Posté par francesca7 le 3 septembre 2014
Tout le monde connait la Caisse d’Epargne et son livret A. D’ici quelques années, exactement le 29 mai 2018, nous célébrerons le bicentenaire de sa création ! Savez-vous que le premier établissement a ouvert ses portes au 19 rue du Louvre à Paris, dans un hôtel particulier conservant de nos jours une belle salle de conseil, une façade sculptée et des dessus de portes aux armes du premier propriétaire !
Un hôtel particulier prédestiné à la finance
Le baron Thoinard de Vougy, fermier général, c’est-à-dire récolteur des impôts sous Louis XV, fait construire en 1730 un superbe hôtel particulier, décoré de dorures et de peintures, au 9 rue Coq-Héron.
Son gendre devient premier président de la cour des comptes et entre 1786 et 1798, et l’hôtel est habité par le directeur des contributions indirectes.
Le concept d’épargne et de prévoyance voit le jour pendant le Siècle des Lumières ; un banquier du nom de Delessert lance en 1787, la « Compagnie royale d’assurances sur la vie », dont il occupe la place de dirigeant, proposant plusieurs formules d’assurances. Parmi les actionnaires et administrateurs, on trouve des personnages connus et renommés comme Condorcet, Talleyrand, Mirabeau.
Comme la Révolution n’est pas loin, le public ayant d’autres soucis, cette compagnie est dissoute en 1793, mais elle peut être considérée comme l’ancêtre de la Caisse d’Epargne.
Sous le Directoire et l’Empire, les frères Enfantin installent une banque dans cet hôtel particulier.
En mai 1818, sur le modèle anglais, le baron Benjamin Delessert (fils du précédent) associé au duc de La Rochefoucauld-Liancourt décident d’ouvrir toujours au même endroit, une institution nommée Caisse d’Epargne. Elle aura pour but d’encourager l’épargne populaire, mais il faut expliquer au public le bien fondé de bien gérer leur argent dans une période où les conditions économiques sont difficiles. Le baron disait « tâchons de faire comprendre au peuple les bienfaits, on peut presque dire les miracles, de l’économie » avant de remettre aux épargnants le fameux livret d’épargne où les versements et les intérêts sont inscrits, en fait l’ancêtre de notre livret A.
Cet établissement est d’abord privé, constitué en une société anonyme, dont les fondateurs sont des banquiers comme par exemple Laffitte gouverneur de la Banque de France, des administrateurs de la Compagnie royale d’assurances maritimes » ou encore le baron de Staël, petit fils de Necker.
En juillet de la même année, Louis XVIII autorise l’existence de la « société anonyme formée à Paris sous le nom de Caisse d’Epargne et de prévoyance », mais le succès escompté tarde à venir !
L’institutionnalisation des caisses d’épargne
En 1835, l’Etat intervient et assure la garantie des dépôts au Trésor Royal, verse un intérêt fixe, puis confie la gestion à la Caisse des Dépôts et déclare les caisses d’épargne « établissement privés d’utilité publique ». Avec ces transformations, la confiance des épargnants revient et augmente. A tel point que 12 ans plus tard, la France compte tout de même 364 Caisses d’Epargne sur le territoire.
En juillet 1895, les Caisses d’Epargne doivent se soumettre à la loi indiquant que le principe de l’emploi des fonds est celui des fonds de l’Etat. Par ailleurs, elles doivent constituer un fond de réserve spécial et supplémentaire, appelé « fortune personnelle » en plus de la réserve obligatoire recevant l’excédent des revenus pour couvrir les moins-values. Cette « fortune personnelle » est constituée de dons, de subventions et du solde entre les intérêts perçus et les montants reversés aux déposants. Cette réserve supplémentaire va servir à financer des logements peu chers, des bains-douches, des œuvres de solidarité nationale, d’hygiène sociale, d’assistance ou de bienfaisance.
Les Caisses d’Epargne participent aussi à la vie des collectivités et organismes publics en leur octroyant des prêts. On peut donc affirmer que cette épargne a joué un grand rôle dans le financement de l’économie nationale.
Après guerre, presque tous les foyers détiennent un livret … mais cette institution faillit ne plus voir le jour, car elle fut autorisée comme les banques, à participer à des activités spéculatives !
Sources
Nicolas Eybalin « Quand les lieux racontent l’Histoire de France ». Scrineo, octobre 2012.
