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    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Les Mystères du Jura

Posté par francesca7 le 28 août 2014

 

 

téléchargement (11)Après les « Mystères de Saône et Loire », c’est maintenant dans les épaisses forêts du Jura que nous conduit Alain Lequien, à la rencontre de la discrète organisation des Charbonniers, d’étonnantes sorcières et même de loups-garous. L’auteur nous révèle d’étranges histoires, dont certaines, plus contemporaines, mettent en scène des ovnis…

Une relation charnelle avec le diable

Sans émettre de jugement définitif sur les protagonistes et sur l’époque, Alain Lequien revient sur les procès en sorcellerie menés contre des femmes ayant eu de prétendues relations charnelles avec le diable. Excuse grotesque pour justifier l’adultère d’une femme tombée enceinte des œuvres d’un autre que son mari ? A l’époque en tous cas, les procès en sorcellerie examinent ces cas avec le plus grand sérieux, comme celui de Guillemette Joubart, exécutée pour avoir « connu charnellement le démon lorsque celui-ci le lui demanda », acceptant « la demande du démon de se débarrasser de son chapelet en le jetant dans une auge de pourceaux ». Quand on lui demanda si elle n’avait pas peur de devenir ainsi enceinte, elle répondit que « Dieu ne voulait pas le permettre », et raconta, comme d’autres, que « la semence était froide comme glace »…

Le Loup-Garou de Commenailles

Parmi les légendes présentées par Alain Lequien, certaines trouvent leur source dans la naïveté populaire. Ainsi Commemailles, au cœur de la forêt, était réputé pour être la terre de prédilection des loups-garous. Vers le milieu du XIXème siècle, un de ces loups-garous avait pris l’habitude de s’attaquer aux femmes qui traversaient la forêt pour se rendre au marché de Bletterans. C’était certainement un sorcier ou un suppôt de Satan, qui sous l’influence du diable, quittait son logis pour commettre ses méfaits. Il les attaquait, les dévalisait, puis s’enfuyait, ne prononçant aucune parole. Quand une femme était accompagnée, rien ne se produisait, comme si cette protection masculine suffisait à l’empêcher de commettre son forfait. Un jour, le maire décida d’organiser une battue avec les hommes du village. Pour surprendre le loup-garou, ils décidèrent de suivre à distance les femmes allant au marché. Tout à coup, ils entendirent des cris de frayeur. Se précipitant, ils le capturèrent. Bien vite, on s’aperçut qu’il s’agissait d’un homme des bois, bûcheron ou charbonnier, qui était masqué et recouvert d’une peau de bique. Il avoua qu’il avait trouvé ce moyen pour se ravitailler à peu de frais…

Les Charbonniers et les « rites forestiers »

L’auteur revient sur l’histoire de cette « fraternité » d’origine jurassienne, qui a traversé le dernier millénaire. Dès le XIIème siècle, la fabrication du charbon conduit à l’installation, dans la vaste forêt de Chaux, de communautés de 15 à 30 hommes vivant en autarcie : les Charbonniers. Le charbon est une marchandise précieuse vendue notamment aux seigneurs, une véritable « monnaie d’échange » à l’époque. Les Charbonniers forment une sorte de « fraternité du bois », de croyance christique, mais ne fréquentent pas les églises. Au début du XVIIème siècle, au moment de la « ruée vers l’or blanc » (le sel), ils vont se rapprocher des centres de transformation du sel et des hauts fourneaux. Alors, des personnes extérieures à leur corporation vont se rapprocher de ces fraternités du bois, attirées par leur démarche rituelle, leur état d’esprit, et un certain goût pour le secret de ces groupes…

Vers un rapprochement avec la Franc-Maçonnerie

Les Charbonniers connaissent leur apogée avant la Révolution française, et s’ils ont quitté leurs clairières pour « s’embourgeoiser » et se réunissent désormais dans des sortes de temples, ils n’ont cependant pas organisé leur fraternité comme une institution établie, à l’image de la Franc-Maçonnerie. Néanmoins les convergences grandissent, et certains, comme Lafayette, sont à la fois Charbonnier et Franc-Maçon. Les Charbonniers vont bientôt dépasser les frontières de la France, et initier en Italie la création des « Carbonari », mouvement politique pour l’indépendance italienne. A la Restauration, les Carbonari de France essaient en vain de renverser la monarchie. Finalement, avant même la naissance du Second Empire, Napoléon III dissoudra à la fois la fraternité des Charbonniers et les Carbonari. Nombre de Charbonniers rejoignent alors la Franc-Maçonnerie : les gens du bois rejoignent ceux de la pierre. Si les « rites forestiers » paraissent alors bien loin, les Charbonniers ont pu apporter à la Franc-Maçonnerie, outre de nouveaux effectifs, une ouverture enrichissante et la spécificité de leur vision christique.

Un OVNI près de Salins les Bains

images (20)Alain Lequien, dans cette enquête sur les mystères du Jura, nous livre également quelques évènements contemporains, dont ceux liés aux ovnis. Il s’appuie notamment sur les recherches du GEPAN (Groupe d’étude des phénomènes aérospatiaux non-identifiés), qui depuis 1977 répertorie nombre d’incidents, comme cette histoire arrivée en 2005 à ce couple, dans sa voiture, à Marnoz (Jura), en provenance de Salins les Bains : loin devant eux, nos témoins observent un objet qu’ils prennent d’abord pour un avion de ligne voulant atterrir (malgré l’absence d’aéroport à proximité). Deux feux clignotants sont visibles, celui de gauche étant rouge, celui de droite blanc. Le conducteur gare son véhicule quand l’objet passe à leur aplomb, légèrement sur la gauche. Ils constatent alors qu’il s’agit d’un simple tube (dont ils estimèrent la taille à environ 30 mètres de long sur 3 mètres de diamètre), sans aucune aile visible, avançant de travers et semblant se diriger vers le Mont Poupet, en ne faisant aucun bruit. Les témoins descendent de voiture pour continuer l’observation, quand ils aperçoivent, aux 2 extrémités, une lumière blanche « flashante »…


Alain Lequien, « Les Mystères du Jura », éditions De Borée.

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Au temps des Limonadiers

Posté par francesca7 le 26 août 2014

 

 
 
téléchargement (2)Au Moyen Age, on ne connaissait en France, en fait de liqueurs, que la bière, l’hypocras, l’hydromel, les vins sucrés ou liquoreux. Le débit des liqueurs était une profession libre, que chacun pouvait exercer sans demander permission à personne. Au seizième siècle, l’usage de l’eau-de-vie commença à se répandre ; on allait la boire par petits verres chez les vinaigriers.

Ce furent les Italiens de la suite de Catherine de Médicis qui importèrent en France une multitude de boissons rafraîchissantes ou échauffantes, dont l’usage était complètement inconnu à la simplicité de nos aïeux : limonades, orangeades, aigre de cètre, eau de frangipane, sorbets, rossoli, populo, que sais-je ! Celle qui réussit le mieux auprès du public fut sans doute la limonade, puisqu’il appela du nom de limonadiers les industriels qui, avec cette boisson, lui en vendaient vingt autres.

Des liquides d’espèce nouvelle nous vinrent bientôt après des pays les plus éloignés. Les ratafias (c’étaient alors des fruits confits à l’eau-de-vie) arrivèrent des colonies françaises des Indes. Le thé, parti de la Chine, fut en usage à Paris vers 1636 ; le café et le chocolat, en 1660. Le café semble avoir bientôt détrôné la limonade dans l’esprit public, car la boutique du limonadier prit à peu près partout le nom de café. Cette profession, comme celle de marchand de vin, était restée libre jusque-là ; mais quand le monopole règne dans la plupart des industries, il est inévitable que les autres tombent tôt ou tard sous le même régime.

 

Le limonadier isolé, ayant à soutenir des procès fort longs et coûteux contre les vinaigriers et les apothicaires, qui prétendaient lui interdire la vente de certains liquides, se trouvait trop faible devant ces deux corporations. Il sentit bientôt le besoin de s’unir avec ses confrères pour résister. Sur la demande des limonadiers unis, Louis XIV érigea cette profession en corps de métier (1676).

On ne sait pas bien si les marchands et distillateurs d’eau-de-vie vendaient des limonades et autres boissons rafraîchissantes ; mais certainement les limonadiers vendaient des liqueurs fortes. Entre ces deux métiers il y avait donc le germe de vingt procès, eu égard à l’esprit chicanier qui régnait parmi les corporations du temps.

Les limonadiers et les marchands d’eau-de-vie eurent le bon sens de le comprendre : il demandèrent à ne former qu’une même corporation, ce qui leur fut accordé. Les statuts de cette corporation établirent que quatre gardes jurés seraient élus pour deux ans par l’assemblée des maîtres et visiteraient deux fois par an chaque boutique. Il ne devait y avoir à Paris que deux cent cinquante maîtres. Une fois arrivé à ce nombre, on ne ferait de maîtres nouveaux qu’à mesure des extinctions. Pour devenir maître, il faudrait avoir été apprenti pendant trois ans, après lesquels on était aspirant ou compagnon, faire un chef-d’oeuvre et payer 20 livres, à moins qu’on ne fût fils ou gendre de maître ; en ce cas, on été dispensé de 10 livres sur 20, du chef-d’œuvre et de l’apprentissage ; « Feront seulement une légèrent expérience », dit le statut.

Rien n’est plus propre à donner l’idée de la confusion qui régnait dans les relations économiques sous Louis XIV que la lecture des procès entre corporations. Il serait instructif, mais trop long malheureusement, de raconter en détail celui que les limonadiers soutinrent contre les épiciers et apothicaires-épiciers. Le débat alla du Parlement au Conseil royal, du Conseil au Châtelet, du Châtelet au lieutenant de police, et finalement encore au Conseil royal. Les limonadiers eurent gain de cause. Le procès n’avait duré que six ans, ce qui est court pour un procès de corporation.

Autre exemple des usages anti-économiques du temps. Il y avait dans Paris au moins deux cent cinquante personnes vendant du café, et en conséquence approvisionnées de cette denrée. Le roi, en 1672, s’avise de donner à un sieur Damaine le monopole du café, et aussi du thé, du cacao, de la vanille. Nul n’en devait vendre non seulement à Paris, mais dans toute la France, que le sieur Damaine, ou que les gens à qui il le permettrait lui-même. Ce monopole fut bientôt rétracté. Damaine, loin de s’enrichir, ne fit pas ses affaires ; il demanda lui-même d’être déchargé de la faveur qu’on avait prétendu lui faire.

Une ordonnance de police de 1685, au sujet des limonadiers, mérite d’être citée. « Les boutiques des limonadiers, dit l’ordonnance, restent ouvertes pendant toute la nuit ; elles servent maintenant de lieu d’assemblée et de retraite aux voleurs de nuit, filous et autres gens malvivants et déréglés, ce qui se fait avec d’autant plus de facilité que toutes ces boutiques et maisons sont désignées et distinguées des autres par des lanternes particulières sur la rue, qu’on y allume tous les soirs et qui servent de signal. Ordonnons, en conséquence, que les lanternes seront ôtées et les boutiques fermées après cinq heures du soir de novembre en mars, et après neuf heures de mars en octobre. »

Les limonadiers protestèrent, représentant que leur commerce n’avait presque d’activité que le soir. Sur leurs réclamations, on leur donna jusqu’à six heures en hiver et dix heures en été.

Il devait bientôt arriver pis aux membres de cette corporation. On eut, en 1704, l’idée de les supprimer et de les remplacer par des espèces de limonadiers en titre d’office, qui achèteraient leur charge au roi, bien entendu, et la transmettraient par testament ou par vente, ni plus ni moins que des notaires leurs notariats. Cent cinquante privilèges de limonadiers furent créés, et défense faite tout simplement aux anciens de tenir boutique.

