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A la chasse aux plantes autour de Paris

Posté par francesca7 le 12 septembre 2014

 

(D’après un récit paru en 1902)

images (9)On a déjà écrit bien des livres sur les chasseurs de plantes des forêts tropicales qui, au péril de leur vie, vont chercher les orchidées rares et les liliacées décoratives, dont les horticulteurs font ensuite « leurs choux gras ». On en pourrait écrire presque autant sur les pauvres diables qui doivent chercher leurs moyens d’existence dans la maigre flore parisienne. Non pas en décrivant les dangers courus qui, ici, sont pour ainsi dire nuls, mais en racontant leur mode de vie ; tous, malgré la médiocrité de leur condition, sont des indépendants, assoiffés de liberté et d’air pur. On les croit des paresseux ; il n’en est rien et, en utilisant l’activité qu’ils déploient dans un métier salarié par un patron, ils vivraient grassement. Heureusement pour eux, toutes les plantes ne poussent pas en même temps ; cela leur permet de varier leurs plaisirs et de gagner de quoi vivre à peu près toute l’année. Un métier où il n’y a pas de chômage, voilà, n’est-il pas vrai, qui n’est pas ordinaire ?

Il n’y a guère qu’une plante que l’on rencontre en toutes saisons, c’est le mouron des oiseaux qui constitue le fonds le plus solide des petits commerçants dont nous parlons. On en trouve partout, dans les endroits les plus incultes, le long des murs, sur le bord des chemins qu’il égaie par ses touffes gazonnantes émaillées de fleurs blanches. Mais la corporation des marchands de mouron est si nombreuse, – on dit qu’elle se chiffre par deux mille membres – que les « placers » des environs immédiats de Paris ne tardent pas à être mis à sac. Il faut alors en chercher plus loin, souvent jusqu’à plus de vingt kilomètres.

Les uns se contentent d’emporter avec eux des bâches où ils mettent la récolte au fur et à mesure ; ils rapportent les ballots sur leur dos et je vous prie de croire que ce n’est pas là une sinécure !

J’en ai vu, de ces camelots, qui en rapportaient, – l’homme et la femme réunis, – jusqu’à quatre-vingts kilos ; il est vrai que, pour rentrer dans la capitale, ils prenaient le train, comme des sybarites, mangeant ainsi, – c’est le cas de le dire, – leur récolte en herbe. Les autres emmènent avec eux une brouette ou même une voiture à bras ; ceux-là sont les « gros commerçants » qui n’en sont pas plus fiers pour çà, car, obligés de revenir pedibus cum jambis, ils se voient parfois contraints de loger à la belle étoile.

Tous, d’ailleurs, ne peuvent faire une récolte très abondante, car le mouron n’est vendable que trois, quatre ou cinq jours au plus après la cueillette ; bien que se fanant relativement moins que les autres plantes, il finit, surtout pendant les chaleurs, par prendre un aspect lamentable ; le client n’en veut plus, craignant de faire injure à ses chers petits fifis en leur offrant une marchandise avariée. Ceux qui récoltent le mouron – c’est encore une caractéristique du chasseur de plantes – le vendent eux-mêmes au public. Ils le mettent sur des hottes ou dans des paniers et parcourent les rues en criant la chanson classique : « Voilà du mouron pour les p’tits oiseaux » ! Ou encore ce cri où se révèle l’âme sentimentale des Parisiens : « Régalez vos petits oiseaux » !

Le mouron est particulièrement abondant en été ; les marchands ont alors toutes les peines du monde à écouler leur marchandise à raison de un sou la botte. Au total ils préfèrent l’hiver où ils vendent deux sous la botte la plus insignifiante ; il est vrai que la récolte dans les champs est beaucoup plus maigre et pénible. Mais, au moins, on a la satisfaction de ne pas gâcher le métier par un bon marché excessif. Chaque marchand a son quartier déterminé, qu’il conserve pour ainsi dire toute sa vie, d’abord parce que s’il allait ailleurs, il serait fort mal reçu par ses confrères ; ensuite, parce qu’il a ses clients déterminés, qui lui font des commandes « fermes ».

On connaît son cri joyeux ; on accourt sur le pas de la porte et, tout en vendant sa botte, il a un mot aimable pour chacun. Et je ne serais pas étonné si l’on me disait que les serins et chardonnerets tressaillent d’allégresse quand ils entendent : « Du mouron pour les p’tits oiseaux ! Un sou la botte ! »

Le printemps est l’époque où le chasseur de plantes a le plus à faire. Le Parisien adore les fleurs ; privé de cette joie pendant tout l’hiver, il en réclame dès que les frimas sont passés et que se font sentir les premières effluves, – oh combien troublantes ! – du renouveau de la nature. Ces fleurs, il ne faut guère les demander aux jardins dont la floraison n’arrive que tardivement, et sans nos camelots il risquerait fort de voir ses vases de fleurs vides.

Dès février quelques-uns se rendent à Trianon ou dans les bois avoisinants, pour récolter le gracieux perce-neige qui a d’autant plus de valeur qu’il est plus rare ; sa corolle blanche est du plus charmant effet et n’a que l’inconvénient de se faner assez vite.

