Expression : Garder pour la bonne bouche
Posté par francesca7 le 30 août 2014
C’est, au propre, garder le meilleur morceau pour la fin du repas ; au figuré, c’est réserver à quelqu’un ou un traitement plus agréable, ou une vengeance plus raffinée
Mais, comme toujours, le sens propre a précédé le sens figuré. Ainsi, ce dicton aurait une origine gastronomique ; c’est un aphorisme de gourmand. La gourmandise ayant été le premier vice de l’humanité, il est présumé que tout proverbe où il est question de bouche vient de là, et que le nôtre, par conséquent, en vient aussi.
Cependant, avec le bon plaisir des personnes qui dînent et qui digèrent bien, remarquons que ces mots, la bonne bouche, ont eu un sens plus étendu que celui dans lequel ils sont reçus aujourd’hui, et s’il est vrai que ce sens n’ait pas devancé l’autre, il a vécu jadis conjointement avec lui. Trois exemples, tirés du même écrit, confirmeront cette remarque ; nous les trouvons dans les Cent Nouvelles nouvelles :
« Et n’estoit âme qui sceust riens de leur très plaisant passe-temps, sinon une damoiselle qui servoit ceste dame, laquelle bonne bouche très longuement porta. » (XXXIXe Nouvelle)
« Et elle luy promist que s’il portoit bonne bouche, elle luy donneroit de la chair et de beuf et de mouton, assez pour fournir son mesnaige pour toute l’année. Et l’aultre mit si secret son cas que chascun en fust adverty. » (XLe Nouvelle)
La bonne bouche, c’est ici la discrétion porter la bonne bouche, c’est être discret. C’est l’être aussi, direz-vous, que de garder pour la fin les meilleurs morceaux. D’accord. Mais ce n’est une discrétion qu’à l’égard du palais, quand les premiers morceaux l’ont émoussé ; c’est souvent une indiscrétion pour l’estomac qui reçoit ce supplément lorsqu’il est déjà repu.
« Pour faire bonne bouche, la bonne demoiselle d’ung maistre prestre s’accointa, et quoyqu’il feust subtil, (…) si fut-il rançonné de robes, de vaisselle et de aultres bagues largement. » (LCXXVIIIe Nouvelle)
Ici, nous retrouvons le sens moderne. Pour faire bonne bouche, c’est-à-dire pour couronner l’œuvre ; car il s’agit d’une malhonnête femme qui ruine et dépouille successivement un écuyer et un chevalier, et qui finit par faire subir le même traitement à un prêtre.
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