Il est vrai qu’on promettait de leur rendre ce qu’ils avaient payé au trésor public pour être érigés en commerçants ; car cela coûtait toujours quelque chose. Il est non moins vrai qu’on les aurait remboursés en rentes sur l’Etat, mal payées ou qui même n’étaient pas payées du tout. Les limonadiers firent rétracter l’édit en offrant au roi 200 000 livres. Ils devaient les payer en plusieurs fois. Pour qu’ils pussent amasser cette somme, on modifia leurs statuts à l’article concernant la réception des apprentis.

images (6)Les fils de maîtres durent payer la maîtrise 300 et 500 livres, selon les cas ; les étrangers, 800 livres. Peu après, les limonadiers trouvèrent leur obligation envers le trésor royal trop lourde, et cherchèrent un prétexte à chicaner leur contrat. Les épiciers, leurs anciens ennemis, ne devaient vendre de l’eau-de-vie que par petits verres. Le client, chez eux, devait consommer debout ; or, on continuait de boire assis chez les épiciers. Les limonadiers protestaient qu’ils ne pouvaient pas achever de payer les 200 000 livres promises tant qu’on n’aurait pas détruit cet abus criant.

Le Conseil du roi répliqua en abolissant la communauté des limonadiers et en créant cinq cents privilèges que les anciens propriétaires de cafés eurent permission d’acheter. Cet état de choses dura peu. On revint, en 1713, aux anciens errements ; la communauté des limonadiers fut rétablie et subsista jusqu’à l’abolition des jurandes.

Le personnage ici figuré était un des membres les plus connus et les mieux achalandés de cette estimable corporation, au dix-huitième siècle. C’est à l’importance de sa boutique que maître Gradot, limonadier, a dû l’honneur d’être croqué, comme on le voit ici, par Bouchardon : honneur ambigu, car ce dessin n’est pas un portrait, mais une caricature.

(D’après « Le Magasin pittoresque » paru en 1867)

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Le métier de Gantiers parfumeurs

Posté par francesca7 le 26 août 2014

 

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« A Paris, dit Savary, les maîtres gantiers parfumeurs forment une communauté considérable » ; il faut ajouter : et ancienne, car leurspremiers statuts remontaient au règne de Philippe-Auguste, à 1190. Ces statuts furent rajeunis en mai 1656.

Paris était la ville, non seulement de France, mais d’Europe, où il se fabriquait le plus de gants. Après Paris venaient Vendôme, Grenoble, Avignon, Blois ; Montpellier et Grasse, qui arrivaient ensuite, en produisaient beaucoup moins. Une grande partie de ces gants, surtout des gants en peau, se consommaient dans le royaume. Le reste était emporté dans les pays du Nord. Les contrées méridionales, loin d’être un marché pour nous, faisaient concurrence à notre commerce, l’Espagne en particulier.

Au dix-septième siècle, un proverbe populaire disait qu’un gant, pour être bien fait, devait être tanné et préparé en Espagne, taillé en France et cousu en Angleterre. Mais au dix-huitième siècle les ouvriers français faisaient mentir le proverbe, et nos gants étaient préférés sous tous rapports.

On reprochait aux gants parfumés d’Espagne de sentir trop fort. Nos dames en souffraient. Les Espagnoles et les Italiennes, s’il faut en croire un assez grand nombre de voyageurs, ont toujours usé des odeurs avec une certaine indiscrétion. Les parfums les plus employés en France, comme partout, étaient le musc, l’ambre et la civette.

Les gants se portaient autrefois plus longs qu’aujourd’hui, surtout ceux des femmes. Le gant masculin avait un rebord qui couvrait parfaitement le poignet ; celui des dames montait jusqu’au coude. On se servait des mêmes peaux qui sont encore en usage, sauf que les gants en peau de buffle, de daim, de cerf, avaient alors beaucoup plus de débit : on les portait à la guerre, à la chasse, ou simplement quand on allait à cheval. Il y avait un gant de fauconnier, et que les griffes du faucon, en effet, ne pouvaient pas déchirer.

On faisait plus de gants d’étoffes, et avec une plus grande variété d’étoffes. Il y en avait de tissés en soie, en fleuret, en coton, en lin, en laine, en fil de chanvre, en poil de castor. Il y en avait en velours, en satin, en étamine, en drap, en simple toile. Ils étaient aussi plus ornés. On les brodait d’or, d’argent, de soie ; on les garnissait de rubans, de franges d’or, d’argent et de soie.

Je ne sais quand on commença à confectionner des gants de canepin, dits aussi gants en cuir de poule. Il s’en faisait assez autrefois pour l’usage des femmes durant l’été. Le prétendu cuir de poule n’était que de la peau de chevreau, ou plutôt c’était seulement l’épiderme de la peau du chevreau. Enlever cet épiderme constituait une opération assez délicate, qu’on ne réussissait qu’à Paris et à Rome. Il y avait de ces gants en canepin si minces que la paire tenait dans une coquille de noix.

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Jean Chabert

Le portrait ci-contre est celui de Jean Chabert, parfumeur à Lyon au dix-septième siècle. Il est ici représenté d’après une gravure qui formait, sans doute, le frontispice d’un livre publié par lui sur le métier, disons, pour ne pas fâcher son ombre, sur l’art de la parfumerie. Au-dessous de la gravure, on lit cette réclame :

AU JARDIN DE PROVENCE
Chez Jean Chabert, marchand parfumeur,
se font et vendent toutes sortes
de cires d’Espagne, essences, parfums,
savonnettes, et rossolis de Turin,
sur les Terreaux, à Lyon.

Ces quelques lignes sont d’autant plus précieuses que le livre de Jean Chabert, si livre il y a, nous fait défaut. Elles prouvent qu’à Lyon et à Paris l’industrie des parfumeurs, sous le même nom, n’était pas du tout la même. Ils étaient en possession de vendre, à Lyon, des objets qui à Paris leur étaient formellement interdits : le rossolis, par exemple, « ainsi nommé d’une plante qui porte ce nom et qui entrait autrefois dans sa composition ; cette liqueur est à présent composée d’eau-de-vie brûlée, de sucre et de cannelle, et de quelques parfums. Le meilleur rossolis vient de Turin, mais il y en a beaucoup de contrefait et falsifié ; il n’y entre plus de cette plante qui lui a donné son nom. » Mme de Montespan avait la passion du rossolis. Jean Chabert se fût fait à Paris, s’il y eût transporté son commerce, de graves affaires avec les limonadiers, qui avaient le privilège de vendre les liqueurs.

En revanche, il ne paraît pas que les parfumeurs de Lyon vendissent des gants, du moins cet objet n’était pas essentiel dans leur commerce, comme à Paris au dix-septième siècle.

 (D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1867)

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Chirurgiens d’autrefois

Posté par francesca7 le 26 août 2014

 

(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1881)

 
 
images (4)Dans l’ancienne France, la chirurgie fut presque toujours séparée de la médecine ; ce ne fut que fort tard que l’on comprit que ces deux arts ne formaient qu’une seule et même science et que le médecin et le chirurgien ne pouvaient guère exercer l’un sans l’autre

Car si le médecin peut, à la rigueur, se dispenser de connaître à fond la pratique des opérations les plus compliquées, il n’en doit pas moins connaître l’anatomie ; et s’il n’est pas nécessaire au chirurgien de pouvoir reconnaître les symptômes et suivre la marche de toutes les maladies, du moins doit-il avoir une connaissance assez approfondie de la médecine pour savoir quand une opération est nécessaire et en prévoir toutes les conséquences.

Cela n’était pas aussi clair pour les gens du Moyen Age, surtout pour les médecins, qui redoutèrent toujours la concurrence des chirurgiens et réussirent à les maintenir dans une situation inférieure jusqu’au dix-huitième siècle. Si, à l’époque de la Renaissance, les chirurgiens parvinrent à secouer un moment le joug de la Faculté, ce ne fut que pour un temps ; et les Ambroise Paré et les Rondelet, qui d’ailleurs étaient aussi médecins, une fois disparus, la chirurgie retomba sous le despotisme de leurs rivaux.

Les plus anciens statuts de la corporation des chirurgiens sont de la fin du treizième siècle, du moins ceux des chirurgiens de Paris ; et nous ne pensons pas qu’il y en ait de beaucoup plus anciens pour les autres parties de la France. Il ne semble même pas qu’avant cette époque ils aient formé une association régulière, car nous voyons le prévôt de Paris désigner six d’entre eux qui, sous le nom de « jurés », devaient choisir ceux qui seraient jugés capables d’exercer leur art, et écarter soigneusement tous ceux dont l’ignorance était un danger pour le public.

Ces premiers statuts ne nous apprennent que très peu de chose ; ils contiennent cependant une disposition remarquable, maintes fois remise en vigueur par la suite, et même au XIXesiècle ; nous voulons parler de l’obligation pour les chirurgiens de faire une déclaration au prévôt chaque fois qu’ils soignaient un blessé, moyen assez simple de surveiller « les murtriers ou larrons qui sunt bleciez ou blècent autrui. »

Dès le commencement du XIVe siècle, la corporation des chirurgiens était complètement organisée. Elle était doublée d’une école. Le candidat était examiné par les maîtres chirurgiens, convoqués à cet effet par le premier chirurgien du roi, qui était le chef de l’association ; une ordonnance du mois de novembre 1311 nous le prouve assez clairement ; mais une de ses dispositions nous indique non moins clairement que, malgré toutes les peines édictées contre eux, de nombreux charlatans pratiquaient la médecine. Ils étaient passibles d’amendes, voire même de peines corporelles, et leurs enseignes devaient être brûlées.

Ce qui ne contribua pas peu à maintenir les chirurgiens dans une position inférieure fut le titre de « barbiers »  qu’ils portèrent jusqu’au XVIIIesiècle, à la grande joie des médecins. Les mêmes individus qui pansaient les plaies et remettaient les membres se réservaient aussi le privilège de prendre soin de la barbe de leurs concitoyens. Jaloux de conserver cette attribution, ils soutinrent et perdirent plus d’un procès contre la corporation des barbiers barbants, qui se forma au commencement du XVIIesiècle.

Dans presque toute la France, saint Côme et saint Damien se partageaient le patronage de la confrérie. A Paris, elle se réunissait dans l’église de ce nom ; à Rouen, dans l’église des Carmes. Dans cette dernière ville, nous trouvons un troisième patron, saint Lambert.

Les examens des chirurgiens consistaient surtout en épreuves pratiques. A Beaune, par exemple, l’ouvrier est tenu de rester quatre jours dans la boutique de chaque maître « et d’y faire ung fer de lancete bien tranchant, bien poignant, pour bien doulcement et seurement seigner tous lieux que l’on doibt seigner sur corps d’homme et de femme. » A Bordeaux, où la corporation était dirigée par quatre jurés élus annuellement, les épreuves portaient sur la botanique, la saignée, la composition des emplâtres et onguents, l’usage des ventouses, etc.

Les statuts faisaient défense à tout chirurgien de nuire à ses confrères. Ils ne pouvaient être deux pour soigner le même malade, à moins que ce ne fût d’un consentement mutuel ; règlement fort bien entendu au point de vue de l’intérêt des praticiens, mais qui pouvait mettre le malade à la merci d’un chirurgien incapable et ignorant, sans qu’il lui fût permis de réclamer les soins d’un autre plus habile.