Le perce-neige n’est qu’un maigre lever de rideau auquel d’ailleurs ne prennent part qu’un très petit nombre de comparses. Le premier plat de résistance apparaît en mars avec le narcisse jaune que l’on va récolter dans les forêts de Sénart et de Bondy, où il pullule sur d’énormes étendues de terrain. Rien n’est moins gracieux que cette fleur, « mastoc » en diable, dépourvue de légèreté et d’élégance. En plein été, on n’en voudrait pas pour rien ; mais au printemps, on l’accepte avec reconnaissance tant on a été sevré de fleurs pendant la mauvaise saison.

Les camelots le savent bien et en font une ample moisson ; je dois cependant avouer à leur courte honte qu’ils en font des bouquets ignobles, les fleurs collées les unes contre les autres. – telle des sardines dans une boîte, – avec, au milieu et autour, les feuilles mêmes des narcisses qui ressemblent tout à fait à celles, archi-prosaïques, des poireaux. Un bel après-midi de dimanche est, cependant, pour eux un véritable coup de fortune, car ils, vendent sur place les bouquets aux nuées de cyclistes qui reviennent de Fontainebleau par la grand’route. Certains en achètent quatre bonquets, pour placer un au milieu du guidon, deux aux poignées, et, – les farceurs, – un à la selle.

A quatre ou cinq sous le bouquet, vous voyez que cela chiffre vite. Et puis, le soir, on se hâte de faire une nouvelle récolte pour vendre le lendemain dans Paris. Mais sitôt la floraison, d’ailleurs très courte, des narcisses achevée, la forêt de Sénart ne donne pour ainsi dire plus rien. Les chasseurs de plantes transportent leurs pénates dans les bois de Meudon ou de Chaville qui, pour quelques, semaines, vont devenir une mine… de bronze. C’est d’abord l’anémone sylvie, qui est bien l’une des plus aimables fleurs que je connaisse. Est-ce parce que je l’associe dans mon esprit à l’arrivée du printemps, aux bonnes promenades que l’on fait à cette époque dans les bois ; est-ce parce qu’elle me rappelle quelque souvenir agréable ? Je ne sais ; mais ce qui est bien sûr, c’est que nombre de Parisiens partagent mon goût, car au printemps, les bois de Meudon sont envahis par une nuée d’amateurs d’anémones.

images (10)La vente de cette fleur dans Paris même ne va pas toujours très bien, car elle se fane presque aussitôt cueillie et le bouquet prend alors l’aspect d’une botte de foin. Ceux qui savent combien vite elle « revient » dans l’eau l’achètent pour en garnir leur home. Les trois feuilles vertes qui se trouvent sous leurs fleurs se marient agréablement avec le blanc délicat des corolles et en font de charmants bouquets restant frais pendant plus d’une semaine, surtout lorsqu’on a récolté des boutons de cette « Reine des bois ».

Hélas, la floraison de la douce sylvie ne dure guère et ce serait pour les chasseurs de plantes l’abomination de la désolation si elle n’était suivie de très près par la jacinthe des bois encore plus abondante qu’elle dans les bois de Meudon. Ses tiges un peu penchées, couvertes de fleurs violettes, ne sont pas sans charme, bien que n’atteignant pas la maîtrise des jacinthes cultivées, d’autant qu’il leur manque l’odeur qui fait la grande qualité de ces dernières. Quelques personnes seulement… en se suggestionnant à outrance arrivent à lui trouver un léger parfum, mais si faible, si menu.

Mais les amateurs de parfums ne tardent pas à prendre une revanche éclatante avec le muguet qui apparaît vers la fin avril. Encore plus que pour les espèces précédentes il faut, pour savoir où le cueillir, être ferré sur la répartition géographique des plantes, dans les environs de Paris. On peut parcourir d’énormes espaces dans les bois sans en rencontrer un seul pied ; puis, tout d’un coup, on tombe sur une tache où ils abondent d’une manière invraisemblable. Chaque chasseur connaît ainsi quelque « bon coin » et se garde le plus possible de le faire connaître.

C’est que la lutte pour le muguet est aussi âpre que la lutte pour la pièce de cent sous. Le camelot sait bien qu’il a l’écoulement sûr et rapide de sa marchandise ; il en est si certain qu’il cueille même le muguet à l’état de bouton, alors qu’il est pour ainsi dire informe et n’a guère d’odeur. Mais on a l’espoir qu’il fleurira dans l’eau, ce qui arrive en effet souvent, mais pas toujours. Quand il est bien épanoui, le muguet est une des plus admirables fleurs que nous donnent les bois et même les jardins, et à l’élégance de la fleur, à la délicatesse de l’inflorescence, elle joint un délicieux parfum, d’une finesse exquise, d’une persistance rare. Sa récolte est si rémunératrice qu’elle provoque l’apparition, au voisinage des gares et des stations, de bateaux de chasseurs de plantes accidentels, que les « professionnels » regardent d’un mauvais oeil. Et cependant, cette récolte est fort pénible : regardez la minceur d’une hampe de muguet, et supputez la quantité de brins qu’il faut pour faire le moindre bouquet de deux sous !

