Une Bretagne de mégalithes
Posté par francesca7 le 31 août 2014
Ces monuments de pierre brute ont été à la source d’une inépuisable série de légendes et d’interprétations. La potion magique de nos irréductibles Gaulois n’est néanmoins pas responsable de toutes ces pierres levées qui ne cessent de nous intriguer par leur aspect colossal.
Une constellation de pierres levées
Que sait-on au juste de cette mystérieuse civilisation des mégalithes qui a atteint son apogée dans le pays vannetais bien avant qu’Obélix ne devienne le plus illustre des tailleurs de menhirs
On dénombre en Bretagne quelque 6 000 menhirs et plus de 1 000 dolmens, sans compter les cairns, comme celui de Barnenez dans la baie de Morlaix, et les dépôts funéraires (la Table des Marchands à Locmariaquer).
Les cairns sont apparus au néolithique ancien (vers 5 000 av. J.-C.). Géographiquement cantonnés au littoral, ces assemblages de dolmens prennent des formes variées, tantôt agencés en coude, en transept, en V ou en simple couloir comme à Gavrinis. Au cours du néolithique moyen (vers 4 000 av. J.-C.), les chambres funéraires se sont allongées et ont progressivement changé de type architectural tout en se dotant d’un art pariétal très riche. À la fin du néolithique, elles évoluèrent en allées couvertes (comme celles de la Roche-aux-Fées ou de Gavrinis), parallèlement à l’apparition de sépultures à entrée latérale. À la différence des cairns, menhirs et dolmens, les allées couvertes se répartissent sur l’ensemble de la Bretagne.
Les constructeurs
L’homme est présent en Bretagne depuis quelque 600 000 ans. À l’ Homo erectus qui domestique le feu vers 450 000 av. J.-C. succède, vers 35 000 av. J.-C., l’homme « moderne », chasseur-cueilleur nomade qui se sédentarise progressivement. Vers 7 000 av. J.-C., les agriculteurs du Proche-Orient colonisent l’Europe. Vers 5 000 av. J.-C., l’océan Atlantique stoppe net leur progression. Arrivés à la fin de la terre (Finistère), ils vont remplacer les communautés locales et prendre possession du sol. Et voici que, pour enterrer leurs morts, ils élèvent des mégalithes, des « grandes pierres ».
Face à ces témoignages du passé, l’homme et la femme d’aujourd’hui ne peuvent manquer d’être impressionnés par leur masse, leur aspect cyclopéen. En effet, un mégalithe peut peser plus de 300 t. Le déplacer nécessitait donc le concours de plusieurs centaines de personnes. Soit on faisait rouler la pierre sur des rondins (jusqu’à 10 km), soit on la plaçait sur un radeau pour descendre la rivière ou traverser la baie. Pour la dresser, on la faisait glisser dans une fosse sur une rampe inclinée, puis on la stabilisait avec de la terre et des cailloux. Et le tour était joué !
Religion et société
Il va de soi que seul un pouvoir politiquement fort avait la faculté d’« inviter » ses sujets à construire des tombes gigantesques pour une petite élite. Un pouvoir fort et des divinités puissantes. Au néolithique, il s’agit de la femme et du taureau. La femme est présente sous forme d’écussons ou de stèles anthropomorphes, le taureau n’est bien souvent représenté que par un simple U figurant ses cornes.
Les mégalithes avaient une fonction funéraire et de prestige. Placés sur des hauteurs, taillés dans des roches nobles, ils étaient visibles de loin. Ces symboles des divinités tutélaires veillaient sur les villages et structuraient le territoire. Les alignements paraissent orientés en fonction des équinoxes ou des solstices, mais il serait imprudent de se laisser aller à des théories astronomiques hasardeuses. On peut supposer que, dans une société d’agriculteurs, les travaux étaient rythmés par des cérémonies, comme ce fut le cas chez nous jusque dans les années 1950.
Survivances et folklore
Nombre de légendes se sont attachées à expliquer les mégalithes, de même qu’une myriade d’interprétations romantiques. Les unes et les autres ont engendré fées et farfadets sur un lit de superstitions. La réalité est plus simple.
Au 2 e millénaire, à l’âge du bronze, le mégalithisme est progressivement abandonné. À l’âge du fer, certains mégalithes sont démolis et réincorporés dans d’autres ensembles. Eh non ! Les Gaulois n’élevaient pas de menhirs, dommage pour Obélix… Les Romains, eux, s’en servaient comme bornes routières. Les Bretons ont cependant toujours éprouvé du respect pour ces grandes pierres, d’où un culte païen qui a survécu à tous les efforts d’une Église oscillant sans cesse entre destruction et tentative de récupération ; de nombreux menhirs sont ainsi christianisés, comme ceux de Brignogan-Plages par exemple.
Des légendes pittoresques sont nées au cours des siècles. Ne dit-on pas que le soir de Noël, les menhirs de Carnac vont boire sur la grève de Saint-Colomban…
Fouilles et conservation
Depuis quelques années, les sites mégalithiques de Bretagne sont victimes de leur succès. Le meilleur exemple en est Carnac . Du fait d’une forte fréquentation, des allées ont commencé à se creuser entre les blocs, déchaussant ces derniers. Pour la sécurité du public et la préservation des alignements, le site a donc été clôturé. La question se pose aujourd’hui de son devenir et de son mode d’exploitation, sachant que la décision servira sans doute de modèle à d’autres sites confrontés aux mêmes problématiques. Comme pour tous les grands sites, la question se pose de l’équilibre à maintenir entre l’ouverture au public et la préservation du patrimoine.
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