La chirurgie fut florissante surtout à l’époque de la Renaissance, époque à laquelle beaucoup de chirurgiens pratiquèrent aussi la médecine. Mais les opérations étant en somme fort rares, sauf durant les guerres, les barbiers demeurèrent bientôt presque exclusivement chargés. Un tel abandon ne fit guère avancer la science : aussi, à la fin du XVIIe siècle, l’exercice de la chirurgie n’était-il plus considéré que comme un métier. Au Moyen Age, les chirurgiens avaient absorbé la corporation des barbiers ; au XVIIe siècle, la corporation des barbiers absorba les chirurgiens.

L’enseignement de la chirurgie était donc tombé très bas, quand, en 1724, on décida l’établissement de cinq démonstrateurs royaux pour enseigner la théorie et la pratique dans l’Académie de Saint-Côme. En 1731, la qualité de maître ès arts fut exigée des candidats au titre de chirurgien. Ce que voyant, les médecins intentèrent un procès ; l’Université fit de même, prétendant avoir seule le droit d’enseigner. Les chirurgiens se tirèrent cependant de ce mauvais pas en prouvant que, par leur qualité de maîtres ès arts, ils faisaient partie de l’Université, et par conséquent avaient le droit d’enseigner.

Quand à leur différend avec les médecins, ils le virent aussi terminé en leur faveur, et un arrêt du conseil d’Etat de 1750 compléta l’organisation de l’Ecole de chirurgie. On établit une école pratique de dissection ; les cours devaient durer trois ans ; au bout de ce temps, on soutenait une thèse de licence qui donnait entrée dans le collège de chirurgie. Enfin, les chirurgiens furent retirés de la dépendance de l’Université.

images (5)On voit que vers le milieu du XVIIIe siècle, les études s’étaient bien relevées. Du reste, dès 1731, l’Académie royale de chirurgie avait été fondée. Confirmée par les lettres patentes de 1748, elle fut placée, comme les autres académies, sous la direction du secrétaire de la maison du roi. A partir de cette époque, elle tint des séances régulières le jeudi de chaque semaine, et tous les ans décerna des prix aux meilleurs travaux.

L’étude de la chirurgie d’une façon suivie est donc une chose toute moderne. Personne n’ignore qu’au Moyen Age on n’avait point les éléments nécessaires ; pendant longtemps, les dissections ne purent se faire que clandestinement, et ce n’est guère qu’à partir du XIVesiècle que l’on fit sérieusement de l’anatomie.

En 1356, nous apprenons qu’on ordonna aux juges de Montpellier de donner tous les ans le cadavre d’un condamné à la Faculté de médecine : ce n’était guère. Aussi, au XVIe siècle, les étudiants ne se faisaient pas faute de dérober des cadavres pour se livrer à l’étude de l’anatomie.

 

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Amboise : la face cachée

Posté par francesca7 le 26 août 2014

 

(Responsable : Château Royal d’Amboise)

 

 

Avant 1579

Avant 1579

 
 
Le château d’Amboise n’avait pas encore livré tous ses secrets : depuis 2010, une partie de ses souterrains et l’intérieur majestueux de l’étonnante Tour des Minimes sont enfin ouverts aux visiteurs

L’occasion rêvée de se laisser surprendre par les parties médiévales de l’un des joyaux Renaissance du Val de Loire, inscrit sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial de l’Unesco, avec cette incursion mystérieuse dans les coulisses de l’Histoire. Mais attention ! Sur les 400 000 visiteurs annuels du Château, seuls quelques milliers auront ce privilège…Visites exceptionnelles, du 1er avril au 26 septembre 2011. Places limitées, réservations conseillées.

Rendez-vous au pied des remparts 
C’est avec une bonne paire de chaussures et une excitation d’enfant que le petit groupe retrouve son guide pour cette aventure hors du commun. Une grosse clef est glissée dans une vieille serrure, et c’est parti pour une heure d’exploration commentée. Gravir des escaliers, longer des couloirs, parcourir des salles, pousser de vieilles portes grinçantes, pour terminer – cerise sur le gâteau – dans un lieu extraordinaire, voilà ce qui attend les visiteurs des Coulisses de l’Histoire.

Ce parcours inattendu, mis en place récemment par l’équipe du château, commence par l’ascension de l’escalier en chêne et en tommettes de la Tour Garçonnet érigée au XVe siècle sur l’ordre de Louis XI, et qui servait d’accès entre le bas de la ville et la forteresse royale.

Dans la peau d’un garde royal 
La prochaine étape plonge le visiteur dans le quotidien des gardes royaux : on traverse d’abord ce qui fut leur salle à manger, la Salle des Lys, puis on parcourt une partie du chemin de ronde qui permet une grande bouffée d’air : il y a d’ici une vue imprenable sur la Loire et les douves du château. Retour en intérieur : voici les salles des dépôts lapidaires, où l’on découvre notamment une ancienne lucarne, le moule du tympan de la chapelle représentant Charles VIII et Anne de Bretagne et différents bustes du roi Louis-Philippe et de la reine Marie-Amélie.

Tour des Minimes : quand ingénieux rime avec majestueux 
La silhouette imposante de la Tour des Minimes se dégage de forteresse royale. Elle domine de 40 mètres la Loire. Mais en pénétrant à l’intérieur de cet ouvrage, on est saisi par ce chef d’oeuvre d’architecture. C’est le clou de cette visite exceptionnelle : après quelques souterrains labyrinthiques, on se retrouve au fond d’un superbe puits de lumière aux allures de cathédrale. Telle une lanterne géante, la Tour des Minimes laisse entrer la lumière en son coeur par de multiples ouvertures qui mettent en valeur le côté solennel des voûtes en croisées d’ogives.

Cette tour cavalière est surtout un exemple d’innovation de la fin du XVe siècle : une rampe d’accès en colimaçon permet ainsi aux attelages de petite taille et de taille moyenne (la largeur est de trois mètres) de passer de la ville au château. Plusieurs invités de marque y firent leur entrée, à l’exemple de l’Empereur Charles Quint en 1539. Quand les rois de France abandonnent le château à la fin du XVIe siècle, la tour est convertie en lieu de détention comme en attestent les nombreux graffitis.

                                                                                                800px-Amboise03

Epilogue 
Et voilà la terrasse et la fin du parcours. Un dernier conseil du guide : avant un retour trop brutal dans le XXIe siècle, un passage dans les jardins méditerranéens servira de douce transition pour clore en méditant ce beau voyage dans le temps…

Renseignements et réservations : 
Château Royal d’Amboise BP 371 F-37 403 Amboise Cedex
Tél : 02.47.57.00.98 / Mail : contact@chateau-amboise.com / Web : www.chateau-amboise.com
Visite guidée d’une heure en français pour visiteurs individuels en bonne condition physique, à partir de 7 ans. Constitution d’un groupe d’individuels sur place (de 18 visiteurs au maximum).
Du 1er avril au 30 juin les vendredis, samedis et dimanches à 17h00.
Du 1er juillet au 31 août tous les jours à 17h00.
Du 3 au 26 septembre* les vendredis, samedis et dimanches à 16h30. *sauf Journées du Patrimoine.

Réservation vivement recommandée sur www.chateau-amboise.com
Tarifs des visites souterraines : adulte 14,5 €, étudiant 13 € et enfant (7 à 14 ans) 11 €.
Ce tarif donne accès au château et aux jardins avant ou après la visite.
Contacts Presse : M2RP, Muriel Roudaut et Anne-Hélène Guillemet
T : 09 75 63 78 16 ou 33/(0)2 47 93 44 53 / www.m2rp.com / e-mail : muriel@m2rp.com ; anne-helene@m2rp.com

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A la mort de Vauban

Posté par francesca7 le 25 août 2014

DERNIERS JOURS ET MORT DE VAUBAN.

 

téléchargement (16)Ce fut en 1707, que Vauban publia et présenta au Roi le livre de la Dîme royale. Le grand homme était déjà vu, par la cour et l’entourage du monarque, d’un œil jaloux et défiant. Il passait presque pour un réformateur dangereux. Il avait à plusieurs reprises émis certaines idées de réforme qui avaient vivement déplu. Il avait demandé la conscription par le tirage au sort, l’uniformité des poids et mesures, la rédaction et réunion en un seul livre des différentes coutumes, pour en faire la loi commune à tous ; ce n’était ni plus ni moins, comme on le voit, que le résumé de tous les grands progrès qu’a réalisés la Révolution de 89.

Le ministre Louvois avait voulu le détourner de cette voie, qu’il considérait comme funeste et dangereuse pour « l’ordre moral » du temps; et dans un moment d’irritation, il avait osé écrire à celui qui portait le nom de Vauban, une étrange lettre dont voici un passage :

« … Quant au mémoire que je vous renvoie, lui écrivait le ministre de la guerre, afin que vous puissiez le supprimer aussi bien que la minute, que vous en avez faite, je vous dirai que si vous n’étiez pas plus habile en fortification que le contenu en votre mémoire donne lieu de croire que vous l’êtes sur les matières dont il traite, vous ne seriez pas digne de servir le roi de Narsingue, qui, de son vivant, eut un ingénieur qui ne savait ni lire, ni écrire, ni dessiner. S’il m’était permis d’écrire, sur une pareille matière, je vous ferais honte d’avoir pensé ce que vous avez mis par écrit; et comme je ne vous ai jamais vu vous tromper aussi lourdement qu’il parait que vous l’avez fait par ce mémoire, j’ai jugé que l’air de Bazoches vous avait bouché l’esprit, et qu’il était à propos de ne vous y guère laisser demeurer. »

On pouvait prévoir, dès lors, l’accueil qui attendait le livre de la Dîme royale. Il fut accueilli, en haut lieu, par un immense cri de colère et d’indignation. Contrôleurs généraux, intendants de province, officiers de finances, leurs commis, leurs secrétaires, leurs protégés, enfin toute cette armée de déprédateurs dont le nombre, suivant l’expression du vieux maréchal a « était suffisant pour remplir les galères du roi,» tout cela se voyait dévoilé et ruiné par l’apparition de ce livre vengeur.

« Ce ne fut pas merveille, ajoute Saint-Simon, si le roi investi, prévenu par les nombreux intéressés reçut très mal le maréchal lorsqu’il lui présenta son livre. Dès ce moment ses services, sa capacité militaire, unique en son genre, ses vertus disparurent aux yeux de Louis. Il ne vit plus en lui qu’un insensé pour l’amour du bien public, un criminel qui attentait à l’autorité de ses ministres, et par conséquent à la sienne. »

Par ordonnance du 14 février 1707, le livre de la Dîme royale fut saisi, confisqué et condamné au pilori, et à être brûlé de la main du bourreau.

téléchargement (17)Le malheureux maréchal, dit Saint-Simon, porté dans tous les cœurs français, ne put survivre aux bonnes grâces de son maître, pour qui il avait tout fait, et mourut, peu de mois après, ne voyant personne, consumé de douleur et d’une affliction que rien ne put adoucir, et à laquelle le roi fut insensible jusqu’à ne pas faire semblant s’apercevoir qu’il eût perdu un serviteur si utile et si illustre. Il n’en fut pas moins, célébré par toute l’Europe et par les ennemis mêmes, ni moins regretté en France de tout ce qui n’était pas financier ou suppôt de financier.

Telle fut la fin triste et cruelle du grand Vauban, de celui qui  personnifie, nous, pouvons le dire, la gloire la plus pure de notre histoire nationale. Victime de l’ingratitude, de la vanité et de la sottise de Louis XIV, il est mort, comme dit Saint-Simon « porté dans le cœur du peuple » qui ne séparera jamais de l’admiration qu’il a conservée pour le grand homme, la reconnaissance qu’il porte à celui qui fut le premier et restera, l’un des plus ardents défenseurs de ses droits et de ses libertés.