Les plantes dont avons parlé dans la première partie sont celles qui, au printemps et en été, donnent lieu à un « gros » commerce. A côté d’elles viennent s’en placer d’autres, d’importance moindre, de vente plus aléatoire et que le chasseur rencontre souvent accidentellement dans ses pérégrinations.

Parmi elles il faut citer la primevère officinale et la primevère élevée, vendues toutes deux sous le nom de coucou, et dont les fleurs sont d’autant plus goûtées qu’elles viennent au printemps et que l’on vend fort bon marché ; la pervenche, que certains camelots vont chercher jusqu’aux environs de Dourdan, soit à cinquante kilomètres de Paris ; les violettes, auxquelles malheureusement celles du Midi font un tort considérable, bien que ne les égalant pas, – loin de là – au point de vue du parfum ; les renoncules ou boutons d’or, qui « vont » toute l’année et se vendent facilement à cause de leur longue durée ; le caltha des marais, grandes fleurs jaunes dorées, d’un effet admirable, qui ne pousse qu’aux bords des rivières et que l’on récolte assez abondamment sur les rives de l’Yvette, à Chevreuse notamment ; l’ail des bois qui fait de jolis bouquets blancs, mais qu’il faut bien se garder de sentir ; les genêts, couverts de fleurs jaunes, abondants partout ; l’aubépine, que l’on verrait certainement plus souvent dans les rues de Paris si ses aiguillons n’en rendaient le transport un peu pénible ; les marguerites, bleuets, coquelicots, qui foisonnent dans les champs de blé ou d’avoine, mais pour la récolte desquels le chasseur risque le fâcheux procès-verbal ; les roseaux et les massettes, curieuses plantes communes dans certains étangs ; enfin les bruyères, qui terminent la série au mois d’août et de septembre et que l’on va « chasser » dans le bois de Meudon et la forêt de Fontainebleau, où le stock est inépuisable.

Toutes ces plantes se rapportent coupées pour en faire des bouquets. Quelques camelots s’adonnent aux végétaux enracinés et destinés par suite à être « empotés ». Parmi eux il faut surtout noter les pâquerettes, d’une robustesse remarquable, et qui n’ont pas leurs pareilles pour orner la fenêtre de Jenny l’ouvrière ; diverses fougères, notamment des polypodes, qui « reprennent » très difficilement ; quelques carex ; du lierre, et quelques autres de moindre importance.

D’autres s’adonnent à la récolte des plantes médicinales et doivent, par suite, avoir quelque notions de botanique. Je ne serais pas étonné si certains d’entre eux étaient d’anciens potards ayant trop fait la fête ou des droguistes dont les affaires sont dans le marasme. Près des Halles, rue de la Poterie, se tient sur le trottoir, le mercredi et le samedi, un petit marché d’herbes médicinales où viennent se fournir les herboristes et certains pharmaciens. Les vendeurs se divisent en deux groupes : les cultivateurs qui viennent y vendre la mélisse, la menthe, l’armoise, l’absinthe, la lavande, qu’ils ont fait pousser eux-mêmes, et les camelots qui débottent les plantes cueillies dans les bois.

Celles-ci varient naturellement avec les saisons ; parmi les plus connues, citons la feuille de ronce, si employée dans les maux de gorge ; les feuilles de noyer, « chipées » de-ci de-là ; le chiendent, bien négligé aujourd’hui ; la douce-amère, la petite centaurée, lesfleurs de sureau, le laurier blanc, le coquelicot, la violette, le bouillon blanc ; en un mot toute la série des « simples », dont l’usage, malheureusement pour la corporation qui fait l’objet de cet article, diminue sans cesse.

L’automne et l’hiver n’arrêtent pas les pérégrinations et le commerce des chasseurs de plantes. Au contraire, il leur faut encore plus travailler, non pour récolter des fleurs, – il n’y en a plus – mais des fruits et des plantes vertes que, dans la semaine, ils livrent à leurs clients habituels, et que, le dimanche, ils vont vendre, au marché aux oiseaux. C’est qu’en effet cette flore automnale est très goûtée des diverses catégorie de volatiles. A côté de l’éternel mouron, ils vendent aussi du seneçon, des baies d’épine-vinette, du plantain, des baies de sureau ou de vigne vierge, des graines de chardon ; en somme, tous les fruits sauvages au péricarpe succulent et les graines agréables à grignoter. Tout cela, en raison de la rareté, se vend fort cher ; mais que ne feraient pas les vieilles filles sentimentales pour leurs chers petits musiciens ?

A l’automne, on récolte aussi diverses plantes décoratives, pour leur feuillage ou leurs fruits. Les plus connues sont les houx, aux feuilles luisantes, épineuses, aux fruits rouges, et le gui, la plante de la Noël, le mitstletoé des Anglais, à l’allure un peu mystique. La récolte du gui est des plus pénibles, car il faut aller cueillir cette plante parasite sur les pommiers et les téléchargement (5)peupliers et souvent scier les branches pour s’en emparer. Les camelots rapportent les touffes attachées aux deux extrémités d’une longue gaule qu’ils tiennent sur leur épaule souvent meurtrie.