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Posté par francesca7 le 3 septembre 2014
A l’âge de 51 ans, où beaucoup de personnes meurent au XVII è siècle, Pierre Paul Riquet entreprend sa « grande œuvre », la construction du canal des Deux Mers reliant l’Atlantique à la Méditerranée.
Deuxième grand chantier sous Louis XIV, classé au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco en 1996, le plaçant au même niveau que la Grande Muraille de Chine, le Mont Saint Michel ou Versailles, cette construction fut menée à bien, grâce à la volonté et le talent de Riquet. Qui était cet homme trop méconnu du public ?
Ses origines
Pierre Paul Riquet nait en 1609 à Béziers ; son ancêtre appartenant à la classe supérieure des romains au XII è siècle est venu s’installer à Marseille ; élu Premier Consul de la ville de la Seyne en Provence en 1346, il devient gentilhomme de la maison du comte de Provence et crée deux lignées de « Riquet » : Honoré Riquety qui donnera Mirabeau en 1789 et Noble Reynier Riquety de Béziers, ancêtre de Pierre Paul Riquet.
Son grand père possédait une boutique d’étoffes, son père était notaire à Béziers et excellent homme d’affaires, mais condamné pour faux en écritures. Pierre Paul est rapidement initié au commerce ; il ne fait pas d’études supérieures, mais apprend l’art de calculer et est attiré par la mécanique ; il s’exprime en langue d’oc et ne parle ni latin, ni grec.
De gabelou à Directeur de la Ferme du Languedoc
Il entre dans l’administration des gabelles du Languedoc dans les années 1630-1632 pour apprendre le métier de gabelou ou agent de la gabelle ; au poste de grenatier, il s’occupe de la gestion du grenier à sel, de l’achat et la vente du produit, de la vérification des faux, trafiquants et contrebandes. De receveur, il passe sous-fermier de tous les greniers du Haut Languedoc en 1648, puis fermier en 1652.
Constatant que le prix du transport est exorbitant, il monte une entreprise, mais les routes sont presque inexistantes, peu sûres et en piteux état. Ayant entendu parler à l’âge de 9 ans d’un projet de canal reliant Toulouse à Béziers, il pense que par ce biais, le coût du transport serait diminué de beaucoup.
Fermier général dans le Languedoc en 1661, il est recruté par la province du Roussillon et de Cerdagne afin de mettre en place cet impôt puisque la région précédemment espagnole et exempte de la gabelle, est devenue maintenant française depuis le mariage du roi. Les problèmes surviennent vite, le pauvre peuple est récalcitrant et gronde devant cette nouvelle taxe. Colbert à qui Riquet doit rendre des comptes suite à l’arrestation de Fouquet lui demande d’intervenir par la force. Il préfère négocier pour calmer les récalcitrants, malgré les révoltes, malgré l’assassinat de ses commis, jusqu’en 1670 où il doit accompagner les 4 000 soldats envoyés par le roi pour mater les rebelles. Colbert est clair « il faut absolument récolter la gabelle pour financer l’Etat, les guerres et le canal des Deux-Mers ».
Jusqu’en 1678, il gravit tous les échelons pour arriver au poste de Directeur de la Ferme du Languedoc malgré tous les soucis rencontrés, mais en amassant une belle fortune.
Le père de famille et l’homme
Après Béziers, il s’installe à Mirepoix, épouse une fille de contrôleur des tailles en 1638 lui donnant la même année Jean Mathias futur président à mortier de Toulouse, Pierre en 1641 qui meurt 15 mois plus tard, Elisabeth en 1645, Pierre Paul futur capitaine des gardes du roi et futur comte de Caraman baptisé en 1646. De constitution solide, ils échappent presque tous à plusieurs épisodes de peste qui déciment plus du cinquième de la population de la région de Toulouse. A la mort de son père en 1646, il déménage vers la Montagne Noire à Revel pour être à proximité des localités concernées par la collecte de la gabelle, aux environs de Castres et Mirepoix. Là, il commence à faire des essais pour « son futur canal », tout en ayant la joie d’avoir encore quatre nouveaux enfants.