 

SOURCE : texte signé : EM. G.   Almanach Historique et Statistique de l’Yonne- édition de l’année 1874- 

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VAUBAN et la dîme royale

Posté par francesca7 le 25 août 2014


- VAUBAN, ÉCONOMISTE. -

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Avant de parler des ouvrages si étonnants et si considérables, qui ont valu à Vauban d’être, nommé le précurseur des idées modernes, le premier des économistes français et le plus honnête homme du royaume, il est bon de donner en quelques mots, et par de simples et courtes citations, une idée de ce qu’était la France sous le règne si vanté de celui qu’on a appelé le grand roi.

Voici une ordonnance, en date du 24 mai, qui suffit à établir comment le souverain tout puissant entendait l’exercice de la liberté de la pensée et de la liberté religieuse.

« Louis, etc …..

« Ordonnons, voulons et nous plait que, si aucun de nos sujets de l’un ou de l’autre sexe qui auront fait abjuration, et qui, venant à tomber malades, refuseront de recevoir les sacrements de l’Eglise, leur procès leur sera fait et parfait, et, en cas qu’ils recouvrent la santé, les hommes condamnés aux galères avec confiscation de biens, et les femmes et filles à l’amende honorable avec confiscation, et à être enfermées. Et en cas qu’ils en décèdent, que le procès sera fait aux cadavres et leurs biens confisqués.

« Car tel est notre plaisir.      « LOUIS. »

Il n’y a pas, croyons-nous, de commentaires à ajouter. Passons à un autre ordre d’idées, et voyons dans quel état vivait, ou plutôt mourait tous les jours, le peuple qui avait le bonheur d’être gouverné par le grand roi.

Voici d’abord ce que Vauban lui-même écrivait en l’an de grâce 1698 :

« La vie errante que je mène depuis quarante ans et plus m’ayant donné occasion de voir plusieurs fois et plusieurs façons la plus grande partie des provinces de ce royaume…. j’ai souvent eu occasion de donner carrière à mes réflexions et de remarquer le bon et le mauvais des pays…

… Il est certain que le mal est poussé à l’excès, et que, si on n’y remédie, le peuple tombera dans une extrémité dont il ne se relèvera jamais, les grands chemins de la campagne et les rues des villes et des bourgs étant pleines de mendiants que la faim et la nudité chassent de chez eux.

« Par toutes les recherches que j’ai pu faire depuis plusieurs années que je m’y applique, j’ai fort bien remarqué que, dans ces derniers temps, près de la dixième partie du peuple est réduite à la mendicité, et mendie effectivement ; que, des neuf autres parties, Il y en a cinq qui ne sont pas en état de faire l’aumône à celle-là parce qu’eux-mêmes sont réduits, à très peu de chose près, à cette malheureuse condition; que des quatre autres parties qui restent, les trois autres sont fort malaisées et embarrassées de dettes et de procès ; et que, dans la dixième, où je mets tous les gens d’épée, de robes, ecclésiastiques et laïques, toute la noblesse haute, la noblesse distinguée et les gens en charge militaire et civile, les bons marchands, les bourgeois rentés et les plus accommodés, on ne peut pas compter sur cent mille familles et je ne croirais pas mentir quand je dirais qu’il n’y en a pas dix mille, petites ou grandes, qu’on puisse dire fort à leur aise; et qui en ôterait les gens d’affaires, leurs alliés et adhérents couverts et découverts et ceux que le roi soutient par ses bienfaits, quelques marchands, etc…., je m’assure que le reste serait en petit nombre. »

Est-ce à dire que par la sensibilité de son âme, et à cause de celle amour insensée qu’il ressentait pour le peuple, et que lui reprocha si brutalement l’amant des Montespan et des Maintenon, est-ce à dire que Vauban s’exagérait les malheurs et la misère du peuple ? Pour ceux qui le penseraient nous prenons dans une pièce officielle, judiciaire du temps, un arrêt du conseil du roi, rendu contre le fermier général Temple, en l’année  1700, les ligues suivantes :

« …Il y a beaucoup de gens en Bourgogne qui ne consomment aucuns sels… La pauvreté où ils sont de n’avoir pas de quoi acheter non pas du blé ni de l’orge, mais de l’avoine pour vivre, les oblige à se nourrir d’herbe et même de périr de faim… »

Et ce passage d’un sermon de Massillon prononcé devant cette Cour, dans le cœur de laquelle la dépravation, l’amour du luxe et des plaisirs ne laissait, aucune place aux sentiments de compassion et d’humanité, devant cette Cour qui restait froide et inattentive en entendant les paroles qu’on va lire, et qui ne comprenait pas qu’elles s’élevaient non comme un cri de pitié, mais comme un cri de justice et de vengeance.

« Les villes et les campagnes sont frappées de calamités. Les hommes créés à l’image de Dieu, et rachetés de son sang broutent l’herbe comme des animaux, et dans leur nécessité extrême vont chercher, à travers les champs, une nourriture que la terre n’a pas faite pour l’homme, et qui devient pour eux une nourriture de mort. »

On en était venu, dit M. Etienne Flandin, dans le travail si remarquable et si complet, qu’il a publié sur Vauban, et que nous avons plus d’une fois consulté pour cette notice, on en était venu, en effet, dans les provinces, à faire du pain avec des fougères triturées, et réduites en pâte. Bientôt l’on traita de même l’asphodèle, la racine d’arum, le chiendent, le chou-navet, Les pauvres gens du plat pays se mirent à ronger l’écorce des arbres.

Les grandes routes n’étaient couvertes que de mendiants. Plus d’une fois on se vit dans la triste nécessité de les repousser à coups de fusil. Et pourtant suivant la parole de Louis XIV à Madame de Maintenon : « un roi fait l’aumône en dépensant beaucoup. »

Rappelons  enfin ces lignes de La Bruyère qui a défini ainsi le paysan français, tel qu’on le rencontrait à la fin du XVIIè siècle, toujours sous la grande monarchie :

« On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés par le soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent avec une opiniâtreté invincible; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet, ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. »

Tel était le lamentable état de choses, auquel Vauban voulut porter remède, par l’établissement d’un impôt unique, destiné à remplacer tous les autres. Voyons, en quelques mots en quoi consistait, et comment se percevait l’impôt, à l’époque où paru le livre de la Dîme royale.

Le premier et le plus ancien des impôts était celui de la taille. Suivant les provinces, la taille était réelle ou personnelle. Dans le premier cas, elle se basait sur l’estimation des terrains ; dans le second, elle portait sur tous les biens de la personne; de toute façon, elle était absolument arbitraire, essentiellement variable. « La taille, dit Vauban, est devenue arbitraire, corruptible, et en toute manière accablante à un point qui ne se peut exprimer. La taille réelle est moins sujette à corruption, il faut l’avouer, mais elle n’en est pas exempte, soit par le défaut des arpenteurs, ou par celui des estimateurs qui peuvent être corrompus, intéressés ou ignorants. »

Le recouvrement de cet impôt se faisait de la façon la plus odieuse. Le collecteur était suivi de garnisaires et d’huissiers dont le pays était inondé, et qui dépouillaient impitoyablement les pauvres gens.

On ne respectait rien dans ces misérables intérieurs; ni le linge, ni le lit, ni dans le pauvre mobilier, les objets les plus nécessaires à l’existence et aux besoins de tous les jours. « Il est même assez ordinaire, nous dit Vauban, de pousser les exécutions jusqu’à dépendre les portes des maisons, après avoir vendu ce qui était dedans; et on a vu démolir des maisons pour en tirer les poutres, les solives et les planches, qui ont été vendues cinq ou six fois moins qu’elles ne valaient en déduction de la taille. »

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La taille, bien entendu, ne frappait que les biens de roture et les roturiers.            

Voilà pourtant ce qui se passait dans  ces temps à jamais maudits, dans ce siècle qu’on a surnommé le grand siècle, sous le règne tant célébré de ce monarque qu’on a presque déifié, du fameux et trois fois illustre Roi-Soleil !

Le second des impôts était celui des aides. Il frappait les denrées, le vin, la bière, les liqueurs. Il était perçu par toute une armée de recors et d’employés, qui jour et nuit, vexaient et traquaient le menu peuple. « On est forcé, dit Vauban, de leur ouvrir la porte autant de fois qu’ils le souhaitent, et si un malheureux, pour la subsistance de sa famille, d’un muid de cidre ou de poiré en fait trois, en y ajoutant les deux tiers d’eau, comme il se pratique très souvent, il est en risque non seulement de tout perdre, mais encore de payer une grosse amende, et il est bien heureux quand il en est quitte pour payer l’eau qu’il boit. »

 Venait le troisième impôt, celui de la gabelle, ou impôt sur le sel, dont les ordonnances royales rendaient la consommation obligatoire. Chaque personne, âgée de sept ans, était tenue d’acheter, chaque année, sept livres de sel au grenier du roi, pour le seul usage du pot et salière. C’était ce qu’on appelait du nom comique, s’il n’était odieux, de sel du devoir. Il ne pouvait servir aux grosses salaisons, qui nécessitaient de nouvelles acquisitions.

Il y avait encore un quatrième impôt, celui des douanes intérieures qui frappait les produits et marchandises, d’une façon tellement exagérée et vexatoire, qu’on avait, pour ainsi dire, renoncé à les faire circuler.

« On a trouvé, dit Vauban, tant d’inventions pour surprendre les gens et pouvoir confisquer les marchandises, que le propriétaire et le paysan aiment mieux laisser périr leurs denrées chez eux que de les transporter avec tant de risques et si peu de profit. De sorte qu’il y a des denrées qui sont à très grand marché sur le lieu, et qui se vendraient chèrement et se débiteraient très bien à dix, vingt et trente lieues de là, où elles sont nécessaires, qu’on laisse perdre parce qu’on n’ose se hasarder de les transporter. »

C’est en présence de cet état de choses que se trouvait Vauban, vers la fin dit XVIIIè siècle, lorsque déjà vieux, après quarante années de combats et de gloire, couvert de blessures, il voulut consacrer les derniers jours d’une vie déjà si belle et si illustre à la défense des opprimés, de ceux qui souffrent, des pauvres gens; et rarement leur cause fut défendue avec autant de hardiesse et de chaleur d’âme.

La Dîme royale supprime d’ un seul coup taille, aides, douanes, gabelle, etc., etc… « tous ces impôts que le système féodal avait accumulé sur les populations rurales en faveur des nobles et des prêtres oisifs. »

Elle fait disparaître en même temps le privilège injuste et barbare qui permettait aux classes dites supérieures de ne pas contribuer aux charges de l’Etat.

Vauban demande que toutes les personnes qui habitent le Royaume supportent les charges publiques, en proportion de leurs revenus, sans distinction de classes. Il réclame l’égalité de tous les Français devant l’impôt, en proposant de créer une Dîme royale.

L’impôt unique proposé par Vauban repose sur une double base:

1.         La propriété foncière et immobilière. On lève un dixième, quinzième ou vingtième des revenus, suivant les lieux et les circonstances ;

2.         On prélève une certaine somme sur les revenus du commerce et de l’industrie.

Puis, viennent quelques impôts complémentaires, tels que ceux que Vauban propose d’établir sur les titres de noblesse, sur la dorure des habits, sur les pierreries, sur les objets de luxe, etc., etc…

La conclusion est que l’adoption du système proposé diminuerait de plus de moitié les charges qui pesaient sur le peuple, et que les revenus de l’État se trouveraient considérablement augmentés.

Ce simple aperçu peut donner une idée du progrès immense que Vauban tenta de faire accomplir à une société, dont les classes dirigeantes d’alors ne purent ou ne voulurent pas le comprendre.