Ne croyez pas que j’aie terminé la liste des catégories de chasseurs de plantes. Il y en beaucoup d’autres ; mais il serait fastidieux d’y insister. Laissez-moi cependant vous présenter : celui qui récolte les pieds de pissenlits sauvages que certains gourmets adorent en salade ; celui qui cueille les feuilles de plantain et d’érable pour garnir les compotiers de fruits ; cet autre dont la spécialité est de chercher les branches bizarres pour en faire des corbeilles originales ; celui-ci qui s’adonne à la récolte des frêles graminées, Airas, Brizes, Stipes, Bromes, etc., pour en faire des bouquets perpétuels ; celui-là qui travaille – qui l’eût dit ? – pour les passementiers en récoltant des fruits d’aulnes, des glands, etc. dont on fait des garnitures après les avoir dorés ou plutôt bronzés artificiellement ; enfin, ce dernier qui récolte les « coeurs » des coquelicots, bleuets et marguerites, – les trois couleurs du drapeau national – pour les faire entrer dans la confection des fleurs dites artificielles.

Publié dans FLORE FRANCAISE, Paris | Pas de Commentaire »

Gui, houx et sapin de Noël des années 1900

Posté par francesca7 le 12 septembre 2014

 

(D’après « Fêtes et coutumes populaires », paru en 1911)

 
 
2082494740_9f106c906b_oLe gui, que l’on vendait jadis pendant la semaine de Noël et du Jour de l’An, a un concurrent redoutable dans un autre végétal d’hiver, auquel on l’associe de plus en plus dans la décoration des frairies « noélesques » : le houx ; sans compter l’incontournable sapin qui, suivant sa taille, tient dans un petit pot grand comme le pouce ou pourrait abriter toute une famille à son ombre

« Au gui nouveau ! Au gui fleuri ! » Voilà qu’il retentit une fois de plus à nos oreilles, l’appel des vendeurs ambulants de mistletoe. Pendues à un gros bâton de frêne ou de bouleau, les jolies touffes vertes du viscum album balancent au pas du marchand les fines opales de leurs baies, Noël est proche. C’est un peu de l’âme de la forêt, un peu aussi de l’âme du passé, qui revit dans ce naïf appel d’un petit détaillant.

Jadis, nos aïeux s’en allaient par les rues criant l’antique Aguilané, corruption probable d’Eguinaned (le blé germe) ou, suivant d’autres, d’Acquit l’an neuf, dont le sens est plus aisé à entendre. Le gui parisien nous arrive de Meudon, de Chaville, de Verrières : il appartient à qui veut le cueillir. Les errants du pavé le savent et, confiants dans la tolérance de l’administration domaniale, ils se font une ressource, décembre venu, de la cueillette du joli végétal.

On vend bien du gui, pendant la semaine de Noël et du Jour de l’An, au pavillon des Halles ; mais ce n’est plus là du gui parisien. Importé par chemin de fer, il arrive de Normandie et de Bretagne ; il n’a point poussé sur les peupliers, comme le gui parisien, mais sur les pommiers, dont il est pourtant un dangereux parasite. Vainement, nos professeurs d’agriculture mettent-ils en garde contre ses ravages les cultivateurs normands, et bretons : le gui s’obstine ; et il est vrai que les bénéfices de sa cueillette compensent largement le mal qu’il fait aux arbres. Ce n’est pas seulement sur Paris qu’on l’expédie : l’Angleterre en fait une consommation prodigieuse. De Granville et de Saint-Malo partent chaque hiver, à destination de Southampton et de Londres, des chargements complets de gui.

Mais le gui a un concurrent redoutable dans un autre végétal d’hiver, auquel on l’associe de plus en plus dans la décoration des frairies noélesques : le houx. Cette iliacée n’a pas d’histoire ; elle ne joue pas, comme le gui, un rôle important dans nos traditions nationales. Les druides ne la coupaient pas, avec une faucille d’or, la sixième nuit du solstice d’hiver, la nuit mère, et les eubages ne la recevaient pas dans un drap de lin d’une blancheur immaculée. Mais le houx, si son passé manque de lustre, n’en est pas moins un fort aimable arbrisseau, dont les feuilles d’un vert sombre, lisses et comme vernissées, surtout les baies d’un rouge vif, font un contraste à souhait pour les yeux avec le pâle feuillage et les baies laiteuses du gui.

C’est cette opposition, vraisemblablement, qui a déterminé sa vogue. Sur les 175 espèces de houx connues, une seule habite la France, l’ilex aquifolium, au tronc droit, chargé de feuilles épineuses et persistantes, qui s’accommode des terrains les plus ingrats. Il vit en liberté dans nos forêts, où il atteint quelquefois huit et dix mètres de haut ; mais on le cultive aussi en buisson dans nos jardins. Ses applications sont fort variées : de sa seconde écorce, on tire la glu ; l’ébénisterie recherche son bois, qui prend au polissage la teinte de l’ébène ; avec ses jeunes rameaux, souples et résistants à la fois, on fabrique des manches de fouets et des houssines ; enfin, avec ses feuilles, que l’ancienne médecine utilisait comme fébrifuge, on obtient des sparadraps très adhésifs.

C’est surtout comme une plante ornementale que le houx est apprécié. D’où vient celui qu’on vend dans nos rues aux alentours de la Saint-Sylvestre ? Un peu de toutes les régions, des forêts du Morvan et de Bretagne, des boqueteaux normands, du Jura, des Vosges, même de la banlieue parisienne. Les Halles en reçoivent chaque matin de pleins chargements, que se disputent les petits détaillants du pavé.