Ce travailleur acharné se fait une bonne réputation, devient banquier privé, prêtant aux consuls de la ville, parfait homme d’affaires écrivant jusqu’à dix lettres par jour à différentes personnes pour des sujets variés, se déplaçant constamment d’une ville à l’autre, négociateur hors pair pour éviter des procès sans fin, constructeur, propriétaire du canal et chef d’entreprise proche de ses ouvriers, rationalisant le travail, fidélisant ses salariés en leur assurant une « mini sécurité sociale » et en les logeant, n’ayant jamais eu à faire face à des révoltes ni rebellions sur ses chantiers, constant dans ses projets et s’efforçant de les mener à terme, travaillant toujours dans un souci d’économie et de rentabilité, tout en gérant ses affaires de gabelles puisqu’il devient directeur de la ferme des gabelles du Languedoc et en obtenant la charge de munitionnaire des armées du roi ; n’étant ni ingénieur, ni architecte, ni géographe mais avec du talent, une volonté de fer, beaucoup de capacités, une passion et un grand courage, parti de rien ou presque… il fait fortune.
Il peut acheter le « Fort de Bonrepos » et son domaine à environ 20 kms de Toulouse, se lancer dans sa reconstruction, ce château médiéval étant en très mauvais état. L’endroit considéré comme lieu stratégique de défense doit être réparé par la ville et l’entretien réglé par les Consuls ; grâce à ses négociations, il obtient le domaine, le château à vie de manière perpétuelle, à condition d’assurer la protection des villageois en cas d’attaque extérieure. Là, il achète des parcelles supplémentaires, fait abattre des morceaux de bâtiments en ruine, embellit la demeure à partir de 1654, conservant les matériaux pour les réutiliser, remettant en état des moulins et la briqueterie, logeant les principaux artisans pour les avoir sous la main, faisant office de maître d’ouvrage. En 1666, Bonrepos est presque habitable et Riquet est réhabilité dans sa noblesse, ne signera jamais « baron de … », mais écrira toujours Seigneur de Bonrepos, voulant rester discret, car dans sa jeunesse il a appris deux choses : ne jamais trahir son roi et ne jamais faire étalage de ses biens et sa fortune.
Dans le but d’installer ses enfants, il acquiert aussi une maison dans Toulouse ainsi qu’un hôtel particulier à l’extérieur de la ville sur un domaine de quatre hectares avec une orangerie, des jardins, des prés et une glacière, sans oublier un hôtel à Paris. Un père aimant et soucieux de ses enfants, réalisant de belles alliances pour ses filles, toujours présent en cas de maladie ou lors d’un procès, ou encore pour sauver de la ruine et du déshonneur son second fils poursuivi pour dettes au jeu ; Riquet est jovial, bon vivant, d’un naturel franc ce qui lui apporte des ennemis mais aussi de fidèles amis.
La grande œuvre de Riquet
Le canal reliant les Deux-Mers fut un chef d’œuvre au temps de Louis XIV, le second chantier grandiose au temps du Roi Soleil…après Versailles. Tout le monde avait échoué pour construire le canal du Midi, Riquet a réussi à monter un projet « en béton », en insistant sur l’utilité économique et l’intérêt stratégique du canal, reliant l’Atlantique et la Méditerranée, en évitant le détroit de Gibraltar, en évitant le pillage de la marchandise et les taxes à payer à l’entrée ; il a été suffisamment persuasif pour le faire accepter par Colbert, malgré les 17 millions de livres, le financement du canal se faisant en trois parts : le roi, les états du Languedoc et Riquet ; son projet fut « choisi par le roi, de préférence à tout autre ». Il a su s’appuyer sur des personnes influentes à la Cour, il a su s’entourer d’une équipe compétente en qui il avait confiance.
Toujours présent sur le terrain, il entreprend le piquetage du canal de Sète à Toulouse, balisant les sources et les ruisseaux, payant mieux ses ouvriers pour les retenir et accélérer les travaux, de quelques centaines d’hommes il en géra 12 000 qui ne rechignaient pas à la tâche. Sur tous les fronts, il s’occupe aussi du creusement du port de Sète, du recrutement du personnel, de la construction de logements pour les ouvriers, des écuries, des magasins, assiste à toutes les réunions, organise le travail, répond à toutes les lettres à Colbert, trouve une solution lorsqu’une église se présente sur le tracé du canal (il la fit démonter, garder les matériaux pour être remontée un peu plus à l’écart) ou lorsqu’il faut traverser une montagne sablonneuse en faisant creuser un tunnel de 165m avec consolidation de la voute en 8 jours.