Chaque ligne de son livre admirable porte l’empreinte d’un amour profond de la vérité, de la justice, de l’humanité. Et en terminant cet aperçu trop incomplet, mais que nous ne saurions développer sans sortir de notre cadre, nous ne pouvons résister au désir de citer ces lignes si belles et si touchantes que Vauban a écrites en tête de son livre :

« Je me sens encore obligé d’honneur et de conscience de représenter à Sa Majesté qu’il m’a paru que de tout temps on n’avait pas eu assez d’égard en France pour le menu peuple, et qu’on en avait fait trop peu de cas; aussi c’est la partie la plus ruinée et la plus misérable du royaume; c’est elle, cependant, qui est la plus considérable par son nombre et par les services réels et effectifs qu’elle lui rend car c’est elle qui porte toutes les charges, qui a toujours le plus souffert, et qui souffre encore le plus; et c’est sur elle aussi que tombe toute la diminution des hommes qui arrive dans le royaume. Voici ce que l’application que je me suis donnée pour apprendre jusqu’où cela pourrait aller, m’en a découvert.

C’est la partie basse du peuple qui, par son travail et son commerce, et par ce qu’elle paye au roi l’enrichit et tout son royaume; c’est elle qui fournit tous les soldats et matelots de ses armées de terre et de mer, et grand nombre d’officiers, tous les marchands et les petits officiers de judicature ; c’est elle qui exerce et qui remplit tous les arts et métiers; c’est  elle qui fait tout le commerce et les manufactures de ce royaume, qui fournit tous les laboureurs, vignerons et manœuvriers de la campagne, qui garde et nourrit les bestiaux, qui sème les blés et les recueille; qui façonne les vignes et fait le vin; et pour achever de le dire en peu de mots, c’est elle qui fait tous les gros et menus ouvrages de la campagne et des villes.

Voilà en quoi consiste cette partie du peuple si utile, et si méprisée qui a tant souffert, et qui souffre tant de l’heure que j’écris ceci. Un peut espérer que l’établissement de la Dîme royale pourra réparer tout cela en moins de quinze années de temps, et remettre le royaume dans une abondance parfaite d’hommes et de biens ; car quand les peuples ne seront pas si oppressés, ils se marieront plus hardiment, ils se vêtiront et se nourriront mieux ; leurs enfants seront plus robustes et mieux élevés; ils prendront un plus grand soin de leurs affaires; enfin ils travailleront avec plus de force et de courage, quand ils verront que la principale partie du profit qu’ils y feront leur demeurera. »

Pour penser ces choses, au temps de Vauban, il fallait une grande intelligence et un grand cœur. Il fallait un courage, peut-être plus grand encore pour les écrire. Ce qui en advint, en fournit la preuve.

 SOURCE : texte signé : EM. G.   Almanach Historique et Statistique de l’Yonne- édition de l’année 1874- 

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LE MARÉCHAL VAUBAN

Posté par francesca7 le 25 août 2014

 

 
 

 

SA NAISSANCE. SA FAMILLE.

Vauban, avec sa cicatrice ronde sur la joue gauche due à un coup de mousquet reçu lors du siège de Douai[1]. Tableau attribué à Hyacinthe Rigaud.Sébastien Le Prestre de Vauban naquit à Saint-Léger-de-Fourcheret, arrondissement d’Avallon (Yonne), le 15 mai de l’an 1633. Sa famille, du nom de Le Prestre était d’origine nivernaise, et possédait dans la paroisse de Bazoches, en Morvan nivernais, la petite seigneurie de Vauban, dont elle avait pris le nom. Voici, tel qu’il existe sur les registres de la commune, le texte de l’acte de baptême de ce grand homme :

« Le quinzième mai mil six cent trente trois, a esté baptisé Sébastien, fils d’Albin Le Prestre escuyer, et de dame Edmée Corminolt. Le parrain a été maistre Sébastien Clavin, prestre, curé de Cordois; la marraine Judith d’Ehain ; en présence de Georges Bierry. Signé : Clavin, Bierry et Orillard, curé. »

Le père de Vauban, qui n’était qu’un cadet, s’était ruiné dans le service, où il avait laissé le peu de fortune qu’il avait: et la situation très modeste de sa femme n’était pas de nature à modifier cet état de choses. Il y a quelques années, la maison qui vit naître Sébastien Le Prestre était encore à peu près telle qu’elle fût au XVIIe siècle. Elle est aujourd’hui transformée en grange par de regrettables travaux de maçonnerie qui lui ont enlevé tout caractère d’ancienneté. Elle fait face à une petite cour, et se trouve vers l’extrémité de la rue que suit le chemin de Quarré-les-Tombes.. Tel est le berceau de celui qui, plus tard, aimait à se dire le plus pauvre gentilhomme de France. On comprend que, dans de pareilles conditions, l’instruction qu’il reçut fut loin d’être brillante. Elle se borna à quelques notions d’arithmétique, de géométrie, ou plutôt d arpentage. Et c’est avec ce léger bagage, que le jeune Sébastien, ayant atteint sa dix-septième année, et obéissant à je ne sais quelle impulsion secrète et impérieuse, quitta un beau matin sa famille et son pays, traversa à pied une partie de la France et alla prendre du service dans le régiment de Condé qui se trouvait en ce moment sur la frontière des Pays  Bas.

 

CAMPAGNES ET TRAVAUX MILITAIRES

 

illus_bazoches023On était, à cette époque, au beau milieu des troubles de la Fronde. Le prince de Condé, déjà chef d’une faction puissante, négociait, avec l’Espagne, cette fameuse alliance, qui devait en faire, pour la couronne de France, un rebelle si redoutable. C’est dans ce parti que Vauban fit ses premières armes. Il se distingua fort dans l’exécution des fortifications de Clermont en Argonne, et, dès lors, sentit se révéler en lui ces immenses talents, qui devaient en faire un jour le plus célèbre ingénieur que les armées françaises aient produit jusqu’à présent, et que les étrangers nous envient encore, sans avoir pu l’égaler. Dans cette même année (1652), il prit une part active au  de Sainte-Menehould et s’y distingua par une action d’éclat, en passant une rivière à la nage, sous le feu de  l’ennemi. C’est de ce jour que commence, pour Vauban, cette célébrité qui ne fit que grandir sans cesse, pendant sa vie, comme après sa mort, et a fait, de son nom, l’un des plus glorieux des annales militaires.

L’année suivante, en 1653, après avoir brillamment servi, et reçu sa première blessure, dans la campagne qui s’était engagée, il tomba dans une embuscade de l’armée royale, et fut fait prisonnier. Voici en quels termes, un historien fort estimé, M. Camille Rousset rend compte de cet incident, qui, en même temps qu’il montra toute la fière énergie de cette âme d’élite, prouva en quelle haute estime le jeune volontaire de la Fronde était tenu par ses adversaires

« Un jour que Vauban était parti avec trois de ses camarades, ils tombèrent inopinément dans une patrouille de l’armée royale. Ses camarades déjà pris et lui tout prêt de l’être il trouva moyen de se jeter dans un chemin creux, et quand les royaux qui le poursuivaient s’y furent engagés à la file, tout à coup il tourna la tête, les arrêta court, et, tenant en joue leur chef, qui était un lieutenant du régiment de Sainte-Maure, il fit sa capitulation, à savoir qu’il ne serait ni maltraité, ni dépouillé, ni même démonté, de sorte qu’il entra dans le camp royal à cheval, en complet équipage et avec tous les honneurs de là guerre.

L’aventure fit du bruit ; on sut bientôt que le cavalier si avisé n’était autre que le hardi nageur de Saïnte-Menehould. Spirituel et brave, un soldat a deux fois sa réputation faite …»

Mandé par Mazarin, auprès de qui sa réputation était déjà parvenue, Vauban eut avec le cardinal un long entretien, à la suite duquel il fut engagé au service du roi, et envoyé, sous les ordres du plus célèbre ingénieur du temps, le chevalier de Clerville, au second  de Sainte-Menehould, qui fut reprise par les troupes royales, et dont Vauban fut chargé de faire réparer les fortifications.

Les travaux qu’il exécuta, à cette époque, le mirent d’emblée au premier rang des ingénieurs militaires. Dans les années suivantes, il dirigea les s de Stenay, Clermont, Landrecy, Condé, Saint-Guillain et Valenciennes. Dangereusement blessé, devant cette dernière ville, et à Stenay, il n’en continua pas moins de servir et, peu de temps après, il recevait, au  de Montmédy, trois blessures qui mirent ses jours en danger. «  Comme la gazette en parla, dit Fontenelle dans son Eloge de Vauban, on apprit dans son pays ce qu’il était devenu ; car, depuis six ans, qu’il en était parti, il n’y était point retourné et n’avait écrit à personne, et ce fut là la seule manière dont il donna de ses nouvelles. »

Ces brillants succès, qui furent accueillis dans toute la France par un sentiment de surprise et d’admiration, valurent à Vauban le commandement en chef dans les attaques des places de Graveline, d’Ypres, et d’Oudenarde. Il fut occupé, après la paix des Pyrénées, à démolir ou à construire des places, puis, dans la guerre de 1667, il eut la conduite de tous les sièges, que le roi fit en personne, reçut, au  de Donav, un coup de mousquet à la joue, dont il porta toujours la marque glorieuse, que l’habile sculpteur à qui l’on doit la statue de Vauban, à Avallon, a voulu reproduire dans le bronze. En 1668, nous trouvons Vauban occupé à fortifier les places de la Franche Comté, de Flandre et d’Artois. Il est nommé gouverneur de la citadelle de Lille qu’il venait de construire; puis emploie les courts loisirs que lui laisse le traité de paix d’ Aix-la-Chapelle, à achever les fortifications de Flandre, d’Artois, de Provence, de Roussillon et va même jusqu’en Piémont, avec Louvois, pour donner au duc de Savoie des plans et des dessins pour Verue, Verceil et Turin.

Survint la guerre de 1672. Elle ne fut pour Vauban qu’une suite d’actions d’éclat, ou de triomphes dus à son incomparable science d’ingénieur. Le plus célèbre de tous les s qu’il dirigea est incontestablement celui de Maëstricht, en 1673. Ce fut là, dit Fontenelle, qu’il commença à se servir d’une Méthode singulière pour l’attaque des places, qu’il avait imaginée par une longue suite de réflexions et qu’il a depuis toujours pratiquée. Il fit changer de face à cette partie si importante de la guerre. Les fameuses parallèles et les places d’armes parurent au jour. Depuis ce temps, il a toujours inventé sur ce sujet, tantôt les cavaliers de tranchée, tantôt les batteries à ricochet, et il avait porté son art à une telle perfection que, le plus souvent, ce qu’on n’aurait jamais osé espérer devant les places les mieux défendues, il ne perdait pas plus de monde que les assiégés.

« C’était là, ajoute l’auteur que nous venons de citer, c’était là son but principal, la conservation des hommes. Non seulement l’intérêt de la guerre, mais son humanité naturelle les lui rendait chers. Il leur sacrifiait toujours l’éclat d’une conquête plus prompte, et une gloire assez capable de séduire ; et, ce qui est encore plus difficile, quelquefois, il résistait en leur faveur à l’impatience des généraux, et s’exposait aux redoutables discours du courtisan oisif. »

  On ne saurait faire un plus grand éloge de celui qui a été un homme de guerre illustre entre tous. Et ces témoignages de l’histoire donneront toujours à la grandeur de Vauban, un caractère et une élévation tels, que si l’on peut dire que si elle n’a pas encore été atteinte, elle ne sera certainement jamais dépassée.