Mais le gui, le houx, ne sont pas les seules plantes noélesques. Comment oublier encore le sapin ? Il a toutes les dimensions, ce sapin de Noël : il est tantôt un géant et tantôt un nain ; il tient dans un petit pot grand comme le pouce et, d’autres fois, il pourrait abriter toute une famille à son ombre. Mais, énorme ou minuscule, artificiel ou naturel, il porte toujours les mêmes fruits étranges : des joujoux, des sucreries, des oranges, des gâteaux, et il est tout illuminé par des cordons de lanternes vénitiennes.

Encore est-il bon de remarquer que, pour répandue qu’elle soit aujourd’hui, cette coutume des arbres de Noël était à peu près ignorée chez nous (sauf dans le Berry) avant la guerre de 1870. C’est à l’Alsace que nous l’avons empruntée, et il y a quelque chose de touchant dans cette adoption par toute la France d’une coutume restée purement locale jusqu’alors. A l’arbre de Noël s’attache le souvenir du grand Klaus, bien connu, lui aussi, des anciennes familles alsaciennes.

« Toc ! Toc ! – Qui frappe à la porte ? – C’est moi, le grand Klaus, patron des petits enfants sages, qui leur apporte un sapin tout chargé de bonbons et de jouets et qui réserve aux méchants une dégelée de coups de gaule… » Et l’huis bâillait tout large, et mein Herr Klaus entrait avec sa longue barbe de dieu polaire, ses sourcils embroussaillés, sa robe de futaine, sa hotte et son sapin. Klaus, en Alsace, est le petit nom d’amitié du vénérable évêque de Myre, saint Nicolas. Les enfants ouvraient de grands yeux, se serraient peureusement contre leurs mères, et la poignée de genêts que brandissait le bon saint leur communiquait un effroi salutaire.

C’est tout ce que voulait mein Herr : le rôle de croquemitaine lui convenait assez peu et il ne l’acceptait qu’à son corps défendant. Combien il préférait les cris de joie et les claquements de mains qui succédaient à l’émotion paralysante du premier moment, quand, de sa hotte vidée sur le parquet, sortaient, pendus aux branches du fatidique sapin, les beaux polichinelles, les sacs de pralines et les ménageries d’arches de Noé ! En Lorraine, il reprenait son nom français et faisait sa tournée accompagné du père Fouettard, qui portait des verges de bruyère et prononçait des paroles sévères dont l’à-propos étonnait les esprits enfantins.

Saint Nicolas est un peu parent du bonhomme Noël : leurs physionomies du moins se ressemblent et leurs fêtes ne sont séparées que par un léger intervalle. Et, à mesure que l’année perdait de son caractère religieux, qu’on restreignait le nombre des fêtes chômées, il arrivait qu’on ne sentait plus la nécessité d’un dédoublement de cérémonies : c’est ainsi que le grand Klaus s’effaça peu à peu devant le vieux Noël. Mais, si saint Nicolas nous a brûlé la politesse, son sapin magique a survécu. Il est, avec le gui et le houx, l’élément décoratif par excellence des veillées de Noël. C’est rarement un arbre, le plus souvent une branche fichée dans une caisse en bois, avec un peu de mousse au pied. Et il se fait, chaque année, de ces branches de sapin, un trafic considérable.

Magnifique puissance de la tradition ! Noël est vieux comme le monde : avant de devenir une fête chrétienne, il fut, chez les Celtes nos pères, la grande fête de la germination. Et le gui, le houx, les branches de sapin, qu’on vend par les rues de ce Paris sceptique et gouailleur, mais si candide au fond, attestent la persistance du sentiment ancestral. Le nom même de Noël vient du latin novellum, qui nous a donné novel, nouvel, nouveau. Sol novus, qu’on retrouve dans l’office de Noël, fut longtemps le nom du 25 décembre. Et les vieux cantiques consacrent à leur tour cette étymologie :

« Hâtons-nous de nous rendre
Près du soleil nouveau… »

Publié dans FLORE FRANCAISE | Pas de Commentaire »

Jardin des Plantes : lieu de tout temps à la mode

Posté par francesca7 le 12 septembre 2014

(D’après « Promenades dans Paris », paru en 1906)

 

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C’est à un émouvant voyage au coeur du Jardin des Plantes, ouvert au public en 1634, que le peintre, illustrateur et écrivain Georges Cain, conservateur du musée Carnavalet pendant quelque vingt ans, nous convie en 1906, évoquant quelques souvenirs de son enfance qui s’y rattachent etretraçant l’histoire de ce lieu unique niché au sein de la capitale

Le meilleur de la vie est peut-être fait de souvenirs, écrit en 1906 Georges Cain, fils du sculpteur animalier Auguste Cain : aussi ne saurais-je franchir sans être délicieusement impressionné les grilles du vieux Jardin des Plantes où, tout enfant, un livre à images sous le bras, j’accompagnais mon père qui, comme Delacroix, comme Barye, comme mon grand-père P.-J. Mène, comme Gérôme, comme Frémiet, comme Rosa Bonheur, y installa si souvent sa petite selle à modeler à quelques centimètres des tigres et des lions qu’il copiait.