Concessionnaire du canal, il prend en charge la construction et l’entretien, investissant sa fortune personnelle, devant très souvent emprunter à des tiers et rembourser les dettes, l’argent du roi ne venant pas régulièrement ; en échange il perçoit les taxes, les péages, les redevances sur le transport des marchandises ; il doit faire face aux jaloux et tourmenteurs ainsi qu’à la pression exercée par les contrôleurs de Colbert, à ses récriminations, mais il peut compter sur ses fils qui sont présents, qui l’aident dans son travail et qui le soutiennent. Il pourrait être fatigué, stressé, épuisé, débordé, mais il tient bon malgré sa maladie, malgré les suspicions de Colbert qui le soupçonne de puiser dans la caisse du canal pour installer ses fils !
Ce fut la passion et l’œuvre de la vie de Riquet, une affaire de famille où les fils, les gendres, les beaux parents ont participé et travaillé, les descendants de Riquet continueront à le gérer jusqu’au XX è siècle. De même, ce sont des familles entières, de pères en fils qui y ont travaillé, des éclusiers aux magasiniers… Une réussite humaine car les travaux furent faits à la force du poignet.
Ce fut un moment de bonheur en 1667 où la première pierre est posée avec la bénédiction de l’archevêque de Toulouse, mais Riquet ne verra jamais naviguer les barques, il meurt en octobre 1680, l’inauguration se faisant en mai 1681, il ne restait que 5.5 kms à construire sur les 240 kms de la longueur du canal…Riquet est alors porté très haut, par son opiniâtreté, sa force de caractère, son talent, son génie.
Les autres réalisations de Riquet
Parallèlement au canal des Deux Mers, Riquet s’est occupé de la construction des 328 ouvrages d’art jalonnant le canal (aqueduc, moulins, déversoirs, scieries, auberges, écuries, forges, magasins, logements…) ; du port de Sète qui fut une réussite, une beauté d’après les constations du fils de Colbert (missionné pour vérifier !) ; de l’aqueduc de Répudre dans l’Aude qui a servi de modèle à Vauban, sans oublier la demande expresse de Colbert pour Versailles : amener l’eau aux fontaines, reliant les eaux de la Loire au dessus de Briare à l’aide d’un pont canal. Trop long, trop coûteux, on fait construire la machine de Marly ; de l’aqueduc de Castries près de Montpellier sur 7 kms ; du canal de l’Ourcq qui approvisionnera Paris en eau potable pour les habitants et les industries dont les travaux sont lancés en 1677 mais le chantier interrompu «qualifié d’inutile » à la mort de Riquet ; en 1670, le roi demande la distillation de bouteilles d’eau minérale des stations thermales de Balaruc-les-Bains ; Colbert, ne pouvant le laisser travailler en paix et accomplir sa « grande œuvre » le charge encore de faire une étude en 1676 pour le futur canal de Bourgogne (réalisé sous Louis XV), puis le futur canal du Centre (réalisé sous Louis XVI), ainsi que le canal de Provence reliant le Rhône à la Méditerranée qui deviendra l’actuel canal du Rhône à Sète.
Après Riquet
Riquet s’éteint donc le 1er octobre 1680, à 71 ans à Toulouse. Placé dans un caveau de l’Elise Saint Etienne, en toute discrétion, sans cérémonie, ses enfants installés à Paris ne purent être présents ; Colbert s’inquiétant de la fin des travaux, fait mettre des scellés sur les biens de la famille ! A force de plusieurs demandes de la famille, de l’entourage de Riquet et de personnes bien introduites à la Cour, Colbert envoie à Jean Mathias (le fils Riquet) les fonds nécessaires à l’achèvement du canal, le roi assurant la famille de sa protection.
Les deux fils s’entendant à merveille, agissant de concert, toujours en accord dans les décisions à prendre (chose rare pour l’époque dans des familles ayant des biens), firent achevés les travaux afin d’inaugurer le canal en mai 1681, avec la première barque voguant de Sète à la Garonne. De même qu’ils aidaient leurs sœurs en versant les dots prévues, aimables et conciliants avec tous, ne lésant personne lors du partage de l’héritage, malgré les 4 millions de livres de dettes laissées par Riquet, dont deux furent quand même prises en charge par Colbert.
Louis XIV dans ses Mémoires pour l’instruction du dauphin mentionnait « le canal avait permis au royaume de devenir le centre du commerce de toute l’Europe » ; il fut une mine d’or pour les enfants, mais il fallut encore attendre 44 ans pour être rentable !