 Pendant la durée de la paix de Nimègue, Vauban fit le fameux port de Dunkerque, qui est considéré comme son chef d’œuvre, fortifia Strasbourg et Casai, et accomplit d’immenses travaux pour la navigation intérieure.

En 1688, la guerre s’étant rallumée, il fait les sièges de Philisbourg, de Manheim et de Frankendal, prend la place de Mons, en 1691, et l’année suivante devant Namur, conduit le siége de telle sorte, dit un historien du temps, « qu’il prit la place en trente jours de tranchée ouverte, et n’y perdit que 800 hommes, quoiqu’il s’y fut fait cinq actions de vigueur très  considérables ».

Comment suivre, dans les quelques lignes d’une notice biographique, cette existence si remplie, dont chaque jour se compte, pour ainsi dire, par une page glorieuse dans l’histoire ? Mentionnons encore le siége de Charleroy en 1693, la défense de la Basse-Bretagne en 1694 et 1695, le  d’Ath, en 1697, et enfin, le dernier  qu’il conduisit, en 1703, celui du Vieux Brissach, place considérable, qui fut réduite à capituler au bout de treize jours et demi de tranchée ouverte, et qui ne coûta pas 300 hommes.

C’est dans le cours de cette même année que Vauban avait été élevé, contre son gré, à la dignité de maréchal de France. « Ce titre, dit Fontenelle, produisit les inconvénients qu’il avait prévus. Il demeura deux ans inutile, ne pouvant être employé avec des généraux du même rang, et faisant naître des embarras contraires au bien du service. Je l’ai souvent entendu s’en plaindre; il protestait que pour l’intérêt de l’Etat, il aurait foulé aux pieds la dignité avec joie.

En ce qui touche les travaux militaires de Vauban, il nous reste à parier de ses écrits sur l’art de la guerre et des fortifications. L’œuvre qu’il a laissée est immense, admirable ; c’est une création complète en ce qui concerne les travaux d’art, l’attaque et la défense des places fortes, la discipline militaire, les campements, etc… Nous n’avons ni la compétence, ni la place nécessaire pour analyser et nous étendre davantage sur ces travaux, qui, par leur méthode et leur clarté, séduisent et attachent les esprits même les plus étrangers à cette science. Qu’il nous soit permis cependant d’insister quelque peu sur un Mémoire présenté au roi par Vauban, mémoire auquel nos derniers désastres ne donnent que malheureusement trop d’actualité.

Il est intitulé : « L’importance dont Paris est à la France  et le soin que l’on doit prendre de sa conservation. »

Vauban demande que l’on fortifie Paris, par l’exécution de travaux de défense et d’approvisionnements, tels que cette ville devienne imprenable en cas d’invasion. « Paris capitale de la France, dit-il est le vrai cœur du royaume, la mère commune des Français, et l’abrégé de la France, par qui tous les peuples de ce grand Etat subsistent, et de qui le royaume ne saurait se passer sans déchoir considérablement de sa grandeur. »

Ne dirait-on  pas que ces lignes ont été écrites de nos jours, pour servir de leçon à certains gens ? Mais continuons :

LE MARÉCHAL VAUBAN dans FONDATEURS - PATRIMOINE 170px-Conduite_des_sieges« On ne saurait, ajoute-t-il, avoir trop d’égards pour Paris, ni trop prendre de précautions pour le conserver, d’autant plus que si l’ennemi avait forcé nos frontières, battu et dissipé nos armées, et enfin pénétré le dedans du royaume ce qui est très difficile, je l’avoue, mais non pas impossible, il ne faut pas douter qu’il ne fît tous ses efforts pour se rendre maître de cette capitale, ou du moins la ruiner de fond en comble. L’usage des bombes s’est rendu si familier et si terrible dans ces derniers temps, que l’on peut le considérer comme un moyen très sûr pour la réduire à tout ce que l’ennemi voudra avec une armée assez médiocre, toutes les fois qu’il ne sera question que de se mettre à portée de la bombarder. Or, il est très visible que ce malheur serait l’un des plus grands qui peut jamais arriver à ce royaume, et que, quelque-chose que l’on fût faire pour le rétablir, il ne s’en relèverait de longtemps et peut-être jamais.

J’avoue que le zèle de la patrie et le bien de l’Etat m’y a fait souvent songer. »

 N’y a-t-il pas dans ces lignes écrites, il y a plus de deux siècles et demi, et que l’on dirait d’hier, dans ces lignes qu’on ne peut lire aujourd’hui sans une poignante émotion, n’y a-t-il pas là comme une intuition de l’avenir, comme de secrets pressentiments, qui seuls peuvent expliquer, au milieu des grandeurs et des triomphes, les tristesses et les anxiétés qui tourmentaient l’âme du grand patriote?

En même- temps qu’il trace les plans destinés à pourvoir à la sûreté de la grande ville, à la garnir de munitions de guerre et de magasins de poudre, Vauban songe à la création de cases et magasins à blé. Pour lui, l’utilité de ces établissements ne se fait pas sentir seulement pour les temps de guerre; elle existe aussi et surtout, pour les temps de paix. Ici, comme dans toutes les œuvres de Vauban, nous retrouvons la marque de sa constante sollicitude pour les pauvres. L’auteur de la Dîme royale et de tant de projets de réforme, inspirés par un profond amour du peuple, se révèle tout entier dans ces quelques ligues :

Ces précautions (emmagasinage de blé, de légumes et d avoine) seraient d’autant plus utiles que, dans les chères années, le peuple à qui l’on pourrait vendre de ces grains à un prix modique s’en trouverait soulagé, et qu’aux environs de Paris, à quarante lieues à la ronde, et le long des rivières navigables, les blés s’y vendraient toujours à un prix raisonnable, dans le temps que la grande abondance les fait donner à vil prix, à cause des remplacements à faire dans les magasins ; ainsi les fermiers seraient mieux en état de payer leurs maîtres qui perdraient moins sur leurs fermes, et le pauvre peuple se trouverait soulagé dans ses misères. »

Cette pensée si touchante, qui vient d’une façon si simple et si spontanée sous la plume de l’homme de guerre, dans le cours même d’un travail où il semblerait devoir être complètement absorbé par un ordre d’idées bien différent, cette pensée nous sert de transition toute naturelle pour passer de Vauban, grand général et grand ingénieur à Vauban, grand économiste et grand réformateur.

SOURCE : texte signé : EM. G.   Almanach Historique et Statistique de l’Yonne- édition de l’année 1874- 

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La vie rurale, au fil des jours

Posté par francesca7 le 25 août 2014

 

La guerre finie, la vie a repris peu à peu, comme avant, car il faut bien se dire que jusqu’en 1940, la vie rurale n’a pas changé. Ce ne sont pas les commodités apportées par l’emploi de la fau­cheuse ou de la batteuse qui ont modifié grand chose. Le travail restait dur et on a vécu presque dans les mêmes conditions que les grands-parents et même bien des générations avant eux.

images (22)En avant la musique

Promenons-nous dans cette campagne au pas du cheval qui tire notre carriole. Voici un village niché dans les collines au nord-ouest du chef-lieu. Figurez-vous qu’à la fin du siècle précédent, vers 1895, il y avait dans ce village un instituteur pas­sionné de musique, bon instrumentiste, et qui avait su faire par­tager sa passion à beaucoup de jeunes, et même de moins jeunes, du pays. Il avait réussi à créer une fanfare qui compre­nait une quarantaine d’exécutants. Cette fanfare cessa en 1914, mais reprit la guerre finie, jusqu’en 1928.

Ce groupe de musiciens animait le pays ; l’hiver, on montait des pièces de théâtre, l’été on donnait des concerts…

Voici, justement, un de ces anciens musiciens. Écoutons-le.

« J’avais quinze ans à la fin de la guerre de 14. Un de mes oncles qui, comme mon père, avait eu la chance d’en revenir, m’a appris la musique. Il jouait du cornet à piston et je l’ai fait, moi aussi.

« Je me souviens même que lorsqu’il fallait déplacer la bat­teuse, tenez, dans le hameau que vous apercevez là, et qui est fort pentu, on se mettait à vingt-deux bonshommes qui tiraient la corde… et l’oncle, pour les encourager, marchait devant en jouant du piston !

Dans ce hameau, poursuit-il, habitaient mes grands-parents du côté de ma mère. Ils avaient une petite bricole, avec un âne, deux vaches que la grand-mère menait aux champs le long des chemins tout en tricotant à quatre aiguilles, des chaussettes ou des mitaines. Le grand-père était tisserand. Il tissait de la toile de chanvre, surtout, parce que tout le monde cultivait un coin de chanvre pour cela.

Ils avaient eu une seule fille : ma mère. Avant son mariage, ma mère allait en journée, travailler chez les uns les autres, à la vigne, aux asperges, dans les champs…

Une épidémie terrible

Mes grands-parents sont morts tous les deux en 1911, de l’épi­démie de dysenterie qui a causé bien des morts dans la contrée. Figurez-vous qu’un gars du bourg qui faisait son service dans les dragons était tombé malade de cette dysenterie. Il s’en était tiré à grand peine, à ce qu’on disait. Il était venu en convales­cence à la fin de l’été, au pays. Il paraît qu’un cousin de ma mère avait bu dans le même verre que lui… toujours est-il que ce cousin, et bien d’autres, mes grands-parents, sont morts de cette dysenterie contre quoi les médecins ne pouvaient rien.

J’ai été pris, moi aussi, par cette épidémie. Je suis resté au lit trente-trois jours. Un jeune médecin qui était ouvert aux méthodes nouvelles avait trouvé un remède. Il était venu d’Auxerre à bicyclette. Ce remède, il fallait le boire mélangé à du blanc d’oeuf. En deux jours, c’était fini. Ce jeune médecin a malheureusement été tué à la guerre.

Pendant l’épidémie, le préfet avait pris des mesures pour limi­ter l’extension du mal. Il ne fallait absolument pas quitter le pays ; tout déplacement était formellement interdit. Les gen­darmes, à cheval, faisaient le contrôle – léger, quand même – sur les routes.

Ensuite, on a fait dans toutes les maisons une désinfection générale. Ça a duré près d’une semaine. »

Il s’agissait sans doute, en cette année 1911, d’une espèce de typhoïde, avant-coureur de cette maladie qui fit tant de morts quelques années plus tard avec l’épidémie généralisée connue sous le nom de « grippe espagnole ».

Le marché à Auxerre…

Chaque semaine, le lundi, on allait au marché d’Auxerre vendre nos produits. Chacun y retrouvait ses « pratiques ». On vendait beurre, fromages, fruits, légumes selon la saison, et aussi volailles et lapins.

« J’accompagnais ma mère, nous explique un vieux voisin. J’attelais le cheval avant jour. On chargeait la carriole, et en route ! Le cheval trottait à peu près les deux tiers du chemin ; le reste, on le faisait au pas car les côtes sont rudes. Une fois, c’était la semaine avant Noël, on avait amené deux petits sacs de châtaignes. Voilà, tout au début du marché, une dame, bien arrangée et fiérotte, qui se présente : je voudrais des châtaignes cueillies et non ramassées, qu’elle dit. Je fais un clin d’oeil à ma mère et je réponds : il y en a dans le sac d’à côté, c’est des cueillies, mais elles coûtent le double ! Et l’affaire a été faite. Après, ma mère m’a disputé. Mais je lui ai dit que s’il y avait des gens bêtes et riches, il fallait en profiter. »

images (23)A midi passé, le marché se terminait. On allait déjeuner rue d’Egleny, explique 1e rescapé de la typhoïde de 1911, à l’hôtel de la Renommée. On demandait soit une portion soit une demi­portion selon son appétit. On nous servait du ragoût avec des légumes, un morceau de fromage, un morceau de tarte, et une chopine. Le repas coûtait 2 ou 3 francs. »

Puis on faisait les commissions et on prenait le chemin du retour.