Nous y arrivions de bon matin, vers huit heures, avant l’invasion des visiteurs ; le gardien, qui s’appelait Bocquet, un grand diable, maigre, avec des yeux de flamme, caressait ses fauves, les interpellait, leur jetait de menus morceaux de viande pour leur faire donner le mouvement voulu, et ’mon père, familier par habitude avec ces belles bêtes, aux yeux parfois si doux et si profonds, leur tapotait la tête qu’elles venaient, câlines, frotter contre les barreaux.

L’odeur alcaline était violente, la chaleur lourde ; on entendait le sifflement des mangoustes et des fouines installées dans les rotondes de sortie ; parfois un rugissement de colère faisait trembler les vitres. Qu’elles étaient amusantes ces heures de travail devant les cages des fauves, dans l’arrière-couloir de la ménagerie, tout près d’une petite cour où hurlaient des chiens à l’attache !

Souvent aussi c’était dans le jardin même, sur l’herbe, devant les cerfs, les biches, les échassiers ou les vautours que ces grands travailleurs dressaient leurs petits ateliers portatifs, leurs chevalets et leurs sellettes, ou parfois à la ménagerie des reptiles, un antique bâtiment croulant de vétusté. Les crocodiles y reposaient, enserrés dans des caisses étroites comme en des cercueils ; on y voyait encore des pythons, des aspics de Cléopâtre, de hideuses araignées velues, des salamandres, des caméléons, et une couverture de laine avalée puis… rendue à peu près intacte par un serpent boa ; le directeur nous donnait des lézards verts et d’inoffensifs orvets qui causaient de folles terreurs en passant leurs fines têtes hors des poches de nos tuniques de collégiens ! Et ces courses échevelées autour du labyrinthe et du cèdre que M. de Jussieu — assure une légende dont il serait criminel de douter — rapporta « du Liban dans son chapeau », en 1735… Que c’est loin tout cela, et que de jeunes souvenirs évoque ce vieux Jardin des Plantes !

461008AnimalartistsattheJardindesPlantesAu milieu des transformations qui chaque jour modifient Paris, c’est un des rares coins qui aient heureusement gardé leur caractère ancien et charmeur ; M. de Buffon pourrait encore s’y croire chez lui ; il retrouverait même sa table de travail, reléguée dans un vague cabinet d’étude, non loin d’un groupe de marbre merveilleux, Chèvre et Enfants, dont la place devrait être au musée du Louvre et non dans un corridor. Peu de planches, d’ailleurs, seraient « à moderniser » dans le bel ouvrage que publia Curmer en 1842 : les « Huttes aux chèvres d’Abyssinie », les « Cabanes des hérons », la « Ménagerie des féroces », sont telles que les dessinaient alors Daubigny et Ch. Jacque.

Le public ne semble pas modifié : ce sont les mêmes badauds de Paris qui, penchés sur les mêmes fosses aux ours, continuent à engager l’éternel « Martin » à refaire l’ascension de l’arbre ébranché qui se dresse au milieu de la fosse. Les fleurs d’eau s’épanouissent dans les mêmes serres étouffantes et basses, près des orchidées aux formes étranges, et c’est dans le vieil amphithéâtre où professèrent tant d’illustres savants que Mme Madeleine Lemaire — qui parle des roses, des pavots et des pensées aussi merveilleusement qu’elle sait les faire revivre sur ses toiles — initie un auditoire attentif et charmé à la divine beauté des fleurs.

Dans les volumes de Curmer, de beaux messieurs vêtus comme Musset échangent avec de jolies dames drapées dans des « schalls Ternaux » de cérémonieux saluts devant « l’Entrée des grandes serres » : le décor est intact, les enfants jouent aux mêmes places, et sur les mêmes chaises de bois les mêmes grisettes, avec des costumes presque identiques, lisent les mêmes romans-feuilletons. En 1842, c’étaient les Mystères de Paris, d’Eugène Sue ; en 1906, c’est la Môme aux beaux yeux, de Pierre Decourcelle.

De tout temps, ce superbe jardin fut à la mode : Fondé en 1633 par Louis XIII sur un terrain abandonné qui servait de voirie, et dirigé par Gui de la Brosse, le Jardin des Plantes médicinales — ce fut son premier nom — eut des commencements difficiles ; mais Fagon, Tournefort, Vaillant, puis Antoine et Bernard de Jussieu, et enfin Buffon — qui mourut au Jardin des Plantes, dans le bâtiment faisant face à la rue Geoffroy-Saint-Hilaire —, coordonnent, augmentent et embellissent le « Jardin du Roi ».

Arrive la Révolution : la Nation met la main sur le « Muséum d’histoire naturelle » auquel on adjoint une ménagerie constituée avec les débris des collections royales installées par Louis XIV au bord du Grand Canal, à Versailles. Bernardin de Saint-Pierre plaida en 1792 la cause des pauvres animaux qui mouraient de faim. « Les tuerons-nous, s’était-il écrié, pour exposer leurs squelettes ? Ce serait leur faire injure ! » et le 4 septembre 1793 la collection augmente subitement ; Geoffroy Saint-Hilaire, travaillant dans son cabinet, apprend que deux ours blancs, une panthère, deux mandrilles, un chat-tigre et quelques aigles sont en bas, à sa porte, réclamant l’hospitalité.