Pour aller plus loin
- Riquet, le génie des eaux : Portrait intime, de Mireille Oblin-Brière. Editions Privat, avril 2013.
- Le canal du Midi : Histoire d’un chef-d’oeuvre, de René Gast. Editions Ouest-France, Janvier 2006.
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Posté par francesca7 le 3 septembre 2014
Dans la Vienne, au temps du règne de Louis XIII, dans les années 1630-1634, une affaire a défrayé la chronique, celle dite des « Possédées de Loudun ». Machination politique ? Reste des Guerres de Religion ? Vrai possession ? Sorcellerie ? Le fait est que, sous l’impulsion du Cardinal de Richelieu, Urbain Grandier (le curé) accusé d’être le diable, est mort inutilement sur le bûcher et les possessions n’ont malgré tout pas cessé. Revenons sur cette histoire !
Urbain Grandier, le prêtre accusé
Urbain Grandier, né à Rovère, appartenant au diocèse du Mans, obtient après des études à Bordeaux, la cure de Saint Pierre du Marché et le canonicat de l’église de Sainte Croix, tous les deux à Loudun, et fait forcément des envieux et des jaloux car il est étranger à la région…
Peu diplomate, hautain, mais d’une grande éloquence, il ne fait que des mécontents en s’attaquant aux privilèges des Carmes de la ville et en ayant une conduite des plus suspectes pour un ecclésiastique, sa franchise et son libertinage ne plaisent pas. La rumeur court que Grandier abuserait de nombreuses femmes à l’intérieur de l’Eglise ! Il est condamné au jeûne (pain et eau) tous les vendredis pendant trois mois, interdit pour cinq ans dans le diocèse et pour toujours dans la ville de Loudun !
Faisant appel et gagnant, il fait une entrée spectaculaire avec une branche de laurier en main en 1631, en revenant à Loudun.
Ayant appris que le directeur du couvent des Ursulines vient de mourir, il postule pour cette place, en concurrence avec le chanoine de Sainte Croix… mais des bruits courent : des spectres et des fantômes sont apparus dans le couvent, un sortilège opéré au moyen d’une branche de rosier fleuri, ensorcelant toutes celles qui auraient senti les fleurs… les religieuses sont sujettes à des crises, certaines hurlent, d’autres blasphèment ou prononcent des obscénités ! Grandier est à nouveau accusé et avec ses manières de beau parleur, il gagne à nouveau son procès !
Et voici qu’entre en scène le Cardinal Richelieu : Louis XIII ayant la volonté de faire raser les châteaux forts de France, envoie le conseiller d’Etat Laubardemont, notamment à Loudun… qui rapporte les faits ci-dessus au Roi et au Cardinal. En même temps, parait un ouvrage, plutôt une satire mettant à mal Richelieu « la Cordonnière de la Reine-Mère ». Grandier est accusé de l’avoir écrit, car il correspond soit disant avec une femme originaire de Loudun, attachée au service de la Reine. Le prêtre est arrêté le 17 décembre 1633 puis emprisonné au château d’Angers ! Dans ses papiers saisis, on trouve un manuscrit contre le célibat des prêtres, destinée à Mlle de Brou son amie !
Les possédées de Loudun
D’une beauté certaine et gracieux dans ses manières, il fait se pâmer les dames… mais ce sont des preuves insuffisantes pour l’accuser de crime ! On ressort donc l’ancienne accusation de sorcellerie. Il est interrogé pendant dix jours début février 1634, mais il nie toute accusation de sorcellerie et finit par ne plus répondre aux questions.
Et par hasard, plus de soixante témoins apparaissent, accusant Grandier d’avoir fait des pactes avec le diable et jeté un sort sur le couvent : les religieuses sont soumises à exorcisme, mais sans résultats, les jeunes filles et autres dames affirment que la supérieure du couvent est prise par sept démons, dont cinq ne veulent absolument pas sortir de son corps !
La procédure dure sept mois, pendant lesquels de nobles familles entières sont diffamées et dénoncées, quant à Laubardemont, il est attaqué et impliqué dans cette affaire. Le 2 juillet 1634, il fait apposer sur les murs de la ville un placard officiel mentionnant qu’ « il est expressément défendu à toutes personnes […] de médire ni autrement entreprendre de parler contre les religieuses et autres personnes de Loudun affliger des malins esprits, leurs exorcistes, ni ceux qui les assistent […] à peine de dix mille livres d’amende, et autre plus grande somme et punition corporelle, si le cas y échoit ».