… et au village

Jusqu’à la guerre de 1914, dans bien des villages se tenait un marché le dimanche matin. Y venaient des marchands de volailles, beurre, oeufs ou légumes. Ils ramassaient ainsi la pro­duction de ceux qui n’avaient pas vendu en ville ou ne pou­vaient y aller. Ils étaient équipés de grandes carrioles montées sur ressorts. Ils dételaient sur la place, et les gens leur appor­taient, dans leur brouette bien souvent, ce qu’ils avaient à vendre. Certains de ces marchands vendaient un peu de mer­cerie. Le boulanger d’un village attelait son chien à une toute petite carriole que le charron lui avait faite tout exprès, et il venait sur la place vendre la pâtisserie.

Un ancien jeune gourmand se souvient : « avec une pièce de deux sous, en bronze, on avait deux allumettes », deux gâteaux longs et feuilletés : pour dix centimes, donc.

Les artisans

Dans tous les bourgs ou à peu près, on trouvait tous les corps de métier indispensables à la vie rurale : boulanger, boucher, épicier, voilà pour la nourriture. On n’allait que de temps en temps chez le boucher, quant à l’épicerie on s’y approvisionnait surtout en sucre, café, épices et allumettes. L’huile, on la faisait à l’huilerie avec les noix ou la navette. A l’huilerie, on avait un litre d’huile pour trois litres de noix.

On allait chez le bourrelier pour les harnais. Quand on avait un nouveau cheval, on lui amenait pour qu’il prenne les mesures afin d’ajuster le collier. Il y avait aussi les métiers du fer, de la pierre et du bois : forgeron, maréchal-ferrant, maçon, char­pentier-couvreur, menuisier, charron, tonnelier. Outre les ton­neaux, cuves et autres seilles en bois, le tonnelier fabriquait aussi les garde-genoux, ces espèces de caisses dans le fond des­quelles on mettait de la paille, et que les femmes utilisaient au lavoir.

Pour se vêtir et se chausser, le tisserand vous fabriquait des tissus d’une solidité éprouvée, et les cordonniers et sabotiers se chargeaient de vous mettre les pieds au sec et à l’aise.

La plupart du temps on était en sabots, les chaussures étaient réservées aux grandes occasions de la vie, c’est-à-dire les céré­monies religieuses et familiales.

Ajoutez à tout ce monde un ou deux rouliers, les spécialistes des transports, et vous aurez un aperçu assez complet de la vie artisanale rurale d’avant la guerre de 1914.

Pardon ! J’oubliais de mentionner l’auberge où passants et rouliers faisaient halte volontiers.

« Chez nous, mon grand-père qui était tisserand, a fabriqué aussi jusqu’à la fin de sa vie les guides et les cordeaux pour les attelées de chevaux »… après lui, on achetait les cordeaux et les longes à vaches, sur la foire au chef-lieu de canton.

La vie aux champs

images (24)Du matin à la nuit, on travaillait aux champs, à la vigne, au bois, selon l’urgence et les saisons. Certaines productions, plus délicates, plus fragiles, demandaient des soins particuliers. Ainsi en était-il pour les asperges. De bon matin, panier au bras et gouge à asperges en main, on allait prendre la pousse de la nuit. Il convenait de mettre la cueillette en bottes de 2 ou 3 kg, en les plaçant dans un moule en bois. Pour protéger les pointes des asperges qui sont si tendres, mais fragiles, on mettait une poignée d’herbe fraîche. On rassemblait toutes les bottes dans des paniers en osier et, tous les deux jours, on livrait à la gare de Chemilly où le marchand les embarquait en wagons pour Paris.

Dans cet arc de terre sablonneuse qui met comme un accent circonflexe sur la partie nord d’Auxerre, avant 1914, la produc­tion d’asperges était très importante.

On faisait ses griffes d’asperges soi-même, et on les exploitait de dix à douze ans avant de les renouveler.

Souvent, pour les gros travaux, les petits paysans qui n’avaient qu’un cheval s’entraidaient. On attelait à deux bêtes, sur la charrue, l’une à côté de l’autre ; pour les charrois l’une devant l’autre. Tombereaux, voitures gerbières étaient les élé­ments usuels des équipages de transport. Car, dans une exploi­tation agricole, on n’a jamais fini de transporter, de la ferme aux champs, des champs vers les bâtiments, des bâtiments au mar­ché… Non, ce n’est jamais fini.

Quand on avait réussi à économiser suffisamment, on se fai­sait faire une carriole légère ou un quatre-roues qu’on appelait aussi char-à-bancs.

En 1911, un charron spécialisé d’Auxerre vous faisait un quatre-roues avec sièges en cuir, auto-vireur pour le train avant, boîtes d’essieux en cuivre à votre nom, lanternes et capote de cuir, pour mille francs-or. Voilà qui aujourd’hui représenterait une belle somme. Je crois volontiers que l’on pourrait traduire cette équivalence par un de ces véhicules qu’on dit être « bas de gamme », disons une 2 chevaux camionnette.

On attelait un cheval léger, bon trotteur et c’était un vrai plai­sir d’aller au marché, ou tout simplement rendre visite à sa parenté en pareil équipage.

Et puis, pour le reste des outils ou instruments de travail, les artisans vous les fabriquaient sur place, au pays.

Le maréchal, en deux soirées, vous faisait une rouelleuse ou décavaillonneuse pour la vigne qui ne devait rien à personne en solidité, finesse des mancherons, équilibre du versoir. Le char­ron montait des roues qu’on cerclait au feu ; c’était une vraie cérémonie les jours de cerclage de roues… et chaque artisan dans son domaine propre vous réalisait des merveilles de savoir-faire et de goût des belles choses.

Je parle ici des gens de nos pays de petites cultures diversi­fiées qui, vers 1900, avaient tous des chevaux. Mais je sais bien qu’en d’autres contrées où les boeufs étaient encore liés pour les labours ou les charrois, il était plus d’un maître charron qui vous taillait un joug à la mesure de vos bêtes, avec un souci de per­fection sans pareil.

Oui, tous ces gens-là, nos vieux artisans, étaient des artistes. Artiste aussi était le cultivateur qui, au labour, arrêtait ses che­vaux lorsqu’il voyait un brin de chiendent, l’arrachait soigneuse­ment, le secouait pour enlever la terre, et le mettait dans la poche de son gilet de toile. Ne souriez pas. J’ai connu cela et je garantis que les quatre ou cinq arpents de l’exploitation étaient tenus «comme un jardin ».

Les mesures agraires

Puisque je parle de surfaces, permettez que je vous dise com­ment on évaluait alors les territoires cultivés par chacun, dans l’Auxerrois du moins, car il y avait des variantes selon les contrées.

La plus petite mesure agraire, le carreau, valait 50 centiares. Venait ensuite la denrée, qui valait 16 carreaux, c’est-à-dire 8 ares.

Passons au quartier avec 12,72 ares, puis au demi-arpent qui en est à peu près le double, avec 25 ares ; enfin, voici l’arpent qui vaut 50 ares.

Pour en finir avec les chiffres dont je ne saurais abuser, j’ajou­terai simplement que l’on comptait pour semer six mesures de grain à l’arpent. Quant à la vigne, une rangée se nommait géné­ralement une perchée (bien qu’en d’autres lieux la perchée se rapporte à la perche qui vaut un quart d’arpent). Laissons là ces mesures que le système métrique est venu unifier précisément à la fin du XlXe siècle.

Je ne peux cependant m’empêcher d’apporter une dernière précision qui n’échappera pas aux vignerons, en rappelant qu’on taillait les pessiaux à 1,40 m.

Puisque nous parlons de vigne, continuons notre promenade à travers les jeunes plantations qui ont succédé à cette terrible désertification viticole amenée par le phylloxera. Les vignerons des grandes zones viticoles du département, qu’ils soient de Saint-­Bris, Chitry, Irancy, Coulanges ou du Chablisien, savent perti­nemment de quels cépages sont faits leurs vignobles. Mais ce petit pays de l’Auxerrois dont les anciens m’ont rappelé les temps « du siècle » s’est replanté en Gamay ; c’est pratiquement le seul cépage qui fut mis en place à cette époque. Je ne vous parlerai pas des travaux de culture de la vigne, qui sont suffi­samment connus. Peu de choses ont changé, au fond. Les traite­ments, plus rares alors, se faisaient manuellement.

Et le vin se vendait bien, dans cette contrée où les ouvriers qui tiraient l’ocre à quelques heures de marche, avaient souvent la gorge desséchée par la poussière de la mine.

Ces mêmes mineurs, et les compagnons scieurs de long que nous avons déjà rencontré dans les coupes, étaient aussi consommateurs d’eau-de-vie. Ils disaient que rien au monde ne pouvait égaler la goutte pour vous récurer la gorge encrassée de sciure ou d’ocre et, ma foi, je leur fais toute confiance sur ce point.

Les coteaux bien exposés au sud étaient aussi garnis de ver­gers. On récoltait les fruits pour l’hiver, on séchait sur claie, au four à demi refroidi, des pruneaux si bons pour le ventre, et on faisait du cidre pour la boisson courante. Le vin était vendu « pour faire des sous », il ne s’en buvait que le dimanche ou pour une grande occasion. On buvait aussi couramment de la piquette, cette « eau rougie » obtenue par un repiquage très mouillé de la vendange au pressoir.

Les autres cultures

On cultivait du trèfle violet, du trèfle incarnat, du sainfoin, de la luzerne. La première coupe de trèfle violet était fanée et engrangée pour nourrir les chevaux, de même que le sainfoin. Les autres plantes avec le foin de pré quand c’était le cas, ser­vaient à nourrir les vaches.

Nous parlerons des bêtes un peu plus tard. Mais les céréales, direz-vous ! Nous y arrivons.

A tout seigneur, tout honneur, voici le blé, dans les variétés telles que « Bon fermier », « Inversable de Bordeaux », « Saumur », « Blé bleu » dont la paille en fin d’épiaison avait des reflets bleus avant de virer au blanc, et aussi « Alsace » ou « Hybride du tré­sor » très lourd de grain et à paille raide.

En bonne année on récoltait de 8 à 10 quintaux l’arpent, ce qui faisait en bonnes terres à peu près 20 quintaux l’hectare. L’avoine et l’orge faisaient un bon quart de moins. On ne labou­rait pas bien profond avec les chevaux et on ne mettait pas d’engrais. L’assolement comportait blé, avoine et orge, suivis de légumineuses ou pommes de terre et betteraves.

Revenons un instant à ces cultures de légumineuses, notam­ment de trèfle, pour signaler que la graine de trèfle (trèfle de 2e coupe pour le violet) était vendue pour faire de l’huile à des marchands qui la chargeaient à la ferme dans leurs grandes voi­tures à cheval.

On cultivait aux champs la plus grosse partie des légumes nécessaires à la famille, et aussi pour vendre au marché du chef-lieu. Les variétés de pommes de terre se nommaient « Chardon blanc », « Chardon rouge », « Richter », « Bleue de Pologne », « Arly rose » et « Wotman » cette dernière réservée à l’engraissement des cochons.

On rentrait les pommes de terre en partie à la cave et surtout dans un coin de la grange où l’on protégeait le tas contre la gelée avec de la paille.

Au printemps, on refaisait du plant en prélevant dans le tas. On ne connaissait pas le doryphore à cette époque.