Ces animaux, en effet, se trouvaient en état de vagabondage : à la suite d’une ordonnance de police, trois ménageries foraines avaient été saisies et expédiées au Muséum sous la conduite de leurs propriétaires indemnisés. Geoffroy Saint-Hilaire fait remiser les cages sous ses fenêtres, nourrit de ses deniers les malheureuses bêtes affamées et élève les saltimbanques à la dignité de gardiens !

Napoléon adresse à la Ménagerie les éléphants du stathouder de Hollande et les ours de Berne. Chaque année apporte sa contribution d’animaux rares et de minéraux précieux. Le Jardin des Plantes est fêté, agrandi, embelli. Le 9 juillet 1827, la girafe est présentée au Roi, et c’est un événement parisien : tout est à la girafe, on a des peignes, des broches, des manches et des ombrelles « à la girafe », son nom sert d’enseigne à un magasin de modes du passage du Saumon ; on chante même une complainte qui commence par ce vers, si j’ose dire : « C’est de l’acacia qu’elle aime à se nourrir », et se termine ainsi :

Enfin dans tout Paris on aime sa présence
Et son séjour promet la paix et l’abondance.

Sur tous les points du monde, d’intrépides et modestes savants français s’expatrient pour enrichir le Jardin des Plantes ; Duvaucel, Chapelier, Jacquemont, combien d’autres encore, sont morts sous les flèches des sauvages, les morsures dès serpents, les coups de soleil de l’Inde ou les fièvres des tropiques pour doter leur pays de bêtes inconnues, de plantes mystérieuses, de papillons féeriques, d’oiseaux rares, de brins d’herbes manquant à des herbiers. Un peu de leur âme héroïque, simple et charmante, flotte sur ce beau jardin dont quelqu’un disait : « C’est un paradis terrestre un peu vieilli : fleurs, bêtes et gens ; il y a même le serpent, et l’on y cueille des pommes inoffensives ».

Taine écrivait en 1849 à Paradol : « J’étais hier au Jardin des Plantes ; je regardais dans un endroit isolé un monticule couvert d’herbes des champs, vertes, jeunes, non cultivées, fleuries ; le soleil brillait au travers et je voyais cette vie intérieure qui circule dans ces minces tissus et dresse les tiges drues et fortes ; le vent soufflait et agitait toute cette moisson de brins serrés d’une transparence et d’une beauté merveilleuses… et j’ai senti mon cœur battre !… »

L’étroitesse des rues de Paris jusqu’au XIXe siècle, la difficulté des voyages, le peu d’élévation des maisons empêchaient les vues d’ensemble, les longues perspectives ; or le Jardin des Plantes possédait un labyrinthe, aussi ce labyrinthe, surmonté d’un belvédère, était-il, dès le XVIIIe siècle, assiégé, les jours de fête : les Parisiens découvraient Paris ! on se signalait Vincennes avec son donjon et ses tours carrées, le Père-Lachaise, les coteaux de Meudon, les ondulations de la Seine, les lointains bleus de Gentilly…

Le labyrinthe existe encore et le spectacle n’a pas varié : la foule échange à la même place les mêmes exclamations qu’aux siècles derniers !… Un public bon enfant, confondu dans le plus amusant pêle-mêle, continue à s’esclaffer aux gambades des singes, aux plongeons des otaries, aux bâillements énormes de l’hippopotame ; l’éléphant persiste à engloutir des kilos de petits pains et le chameau promène ses yeux doux et bridés sur un petit monde admiratif et joyeux ! Devant les sinistres cages, trop sombres, trop étroites, indignes de Paris, où sont prisonniers les grands félins, c’est une stupeur ; et d’odieux imbéciles agacent d’un grotesque parapluie l’animal captif qui se meurt d’étisie derrière des grilles noires.

images (8)Au muséum d’anthropologie, la foule défile, intimidée, parlant plus bas, devant ces successions de squelettes, ces ostéologies bizarres et compliquées, et ce troupeau d’ignorants nous rappelle une stupéfiante réponse faite il y a vingt ans au peintre Vibert par un vieux modèle :

— Venez travailler demain dimanche, père Sauvage, j’aurai besoin de vous pour achever mon tableau.

— Impossible, monsieur Vibert, demain je vais avec les enfants voir mon grand-père.

— Votre grand-père ? Quel âge avez-vous donc ?

— Soixante-dix-sept ans.

— Et vous avez encore votre grand-père ?

— Mais oui… au Jardin des Plantes… Il est squelette… pas loin de l’assassin de Kléber… Sauvage le Marin… Alors tous les mois je vais le voir avec mes petits-fils. Oh ! les gardiens nous connaissent, ils nous disent : « Vous venez pour le grand-père ; il est toujours-là, dans la pièce à côté ! »

De grands et vastes bâtiments contiennent d’admirables collections, présentées avec un ordre merveilleux par le savant directeur M. E. Périer, des évocations d’un autre âge, des mammouths, des bolides… Mais les amoureux du Passé regretteront toujours les adorables petites pièces Louis XV aux plafonds tapissés de crocodiles empaillés, de poissons volants, d’espadons, où se classaient les anciennes collections du « Jardin du Roi ».

