EXPRESSION : Entre la Poire et le Fromage
Posté par francesca7 le 1 septembre 2014
La poire a probablement été le fruit préféré de nos aïeux. A cause de son goût, bien sûr, de sa pulpe juteuse qui a donné « la poire pour la soif ». Peut-être aussi pour que la saison en est longue et les variétés nombreuses, contrairement aux autres fruits de l’époque, succulents aussi, mais tellement éphémères. Les poires les plus précoces étaient mûres en juillet, les plus tardives au début de l’hiver. Elle semble avoir été le symbole d l’exquise douceur : ne pas « promettre poires molles » voulait dire ne pas promettre un avenir tout rose, et lorsqu’il est question de partager une bonne chose avec quelqu’un, naturellement on coupe la poire en deux.
On mangeait des poires à la fin du repas, tout de suite avant le fromage, autre délice, qui le terminait. Cela ne paraît une bizarrerie qu’ première vue ; c’était au contraire une habitude assez logique dans les menus où les légumes brillaient par leur absence, et où il semble, contrairement à une image répandue, que l’on buvait surtout après le repas, et non pendant. Au fond il était peut-être mal commode de manier la coupe ou le hanap avec les mains pleines de graisse. C’est sans doute le sens de ce vieux proverbe : « La table ôtée doit-on laver et boire ».
Bref, les derniers rôtis de volaille ou de gibier avalés, la poire arrivait pour rincer agréablement la bouche, rafraîchir le palais et changer le goût des victuailles ; En somme elle jouait le rôle de la salade dans notre gastronomie. Voici un menu typique de 1228, extrait du Guillaume de Dole de Jean Renart :
Si s’en vont en la sale arrière
Ou li soupers ert atornez
Mout biaus de viandes assez ;
Faons de let, porciax farsiz
Et bons conins, poulez lardez
(de ce estoit granz la plentez)
et poires et formages viez.
Les poires et le fromage (abondant au Moyen Age ; on le faisait sécher au soleil pour le vieillir et le conserver) constituaient donc le dessert traditionnel de ces agapes et le régal des gourmets. Autre proverbe ancien :
Oncque Dieu ne fist tel mariage
Comme de poires et de fromage.
De ces usages il nous est resté l’expression familière « entre la poire et le fromage » : au moment où la panse pleine t le cœur réjoui on a le temps et l’envie de causer, voire de se laisser aller à la confidence ; Au début du XVIIè siècle un personnage de Sorel à qui on a demandé d’expliquer un rêve répond ; « … Nous en parlerons à soupé entre la poire et le formage ».
EXTRAIT de LA PUCE A L’OREILLE de Claude Duneton – Editions Stock 1973 – Anthologie des expressions populaires avec leur origine.
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