Dans les jardins, on se contentait de protéger la levée des petits semis contre les fourmis, avec de la cendre de bois.

Des soins pour tous

images (25)Les gens se soignaient tout seuls. C’était rare quand on allait chercher le médecin.

Il venait avec son cheval attelé à une voiture légère, une sorte de tilbury. Dans le coffre de la voiture, sous le siège, le médecin avait sa trousse et des médicaments du genre onguents pour les douleurs musculaires.

Mais, je le répète, pour les arias de la vie courante, on se passait de lui. Les vertus du grog étaient aussi pratiquées que connues. Pour les maux de gorge, on prenait une infusion de feuilles de ronce sucrée avec du miel. Les queues de cerise remédiaient aux ennuis de vessie, les pruneaux relâchaient le ventre cependant que le cassis en infusion soit par la feuille soit par le bois, l’hiver, vous le raffermissait. Les plaies se soignaient avec application de vin très sucré suivie d’un pansement recouvrant une feuille de géranium placée directement sur l’épiderme coupé. Pour les fou­lures et entorses intervenait la racine de « l’herbe à la foulure », en quelque sorte le bouillon-blanc, bien connu pour ses vertus émol­lientes. On écrasait la racine et on mélangeait avec un soupçon de saindoux, on appliquait sur la partie malade.

Mais arrêtons là une énumération que je ne donne qu’à titre d’exemple et dont la poursuite serait vite fastidieuse.

L’on savait aussi soigner les bêtes à partir des principes recon­nus aux plantes de l’entourage régional et transmis d’une géné­ration à l’autre depuis des temps très anciens.

Mais on devait pourtant quelquefois faire appel au vétéri­naire. Il venait à cheval en 1900, les sacoches de sa selle d’armes contenant les médicaments essentiels, d’ailleurs assez peu nom­breux.

Les bêtes

Le cheval tenant dans la vie et dans ce propos la place que l’on sait, je n’évoque ici que les autres animaux de nos fermes.

Dans toutes les exploitations, on entretenait au moins deux ou trois vaches. Elles broutaient l’herbe au bord des chemins, allaient au pré là où il y en avait, passaient en pâture sous bonne garde sur les prés communaux ou sur les repousses des vieilles luzernes. En hiver, en plus de foin et de paille, elles recevaient des betteraves grattées, nettoyées, passées au coupe-racines, mélangées aux balles conservées après les battages.

Et puis, il y avait la basse-cour, avec le cochon acheté au mar­chand, engraissé à la farine et aux pommes de terre mélangées à l’eau de vaisselle et aux résidus de laiterie ; on ajoutait aussi du chou-rave dans la pâtée du cochon parce que cela donnait bon goût à la viande.

Poules, dindes, pintades, canards composaient l’effectif de la volaille. Tout ce monde était nourri au grain, aux pâtées de pommes de terre, son et orties hachées. Les poussins et les din­donneaux étaient démarrés à la trempée de pain au lait, les petits pintadeaux au petit grain cassé et les petits canards à la pâtée aux oeufs durs écrasés et orties hachées.

Les enfants avaient fort à faire pour chasser la buse vorace qui faisait régner la terreur sur les couvées fraîches écloses, décri­vant dans le ciel de grands cercles sans même s’aider d’un coup d’aile et ponctuant son parcours de cris stridents annonciateurs de raids meurtriers.

Les dindes nous donnaient un mal de chien pour les retrou­ver, loin de la ferme, égrenant leurs petits dans les hautes herbes des prés… Quant aux pintades qui d’un coup d’aile gagnaient le faîte du toit et vous narguaient en chantant « tout craque, tout craque… », il fallait être particulièrement rusé et attentif pour trouver au creux des haies l’endroit où elles cachaient leur nid.

Au milieu de la cour, accueillant avec les gens de connais­sance, hargneux contre tout ce qui portait l’uniforme : gen­darmes, facteur, garde-champêtre, voici le chien qui sait tout faire : avertir, mordre, repousser, ramener les bêtes qui s’écar­tent… et chasser tout gibier sans rien demander à personne.

Le village

Église, mairie, école, tels sont les trois points d’ancrage de la communauté villageoise.

images (26)Mais pour que les choses se déroulent avec ordre et mesure, il est nécessaire que certains soient investis d’un pouvoir qui les rend gardiens de cette harmonie communautaire. Errer est humain disaient les anciens romains qui s’y connaissaient en matière de discipline. Pour empêcher ces errances donc, venus du chef-lieu de canton sur leurs chevaux, les gendarmes pas­sent de temps en temps, font une petite visite au maire et s’en vont. Et il y a le représentant permanent de la loi – c’est écrit sur la plaque de cuivre qu’il porte sur la poitrine – dans la com­mune : le garde-champêtre.

Participant de la vie rurale au rythme des saisons, il adapte cette espèce de morale civique dont il est le garant, en fonction du temps et de la nature.

Parcourant le territoire communal à pied, il connaît le moindre recoin de chemin creux, les passages de sangliers, comme les coulées de garennes dans les épines. Ce faisant, il a, comme on dit, des kilomètres dans les jambes.

A la Saint Jean d’été – le 24 juin – il prenait son fusil et, s’il voyait une volaille dans les champs, gare à elle! On enfermait les volailles, en effet, depuis la Saint Jean jusqu’après les vendanges.

Ainsi donc, si le garde-champêtre tuait une poule, il la rap­portait à son propriétaire qui devait donner 5 centimes pour la cartouche, sinon il emportait la poule et la vendait à son profit.

Les enfants, dès lors, redoublaient de vigilance à la garde du troupeau de dindes que l’on emmenait aux champs après mois­son, mais à qui il fallait interdire de manger noix ou raisins.

La maison

Au terme de cette promenade à travers la commune, c’est la maison qui nous attire encore et c’est vers elle que nous reve­nons.

Entrons donc, puisqu’on nous y invite.

La patronne est en train d’écosser des petits pois. Elle se hâte car, cueillis le matin même, ils devront être mis dans les bou­teilles, bouchés, cachetés, étuvés, avant le soir ; sinon, une fer­mentation se développe et la conserve est fichue. La lessiveuse attend, avec des chiffons pour caler les bouteilles afin qu’elles ne cassent pas pendant l’ébullition.

A Noël, pour accompagner une grillade du cochon tué depuis quelques jours, ce sera un régal de pouvoir ouvrir une bouteille de petits pois !

Elle va, tout en travaillant, nous apprendre une nouvelle bizarre : voilà que, depuis ce matin, chez la voisine, la cheminée n’arrête pas de fumer dans la maison. Ça n’est jamais arrivé. Le grand père, questionné, l’a confirmé : cette cheminée n’a jamais manqué de tirage. Et pourtant, en se penchant sous le manteau de l’âtre, on voit le ciel, tout naturellement. Rien, apparemment, ne bouche la cheminée.

Que se passe-t-il donc ?

« Ce soir, j’enverrai le gamin demander au garde de venir voir », a dit la voisine. Cette décision, pleine de sagesse, a reçu l’assentiment général.

 

Source : de Guy MARQUET – Les harnais de l’oubli – Témoignage
(116 pages – Prix de vente 14€50) aux Éditions de l’Armançon – Rue de l’Hotel-de Ville – 21390 Précy-sous-Thil

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Il n’y a pas de si beau visage qui n’enlaidisse

Posté par francesca7 le 24 août 2014

Traduction de

L’expression : « Il n’y a pas de si belle rose qui ne devienne gratte-cul« 

 

images (13)Semblable à la rose, la plus belle des fleurs, dont la fraîcheur est passagère, la beauté perd son plus vif incarnat, et le temps, ce destructeur cruel, efface ses appâts, y substitue les rides et la pâleur.

On nomme gratte-cul le fruit de l’églantier, et le bouton qui reste après que la rose a perdu ses feuilles. Les anciens ornaient de roses les statues de Vénus et de Flore ; de Vénus, parce qu’elle est la plus belle des déesses ; de Flore, parce que la rose est la plus riante et la plus riche de ses productions. Ils s’en couronnaient souvent dans leurs festins : Et rosa canos adorati capillos. (Horace)

Ils la regardaient comme le symbole de la mollesse et de la volupté. Ovide prétend que les premières roses furent blanches, et qu’elles doivent ce tendre incarnat au sang d’Adonis. Cette ingénieuse fiction n’a point été admise par tous les mythologues ; quelques-uns ont prétendu que Vénus, en volant au secours d’Adonis, ne sentit ni les pointes des rochers ni les ronces qui la déchiraient. Les rosiers épineux furent teints, disent-ils, de ce sang vermeil ; quelques gouttes jaillirent sur les roses, et ces fleurs, qui primitivement étaient blanches, conservèrent, depuis cet accident, la couleur du sang de Vénus. Demoustier écrit :

Je crois, en la voyant (la rose) briller sur votre cœur,
Voir le sang de Vénus retourner à sa source.

La mythologie nous apprend que l’Amour fit présent à Harpocrate, dieu du silence, d’une belle rose, fleur que l’on n’avait encore jamais vue, afin qu’il ne découvrît point ses tours d’espièglerie. De là est venue la coutume de suspendre une rose au plafond des appartements où les familles se réunissaient, afin que la discrétion, représentée par la rose, devînt la sûreté et la garantie de tous les entretiens ; c’est ce qui a fait naître cette expression : Nous sommes sous la rose, c’est-à-dire, en un lieu sûr ; nous pouvons causer librement.

Chez les anciens, une rose dont les feuilles étaient éparpillées était l’emblème du trépas, et pour peindre la courte durée de notre existence, ils la comparaient à celle de cette fleur. Malherbe a bien saisi cette allégorie, lorsqu’il décrit la mort de la fille de Duperier, son ami :

Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.

Aglaé, la plus jeune des Grâces, était représentée chez les Grecs avec un bouton de rose à la main, comme l’attribut de la jeunesse et de la beauté. Nos aïeux nommaient chaperon de roses, un don léger qu’on faisait aux nouvelles mariées. Ainsi, relativement à un mariage peu fortuné, lorsqu’on demande ce qu’un père donne à sa fille, et lorsqu’on veut répondre qu’il donne peu, on dit proverbialement qu’il lui donne un chapeau de roses.

Rose

En Allemagne, une jeune personne qui avait perdu la plus belle rose de son chapeau, fleur que les hommes prisent tant, était forcée, le jour de ses noces, de porter une couronne de roses rouges, en place d’une autre de roses blanches ou de myrte. On trouve une allusion maligne à cette perte irréparable dans la fable suivante :

La rose rouge et la rose blanche.

Que vous êtes pâle, ma sœur,
Disait la rose rouge à sa sœur rose blanche ;
Pardonnez-moi d’être si franche,
Votre teint blême me fait peur.
— C’est la candeur de l’innocence ;
Vous, pour rougir ainsi, ma sœur,
Vous avez vos raisons, je pense.
— Mes raisons ? Du bel Adonis,
Du favori de Cythérée,
C’est le sang qui m’a colorée :
J’éclate, et vos traits sont ternis.
— Cependant, d’une vierge pure
J’embellis encor la pudeur,
J’éclate aussi, mais de blancheur.

Les anciens ceignaient de roses blanches le front des vierges et des vestales. La rose blanche est l’attribut des jeunes personnes qui sortent de l’enfance ; on dit alors au figuré, c’est une rose ; on dit également, c’est un bouton de rose. La rose est encore l’emblème de la première heure du jour. En Turquie, on sculpte une rose sur le tombeau des jeunes vierges, comme symbole de leur pudeur et de leur modestie. A Rome, le jour appelé Dominica in rosa, les papes bénissaient des roses qu’ils envoyaient, comme une marque de distinction, à quelques princesses de l’Europe.

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