau souterrains ou des fissures, c’est-à-dire de provoquer de nouveaux écoulements. Au lieu de diminuer le mal, on l’aggrave.

 « En outre, il faudra huit mois au moins pour l’achèvement du tunnel. Croit-on que pendant ce long délai, les eaux n’emploieront pas leurs forces ? S’imagine-t-on qu’elles sont enfermées dans des vases étanches ? Comment ! J’ai constaté parfois des pressions de 30 atmosphères dans les siphons naturels des eaux souterraines. Je suis descendu à 253 mètres de profondeur dans le lit d’une rivière souterraine dont l’eau remonte jusqu’à la surface, en temps de grandes eaux. Je sais que les rivières souterraines deviennent, à certaines époques, des torrents d’un débit colossal et d’une puissance dynamique considérable.

« Et l’on voudrait me faire admettre que toutes ces forces se laisseront annihiler par un barrage, qu’elles n’agiront point, qu’elles ne chercheront point une autre issue que celle de la galerie, qu’aucun drainage ne se produira, et enfin que les phénomènes de capturecesseront de jouer ! On déplace le niveau d’équilibre de plusieurs cours d’eau. On modifie leur équilibre même. Et c’est pourquoi j’ai pu dire que le Doubs lui-même est en danger. Les ingénieurs jouent avec des forces qu’ils ignorent.

« Mais ce n’est pas tout. Les parois du tunnel pourront-elles résister aux pressions formidables des eaux qu’elles devront maintenir ? C’est encore un problème. On annonce qu’elles seront renforcées. Tant mieux.

« — Alors, ai-je dit, à votre avis, le Bief-Rouge est définitivement perdu ?

« — On ne pourra le savoir qu’après avoir exploré la fissure et reconnu si elle est une diaclase ou un siphon renversé. Ceux qui affirment, avant cette constatation, qu’ils ramèneront le Bief-Rouge dans son lit, n’entendent rien à l’hydrologie.

« — Et tous les cours d’eau voisins sont menacés ?

« — Oui, si l’on ne prend pas des mesures immédiates. J’entends bien que les moyens que les ingénieurs veulent employer sont des palliatifs, et que, pendant quelques années, peut-être, certaines rivières reprendront ou garderont leur cours et leur débit normal. Mais nul ne sait ce qui arrivera après ce délai. On entreprend une œuvre dangereuse, et j’ai voulu la signaler. Ce serait méconnaître toutes les lois de l’hydrologie que de penser que les rivières céderont aux vœux des ingénieurs.

« — Alors, que faut-il faire ?

« — Explorer la fissure. Et si l’on reconnaît qu’on ne peut faire revenir l’eau à son cours ancien, construire un aqueduc pour l’amener à Vallorbe, en Suisse. Le tunnel du Mont-d’Or est creusé — j’ai écrit cette phrase — à peu près à l’endroit que j’aurais choisi, si j’avais voulu amener à Vallorbe des eaux aussi abondantes que possible. »

J’allais quitter M. Fournier, reprend Louis Latzarus, quand on lui apporta une dépêche. Elle était signée du maire de Malbuisson, village sis à peu de distance de Métabief. Elle disait ceci : « Débit de deux sources diminué de moitié. Eau louche. Venez le plus tôt possible. »

Note : aujourd’hui, le Bief-Rouge coule toujours à Métabief

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