Quelle intimité discrète et charmeuse ! Quel cadre idéal que ces fines boiseries grises si délicatement ouvragées ; on y admirait les plus beaux lépidoptères de tous les pays, depuis les fulgurants papillons aux éclats métalliques des Grandes Indes et des Amériques jusqu’aux phalènes de Fontainebleau qui ressemblent à des feuilles mortes jaunies et desséchées ; on y rencontrait le « grand sphynx à tête de mort » comme le minuscule papillon bleu de nos prairies de France ! Le temps avait comme poudré et légèrement terni l’éclat merveilleux de leurs colorations premières, et cela valait mieux ainsi : trop éclatants, ils auraient détonné dans ce milieu un peu vieillot, et c’était un charme de plus que d’admirer ces joyaux de l’air si légèrement recouverts d’un rien de la poussière du Passé !…

Mais le soir tombe : les rires d’enfants et les chants d’oiseaux s’éteignent ; on perçoit au loin le rugissement plaintif d’un grand félin prisonnier, une tourterelle sauvage regagne hâtivement son nid enfoui dans les branches d’un marronnier rose ; l’air est comme embaumé ; toutes les fleurs de tous les arbres exhalent vers les premières étoiles leurs derniers souffles parfumés, et la nuit bleue descend sur le Jardin qui s’endort…

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Il était une fois la reine des reinettes

Posté par francesca7 le 12 septembre 2014

 

 

téléchargementDepuis des millénaires, la pomme satisfait notre gourmandise. Elle est aussi un allié santé. Ma préférée : la reine des reinettes.

Avec la pomme, nous sommes à la fois dans un livre des records et un conte de fées. Dans la gourmandise absolue et l’abécédaire du bien-être. On en trouve partout, de toutes sortes et en toutes saisons. D’août à octobre, n’hésitez pas, choisissez la reine des reinettes et régalez-vous. 

Ses records : la pomme est le troisième fruit le plus consommé au monde, après les agrumes et la banane. En France, elle est numéro 1. Il en existe plus de 20 000 variétés et tous les camaïeux, du vert « pomme » au rouge foncé, en passant par les panachés de jaune et orangé.

Son conte de fées commence au néolithique sur les plateaux d’Asie centrale où l’homme la croquait déjà. Elle a ensuite traversé les siècles, les déserts et les océans. Consommée en Chine (qui en est aujourd’hui le plus grand producteur au monde) il y a trois mille ans, elle emprunte la route de la Soie, fait halte chez les Arabes, les Grecs puis les Romains. Elle est adoptée partout.

La pomme satisfait à merveille notre gourmandise : en France, marchés et supermarchés en proposent une bonne quinzaine de variétés selon les saisons, de la plus consommée (la golden) à la moins courtisée (la grany). Je les aime toutes : gala, pink lady, boskoop, canada, chantecler… Mais en automne, la reine du goût est la reinette. Légèrement acidulée, avec un arôme de miel, elle est parfaite à croquer, compoter, cuisiner ou pâtisser. Et lorsqu’elle s’efface, en octobre, je recommande, pour toute tarte ou compote, de mélanger trois variétés pour tenter d’approcher la saveur de la reine des reinettes.

« Une pomme chaque matin éloigne le médecin. » Ce dicton est confirmé par la science, la pomme se révélant une véritable source de forme et de bien-être. Sa vitamine C (surtout dans la peau), ses fructoses et glucides, assimilables lentement par l’organisme, en font l’aliment idéal des sportifs – et donc de nous tous. Ses vertus thérapeutiques entraient même dans la composition d’onguents. Ainsi, le mot « pommade » vient-il du mot « pomme ». 

Et les pesticides alors ? La pomme est moins affectée que d’autres fruits, tels le raisin ou la fraise. La législation européenne impose en effet un délai entre le dernier traitement et la mise sur le marché pour favoriser l’élimination des produits de traitement. Mon conseil : lavez-la bien (quand elle est non bio) avant de la croquer. David Servan-Schreiber la nettoyait au savon…

Et juste avant de vous mettre aux fourneaux pour préparer ce délicieux dessert, une dernière révélation : si votre anniversaire tombe le 22 octobre, vous êtes né(e) le jour de la pomme, selon le calendrier républicain français. Une fête de plus ! 

 La Reine des reinettes est une variété de pomme remontant au moins au xviiie siècle.

La Reine des Reinettes — dont le nom primitif paraît avoir été Kroon Renet, signifiant ‘Reinette de la Couronne’ en néerlandais — est née vers 1770. La Hollande, où depuis longtemps on cultive plusieurs variétés de pommes Kroons, est regardée par le pomologue allemand Adrian Diel comme le pays originaire de celle-ci, qu’il décrivit en 1802. Il l’avait reçue de La Haye sous l’étiquette Kroon Renet.

En anglais, il semble que la variété s’appelle Queen of the pippin, variété distincte de King of the pippin, même si les deux sont souvent confondues.

Elle est aujourd’hui une des variétés préférées des amateurs de pommes.

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