Des lettres patentes sont délivrées le 8 juillet 1634 et une commission composée de quatorze membres est chargée de juger Grandier. La salle est ouverte au public, en espérant que le pays soit suffisamment indigné contre le curé afin que la sentence demandée soit acquise très rapidement.
Le procès
La salle est plongée dans l’obscurité, seule la grande table où siègent les juges est illuminée avec des flambeaux. Le tout est recouvert de drap noir, le banc de l’accusé lui aussi de drap noir mais décoré de flammes d’or, signe de l’accusation ! Le prévenu est entouré d’archers, les mains liées par des chaines que tiennent des moines, mais de manière très éloignée, craignant d’être trop près du diable ! Après quelques minutes d’un profond silence, Houmain l’un des juges prononce l’acte d’accusation, d’une voix si basse que personne ne peut comprendre un seul mot !
Les preuves sont divisées en deux parties : d’une part les dépositions des soixante douze témoins, d’autre part les « autres » résultant des exorcismes réalisés par des prêtres présents dans la salle. Le procès est interrompu par deux fois : la première fois à l’annonce de la mort de Mlle de Brou (l’amie de Grandier) et la seconde par l’irruption de Jeanne de Belcier, mère supérieure du couvent accompagnée de deux sœurs ! La mère supérieure est prise de remords et affirme que Grandier est innocent ! Tout n‘est qu’histoire fausse, venant de désirs charnels que sa beauté lui a inspirés… Jeanne de Belcier est jalouse et par ses accusations, voulait séparer Grandier et Mlle de Brou ! Elle se jette alors aux pieds de Grandier en déclamant « Peuple, il est innocent »…
Face à la foule qui éclate de colère, la séance est levée et le prévenu conduit dans une pièce voisine, où il est couché sur un instrument de torture, pour le supplice de la Question pendant plus d’une heure. Considéré comme grand criminel, il a droit à deux « coins » supplémentaires… ses membres sont totalement brisés.
Le jour où le jugement est prononcé, le 18 août 1634 à 5h du matin, Grandier tente encore de se défendre… mais est déclaré « atteint des crimes de magie, maléfice et possession arrivée par son fait ès personnes d’aucunes religieuses ursulines de Loudun et autres séculières mentionnées au procès, et condamné d’être brûlé vif, avec les pactes et caractères magiques estant au greffe, ensemble le livre manuscrit par lui composé contre le célibat des prêtres et les cendres jetées au vent ».
Le bûcher de Grandier
Grandier est porté par six hommes jusqu’à la place de Saint Pierre du Marché. Livide, comme si tout son sang s’était retiré, il est sommé d’embrasser un crucifix… rougi au fer et devant lequel il s’éloigne légèrement (et pour cause !). Il aurait du au préalable être étranglé, mais on s’en abstient : il est couché sur le bûcher, sa robe enduite de soufre, et on y met le feu ! Et malgré la pluie qui tombe, malgré le peuple qui approche pour le sauver, il se consume pour ne laisser qu’une main noircie, serrant une petite croix d’ivoire et une image de Sainte Madeleine entre ses doigts, en ce 18 août 1634 !
Les « possessions » ont continué encore quatre ans après la mort d’Urbain Grandier… Jeanne de Belcier mourut folle… on raconte que Laubardemont fut chargé du procès de Cinq-Mars, puis jeté dans le Rhône par le père
Joseph…
La mort d’Urbain Grandier ne rapporte rien, et peut être considéré comme un sacrifice humain inutile.
Sources
Revue « La France Pittoresque » 2è trim. 2008
Tiré d’ « Histoire de la Magie en France depuis le commencement de la monarchie jusqu’à nos jours » et « Causes célèbres de tous les peuples ».
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Posté par francesca7 le 3 septembre 2014
44% des Français disent éprouver un stress important ou très important dans leur activité professionnelle, rapporte un récent sondage LH2 pour L’Express. La vague de suicides à France Télécom montre la réalité et la profondeur des souffrances endurées. Au XXIe siècle, le mot travail rime avec harcèlement, angoisse, surmenage. Question : travaille-t-on pour vivre ou vit-on pour travailler ? L’homme n’a pas toujours répondu de la même manière à cette question.
Prenez le Moyen Age, par exemple: on vous raconte en vidéo.
http://www.youtube.com/watch?v=tkvt7jBKdZs
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